Le barème Macron, instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, a profondément modifié l’évaluation des indemnités pour licenciement abusif. Ce dispositif, codifié notamment à l’article L1235-3 du Code du travail, fixe un plancher et un plafond aux dommages-intérêts accordés aux salariés lorsque leur licenciement est reconnu comme sans cause réelle et sérieuse.
L’objectif affiché est double : sécuriser les relations de travail en offrant une visibilité aux employeurs sur le coût potentiel d’un contentieux prud’homal et garantir une réparation financière au salarié en cas de licenciement injustifié. Toutefois, ce mécanisme a suscité de vifs débats juridiques et continue d’alimenter une jurisprudence dynamique, oscillant entre respect de la norme nationale et contestations fondées sur le droit européen et international.
Pour mieux comprendre la portée du barème Macron, il convient d’en analyser le contenu juridique, les controverses jurisprudentielles qu’il a engendrées et les exceptions dans lesquelles le plafonnement ne s’applique pas.
Lorsqu’un licenciement est jugé abusif, c’est-à-dire dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité prud’homale destinée à réparer le préjudice subi. Cette indemnité s’ajoute à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article L1234-9 du Code du travail).
Le barème Macron, prévu à l’article L1235-3 du Code du travail, encadre le montant minimal et maximal des dommages-intérêts, en fonction de :
Ce barème s’applique à la quasi-totalité des licenciements abusifs, à l’exception des licenciements nuls, pour lesquels aucun plafond n’est prévu.
L’instauration de ce barème a immédiatement provoqué de fortes tensions juridiques. Plusieurs cours d’appel ont tenté d’écarter son application, estimant qu’il ne permettait pas une réparation adéquate du préjudice subi par le salarié, comme l’exige l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Pour ces juridictions, le plafonnement des indemnités pouvait être incompatible avec les principes européens de protection des travailleurs, notamment ceux de la Charte sociale européenne. Ainsi, la Cour d’appel de Grenoble (22 juin 2023, n° 21/03352) a par exemple considéré que le barème pouvait empêcher une réparation intégrale du préjudice.
Cependant, la Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises la validité de ce dispositif :
Elle a jugé que le barème est compatible avec la Convention de l’OIT et qu’il ne viole pas la Charte sociale européenne, cette dernière n’ayant pas d’effet direct contraignant en droit français.
De son côté, le Comité européen des droits sociaux (CEDS), dans ses décisions du 23 mars et du 5 juillet 2022, a estimé que les plafonds du barème ne sont pas suffisamment élevés pour garantir une indemnisation dissuasive et adéquate. Ces avis, bien que influents, n’ont pas de valeur contraignante pour la France.
En application du barème Macron, le juge prud’homal doit fixer le montant de l’indemnité dans les limites légales fixées par l’article L1235-3 du Code du travail :
Pour les entreprises de 11 salariés ou plus, le plancher est fixé à 1 mois de salaire dès la première année d’ancienneté et augmente progressivement avec la durée d’emploi, jusqu’à un maximum de 20 mois pour 30 ans d’ancienneté ou plus.
Pour les TPE (moins de 11 salariés), le plancher est réduit pour les dix premières années d’ancienneté (par exemple 0,5 mois pour la première année), mais le plafond demeure identique à celui des entreprises de plus grande taille.
📌 Exemple : un salarié licencié abusivement après 4 ans d’ancienneté dans une entreprise de 50 salariés pourra percevoir entre 3 et 5 mois de salaire brut à titre de dommages-intérêts.
Le barème Macron ne s’applique pas en cas de licenciement nul. Ce type de licenciement est reconnu lorsqu’il intervient en violation d’une liberté fondamentale ou de certaines protections légales spécifiques. Sont notamment concernés :
Dans ces situations, prévues à l’article L1235-3-1 du Code du travail, aucun plafond ne limite l’indemnisation. Toutefois, le juge doit accorder au salarié une indemnité minimale équivalente à 6 mois de salaire brut, quelle que soit son ancienneté.
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, dans sa recommandation du 6 septembre 2023, a invité la France à réévaluer son dispositif afin de s’assurer qu’il garantit une indemnisation réellement dissuasive pour l’employeur. Il s’agirait notamment de :
Si ces recommandations n’ont pas de valeur obligatoire, elles pèsent dans le débat politique et juridique et pourraient orienter de futures réformes du dispositif Macron.
Face à un licenciement abusif, la saisine du Conseil de prud’hommes est une étape déterminante. Le salarié doit démontrer que la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse pour bénéficier d’une indemnisation conforme au barème. La détermination du montant exact dépendra de nombreux éléments :
Un accompagnement par un avocat ou un juriste spécialisé permet d’optimiser la stratégie contentieuse et d’obtenir une indemnisation adaptée à la situation concrète du salarié.
Le barème Macron constitue aujourd’hui l’un des dispositifs les plus structurants du droit du travail en matière d’indemnisation du licenciement abusif. En instaurant un encadrement légal précis des dommages-intérêts, il a profondément modifié les équilibres entre protection des salariés et sécurité juridique des employeurs. Son objectif est clair : offrir une prévisibilité financière aux entreprises tout en assurant une réparation minimale garantie aux salariés victimes d’une rupture injustifiée.
Toutefois, si ce mécanisme a permis d’harmoniser les pratiques prud’homales et de réduire l’incertitude contentieuse, il reste au cœur d’un débat juridique et social intense. D’un côté, les partisans du barème soulignent sa lisibilité et sa stabilité, éléments indispensables au bon fonctionnement des relations de travail. De l’autre, ses détracteurs estiment qu’il limite la capacité des juges à apprécier pleinement l’ampleur du préjudice subi et à garantir une indemnisation véritablement dissuasive pour les employeurs fautifs.
Les prises de position du Comité européen des droits sociaux et les recommandations du Conseil de l’Europe montrent que la question n’est pas close : des évolutions législatives ou jurisprudentielles pourraient venir redéfinir les contours du dispositif dans les années à venir. En attendant, la jurisprudence française continue de confirmer son applicabilité stricte, sauf dans les cas de licenciement nul, qui échappent à tout plafonnement.
Pour les salariés comme pour les employeurs, il est donc essentiel de maîtriser les règles du barème Macron et de mesurer précisément ses impacts financiers et juridiques. Dans un contexte où chaque contentieux prud’homal peut avoir des conséquences importantes, l’accompagnement juridique reste un levier stratégique pour défendre efficacement ses droits ou sécuriser une procédure.
Le barème Macron n’est pas seulement une grille de calcul : c’est un outil normatif majeur qui façonne la pratique quotidienne du licenciement en France et continue d’alimenter un débat juridique d’ampleur nationale et européenne.
1. Qu’est-ce que le barème Macron en cas de licenciement abusif ?
Le barème Macron est un dispositif instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et codifié à l’article L1235-3 du Code du travail. Il encadre le montant des indemnités prud’homales versées lorsqu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. Concrètement, le juge ne peut plus fixer librement le montant des dommages-intérêts : il doit respecter un plancher (montant minimal) et un plafond (montant maximal) déterminés en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise. Ce mécanisme vise à sécuriser les employeurs tout en garantissant aux salariés une indemnisation prévisible et minimale en cas de licenciement abusif. Le barème Macron s’applique dans la majorité des contentieux prud’homaux, sauf exceptions légales précises.
2. Quel montant peut percevoir un salarié selon le barème Macron ?
Le montant des indemnités prud’homales dépend de l’ancienneté du salarié et du nombre de salariés dans l’entreprise. Plus l’ancienneté est élevée, plus l’indemnisation est importante.
📌 Exemple : un salarié licencié abusivement après 4 ans dans une entreprise de 50 salariés peut percevoir entre 3 et 5 mois de salaire brut. Un salarié dans une TPE avec la même ancienneté touchera entre 1 et 5 mois.
Ce barème permet donc une indemnisation encadrée, que le juge ne peut ni dépasser ni réduire en dessous des seuils légaux.
3. Le barème Macron s’applique-t-il dans tous les cas ?
Non. Le barème Macron ne s’applique pas dans les cas de licenciement nul, c’est-à-dire lorsque la rupture du contrat viole une liberté fondamentale ou repose sur un motif illégal. Les principales exceptions sont prévues par l’article L1235-3-1 du Code du travail :
Dans ces situations, aucun plafond ne s’applique et le salarié doit percevoir au minimum 6 mois de salaire brut, même en cas d’ancienneté faible. Le juge prud’homal dispose alors d’une liberté d’appréciation totale pour fixer une indemnisation proportionnée au préjudice réel.
4. Pourquoi le barème Macron fait-il débat ?
Le barème Macron a été validé à plusieurs reprises par la Cour de cassation (notamment le 11 mai 2022, le 20 septembre 2023 et le 7 mai 2024), mais il reste au cœur d’un contentieux social et juridique important.
Le CEDS a même estimé que les plafonds fixés n’étaient ni dissuasifs pour les employeurs, ni suffisamment réparateurs pour les salariés. Toutefois, ces avis n’ont pas de valeur contraignante en droit français, et la jurisprudence nationale continue d’imposer l’application stricte du barème.
5. Que recommande l’Europe à la France concernant le barème Macron ?
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, dans sa recommandation du 6 septembre 2023, a appelé la France à réexaminer son dispositif. L’objectif est de mieux garantir une indemnisation dissuasive et adaptée aux situations individuelles. Plus précisément, le Conseil de l’Europe a recommandé :
Même si ces recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes, elles exercent une pression politique et sociale et pourraient influencer de futures réformes législatives. Ce contexte montre que le barème Macron est amené à évoluer dans les années à venir, notamment sous l’impulsion du droit européen.