Lorsqu’un salarié est placé en arrêt maladie, son contrat de travail est suspendu, mais une question demeure centrale : qu’advient-il de son mandat représentatif en tant que membre élu du comité social et économique (CSE) ou délégué syndical (DS) ?
La situation est loin d’être anecdotique car de nombreux représentants du personnel sont confrontés à des arrêts de travail, qu’ils soient liés à une maladie ou à un accident. L’enjeu est double : d’une part, assurer la continuité du mandat qui s’exerce au nom des salariés, et d’autre part, garantir le respect des droits sociaux du salarié malade, qu’il s’agisse de sa rémunération, de ses heures de délégation ou de ses congés payés.
Le droit du travail et la jurisprudence apportent des réponses précises mais parfois complexes. La Cour de cassation a notamment réaffirmé que le mandat syndical ou représentatif n’est pas suspendu par l’arrêt maladie, mais que son exercice doit respecter les prescriptions médicales.
De plus, la loi du 22 avril 2024 est venue bouleverser la question de l’acquisition des congés payés pendant la maladie, introduisant des droits nouveaux pour les salariés.
Cet article, proposé par defendstesdroits.fr, revient en détail sur le cadre légal applicable : maintien du mandat malgré la suspension du contrat de travail, conditions de rémunération des heures de délégation, conséquences sur les indemnités journalières de sécurité sociale, et nouvelles règles d’acquisition des congés payés. L’objectif est de fournir aux représentants du personnel et aux salariés des repères clairs et actualisés afin de sécuriser l’exercice de leurs droits.
L’arrêt maladie suspend le contrat de travail, mais il n’a aucun effet sur le mandat représentatif. En conséquence, un salarié élu au comité social et économique (CSE) ou désigné délégué syndical (DS) conserve pleinement ses prérogatives. La jurisprudence de la Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises que le mandat n’était pas affecté par la suspension du contrat de travail (Cass. crim., 16 juin 1970, n°69-93132 ; Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, n°12-20002).
Ainsi, le représentant du personnel peut continuer à utiliser ses heures de délégation pendant son arrêt, dès lors que son état de santé le permet. De la même façon, l’employeur reste tenu de lui transmettre les convocations aux réunions du CSE, auxquelles il peut participer, sous réserve du respect des horaires de sortie autorisés par son médecin traitant.
Puisque le mandat n’est pas suspendu, l’employeur doit garantir au salarié représentant du personnel l’accès aux locaux nécessaires à l’exercice de ses fonctions. Ce droit subsiste même lorsque le salarié est placé en arrêt de travail. Empêcher cet accès ou refuser la participation du salarié aux réunions du CSE constitue un délit d’entrave puni par le Code du travail et par la jurisprudence (Cass. crim., 25 mai 1983, n°82-91538).
Le salarié peut donc, dans le cadre de son mandat, se rendre à l’entreprise pour assister aux réunions ou négociations, tant que son médecin ne s’y oppose pas.
Le versement de la rémunération liée aux heures de délégation dépend d’un élément déterminant : l’autorisation du médecin traitant. En effet, l’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale impose au salarié en arrêt maladie de respecter les prescriptions médicales et de s’abstenir de toute activité non autorisée.
Dès lors, si le médecin autorise expressément l’exercice du mandat, l’employeur doit rémunérer les heures de délégation utilisées. Le contrôle de l’usage de ces heures est possible, mais seulement a posteriori, après leur paiement par l’employeur. Toute contestation ne peut intervenir qu’une fois la rémunération versée (Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, n°12-20002).
L’exercice du mandat pendant un arrêt maladie peut avoir des conséquences sur les indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS). La Cour de cassation a jugé que l’exercice répété et prolongé d’une activité représentative pouvait être incompatible avec le maintien de l’arrêt de travail et entraîner le remboursement des IJSS indûment perçues (Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n°09-17449).
Ainsi, même si le salarié respecte ses horaires de sortie autorisés, une activité jugée incompatible avec la prescription médicale peut remettre en cause ses droits aux indemnités journalières.
La question des congés payés a été profondément remaniée par la loi n°2024-364 du 22 avril 2024. L’article L. 3141-5 du Code du travail prévoit désormais que les périodes de suspension du contrat de travail liées à un arrêt pour maladie ou accident, qu’ils soient professionnels ou non, sont assimilées à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés.
Ces dispositions s’appliquent pour la période courant du 1er décembre 2009 jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi, sous réserve des décisions de justice définitives déjà rendues ou de conventions collectives plus favorables.
L’employeur doit désormais informer le salarié à son retour d’arrêt maladie de ses droits acquis au titre des congés payés. À défaut, il pourrait engager sa responsabilité.
L’exercice du mandat en période d’arrêt maladie illustre l’équilibre subtil que le droit du travail cherche à maintenir entre la protection de la santé du salarié et la préservation de la représentation collective des travailleurs. Si le contrat de travail est suspendu, le mandat, lui, ne l’est pas : l’élu ou le délégué syndical peut continuer à exercer ses prérogatives, à condition que son médecin l’y autorise. Cette règle assure la continuité de l’action syndicale et du dialogue social au sein de l’entreprise, tout en évitant les risques de délit d’entrave de la part de l’employeur.
Toutefois, la vigilance reste de mise. L’utilisation des heures de délégation sans autorisation médicale peut remettre en cause le versement des indemnités journalières, et une activité trop soutenue peut être jugée incompatible avec l’arrêt de travail. L’intervention récente du législateur, notamment en matière de congés payés acquis pendant la maladie, démontre que le droit continue d’évoluer afin de mieux protéger les salariés en situation de fragilité.
Pour les représentants du personnel, il est donc essentiel de concilier mandat et respect des prescriptions médicales, et pour les employeurs, de garantir le libre exercice de ces fonctions. En cas de difficulté ou de litige, les salariés peuvent se tourner vers defendstesdroits.fr afin d’obtenir un accompagnement juridique adapté à leur situation.
Oui. L’arrêt maladie suspend le contrat de travail, mais il ne suspend pas le mandat représentatif (Cass. crim., 16 juin 1970, n°69-93132 ; Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, n°12-20002). Le représentant du personnel reste donc en fonction et peut continuer à exercer ses missions. Cela signifie qu’il conserve son droit à utiliser ses heures de délégation, à être convoqué aux réunions du CSE et à représenter les salariés. Toutefois, l’exercice du mandat est conditionné au respect des prescriptions médicales : si le médecin considère que la participation aux activités représentatives est compatible avec l’état de santé du salarié, alors le mandat peut être exercé normalement.
Oui. Le droit d’accès aux locaux de l’entreprise est une conséquence directe du maintien du mandat. L’employeur ne peut pas refuser l’entrée d’un représentant du personnel au motif qu’il est en arrêt maladie. Ce refus constituerait un délit d’entrave à l’exercice des fonctions représentatives, infraction prévue par le Code du travail et sanctionnée pénalement. Le représentant peut ainsi participer aux réunions, rencontrer les salariés ou assister à des négociations collectives, à condition que son médecin traitant ne s’y oppose pas. Cette règle garantit la continuité du dialogue social et évite toute vacance du mandat.
Oui, mais sous conditions. Le paiement des heures de délégation reste dû par l’employeur si le médecin a expressément autorisé l’exercice du mandat durant l’arrêt maladie. L’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale impose au salarié de respecter son arrêt et de ne pas exercer d’activités non autorisées. Dès lors, le médecin joue un rôle central : son autorisation conditionne la régularité du paiement. En cas de contestation, l’employeur est obligé de payer les heures dans un premier temps, puis de vérifier a posteriori l’usage qui en a été fait. Il ne peut pas refuser le paiement préalablement, même s’il doute de l’utilisation conforme des heures. Cette protection vise à éviter que l’exercice du mandat ne soit entravé par des décisions unilatérales de l’employeur.
Oui, et le risque est réel. La jurisprudence (Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n°09-17449) a jugé que l’exercice répété et prolongé d’un mandat représentatif, même en dehors des horaires de travail, pouvait être incompatible avec l’arrêt maladie. Dans ce cas, la CPAM est en droit de demander le remboursement des indemnités journalières (IJSS) déjà versées au salarié. L’appréciation se fait au cas par cas : une participation ponctuelle à une réunion autorisée par le médecin ne posera généralement pas problème, mais une activité soutenue et régulière pourrait être considérée comme une reprise de travail déguisée. Le salarié doit donc toujours vérifier auprès de son médecin la compatibilité de ses activités syndicales avec son état de santé pour éviter toute sanction financière.
Depuis la loi n°2024-364 du 22 avril 2024, les règles ont évolué pour se mettre en conformité avec le droit européen. Les périodes d’arrêt de travail pour maladie ou accident, qu’ils soient professionnels ou non, sont désormais prises en compte dans le calcul des congés payés (articles L. 3141-3 et L. 3141-5-1 du Code du travail).
Ces nouvelles règles s’appliquent rétroactivement depuis le 1er décembre 2009, sous réserve des litiges déjà tranchés définitivement. L’employeur doit informer le salarié de ses droits à congés au retour de son arrêt maladie. En pratique, un salarié en arrêt peut désormais revendiquer des droits à congés payés même pour des arrêts anciens, sous réserve d’agir dans les délais de prescription (3 ans si le contrat est rompu, 2 ans s’il est toujours en cours).