Le licenciement d’un salarié en arrêt maladie soulève régulièrement des interrogations complexes en droit du travail. Le salarié en arrêt de travail est souvent perçu comme protégé contre toute rupture de son contrat, bénéficiant de la suspension de celui-ci pendant toute la durée de son arrêt. Pourtant, cette protection n'est pas absolue.
Le Code du travail et la jurisprudence ont posé des limites précises à cette protection : l’employeur peut être autorisé à rompre le contrat sous certaines conditions strictes, tenant au fonctionnement de l’entreprise, à une inaptitude constatée, à une faute disciplinaire ou encore à un motif économique.
Le principe de non-discrimination fondée sur l’état de santé (article L1132-1 du Code du travail) demeure fondamental : un salarié ne peut être licencié pour la seule raison de son arrêt maladie.
Mais la frontière entre licenciement abusif et licenciement légitime peut s’avérer mince. Les employeurs, en particulier les TPE-PME, doivent manier avec rigueur les motifs de licenciement, au risque de voir leur décision requalifiée en licenciement nul par le conseil de prud’hommes, avec les lourdes conséquences financières que cela implique.
C’est pourquoi il est indispensable, tant pour les salariés souhaitant défendre leurs droits que pour les employeurs désireux de sécuriser leur procédure, de comprendre les règles entourant cette problématique. À travers cet article, defendstesdroits.fr propose une analyse rigoureuse des conditions, procédures et risques relatifs au licenciement d'un salarié en arrêt maladie, en s'appuyant sur les textes légaux et la jurisprudence la plus récente.
En principe, un salarié en arrêt maladie voit son contrat de travail suspendu, ce qui interdit à l'employeur de le licencier en raison de son état de santé (article L1132-1 du Code du travail). Toutefois, certaines exceptions légales permettent un licenciement pendant l'arrêt maladie, sous réserve du respect strict des procédures et du fondement sur une cause réelle et sérieuse.
Conformément à la jurisprudence constante (Cass. soc., 16 juillet 1998, n°97-43484), l'absence prolongée ou répétée du salarié peut justifier un licenciement si trois conditions cumulatives sont réunies :
En présence de ces éléments, un licenciement pour motif personnel peut être envisagé, tout en veillant à respecter les clauses spécifiques de la convention collective applicable, notamment en matière de garantie d'emploi.
Le salarié peut être déclaré inapte par le médecin du travail soit au cours de l'arrêt maladie (Cass. soc., 24 mai 2023, n°22-10517), soit lors de la visite médicale de reprise. Dès lors que l’inaptitude est confirmée, deux cas permettent un licenciement :
Si le médecin du travail indique expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié, l'employeur est dispensé de proposer un reclassement. Le licenciement doit alors suivre la procédure classique du licenciement pour motif personnel.
Il est possible de licencier un salarié pour faute même lorsqu’il est en arrêt maladie (Cass. soc., 27 février 2013, n°11-27130), si :
La procédure disciplinaire classique s’applique.
L’arrêt maladie ne constitue pas une protection absolue contre un licenciement pour motif économique. La suspension du contrat de travail n'interdit pas à l’employeur d’inclure le salarié absent dans une procédure de licenciement économique, dès lors que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse indépendante de son état de santé.
Conformément aux articles L1233-3 et suivants du Code du travail, le motif économique doit être justifié par :
Le salarié en arrêt maladie est ainsi intégré dans les critères d’ordre des licenciements, au même titre que les autres salariés. Ces critères peuvent inclure :
L’employeur a donc l’obligation d'appliquer objectivement ces critères, sans tenir compte de l’état de santé du salarié. Il ne peut exclure un salarié en arrêt maladie de la liste des salariés concernés par la restructuration ou la réduction d’effectifs, sous peine de commettre une discrimination indirecte.
La procédure implique également :
Attention : l'évocation, même implicite, de l’état de santé dans la lettre de licenciement ou lors des échanges avec le salarié expose l’employeur à un contentieux pouvant aboutir à une annulation du licenciement pour discrimination.
Il est donc essentiel que l’employeur puisse démontrer que le licenciement repose uniquement sur des motifs économiques, strictement conformes au droit du travail, et non sur la maladie ou l’absence du salarié.
En cas de litige, le conseil de prud’hommes examinera minutieusement la motivation du licenciement et la pertinence des critères d’ordre appliqués pour vérifier l’absence de discrimination directe ou indirecte.
Le licenciement pour désorganisation de l’entreprise est exclu lorsqu’il s'agit d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (article L1226-9 du Code du travail). Toutefois, il reste envisageable :
L'employeur doit verser :
En cas d’inaptitude professionnelle, une indemnité spéciale de licenciement, doublée par rapport à l'indemnité classique, est due (article L1226-14 du Code du travail).
Le licenciement prononcé uniquement en raison de l’état de santé constitue une discrimination prohibée (article L1132-1 du Code du travail) et est donc nul.
Le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes dans un délai de 12 mois pour obtenir :
Cette indemnité n’étant pas plafonnée, son montant pourra être plus élevé en fonction du préjudice subi.
La possibilité pour un employeur de procéder au licenciement d'un salarié en arrêt maladie reste donc strictement encadrée par la législation et la jurisprudence. Seules certaines circonstances bien définies - telles que la désorganisation de l’entreprise par l’absence prolongée du salarié, une inaptitude médicalement constatée, une faute, ou un motif économique - permettent d'envisager une telle rupture sans risquer la nullité.
L'employeur, avant d'engager une procédure, doit impérativement vérifier que le motif retenu repose sur une cause réelle et sérieuse, indépendamment de l'état de santé du salarié, conformément aux exigences des articles L1232-1 et L1132-1 du Code du travail. En cas d'absence de motif valable, le risque est considérable : réintégration, indemnisation minimale équivalente à six mois de salaire voire davantage, et indemnités diverses.
De leur côté, les salariés doivent être vigilants : l’arrêt maladie, s'il suspend le contrat de travail, ne constitue pas une immunité absolue contre le licenciement. Il importe donc de distinguer un licenciement fondé sur un motif légal de celui motivé uniquement par leur état de santé, qui serait alors discriminatoire et juridiquement nul.
maîtrise du cadre juridique du licenciement pendant l’arrêt maladie est essentielle tant pour anticiper les risques que pour défendre efficacement ses droits.