Travail

Autorisation de travail, titres de séjour : réussir l’embauche d’un salarié étranger

Jordan Alvarez
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Employeur : quelles règles respecter pour recruter un salarié étranger ?

L’embauche d'un salarié étranger en France constitue aujourd'hui une réalité fréquente pour de nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs en tension. Face à la pénurie de main-d'œuvre ou pour intégrer des compétences spécifiques, les employeurs français sont de plus en plus amenés à recruter hors des frontières nationales.

Toutefois, cette démarche est loin d’être anodine sur le plan juridique. En effet, l’emploi d’un ressortissant étranger est strictement encadré par le Code du travail et le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et implique le respect de formalités complexes et d’obligations précises sous peine de lourdes sanctions administratives et pénales.

Le contrat de travail conclu avec un salarié étranger présente des spécificités qui doivent impérativement être maîtrisées par l'employeur : obtention préalable d'une autorisation de travail, vérification du titre de séjour, respect de l'égalité de traitement et des mentions obligatoires du contrat, sans oublier le paiement éventuel de la taxe DGFiP.

Ces formalités varient selon la nationalité du travailleur, la nature du contrat proposé (CDD, CDI, contrat d'apprentissage ou d'intérim), ainsi que la situation administrative du salarié au regard du droit au séjour.

Il est également fondamental pour l'employeur d’anticiper les conséquences du contrat sur le titre de séjour du salarié et d’en comprendre l'impact : une embauche en CDI ou en CDD n’ouvre pas les mêmes droits ni la même stabilité de séjour. La rupture du contrat pose également des questions spécifiques, notamment en cas de non-renouvellement du titre de séjour.

En outre, le risque lié à l’emploi de travailleurs sans-papiers doit être particulièrement appréhendé : sanctions financières importantes, engagement de la responsabilité pénale, voire interdiction temporaire d’exercice pour l'employeur contrevenant. La récente loi du 26 janvier 2024 ainsi que le décret du 9 juillet 2024 ont renforcé la politique de contrôle et alourdi les sanctions applicables.

Pourtant, dans certains cas, une régularisation par le travail reste envisageable via la procédure d'admission exceptionnelle au séjour, qui permet de faire émerger des solutions juridiques dans un contexte irrégulier.

Face à la complexité croissante des règles relatives à l'emploi de salariés étrangers en France, il apparaît indispensable pour les employeurs d’être parfaitement informés des différentes obligations juridiques à respecter avant toute embauche, afin de sécuriser leur pratique et éviter des conséquences dommageables tant sur le plan juridique que financier.

Cet article vous propose une analyse juridique approfondie et actualisée, appuyée sur les références légales, pour vous permettre d'embaucher sereinement un salarié étranger, dans le respect des règles françaises et européennes.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Quel contrat proposer à un salarié étranger
  3. Les démarches obligatoires pour recruter un travailleur étranger
  4. Les obligations spécifiques liées au contrat de travail
  5. Impact du contrat sur le titre de séjour du salarié
  6. Rupture du contrat de travail d'un salarié étranger
  7. Les sanctions en cas d’emploi illégal d’un étranger
  8. La régularisation par le travail : admission exceptionnelle au séjour
  9. FAQ

Quel contrat proposer à un travailleur étranger ?

En France, l'embauche d'un salarié étranger est autorisée dans le cadre de plusieurs types de contrats, sous réserve du respect des règles relatives à l'autorisation de travail :

  • Contrat à durée indéterminée (CDI) ;
  • Contrat à durée déterminée (CDD) ;
  • Contrat d’apprentissage ou de professionnalisation ;
  • Contrat de mission (intérim), conformément aux dispositions de la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle.

Des règles spécifiques encadrent toutefois l'emploi des étudiants étrangers et des ressortissants algériens, suivant des dispositions bilatérales particulières.

Quelles formalités l'employeur doit-il accomplir avant l'embauche ?

La procédure d'introduction : une autorisation indispensable

Conformément à l'article L5221-5 du Code du travail, lorsqu'un travailleur étranger n'est pas encore présent sur le territoire français, l'employeur doit initier une procédure d’introduction, équivalente à une demande d'autorisation de travail.

Seule la possession d'un titre de séjour portant la mention « autorisé à travailler » permet à l'étranger d'exercer une activité salariée (article L5221-6 du Code du travail).

L'obligation systématique de demande d’autorisation de travail

Par principe, cette demande est obligatoire pour tout recrutement d'un ressortissant hors Union européenne (UE), Espace économique européen (EEE) ou Confédération suisse. L’autorisation accordée peut être restreinte à certains métiers ou à une zone géographique précise (article R5221-1 du Code du travail).

Les cas de dispense

L’employeur peut toutefois être dispensé de solliciter cette autorisation, notamment lorsque le travailleur étranger est :

  • Citoyen de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse ;
  • Titulaire d'un titre de séjour mention « vie privée et familiale » ;
  • Praticien étranger disposant d’un diplôme étranger et affecté dans un établissement de santé en France (article R5221-20 du Code du travail).

Les obligations spécifiques liées au contrat de travail avec un ressortissant étranger

Rédaction du contrat : le français comme langue de référence

Selon l'article L1221-3 du Code du travail, le contrat de travail doit obligatoirement être rédigé en français. Si le poste implique l'utilisation de termes étrangers sans équivalent, ceux-ci doivent être expliqués dans le contrat.

En cas de demande expresse du salarié, une traduction intégrale dans sa langue peut être réalisée. En cas de contentieux, seul le texte dans la langue du salarié prévaut contre lui.

Déclaration préalable à l'embauche (DPAE)

Une fois l'autorisation obtenue et le titre de séjour vérifié, l'employeur doit accomplir les formalités usuelles, dont la déclaration préalable à l'embauche (DPAE).

Égalité de traitement

L’article L1132-1 du Code du travail prohibe toute discrimination en matière de rémunération, d'évolution de carrière, ou de conditions de travail, en raison de l'origine ou de la nationalité du salarié.

Paiement de la taxe DGFiP

L'employeur peut être redevable d'une taxe perçue par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), succédant à l'ancienne taxe Ofii. Celle-ci est exigible selon le statut du salarié et les modalités de son recrutement.

Impact du contrat sur le titre de séjour du salarié

Le CDI : carte de séjour portant la mention « salarié »

Un travailleur étranger embauché en CDI obtient une carte de séjour temporaire mention « salarié » (article L421-1 du CESEDA), valable un an puis renouvelable sous forme pluriannuelle (4 ans) si l’emploi est maintenu.

L’autorisation de travail permet au salarié non résident de demander un visa d'entrée et de faire valider son séjour une fois arrivé.

Le CDD : carte mention « travailleur temporaire »

L'embauche en CDD permet l’obtention d'un titre de séjour mention « travailleur temporaire » (article L421-3 du CESEDA). La durée de ce titre est liée à celle du contrat, dans la limite d'un an.

Un renouvellement nécessite une nouvelle demande d'autorisation de travail.

Rupture du contrat d'un salarié étranger

La rupture d'un contrat de travail conclu avec un salarié étranger suit les règles applicables à tout salarié :

  • Rupture conventionnelle ;
  • Licenciement, y compris pour perte ou non-renouvellement du titre de séjour (Cass. Soc., 29 novembre 2023, n°22-10004) ;
  • Démission du salarié.

Les obligations relatives au préavis, au respect des droits acquis et au paiement des indemnités doivent être strictement respectées.

Sanctions et régularisation par le travail

L'interdiction stricte du travail sans autorisation

Employer un travailleur sans titre expose l'employeur à des sanctions administratives et pénales, comme prévu par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 :

  • Amende administrative instaurée par le décret n°2024-814 du 9 juillet 2024 ;
  • Risque de sanctions pénales en cas de récidive.

La solidarité financière du donneur d’ordre peut également être engagée.

La procédure d'admission exceptionnelle au séjour

En matière de régularisation, les travailleurs sans papiers occupant des emplois en tension peuvent bénéficier de l'admission exceptionnelle au séjour, prévue par les articles L435-1 et suivants du CESEDA.

Ce dispositif dispense du visa d’entrée mais est soumis à des conditions strictes, renforcées par la circulaire Retailleau du 23 janvier 2025.

Conclusion

L’embauche d’un salarié étranger en France ne peut se réduire à une simple signature de contrat. Elle implique pour l’employeur une vigilance accrue et une parfaite maîtrise des formalités imposées par le Code du travail et le CESEDA. Du choix du contrat à la procédure d’introduction, en passant par l’obtention de l’autorisation de travail, la vérification du titre de séjour, ou encore la rédaction du contrat conforme aux règles linguistiques et substantielles, chaque étape doit être minutieusement respectée.

Il est tout aussi fondamental pour l'employeur de connaître ses obligations au cours de la relation contractuelle : assurer l’égalité de traitement, effectuer la déclaration préalable à l'embauche, s’acquitter, lorsque nécessaire, de la taxe DGFiP, et anticiper les impacts du contrat sur la situation administrative du salarié. La rupture du contrat, qu’elle soit initiée par l’employeur ou par le salarié, doit également respecter le cadre juridique prévu par le droit du travail français.

Enfin, le travail dissimulé et l’emploi de salariés sans autorisation de travail restent sévèrement réprimés. L’employeur doit impérativement vérifier, avant toute embauche, la régularité de la situation administrative du salarié étranger pour éviter des sanctions lourdes. Toutefois, le droit français offre des possibilités de régularisation par le travail, notamment via la procédure d’admission exceptionnelle au séjour, qui, sous conditions strictes, peut permettre d'intégrer légalement un travailleur initialement en situation irrégulière.

Face à ces enjeux juridiques complexes, il est recommandé aux employeurs de se faire accompagner par des professionnels du droit, tels que les juristes de defendstesdroits.fr, afin de sécuriser chaque embauche et d’anticiper tout risque de contentieux.

FAQ

Quelles sont les démarches indispensables pour recruter un salarié étranger hors Union européenne ?
L’employeur souhaitant recruter un travailleur étranger hors UE doit impérativement respecter plusieurs étapes successives :

  1. Vérification de la situation administrative : l’employeur doit s'assurer que le salarié étranger dispose d’un titre de séjour en cours de validité, portant la mention « autorisé à travailler » (article L5221-6 du Code du travail).
  2. Demande d’autorisation de travail : lorsque le salarié ne réside pas en France ou ne dispose pas encore du droit de travailler, l'employeur doit engager la procédure d’introduction prévue par l'article L5221-5 du Code du travail, via la plateforme dédiée du Ministère de l’Intérieur.
  3. Obtention du visa et du titre de séjour : le salarié devra solliciter un visa long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) auprès du consulat, puis valider son arrivée en préfecture pour obtenir la carte de séjour temporaire adaptée à la situation (mention « salarié » ou « travailleur temporaire »).
  4. Déclaration préalable à l’embauche (DPAE) : après vérification des titres, l’employeur doit effectuer la DPAE auprès de l’Urssaf.

Peut-on embaucher un travailleur étranger sans autorisation de travail ? Quelles sanctions encourt l'employeur ?
Non, l’embauche d’un étranger dépourvu d’une autorisation de travail constitue une infraction sanctionnée par :

  • Une amende administrative prévue par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 et précisée par le décret n°2024-814 du 9 juillet 2024, pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros par salarié concerné ;
  • Des sanctions pénales : jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 15 000 € d’amende par salarié étranger employé illégalement ;
  • La fermeture administrative de l’établissement ou une interdiction temporaire d’exercer ;
  • La mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre en cas de sous-traitance.

L’employeur qui embauche un salarié sans autorisation de travail commet donc une infraction au Code du travail et au CESEDA, exposant sa responsabilité civile et pénale.

Quels types de contrat de travail un employeur français peut-il proposer à un salarié étranger ?
Le Code du travail autorise la conclusion de plusieurs formes de contrats avec un salarié étranger :

  • Contrat à durée indéterminée (CDI) : il est le plus protecteur et permet d’obtenir un titre de séjour salarié ;
  • Contrat à durée déterminée (CDD) : valable pour un emploi temporaire, mais nécessitant un titre de séjour portant la mention travailleur temporaire ;
  • Contrat d’apprentissage ou de professionnalisation : adapté aux jeunes travailleurs en formation professionnelle ;
  • Contrat d’intérim (contrat de mission) : encadré par la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009.

Dans tous les cas, le contrat de travail doit être rédigé en français (article L1221-3 du Code du travail) et respecter l'égalité de traitement avec les autres salariés, en matière de rémunération et de conditions de travail (article L1132-1).

Quels impacts le contrat de travail a-t-il sur le titre de séjour du salarié étranger ?
Le type de contrat signé a un impact direct sur la nature du titre de séjour délivré :

  • Pour un CDI, le salarié étranger obtient une carte de séjour mention « salarié » d'une durée initiale de 1 an, renouvelable ensuite par une carte pluriannuelle de 4 ans (article L421-1 du CESEDA). Cette carte est conditionnée au maintien de l’emploi.
  • Pour un CDD, le travailleur se voit délivrer une carte mention « travailleur temporaire » valable pour la durée du contrat, dans la limite d’un an (article L421-3 du CESEDA).
    Le renouvellement du contrat ou la transformation en CDI implique une nouvelle demande d'autorisation de travail et un renouvellement du titre auprès de la préfecture. Ces démarches sont indispensables pour garantir la légalité du séjour et de l'activité professionnelle du salarié.

Comment régulariser un salarié étranger sans-papiers via la procédure d'admission exceptionnelle au séjour ?
En présence d'un travailleur sans-papiers, il est possible, dans certaines conditions, de solliciter une régularisation par le travail :

  • La procédure d’admission exceptionnelle au séjour, prévue par les articles L435-1 et R435-1 du CESEDA, s’adresse aux étrangers occupant un emploi dans un secteur en tension ;
  • Deux critères doivent être cumulés : une durée minimale de présence sur le territoire (souvent 3 ans) et une activité salariée significative (ex. : 12 fiches de paie sur les 24 derniers mois) ;
  • Aucun visa d’entrée n’est exigé rétroactivement ;
  • Cette procédure dépend du pouvoir discrétionnaire de la préfecture et de l’application stricte des conditions définies par la circulaire Retailleau du 23 janvier 2025, qui a restreint les cas de délivrance du titre.

Cette procédure permet d'obtenir un titre de séjour temporaire mention « salarié » ou « travailleur temporaire », à condition de prouver une intégration économique réelle par l'activité professionnelle.

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