Fiscal

Blocage de compte bancaire : que faire face à la banque ou au Trésor ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Compte bancaire bloqué : causes, recours et procédures légales

Le blocage d’un compte bancaire est une situation à la fois contraignante et déstabilisante pour le titulaire, qui se retrouve dans l’impossibilité de disposer librement de ses fonds. Ce blocage peut résulter de plusieurs causes : décision administrative, dette privée, succession, interdiction bancaire, ou encore mesure de protection sur les comptes de mineurs. Si certaines de ces mesures découlent directement d’obligations légales, d’autres peuvent être contestées si elles ne respectent pas les procédures imposées par le Code monétaire et financier ou le Code des procédures civiles d’exécution.

Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre pourquoi un compte est bloqué, quelles sont les conséquences juridiques de cette mesure, et surtout quels sont les recours dont dispose le titulaire pour en obtenir la levée ou en limiter les effets.

Le blocage peut résulter :

  • d’une saisie administrative ou judiciaire sur décision d’un créancier ou de l’administration fiscale,
  • d’une interdiction bancaire consécutive à un chèque sans provision,
  • d’un décès du titulaire, entraînant une immobilisation temporaire,
  • ou d’un blocage à titre préventif pour protéger les fonds d’un mineur.

Cet article expose le cadre juridique applicable, les causes légitimes de blocage, les droits du titulaire, ainsi que les procédures amiables et judiciaires permettant de contester ou de lever ce blocage.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Les causes légales de blocage d’un compte bancaire
  3. Les recours pour débloquer un compte bancaire
  4. Les étapes de recours en cas de litige avec la banque
  5. Conclusion

Les causes légales de blocage d’un compte bancaire

Compte bloqué pour interdiction bancaire

L’interdiction bancaire est une mesure qui intervient généralement après l’émission d’un chèque sans provision. La banque est alors tenue de :

  • refuser le paiement du chèque,
  • informer le client de l’incident,
  • exiger la restitution des chéquiers,
  • bloquer l’ensemble des comptes du client, quelle que soit l’établissement concerné.

Cette interdiction s’accompagne d’une inscription au Fichier central des chèques géré par la Banque de France pour une durée pouvant atteindre cinq ans. Ce fichier a pour effet de priver le client de la possibilité d’émettre de nouveaux chèques pendant la durée de l’interdiction.

Pour régulariser, le titulaire doit :

  • approvisionner le compte afin de permettre le paiement du chèque impayé,
  • ou obtenir l’accord du bénéficiaire pour lever la procédure.

Compte bloqué pour solde insuffisant ou dettes

Un compte peut être bloqué en raison d’impayés :

  • Dettes envers un créancier privé : un huissier de justice peut effectuer une saisie-attribution sur les comptes du débiteur. Conformément à l’article R. 211-19 du Code des procédures civiles d’exécution, « l’acte de saisie rend indisponible l’ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d’argent ». Le blocage dure 15 jours en moyenne.
  • Dettes fiscales : en cas de non-paiement des impôts, le Trésor public peut émettre un avis à tiers détenteur (ATD), entraînant le blocage temporaire des fonds. Pour débloquer, il est nécessaire de régler tout ou partie de la dette.

Dans les deux cas, une somme insaisissable (le solde bancaire insaisissable, SBI) doit être laissée à disposition du titulaire conformément à l’article L. 162-2 du Code des procédures civiles d’exécution, garantissant ainsi un minimum vital.

Compte bloqué suite à un décès

Lorsqu’un titulaire de compte décède, la banque procède automatiquement au blocage du compte individuel. Seules certaines opérations restent possibles :

  • le paiement des frais d’obsèques,
  • la clôture du compte dans le cadre de la succession.

Pour un compte joint, le co-titulaire conserve le droit d’utiliser les fonds, sauf opposition d’un héritier ou d’un notaire.
L’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier prévoit expressément la possibilité pour les héritiers directs de demander la clôture et la récupération des fonds sur présentation d’un certificat d’hérédité ou d’un acte de notoriété.

Compte bloqué pour protection des fonds d’un mineur

Les parents peuvent demander le blocage du compte d’un enfant mineur afin de préserver les sommes qui y sont déposées. Pendant cette période, seules les opérations de versement sont autorisées. L’enfant recouvre la pleine disposition de son compte à sa majorité, à 18 ans, conformément aux règles du droit civil sur la capacité juridique.

Les recours pour débloquer un compte bancaire

Identifier la cause du blocage

Avant toute action, il est indispensable d’identifier la cause exacte du blocage : interdiction bancaire, saisie, décès, protection légale… Cette identification permettra d’engager la procédure appropriée pour en demander la levée ou la régularisation.

Régulariser les dettes ou impayés

Lorsqu’un compte est bloqué à la suite d’une saisie ou d’un avis à tiers détenteur :

  • le titulaire peut régler la dette, en totalité ou partiellement, pour lever le blocage,
  • demander à bénéficier du SBI (Solde Bancaire Insaisissable),
  • ou contester la saisie si elle est irrégulière.

En cas de contestation, le délai pour agir est de 1 mois à compter de la notification (article R. 211-11 du Code des procédures civiles d’exécution).

Lever une interdiction bancaire

Pour mettre fin à une interdiction bancaire, le client doit régulariser tous les chèques impayés : soit en les payant, soit en obtenant un accord écrit du bénéficiaire. Une fois la régularisation effectuée, la banque doit informer la Banque de France pour que le Fichier central des chèques soit mis à jour et que la mesure soit levée.

Débloquer un compte dans le cadre d’une succession

Le déblocage intervient après règlement de la succession. Les héritiers doivent fournir les pièces justificatives (acte de notoriété, certificat d’hérédité) afin d’autoriser la clôture et le transfert des fonds. Le conjoint survivant ou les héritiers peuvent ainsi récupérer les fonds légalement, conformément aux dispositions du Code monétaire et financier.

Les étapes de recours en cas de litige avec la banque

Étape 1 : résolution amiable

Une mise en cause amiable permet de contacter la banque ou le créancier afin de demander la levée du blocage ou une régularisation. Cette étape écrite et documentée est souvent suffisante lorsque le blocage est injustifié ou excessif.

Étape 2 : mise en demeure

Si la situation n’est pas résolue, le titulaire peut adresser une mise en demeure formelle. Cette lettre, juridiquement encadrée, permet d’interrompre les délais de prescription et de préparer une éventuelle action en justice.

Étape 3 : action judiciaire

En dernier recours, il est possible de saisir le juge de l’exécution pour contester une saisie ou une mesure abusive (article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire). Le juge peut :

  • lever le blocage s’il est irrégulier,
  • ordonner la restitution des sommes,
  • ou accorder des délais de paiement.

Le recours à la justice est particulièrement pertinent dans les cas de saisie contestable, absence de notification ou erreur bancaire manifeste.

Conclusion

Le blocage d’un compte bancaire n’est jamais une situation anodine : il résulte soit d’un mécanisme légal, soit d’une décision bancaire qui doit impérativement respecter des règles précises. Qu’il s’agisse d’une interdiction bancaire, d’une saisie administrative, d’un blocage lié à une succession ou à une protection légale, le titulaire dispose toujours de droits et de recours effectifs.

La réglementation — notamment l’article R. 211-19 du Code des procédures civiles d’exécution et l’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier — encadre strictement les pratiques bancaires en matière de blocage de compte. Grâce à une démarche structurée (identification de la cause, régularisation, recours amiable, puis judiciaire), il est possible d’obtenir la levée du blocage ou une solution adaptée à la situation.

Dans de nombreux cas, une intervention rapide et documentée suffit à rétablir l’accès aux fonds, sans nécessairement engager une procédure longue et coûteuse. Lorsque le dialogue échoue, la voie judiciaire constitue un levier solide pour faire respecter ses droits face à l’établissement bancaire ou au créancier.

FAQ

1. Pourquoi une banque peut-elle bloquer un compte ?
Un compte bancaire peut être bloqué dans des situations précises et encadrées par la loi. Les motifs les plus fréquents sont :

  • L’interdiction bancaire : elle intervient généralement après l’émission d’un chèque sans provision. La banque bloque alors les comptes du titulaire et l’inscrit au Fichier central des chèques pour une durée pouvant atteindre cinq ans.
  • La saisie sur compte : à la demande d’un créancier ou de l’administration fiscale, le compte peut être bloqué en vertu de l’article R. 211-19 du Code des procédures civiles d’exécution. Cette mesure empêche temporairement tout retrait.
  • Le décès du titulaire : en application de l’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier, le compte individuel est automatiquement bloqué jusqu’au règlement de la succession.
  • La protection des fonds d’un mineur : les représentants légaux peuvent demander à bloquer le compte afin de garantir la sécurité des fonds déposés.

Dans tous les cas, la banque doit pouvoir justifier la mesure et informer le titulaire (ou ses ayants droit) de ses droits et des modalités de recours. Un blocage injustifié ou non notifié peut être contesté.

2. Quels sont mes droits en cas de saisie bancaire ?
Lorsqu’un compte est bloqué à la suite d’une saisie-attribution, le titulaire bénéficie de plusieurs protections légales :

  • Un solde bancaire insaisissable (SBI) doit obligatoirement être laissé sur le compte (article L. 162-2 du Code des procédures civiles d’exécution). Ce montant correspond au revenu de solidarité active (RSA) et permet au titulaire de subvenir à ses besoins essentiels.
  • Le débiteur doit être informé de la saisie par notification, lui permettant de connaître le montant saisi et le créancier à l’origine de la mesure.
  • Un délai d’un mois est prévu pour contester la saisie devant le juge de l’exécution (article R. 211-11 CPC exéc.).
  • Si la saisie est irrégulière (absence de notification, montant erroné, créance prescrite), le titulaire peut obtenir sa levée ou sa réduction.

Il est fortement conseillé de rassembler les justificatifs (notification de saisie, relevés bancaires, correspondances avec la banque) pour appuyer toute contestation.

3. Comment lever une interdiction bancaire ?
L’interdiction bancaire prive le titulaire du droit d’émettre des chèques et entraîne souvent le blocage partiel ou total de ses comptes. Pour y mettre fin :

  • Le titulaire doit régulariser l’intégralité des chèques impayés, soit en approvisionnant le compte, soit en obtenant un accord écrit du bénéficiaire.
  • Une fois la régularisation effectuée, la banque doit en informer la Banque de France pour que le Fichier central des chèques soit mis à jour.
  • La levée de l’interdiction doit être effective rapidement après la régularisation. Si la banque tarde à effectuer cette notification, le titulaire peut formuler une réclamation ou saisir le médiateur bancaire.
  • En cas de refus injustifié de la banque, il est également possible d’engager une action judiciaire pour forcer la levée de l’interdiction.

À noter : même en cas d’interdiction bancaire, l’accès à certains services bancaires de base est garanti par la loi dans le cadre du droit au compte (article L. 312-1 du Code monétaire et financier).

4. Que faire si le compte est bloqué après un décès ?
En cas de décès, la banque a l’obligation légale de bloquer le compte individuel du défunt. Ce blocage empêche toute opération, à l’exception de :

  • la prise en charge des frais d’obsèques,
  • certaines opérations urgentes encadrées par la réglementation.

Pour débloquer les fonds :

  • les héritiers doivent présenter un certificat d’hérédité ou un acte de notoriété, établi par un notaire ou la mairie selon les cas,
  • le notaire, s’il y a succession, transmet les instructions de déblocage à la banque,
  • le conjoint survivant ou les héritiers directs peuvent demander la clôture du compte et le versement des fonds sur le compte successoral.

Ce dispositif est encadré par l’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier. Si la banque retarde ou refuse le déblocage sans justification légitime, les héritiers peuvent déposer une réclamation écrite, saisir le médiateur bancaire ou, en dernier recours, engager une action en justice.

5. Quels recours existent si le blocage est injustifié ?
Un blocage bancaire peut parfois intervenir de manière irrégulière, notamment en cas d’erreur interne, de retard dans la levée d’une interdiction ou d’absence de notification. Dans ces cas, plusieurs solutions sont envisageables :

  1. Recours amiable : adresser une mise en cause écrite à la banque pour exiger la levée immédiate du blocage. Cette étape doit préciser les textes légaux applicables et inclure les preuves disponibles.
  2. Mise en demeure : si la banque ne réagit pas, une mise en demeure formelle peut être envoyée, avec un délai précis pour agir. Elle constitue un préalable souvent nécessaire avant une action judiciaire.
  3. Médiation bancaire : cette voie gratuite et confidentielle permet de résoudre la majorité des litiges sans passer par le tribunal.
  4. Action en justice : si aucune solution amiable n’aboutit, le titulaire peut saisir le juge de l’exécution ou le tribunal judiciaire pour faire constater le caractère injustifié du blocage et obtenir, le cas échéant, des dommages et intérêts.

Dans certains cas, notamment en matière de saisie abusive ou de blocage excessif, le juge peut ordonner une mainlevée immédiate et sanctionner l’établissement bancaire ou le créancier fautif.

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