Pénal

Absence à l’audience : que risquez-vous avec un jugement par défaut ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Jugement sans comparution du défendeur : recours, délais et conséquences

Dans toute procédure civile, le respect du principe du contradictoire constitue une garantie fondamentale des droits de la défense. Pourtant, il peut arriver que le défendeur ne comparaisse pas à l’audience, volontairement ou non, et ne soit pas valablement informé de la procédure.

Dans ce cas, la juridiction peut être amenée à statuer en son absence, par ce que l’on appelle un jugement rendu par défaut. Ce type de décision, encadré rigoureusement par les dispositions du Code de procédure civile, soulève d’importants enjeux pour les justiciables : il emporte des effets immédiats, tout en restant susceptible de rétractation dans des conditions précises.

Il importe donc de bien en comprendre les contours, tant sur le plan procédural que sur celui des voies de recours.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu’est-ce qu’un jugement par défaut
  3. Les conditions du jugement par défaut
  4. Jugement par défaut, contumace et jugement réputé contradictoire
  5. Conséquences du jugement par défaut
  6. L’opposition : unique voie de recours
  7. Notification et reprise de la procédure
  8. Peut-on annuler un jugement par défaut
  9. Conclusion

Qu’est-ce qu’un jugement par défaut ?

Le jugement par défaut est une décision de justice rendue en l’absence du défendeur qui n’a pas comparu et n’a pas été cité à personne, dans une affaire insusceptible d’appel. Ce mécanisme spécifique du droit processuel civil français est encadré strictement par les articles 473 à 478 du Code de procédure civile, en raison de ses conséquences importantes sur les droits de la défense.

Loin d’être une simple formalité, cette décision est exécutoire, mais fragile, puisque le défendeur peut la contester par la voie de l’opposition. En revanche, à défaut de notification dans un délai légal, le jugement devient non avenu.

Les conditions du jugement par défaut

L’absence de comparution du défendeur

Un jugement ne peut être qualifié de rendu par défaut que si le défendeur ne comparaît pas à l’audience. Il s’agit de la première condition posée par l’article 473 alinéa 1er du Code de procédure civile, qui vise à sanctionner l’inaction de la partie assignée.

L’absence de citation à personne

La seconde condition réside dans l’absence de citation à personne, c’est-à-dire que l’acte introductif d’instance n’a pas été remis directement au défendeur. Cette exigence découle des articles 654 à 659 du Code de procédure civile, qui précisent les modalités de signification des actes par un commissaire de justice (anciennement huissier).

⚠️ Exemples jurisprudentiels :

  • Une simple lettre simple ne vaut pas citation à personne (Cass. soc., 8 janv. 1981, n° 79-41.214).
  • En revanche, une convocation verbale suivie de la signature d’un procès-verbal est suffisante (Cass. soc., 14 mai 1981, n° 79-41.855).

L’absence de recours en appel

Le jugement par défaut ne peut concerner que les affaires non susceptibles d’appel, ce qui est le cas notamment pour les litiges de moins de 5 000 euros (art. R. 211-3-24 du Code de l’organisation judiciaire).

Jugement par défaut, contumace et jugement réputé contradictoire

Il est essentiel de distinguer le jugement par défaut d’autres décisions rendues en l’absence d’une partie.

La contumace

En matière pénale, le terme équivalent est la contumace, qui s’applique lorsqu’un accusé ne comparaît pas devant une juridiction pénale, notamment dans les affaires criminelles (art. R. 192 s. du Code de procédure pénale).

Le jugement réputé contradictoire

Le jugement réputé contradictoire est une décision civile également rendue en l’absence du défendeur, mais dans des conditions différentes : soit le défendeur a été cité à personne, soit la décision est susceptible d’appel (art. 473 al. 2 et art. 437 al. 2 du Code de procédure civile).

Conséquences du jugement par défaut

Seule l’opposition est possible

L’article 476 du Code de procédure civile précise que le jugement par défaut n’est pas susceptible d’appel, mais ouvre la voie de l’opposition pour le défendeur. Ce recours vise à obtenir la rétractation du jugement et une nouvelle audience contradictoire (art. 538 et 571 CPC).

⚠️ Ce recours n’est ouvert qu’au défendeur défaillant, non au demandeur qui a obtenu satisfaction (Cass. civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-16.291).

💡 La décision rendue sur opposition, quant à elle, peut faire l’objet d’un appel (CA Montpellier, 10 févr. 2009, n° 08-869).

Le jugement devient non avenu après 6 mois

En vertu de l’article 478 du Code de procédure civile, un jugement par défaut non signifié dans un délai de 6 mois à compter de sa date est considéré comme non avenu, c’est-à-dire juridiquement inexistant.

Cette règle vise à protéger le défendeur absent, en évitant qu’une décision lui soit opposable indéfiniment sans qu’il en ait eu connaissance.

💡 Cette demande de constat de caducité n’est ouverte qu’à la partie non comparante et non citée à personne (Cass. civ. 2e, 17 mai 2018, n° 17-17.409).

L’opposition : unique voie de recours

Délai pour faire opposition

Le délai d’opposition est fixé à 1 mois à compter de la notification du jugement (art. 538 CPC). Ce délai est réduit à 15 jours lorsqu’il s’agit d’une décision rendue en matière gracieuse (art. 538 CPC et art. 25 CPC).

💡 La matière gracieuse concerne les procédures sans litige, mais nécessitant un contrôle judiciaire (ex. : changement de régime matrimonial, tutelle...).

Modalités de l’opposition

L’opposition prend la forme d’une assignation délivrée à la partie adverse, selon les formes ordinaires de l’article 55 du CPC. Elle conduit à une nouvelle audience, au cours de laquelle le défendeur peut faire valoir ses arguments et le juge réexamine l’affaire dans son intégralité.

Notification et reprise de la procédure

La signification du jugement

La notification, plus précisément la signification du jugement par défaut, est une formalité indispensable pour que celui-ci puisse produire ses effets juridiques.

Conformément à l’article 653 et suivants du Code de procédure civile, la signification doit être réalisée par un commissaire de justice (anciennement huissier), dans le respect des règles de procédure civile.

Cette formalité permet :

  • D’informer officiellement le défendeur de la décision rendue en son absence ;
  • De faire courir les délais de recours, notamment celui de l’opposition (art. 538 CPC) ;
  • De rendre exécutoire la décision, si elle n’est pas contestée dans les délais.

Sans cette signification régulière, le jugement reste inefficace et inexécutoire, même s’il a été rendu par le juge.

Reprise après caducité du jugement

Lorsque le jugement par défaut n’a pas été signifié dans un délai de six mois à compter de sa date, il est réputé non avenu en vertu de l’article 478 du Code de procédure civile.

Cela signifie qu’il est considéré comme juridiquement inexistant, sans effet ni valeur exécutoire. Cette caducité vise à protéger le défendeur absent, en évitant qu’une décision lui soit opposée sans qu’il en ait eu connaissance dans un délai raisonnable.

Cependant, ce caractère non avenu ne met pas fin à l’instance dans son ensemble. Le demandeur conserve la possibilité de reprendre la procédure, en réitérant la citation initiale, c’est-à-dire en assignant à nouveau le défendeur dans les formes prévues par la loi (art. 478 al. 2 CPC).

Cette faculté a été confirmée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation, 2e chambre civile, en date du 6 janvier 2012 (n° 10-16.289).

Il ne s’agit donc pas d’un obstacle définitif, mais d’un retour à l’étape préalable de l’instance, permettant au demandeur de relancer l’action selon les mêmes prétentions, tout en respectant les droits procéduraux du défendeur.

Peut-on « annuler » un jugement par défaut ?

En droit français, il n’est pas possible d’annuler un jugement par défaut au sens strict du terme. Le Code de procédure civile n’offre pas une action en nullité directe contre une telle décision.

Toutefois, le système juridictionnel prévoit une voie spécifique permettant de remettre en cause ce jugement : il s’agit de l’opposition, régie par l’article 476 du Code de procédure civile.

L’opposition est un recours ordinaire, ouvert uniquement à la partie défaillante, c’est-à-dire celle qui n’a pas comparu et n’a pas été citée à personne. Elle permet de faire rétracter le jugement afin qu’une nouvelle audience soit organisée devant la même juridiction.

Le juge statue alors à nouveau sur l’ensemble du litige, en présence des deux parties cette fois, ce qui rétablit le principe du contradictoire.

Pour que l’opposition soit recevable, le défendeur doit :

  • Agir dans les délais légaux, à savoir 1 mois à compter de la signification régulière du jugement (art. 538 CPC) ;
  • Justifier qu’il n’a pas été valablement cité, notamment par l’absence de signification à personne, ce qui est une condition essentielle pour la qualification de « défaut » (art. 473 CPC).

💡 La jurisprudence rappelle régulièrement que le respect des droits de la défense constitue un principe à valeur constitutionnelle, issu notamment de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’opposition joue donc un rôle essentiel dans la garantie d’un procès équitable, en assurant au justiciable la possibilité d’être entendu et de faire valoir ses moyens de défense, même a posteriori.

Ainsi, bien qu’aucune « annulation » formelle ne soit prévue, le mécanisme de l’opposition constitue en pratique une voie de réexamen complète du jugement, préservant les droits fondamentaux du défendeur absent.

Conclusion

Le jugement par défaut constitue un mécanisme exceptionnel du procès civil, permettant au juge de trancher un litige en l’absence du défendeur, sous réserve d’un strict respect des règles procédurales.

Bien que cette décision puisse produire des effets juridiques contraignants, le législateur a instauré des garanties procédurales essentielles afin d’assurer l’équilibre entre les droits des parties, au premier rang desquels figure la possibilité d’y faire opposition.

Il ne s’agit donc pas d’un dispositif figé, mais bien d’un levier de procédure soumis à des délais rigoureux, dont la méconnaissance peut entraîner la perte définitive du droit à contester la décision. Pour éviter toute atteinte aux droits de la défense, une vigilance constante s’impose à chaque étape, tant du côté du demandeur que du défendeur.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’un jugement par défaut en matière civile ?

Un jugement par défaut est une décision rendue en l’absence du défendeur, lorsque celui-ci n’a ni comparu à l’audience, ni été valablement cité à personne (art. 473 du Code de procédure civile). Il intervient uniquement dans les affaires insusceptibles d’appel, notamment les litiges inférieurs à 5 000 € ou prévus comme tels par les textes. Ce type de jugement ne signifie pas que le défendeur a perdu le procès par sa seule absence, mais que le juge statue sans débat contradictoire, à partir des éléments fournis par le demandeur.

2. Quelle est la différence entre un jugement par défaut et un jugement réputé contradictoire ?

Le jugement réputé contradictoire est rendu en l’absence du défendeur, mais dans deux situations précises :

  • Soit le défendeur a été cité à personne,
  • Soit la décision est susceptible d’appel (art. 437 al. 2 du Code de procédure civile).

Dans ces cas, bien qu’il n’y ait pas eu d’échanges à l’audience, le jugement n’est pas qualifié de « par défaut », car il existe une présomption de connaissance du litige par le défendeur. À l’inverse, le jugement par défaut suppose une absence totale de contradictoire, et seule l’opposition est ouverte comme recours.

3. Comment contester un jugement rendu par défaut ?

La seule voie de recours contre un jugement par défaut est l’opposition, régie par les articles 538 et 571 du Code de procédure civile. Elle permet au défendeur d’obtenir une nouvelle audience, au cours de laquelle le litige sera réexaminé sur le fond. Le délai pour former opposition est en principe de 1 mois à compter de la signification régulière du jugement, ou de 15 jours en matière gracieuse. L’opposition doit être formée par voie d’assignation, avec le respect des formes habituelles du procès civil. Il n’est pas possible de faire appel d’un jugement par défaut, sauf appel de la décision rendue sur opposition (CA Montpellier, 10 févr. 2009, n° 08-869).

4. Que se passe-t-il si un jugement par défaut n’est pas signifié dans les 6 mois ?

Selon l’article 478 du Code de procédure civile, un jugement par défaut non signifié dans un délai de six mois à compter de sa date est considéré comme non avenu. Il perd alors toute valeur juridique et est réputé n’avoir jamais existé. La seule condition pour invoquer cette caducité est d’être le défendeur non comparant et non cité à personne (Cass. civ. 2e, 17 mai 2018, n° 17-17.409). Dans ce cas, le demandeur peut néanmoins reprendre la procédure, à condition de réitérer la citation initiale (Cass. civ. 2e, 6 janv. 2012, n° 10-16.289).

5. Est-il possible de faire appel d’un jugement rendu par défaut ?

Non, un jugement rendu par défaut n’est pas susceptible d’appel (art. 476 du Code de procédure civile). Le seul recours ouvert au défendeur est l’opposition, à condition de respecter les délais imposés par la loi. Toutefois, si cette opposition aboutit à une nouvelle décision, celle-ci sera, elle, susceptible d’appel dans les conditions classiques. Le système procédural français garantit ainsi un équilibre entre l’autorité des décisions judiciaires et la protection des droits de la défense, en réservant à la partie absente un moyen spécifique pour faire valoir ses arguments.

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