Depuis plusieurs années, l’Assurance chômage est au cœur des réformes sociales mises en œuvre par les pouvoirs publics. Tour à tour remanié par les décrets de 2019, les mesures transitoires de 2021-2022, puis la loi dite "Plein emploi" du 18 décembre 2023, le dispositif d’indemnisation des demandeurs d’emploi continue de se redessiner au gré des mutations du marché du travail. Le nouveau cap est fixé par la convention d’Assurance chômage du 15 novembre 2024, agréée par arrêté ministériel, qui amorce une refonte substantielle du régime applicable aux demandeurs d’emploi. Entrée en vigueur au 1er janvier 2025, cette convention produit désormais pleinement ses effets à compter du 1er mai 2025, date à laquelle plusieurs dispositions clés sont entrées en application.
Cette réforme n’est pas qu’un simple ajustement technique. Elle incarne une transformation profonde des équilibres entre droits à indemnisation, incitations à la reprise d’activité, et responsabilisation des employeurs. Loin de concerner uniquement les spécialistes du droit du travail, ces nouvelles règles affectent directement les salariés, les demandeurs d’emploi, les créateurs d’entreprise, mais aussi les entreprises soumises au système du bonus-malus. En repensant les conditions d’accès à l’ARE, les bornes d’âge applicables à la filière senior, ou encore le cumul avec les revenus non salariés, le législateur trace un nouveau contour à la solidarité professionnelle.
L’enjeu est double : renforcer l’efficacité économique du régime tout en maintenant sa fonction protectrice, dans un contexte marqué par les évolutions démographiques, les transitions professionnelles et les exigences budgétaires. Sur defendstesdroits.fr, nous vous proposons une analyse juridique complète et actualisée de la réforme, fondée sur les textes en vigueur et appuyée sur les références du Code du travail et du règlement général annexé à la convention de 2024.
Depuis le 1er avril 2025, les travailleurs saisonniers doivent justifier d’une durée d’affiliation minimale spécifique de 5 mois, équivalente à 108 jours travaillés ou 758 heures de travail effectif, pour pouvoir ouvrir droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Cette mesure est expressément prévue par l’article 3 §1 bis du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024.
Cette nouvelle règle constitue une dérogation au régime général, qui impose une durée d’affiliation identique à tous les demandeurs d’emploi, quel que soit le caractère temporaire ou récurrent de leur activité. Elle a été adoptée dans le but de tenir compte des spécificités structurelles de l’emploi saisonnier, marqué par une alternance entre périodes d’emploi intensif et périodes d’inactivité inhérente à la nature de l’activité (tourisme, agriculture, stations de ski, etc.).
En abaissant légèrement le seuil requis par rapport à d'autres catégories de demandeurs d'emploi, cette disposition vise à préserver l’accès à la protection chômage pour des salariés dont le rythme de travail suit un calendrier cyclique indépendant de leur volonté. Elle évite ainsi que ces personnes ne soient indûment pénalisées par la discontinuité de leur activité, tout en garantissant un encadrement strict des conditions d’indemnisation.
Il convient de noter que cette réforme s’applique uniquement aux nouvelles inscriptions intervenues à compter du 1er avril 2025, les droits ouverts antérieurement demeurant régis par les dispositions précédentes. Il s’agit donc d’un dispositif transitoire, combinant sécurité juridique et adaptation des droits.
Conformément à l’article 7 §2 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, les anciens détenus peuvent désormais faire valoir des droits à l’ARE sur la base de l’activité exercée durant leur détention, à condition qu’elle ait été réalisée dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire.
Cette avancée constitue une reconnaissance juridique inédite du travail réalisé en milieu carcéral comme activité génératrice de droits sociaux. Jusqu’à présent, l’absence de contrat de travail de droit commun dans les établissements pénitentiaires empêchait souvent les anciens détenus d’accéder à l’assurance chômage, même lorsqu’ils avaient travaillé régulièrement durant leur incarcération.
Désormais, la durée d’activité réalisée sous contrat pénitentiaire est prise en compte dans le calcul des droits à indemnisation, au même titre qu’un emploi classique dans le secteur privé. Ce changement s’inscrit dans une logique de réinsertion socio-professionnelle, en valorisant les efforts de travail fournis en détention et en facilitant le retour à une vie active autonome à l’issue de la peine.
Ce dispositif reflète une volonté de lutter contre les discriminations systémiques que subissent les personnes sortant de prison, et de leur offrir un filet de sécurité économique immédiat, afin de prévenir la récidive par l’emploi. Il s’insère dans une politique publique plus large de réhabilitation des personnes détenues par le travail, en cohérence avec les orientations du Code pénitentiaire et de la loi de finances de la sécurité sociale.
Le seuil d’accès à la filière senior est désormais fixé à 55 ans (contre 53 auparavant), ce qui a plusieurs impacts :
La dégressivité de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) s’applique désormais à tous les allocataires de moins de 55 ans, contre 57 ans auparavant. Cette modification résulte de l’entrée en vigueur, au 1er avril 2025, de l’article 15 §2 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, et constitue une extension du champ d’application du mécanisme de réduction progressive de l’ARE instauré par le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019.
Ce mécanisme prévoit que, pour les demandeurs d’emploi percevant une ARE initiale journalière supérieure à un seuil déterminé, le montant de leur allocation est réduit de 30 % à compter du 7ᵉ mois d’indemnisation (soit après 182 jours). Cette mesure vise principalement les salariés à hauts revenus, en introduisant une incitation financière au retour rapide à l’emploi.
La dégressivité ne peut toutefois pas conduire à une allocation inférieure à 91,02 € brut par jour, plancher fixé afin d’assurer un niveau minimum de revenu de remplacement.
L’abaissement du seuil d’âge de 57 à 55 ans élargit la population concernée par cette réduction. Ainsi, les personnes âgées de 55 ou 56 ans sont désormais également soumises à la dégressivité, sauf exceptions liées à la formation ou à certaines situations spécifiques prévues par les textes.
Cette évolution s’inscrit dans une politique plus large de révision des conditions d’indemnisation des profils seniors, en cohérence avec le relèvement de l’âge de départ à la retraite et la volonté de favoriser l’activité professionnelle après 55 ans. Elle reflète également l’objectif poursuivi par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics de rationaliser les dépenses du régime d’assurance chômage tout en maintenant des garde-fous pour les publics les plus fragiles.
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du 1er avril 2025, le plafond des jours non travaillés pris en compte pour le calcul de la durée d’indemnisation par l’assurance chômage a été abaissé de 75 % à 70 % du nombre de jours travaillés, conformément aux dispositions de l’article 12 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024.
Autrement dit, lors de l’analyse des périodes d’activité ayant permis l’ouverture des droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), les jours d’inactivité au sein de la période de référence ne peuvent plus être comptabilisés au-delà de 70 % des jours d’activité effective. Cette réforme vise à réduire les effets mécaniques de certaines pratiques consistant à optimiser artificiellement la durée d’indemnisation, par le biais d’alternances entre missions courtes et périodes d’inactivité subies ou non justifiées.
Ce plafonnement renforcé entraîne donc une réduction directe de la durée des droits ouverts, notamment pour les publics qui cumulent des contrats courts ou discontinus. Le législateur cherche ainsi à aligner la logique de calcul sur la réalité de l’activité professionnelle accomplie, tout en renforçant l’incitation à la continuité de l’emploi.
En pratique, cette évolution impacte particulièrement les travailleurs intermittents, les salariés en contrat à durée déterminée successifs, ou encore les intérimaires, pour lesquels les périodes sans activité avaient jusqu’alors une influence plus favorable sur la durée des droits ouverts.
Autre mesure phare de la réforme entrée en vigueur le 1er avril 2025, l’article 24 du règlement général annexé instaure la mensualisation uniforme du paiement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Désormais, le montant des allocations est calculé sur une base forfaitaire de 30 jours calendaires par mois, et ce, quel que soit le mois concerné.
Ce changement met fin à l’ancien système, où le montant mensuel versé à l’allocataire variait selon le nombre de jours calendaires réels dans le mois (28, 29, 30 ou 31). Le passage à une base constante vise à simplifier le calendrier de paiement, à améliorer la lisibilité des versements pour les demandeurs d’emploi, et à faciliter les prévisions budgétaires de France Travail.
Toutefois, cette réforme emporte des conséquences concrètes : en supprimant les jours « excédentaires » des mois à 31 jours, elle aboutit à une réduction globale du nombre de jours indemnisés sur une année complète. En moyenne, un demandeur d’emploi percevra l’équivalent de 5 jours d’indemnisation en moins par an (ou 6 jours en année bissextile), sans que cela n’impacte le montant journalier de l’allocation.
Ce nouveau système de mensualisation participe à une volonté d’harmonisation administrative, tout en s’inscrivant dans une logique de maîtrise des dépenses de l’assurance chômage, en réduisant marginalement le coût global de l’indemnisation à effort contributif constant.
Le taux de la contribution patronale à l’Assurance chômage passe de 4,05 % à 4 % à compter du 1er mai 2025. Cette baisse modérée s’inscrit dans une logique d’allègement du coût du travail, tout en conservant une contribution mutualisée au régime d’assurance.
Le bonus-malus, instauré par le décret n° 2019-797, continue de s’appliquer avec deux nouveautés majeures :
La troisième période de modulation, initialement prévue jusqu’à décembre 2024, est prolongée jusqu’au 31 août 2025. Elle tient compte des ruptures de contrat intervenues entre le 1er juillet 2023 et le 30 juin 2024.
Désormais, le complément d’ARE versé aux demandeurs d’emploi qui exercent une activité non salariée est plafonné à 60 % du reliquat des droits (article 32 bis). Une reprise du solde de 40 % reste envisageable en cas de cessation de l’activité ou après décision favorable de l’Instance Paritaire Régionale (article 26 §1).
Depuis le 1er avril 2025, les bénéficiaires de l’ARCE (aide à la reprise ou création d’entreprise) doivent ne pas être titulaires d’un CDI à temps plein au moment de demander le second versement (article 35). Cette mesure vise à cibler les aides vers les véritables porteurs de projets entrepreneuriaux.
Le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) est désormais remplacé par un contrat d’engagement, formalisé dans le mois suivant l’inscription à France Travail (article L5411-6-1 du Code du travail). Il prend en compte :
Ce contrat est contraignant : l’offre raisonnable d’emploi qu’il contient engage le demandeur.
La réforme de l’Assurance chômage entrée en vigueur au 1er mai 2025 constitue un tournant stratégique dans la régulation du marché de l’emploi en France. En modifiant les règles d’ouverture des droits, en ajustant les plafonds d’indemnisation, en instituant de nouveaux dispositifs d’accompagnement et en intégrant de nouvelles catégories de bénéficiaires, elle illustre la volonté du législateur d’instaurer un système à la fois plus incitatif et plus équitable. Elle s’inscrit dans un mouvement de fond, amorcé dès 2019, tendant à adapter la solidarité interprofessionnelle aux réalités économiques actuelles et à responsabiliser les différents acteurs du monde du travail.
Cette réforme ne doit toutefois pas être perçue comme un simple durcissement des conditions d’indemnisation. Elle ouvre aussi des droits nouveaux, à l’image des avancées pour les anciens détenus ou les créateurs d’entreprise.
Elle repose sur une logique d’équilibre entre les exigences d’insertion professionnelle et la préservation d’une couverture sociale suffisante en cas de perte d’emploi, et suppose une lecture attentive des articles du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, complété par les dispositions législatives et réglementaires du Code du travail.
Sur defendstesdroits.fr, nous mettons à votre disposition les outils juridiques pour comprendre, anticiper et faire valoir vos droits, que vous soyez salarié, employeur ou demandeur d’emploi. Vous pouvez également consulter nos modèles de lettres, guides pratiques et fiches juridiques régulièrement mis à jour pour intégrer les dernières évolutions réglementaires.
Depuis le 1er mai 2025, plusieurs dispositions issues de la convention du 15 novembre 2024 sont entrées en vigueur. Ces mesures s’ajoutent à celles déjà mises en œuvre depuis le 1er janvier et le 1er avril 2025. Parmi les évolutions les plus significatives, on retrouve :
Ces changements visent à rendre le système plus prévisible, à encourager la reprise d’activité rapide et à lutter contre les pratiques abusives de recours à l’emploi précaire.
La réforme introduit une durée d’affiliation spécifique pour les travailleurs saisonniers inscrits à France Travail à compter du 1er avril 2025. Ces derniers doivent justifier d’au moins 5 mois d’activité salariée, soit 108 jours ou 758 heures de travail au cours des 24 derniers mois (article 3 § 1 bis du règlement général).
Concernant les anciens détenus, une avancée majeure a été actée : désormais, le travail effectué en détention dans le cadre d’un contrat d’emploi pénitentiaire ouvre droit à l’ARE, sous réserve des autres conditions générales d’ouverture de droits (article 7 § 2 du règlement). Cela marque une reconnaissance du travail pénitentiaire comme une activité digne et génératrice de droits sociaux, favorisant la réinsertion professionnelle post-carcérale.
Le contrat d’engagement, en vigueur depuis le 1er janvier 2025, remplace officiellement le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE). Il s’agit d’un acte écrit obligatoire, conclu dans les 30 jours suivant l’inscription à France Travail (article L.5411-6-1 du Code du travail). Ce contrat formalise :
Sa signature engage le demandeur d’emploi à accepter toute offre raisonnable d’emploi correspondant à ces critères. En cas de refus injustifié ou de manquement, des sanctions administratives allant jusqu’à la radiation peuvent être prononcées. Le contrat d’engagement traduit donc un renforcement de la logique d’activation des droits en contrepartie de l’indemnisation.
Oui, le cumul reste possible, mais il est désormais encadré plus strictement. Lorsqu’un demandeur d’emploi crée ou reprend une activité non salariée, il peut percevoir une partie de ses allocations chômage, dans la limite de 60 % du reliquat de ses droits à l’ARE (article 32 bis du règlement général).
Concrètement :
Cette réforme a pour but de limiter les effets d’aubaine tout en favorisant l’entrepreneuriat sécurisé pour les chômeurs. Il s’agit d’un dispositif d’équilibre entre flexibilité professionnelle et préservation des finances publiques.
L’ARCE (aide à la reprise ou à la création d’entreprise) permet au demandeur d’emploi créant une entreprise de percevoir 60 % de ses droits ARE sous forme de capital, en deux temps :
Depuis le 1er avril 2025, une condition supplémentaire est exigée pour bénéficier de la seconde fraction : le bénéficiaire ne doit pas être lié par un contrat à durée indéterminée à temps plein (article 35 du règlement). Cette mesure vise à éviter les doubles statuts (salarié à temps plein et bénéficiaire de l’ARCE) et à s’assurer que l’aide serve effectivement à soutenir un projet entrepreneurial autonome.
À noter que le choix entre l’ARCE et le maintien partiel de l’ARE doit être réfléchi dès la création d’activité, car il est irréversible.