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Arrêt maladie et licenciement : ce que dit la loi sur les droits de l’

Jordan Alvarez
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Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie ? Analyse juridique

Le licenciement d’un salarié en arrêt maladie soulève régulièrement des interrogations complexes en droit du travail. Le salarié en arrêt de travail est souvent perçu comme protégé contre toute rupture de son contrat, bénéficiant de la suspension de celui-ci pendant toute la durée de son arrêt. Pourtant, cette protection n'est pas absolue.

Le Code du travail et la jurisprudence ont posé des limites précises à cette protection : l’employeur peut être autorisé à rompre le contrat sous certaines conditions strictes, tenant au fonctionnement de l’entreprise, à une inaptitude constatée, à une faute disciplinaire ou encore à un motif économique.

Le principe de non-discrimination fondée sur l’état de santé (article L1132-1 du Code du travail) demeure fondamental : un salarié ne peut être licencié pour la seule raison de son arrêt maladie.

Mais la frontière entre licenciement abusif et licenciement légitime peut s’avérer mince. Les employeurs, en particulier les TPE-PME, doivent manier avec rigueur les motifs de licenciement, au risque de voir leur décision requalifiée en licenciement nul par le conseil de prud’hommes, avec les lourdes conséquences financières que cela implique.

C’est pourquoi il est indispensable, tant pour les salariés souhaitant défendre leurs droits que pour les employeurs désireux de sécuriser leur procédure, de comprendre les règles entourant cette problématique. À travers cet article, defendstesdroits.fr propose une analyse rigoureuse des conditions, procédures et risques relatifs au licenciement d'un salarié en arrêt maladie, en s'appuyant sur les textes légaux et la jurisprudence la plus récente.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Le principe : protection pendant l’arrêt maladie
  3. Licenciement pour perturbation du fonctionnement de l’entreprise
  4. Licenciement pour inaptitude médicale constatée
  5. Licenciement pour faute pendant l’arrêt maladie
  6. Licenciement pour motif économique
  7. Cas particulier : accident du travail ou maladie professionnelle
  8. Les indemnités dues au salarié licencié
  9. Sanctions en cas de licenciement abusif
  10. Conclusion

Le principe : protection du contrat pendant l'arrêt maladie

En principe, un salarié en arrêt maladie voit son contrat de travail suspendu, ce qui interdit à l'employeur de le licencier en raison de son état de santé (article L1132-1 du Code du travail). Toutefois, certaines exceptions légales permettent un licenciement pendant l'arrêt maladie, sous réserve du respect strict des procédures et du fondement sur une cause réelle et sérieuse.

Licenciement pour perturbation du fonctionnement de l'entreprise

Conformément à la jurisprudence constante (Cass. soc., 16 juillet 1998, n°97-43484), l'absence prolongée ou répétée du salarié peut justifier un licenciement si trois conditions cumulatives sont réunies :

  • l'absence prolongée ou répétée du salarié désorganise le fonctionnement de l'entreprise ;
  • le remplacement définitif du salarié est nécessaire ;
  • l'absence n'est pas due à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En présence de ces éléments, un licenciement pour motif personnel peut être envisagé, tout en veillant à respecter les clauses spécifiques de la convention collective applicable, notamment en matière de garantie d'emploi.

Licenciement pour inaptitude médicale constatée

Le salarié peut être déclaré inapte par le médecin du travail soit au cours de l'arrêt maladie (Cass. soc., 24 mai 2023, n°22-10517), soit lors de la visite médicale de reprise. Dès lors que l’inaptitude est confirmée, deux cas permettent un licenciement :

  • l’impossibilité de reclassement ;
  • le refus par le salarié du poste de reclassement proposé.

Si le médecin du travail indique expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié, l'employeur est dispensé de proposer un reclassement. Le licenciement doit alors suivre la procédure classique du licenciement pour motif personnel.

Licenciement pour faute pendant l'arrêt maladie

Il est possible de licencier un salarié pour faute même lorsqu’il est en arrêt maladie (Cass. soc., 27 février 2013, n°11-27130), si :

  • le salarié a commis une faute disciplinaire avant l'arrêt ;
  • ou pendant l'arrêt maladie, en manquant à ses obligations (absence de transmission de l'arrêt maladie, exercice d’une activité non autorisée…).

La procédure disciplinaire classique s’applique.

Licenciement pour motif économique

L’arrêt maladie ne constitue pas une protection absolue contre un licenciement pour motif économique. La suspension du contrat de travail n'interdit pas à l’employeur d’inclure le salarié absent dans une procédure de licenciement économique, dès lors que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse indépendante de son état de santé.

Conformément aux articles L1233-3 et suivants du Code du travail, le motif économique doit être justifié par :

  • une suppression ou transformation d’emploi ;
  • une modification refusée du contrat de travail ;
  • ou des difficultés économiques, une mutation technologique, ou encore une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Le salarié en arrêt maladie est ainsi intégré dans les critères d’ordre des licenciements, au même titre que les autres salariés. Ces critères peuvent inclure :

  • les charges de famille ;
  • l’ancienneté ;
  • la situation des salariés handicapés ;
  • les qualifications professionnelles.

L’employeur a donc l’obligation d'appliquer objectivement ces critères, sans tenir compte de l’état de santé du salarié. Il ne peut exclure un salarié en arrêt maladie de la liste des salariés concernés par la restructuration ou la réduction d’effectifs, sous peine de commettre une discrimination indirecte.

La procédure implique également :

  • une consultation du CSE (comité social et économique) lorsque l’entreprise atteint les seuils imposant cette instance ;
  • l’envoi d’une convocation à un entretien préalable ;
  • la remise d’une lettre de licenciement motivée, exposant clairement les raisons économiques du licenciement.

Attention : l'évocation, même implicite, de l’état de santé dans la lettre de licenciement ou lors des échanges avec le salarié expose l’employeur à un contentieux pouvant aboutir à une annulation du licenciement pour discrimination.

Il est donc essentiel que l’employeur puisse démontrer que le licenciement repose uniquement sur des motifs économiques, strictement conformes au droit du travail, et non sur la maladie ou l’absence du salarié.

En cas de litige, le conseil de prud’hommes examinera minutieusement la motivation du licenciement et la pertinence des critères d’ordre appliqués pour vérifier l’absence de discrimination directe ou indirecte.

Cas particulier : accident du travail ou maladie professionnelle

Le licenciement pour désorganisation de l’entreprise est exclu lorsqu’il s'agit d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (article L1226-9 du Code du travail). Toutefois, il reste envisageable :

  • en cas de faute grave ;
  • ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour une cause étrangère à l'accident ou à la maladie.

Les indemnités dues au salarié licencié en arrêt maladie

L'employeur doit verser :

  • l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article R1234-2 du Code du travail), sauf faute grave ou lourde ;
  • l’indemnité compensatrice de congés payés (article L3141-28 du Code du travail) ;
  • l’indemnité compensatrice de préavis (article L1234-5 du Code du travail), sauf en cas d'inaptitude.

En cas d’inaptitude professionnelle, une indemnité spéciale de licenciement, doublée par rapport à l'indemnité classique, est due (article L1226-14 du Code du travail).

Sanctions en cas de licenciement illégal d'un salarié en arrêt maladie

Le licenciement prononcé uniquement en raison de l’état de santé constitue une discrimination prohibée (article L1132-1 du Code du travail) et est donc nul.

Le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes dans un délai de 12 mois pour obtenir :

  • sa réintégration avec paiement des salaires non perçus ;
  • ou, en cas de refus de réintégration, une indemnité minimale équivalente à six mois de salaire (article L1235-3-1 du Code du travail).

Cette indemnité n’étant pas plafonnée, son montant pourra être plus élevé en fonction du préjudice subi.

Conclusion

La possibilité pour un employeur de procéder au licenciement d'un salarié en arrêt maladie reste donc strictement encadrée par la législation et la jurisprudence. Seules certaines circonstances bien définies - telles que la désorganisation de l’entreprise par l’absence prolongée du salarié, une inaptitude médicalement constatée, une faute, ou un motif économique - permettent d'envisager une telle rupture sans risquer la nullité.

L'employeur, avant d'engager une procédure, doit impérativement vérifier que le motif retenu repose sur une cause réelle et sérieuse, indépendamment de l'état de santé du salarié, conformément aux exigences des articles L1232-1 et L1132-1 du Code du travail. En cas d'absence de motif valable, le risque est considérable : réintégration, indemnisation minimale équivalente à six mois de salaire voire davantage, et indemnités diverses.

De leur côté, les salariés doivent être vigilants : l’arrêt maladie, s'il suspend le contrat de travail, ne constitue pas une immunité absolue contre le licenciement. Il importe donc de distinguer un licenciement fondé sur un motif légal de celui motivé uniquement par leur état de santé, qui serait alors discriminatoire et juridiquement nul.

FAQ

  1. L'employeur peut-il licencier un salarié uniquement parce qu'il est en arrêt maladie ?
    Non, il est strictement interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son arrêt maladie, comme le précise l'article L1132-1 du Code du travail. Un tel licenciement serait considéré comme une discrimination, entraînant la nullité du licenciement. Le salarié peut alors saisir le conseil de prud'hommes pour obtenir sa réintégration dans l'entreprise ou, s'il refuse cette option, une indemnisation minimale équivalente à six mois de salaire, conformément à l'article L1235-3-1. Il est essentiel de souligner que cette protection concerne aussi bien les arrêts maladie classiques que ceux liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, ces derniers bénéficiant d'une protection renforcée.
  2. Quelles sont les conditions précises permettant de licencier un salarié en arrêt maladie ?
    La loi autorise le licenciement dans certaines situations bien encadrées :
  • Lorsque les absences prolongées ou répétées perturbent gravement le fonctionnement de l’entreprise, sous réserve de nécessité de remplacement définitif du salarié.
  • En cas d'inaptitude constatée par le médecin du travail, lorsque l'employeur démontre l'impossibilité d'un reclassement adapté.
  • Si le salarié a commis une faute disciplinaire, avant ou pendant l'arrêt maladie (par exemple, absence injustifiée de justificatif médical ou activité non autorisée pendant l'arrêt).
  • Dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, à condition que le motif ne soit pas lié à la maladie.
    Chaque cas impose le respect strict des procédures légales du licenciement pour motif personnel ou économique, selon la situation.
  1. Quels types d’indemnités l’employeur doit-il verser lors d’un licenciement pendant un arrêt maladie ?
    Les indemnités varient selon le motif du licenciement :
  • Une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article R1234-2 du Code du travail), sauf en cas de faute grave ou lourde.
  • Une indemnité compensatrice de congés payés (article L3141-28), couvrant les congés non pris.
  • Une indemnité compensatrice de préavis (article L1234-5), sauf en cas d’inaptitude constatée.
    En cas d'inaptitude professionnelle, une indemnité spéciale est versée : son montant est le double de l’indemnité légale ou conventionnelle. Une indemnité équivalente au préavis non effectué est également due, même en cas d'inaptitude.
  1. Quels risques encourt l'employeur s'il licencie illégalement un salarié en arrêt maladie ?
    Un licenciement fondé uniquement sur la maladie expose l'employeur à une condamnation pour discrimination. Le salarié peut demander :
  • Sa réintégration avec paiement rétroactif des salaires non perçus depuis son licenciement (article L1132-4 du Code du travail) ;
  • Ou une indemnité minimale de six mois de salaire, sans plafond légal, pouvant être augmentée selon le préjudice.
    En outre, le licenciement est déclaré nul et ouvre droit à une indemnisation complémentaire en cas de préjudice moral. Ces sanctions financières importantes soulignent l'enjeu majeur de bien respecter le droit du travail.
  1. Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie en cas de difficultés économiques ?
    Oui, l’arrêt maladie ne constitue pas une protection contre un licenciement pour motif économique, tant que le licenciement repose sur des causes objectives : réduction d’activité, cessation d’activité, ou mutation technologique (article L1233-3 du Code du travail). Le salarié en arrêt maladie est intégré aux critères d'ordre des licenciements. La procédure suit les étapes classiques : information du CSE, convocation, entretien préalable, et notification motivée du licenciement. Toutefois, l’employeur doit veiller à ce que la maladie du salarié ne soit jamais évoquée comme motif, au risque d’une requalification du licenciement en discriminatoire.

maîtrise du cadre juridique du licenciement pendant l’arrêt maladie est essentielle tant pour anticiper les risques que pour défendre efficacement ses droits.

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