Immobilier

Achat immobilier : quand l’agent est responsable des erreurs sur le bien

Estelle Marant
Collaboratrice
Partager

Vices cachés, erreurs de surface : quels recours contre l’agence immobilière ?

Lors de l'achat d'un bien immobilier, les caractéristiques essentielles telles que la surface habitable ou la conformité aux règles d'urbanisme jouent un rôle central dans la décision de l'acquéreur. Pourtant, il arrive parfois que ces éléments soient inexacts ou incomplets, créant un préjudice pour l'acheteur.

Dans ce contexte, la responsabilité de l’agent immobilier peut être engagée.

En tant que professionnel de l’immobilier, il a l’obligation de vérifier et de garantir l’exactitude des informations qu’il communique. Cet article explore les obligations légales et jurisprudentielles qui encadrent la responsabilité de l’agent immobilier en cas d’erreur ou de négligence, afin de mieux comprendre les recours possibles pour les acquéreurs lésés.

Sommaire

  1. Introduction
  2. L'obligation de vérification de l’agent immobilier
  3. La jurisprudence de la Cour de cassation
  4. L’indemnisation de la perte de chance
  5. Les implications pratiques pour les agents immobiliers
  6. FAQ

L’obligation de vérification de l’agent immobilier

Contrairement à l’idée reçue selon laquelle un agent immobilier n’a pas à vérifier les informations fournies par le vendeur, la jurisprudence rappelle qu’il doit agir avec diligence et professionnalisme. En tant qu’intermédiaire, l’agent immobilier est tenu de vérifier les éléments essentiels du bien qu’il propose à la vente, notamment la surface habitable.

La Cour d’appel de Colmar a jugé que l’agent immobilier engage sa responsabilité lorsqu’il se contente de reprendre des informations erronées sans procéder aux vérifications nécessaires :

« En sa qualité de professionnelle, [l’agence] devait solliciter et transcrire des informations précises et exactes sur la surface du bien cédé, qui fait partie des caractéristiques essentielles de ce bien, dans le compromis de vente auquel elle prêtait son concours » (C.A. Colmar, 14 janvier 2021, n°19/02767).

Cette obligation s’étend également aux documents relatifs au permis de construire. Si l’agent immobilier constate des incohérences ou des omissions manifestes, il doit en informer les parties et s’assurer que les documents sont conformes aux caractéristiques annoncées.

La jurisprudence de la Cour de cassation

La Cour de cassation a réaffirmé avec force l’obligation de diligence des agents immobiliers dans plusieurs décisions majeures. Ces arrêts soulignent leur rôle central dans la sécurisation des transactions immobilières et l’importance d’une vérification rigoureuse des informations essentielles au bien.

Dans un arrêt du 9 mars 2017 (n°15-29.384), la Cour a établi que l’agent immobilier engage sa responsabilité en cas d’erreur manifeste sur la surface habitable. L’affaire concernait une attestation de superficie erronée fournie par une société d’expertise.

L’agent immobilier, qui connaissait parfaitement les lieux, avait omis de signaler une incohérence manifeste dans les mesures fournies. La Cour a déclaré :

« L’agence immobilière, professionnelle de l’immobilier, qui connaissait parfaitement le local, aurait dû se rendre compte de cette erreur et demander au métreur de la rectifier. »

Ce manquement traduit une négligence incompatible avec le statut de professionnel, car il porte atteinte aux intérêts de l’acquéreur en faussant une caractéristique essentielle du bien.

Un arrêt plus récent, rendu le 2 février 2022 (n°20-18.388), vient renforcer cette jurisprudence en précisant que l’agent immobilier ne peut se retrancher derrière son absence d’expertise en matière de construction pour échapper à sa responsabilité.

Dans cette affaire, une annonce mentionnait une surface habitable de 110 m² alors que les permis de construire indiquaient une superficie bien inférieure. La Cour a relevé que l’agent immobilier avait :

  • Une parfaite connaissance des lieux et des documents disponibles.
  • Constaté une incohérence manifeste entre les permis et les caractéristiques annoncées, notamment l’absence de certaines pièces sur les plans, comme une véranda et un garage.

La Cour a jugé que ces éléments traduisaient une négligence grave, engageant directement sa responsabilité. Elle a conclu que l’agent immobilier avait commis une faute professionnelle en publiant une annonce erronée sans effectuer les vérifications nécessaires.

Ces arrêts démontrent que les agents immobiliers, en tant que professionnels de confiance, doivent non seulement collecter les informations fournies par les vendeurs, mais également les analyser et en vérifier la fiabilité. Une simple transmission passive des données, sans contrôle, constitue une faute.

En outre, la Cour de cassation a rappelé que même en présence d’un dol commis par le vendeur, l’agent immobilier demeure tenu d’indemniser l’acquéreur pour la perte de chance de négocier un prix plus bas ou de renoncer à l’achat :

« Les acquéreurs avaient perdu, par la faute de l’agent immobilier et le dol des vendeurs, la chance de négocier le bien à un prix plus bas. » (Cass, 2 février 2022, n°20-18.388).

Ces décisions marquent une volonté claire des juridictions de renforcer la responsabilité des agents immobiliers en matière de vérification, garantissant ainsi une meilleure protection des acquéreurs et la transparence des transactions immobilières.

L’indemnisation de la perte de chance

L’acquéreur qui découvre des irrégularités ou des défauts majeurs dans le bien immobilier acquis peut prétendre à une réparation financière pour la perte de chance. Ce concept juridique vise à indemniser une opportunité manquée, comme celle de négocier un prix plus avantageux ou de renoncer à l’acquisition.

Dans un arrêt clé rendu le 2 février 2022 (n°20-18.388), la Cour de cassation a statué que le manquement de l’agent immobilier, combiné à un dol commis par le vendeur, peut justifier l’octroi de dommages-intérêts au profit de l’acquéreur.

En l’espèce, les acquéreurs avaient été induits en erreur par des informations erronées sur la surface et la conformité des constructions. La Cour a souligné que :

« Les acquéreurs avaient perdu, par la faute de l’agent immobilier et le dol des vendeurs, la chance de négocier le bien à un prix plus bas. »

Ce préjudice repose sur deux points essentiels :

  1. La faute de l’agent immobilier : En tant que professionnel, il a manqué à son obligation de diligence en communiquant des informations incorrectes ou incomplètes sur le bien, notamment concernant sa surface ou sa conformité aux règles d’urbanisme.
  2. Le dol du vendeur : Les vendeurs ont volontairement omis ou falsifié des informations pour présenter le bien sous un jour plus favorable.

La perte de chance ne se limite pas à une hypothèse théorique. La Cour exige une démonstration claire du préjudice subi, par exemple, la preuve qu’une négociation aurait pu aboutir à un prix inférieur si les vices ou irrégularités avaient été connus dès le départ.

Dans cette affaire, l’indemnisation a été calculée en fonction de la valeur réelle du bien, corrigée pour refléter les irrégularités découvertes après l’achat. La Cour a fixé les dommages-intérêts à hauteur de la perte de chance, sans pour autant compenser un préjudice hypothétique ou spéculatif.

Cette jurisprudence illustre une volonté des juges de protéger les acquéreurs contre les pratiques déloyales, en renforçant les obligations des agents immobiliers et en sanctionnant sévèrement tout manquement à leurs responsabilités.

L’indemnisation pour perte de chance constitue une arme juridique essentielle pour les acheteurs lésés, leur permettant d’obtenir réparation lorsqu’ils se retrouvent dans une situation désavantageuse à cause de fautes professionnelles.

Les implications pratiques pour les agents immobiliers

La jurisprudence récente impose aux agents immobiliers une vigilance accrue dans l’exercice de leur profession. En tant que garants de la transparence et de la fiabilité des transactions immobilières, ils doivent mettre en œuvre des mesures préventives pour éviter toute erreur ou omission susceptibles d’engager leur responsabilité.

Voici les principales obligations que ces décisions leur imposent :

  1. Vérifier la surface habitable avec rigueur
    L’agent immobilier doit s’appuyer sur des documents officiels, tels que des diagnostics réalisés par des professionnels certifiés, ou sur des mesurages conformes aux normes en vigueur, notamment ceux prévus par la loi Carrez pour les copropriétés. Cette vérification est essentielle pour éviter des erreurs sur une caractéristique déterminante du bien. Toute surface annoncée sans justificatif engage sa responsabilité en cas d’inexactitude.
  2. Contrôler la conformité des permis de construire
    Les agents immobiliers doivent analyser attentivement les permis de construire et autres documents d’urbanisme, afin de vérifier qu’ils correspondent aux caractéristiques réelles du bien. En cas de divergence manifeste, ils doivent alerter les parties et refuser de diffuser des informations erronées. Cela inclut également la vérification de l’absence de constructions illégales ou non déclarées.
  3. Informer l’acquéreur de tout doute ou réserve
    Lorsqu’un agent immobilier identifie une potentielle incohérence ou un élément douteux dans les informations fournies par le vendeur, il doit en informer l’acquéreur. Une transparence totale est exigée, car elle protège l’acquéreur contre les mauvaises surprises et renforce la confiance dans le processus de vente.

En mettant en œuvre ces mesures, l’agent immobilier limite non seulement les risques juridiques pour lui-même, mais protège également les intérêts de toutes les parties à la transaction. Cette vigilance préventive permet d’éviter des litiges coûteux et chronophages, tout en garantissant une meilleure sécurité juridique pour les acquéreurs.

De plus, les décisions récentes rappellent que le rôle d’un agent immobilier ne se limite pas à une simple intermédiation.

Il est un acteur clé dans la fiabilité des transactions immobilières, et son devoir de conseil constitue une obligation légale incontournable. En cas de manquement, les sanctions peuvent être lourdes, allant de l’indemnisation des préjudices subis à une perte de crédibilité professionnelle.

Conclusion

Les agents immobiliers occupent une position stratégique dans les transactions immobilières et sont tenus d'agir avec une diligence renforcée. La jurisprudence rappelle que leur qualité de professionnel implique des responsabilités précises, notamment en matière de vérification des informations relatives au bien.

En cas de manquement, les acquéreurs disposent de moyens juridiques pour obtenir réparation, qu’il s’agisse d’une indemnisation pour perte de chance ou d’un ajustement du prix d’achat. Ces règles visent non seulement à protéger les droits des acheteurs, mais aussi à garantir une plus grande transparence sur le marché immobilier.

FAQ :

1. Un agent immobilier est-il responsable des erreurs sur la surface habitable d’un bien ?

Oui, un agent immobilier peut être tenu responsable en cas d’erreur sur la surface habitable d’un bien immobilier. En tant que professionnel, il est tenu de vérifier la surface annoncée, notamment en s’appuyant sur des documents officiels tels que les diagnostics loi Carrez pour les biens en copropriété. S’il se contente de transmettre les informations fournies par le vendeur sans les vérifier, cela constitue une négligence engageant sa responsabilité. La jurisprudence souligne que l’agent immobilier doit garantir la fiabilité des données qu’il communique, car elles influencent directement la décision d’achat de l’acquéreur (C.A. Colmar, 14 janvier 2021, n°19/02767).

2. Quelles vérifications un agent immobilier doit-il effectuer sur la conformité du bien ?

Un agent immobilier doit contrôler la conformité des documents administratifs et juridiques, comme les permis de construire ou les déclarations de travaux, afin de s’assurer que le bien respecte les règles d’urbanisme. S’il détecte des incohérences, comme des travaux non déclarés ou une surface non conforme au permis de construire, il doit en informer l’acquéreur. La Cour de cassation (Cass, 2 février 2022, n°20-18.388) a rappelé que l’agent immobilier ne peut invoquer son absence d’expertise en construction pour échapper à sa responsabilité en cas d’erreur manifeste.

3. Quels sont les recours pour un acquéreur lésé par des informations erronées fournies par l’agent immobilier ?

Un acquéreur peut engager la responsabilité de l’agent immobilier pour obtenir une indemnisation en cas de préjudice. Cela peut inclure :

  • La réparation du préjudice financier lié à une perte de valeur du bien.
  • L’indemnisation pour perte de chance : par exemple, si l’acquéreur avait pu négocier un prix inférieur ou renoncer à l’achat en cas d’information correcte (Cass, 2 février 2022, n°20-18.388).
    Les démarches consistent à prouver la faute de l’agent immobilier, notamment l’absence de vérification ou la communication d’informations inexactes, et à établir un lien direct entre cette faute et le préjudice subi.

4. L’agent immobilier peut-il être exonéré de sa responsabilité en cas de dol du vendeur ?

Non, même en présence d’un dol commis par le vendeur (ex. omission volontaire d’une information essentielle), l’agent immobilier reste responsable de son obligation de diligence. La jurisprudence considère qu’un agent immobilier professionnel doit détecter les irrégularités flagrantes et agir en conséquence. S’il ne le fait pas, il peut être condamné à indemniser l’acquéreur pour la perte de chance, comme l’a confirmé la Cour de cassation dans l’arrêt du 2 février 2022 (n°20-18.388).

5. Comment un agent immobilier peut-il éviter d’engager sa responsabilité ?

Pour limiter sa responsabilité, un agent immobilier doit :

  • Vérifier la surface habitable via des documents officiels ou des diagnostics réalisés par des professionnels certifiés.
  • Contrôler les permis de construire et les documents administratifs pour détecter toute incohérence ou absence de conformité.
  • Informer l’acquéreur en toute transparence des éventuelles réserves ou anomalies constatées.
  • Conserver une traçabilité des vérifications effectuées, par exemple en archivant les documents consultés et en consignant les informations transmises.

Ces précautions permettent de respecter les obligations légales, de protéger les parties à la transaction et de réduire les risques de contentieux.

Articles Récents

Besoin d'aide ?

Nos équipes sont là pour vous guider !

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.