Civil

Bornage de terrain : dans quels cas votre action peut être jugée irrecevable ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Bornage et empiètement : dans quels cas votre action peut être jugée irrecevable ?

Lorsqu’un litige oppose deux voisins au sujet des limites de leurs terrains, l’action en bornage apparaît comme la voie classique de résolution. Mais attention : cette action n’est pas toujours recevable. En présence d’un bornage déjà réalisé, elle peut être refusée si les conditions légales ne sont pas remplies. La Cour de cassation l’a récemment rappelé dans un arrêt du 28 mars 2024 (n° 22-16.473).

Quand le bornage devient un frein à une nouvelle action judiciaire

Le bornage consiste à fixer de manière définitive la limite séparative entre deux propriétés contiguës. Il peut être réalisé de façon amiable (avec accord entre voisins) ou judiciaire (en cas de désaccord). En vertu de l’article 646 du Code civil, une fois qu’un bornage a été effectué, il n’est en principe plus possible d’intenter une nouvelle action aux mêmes fins, sauf si les bornes ont disparu et que la limite séparative est devenue incertaine.

C’est ce point que la Cour de cassation est venue trancher : que se passe-t-il si les bornes ont disparu, mais que les limites demeurent connues et visibles sur le terrain ?

Une affaire de clôture, de mur et de souvenirs… pas assez incertains

Dans cette affaire, un propriétaire estimait que ses voisins avaient empiété sur sa parcelle en édifiant un mur à la place d’une ancienne clôture grillagée. Il décide donc de les assigner en bornage, arguant d’une incertitude sur la limite séparative.

La cour d’appel, cependant, rejette sa demande. Elle rappelle qu’un bornage amiable avait été effectué avant que les actuels propriétaires n’achètent leurs terrains respectifs. Et même si les bornes physiques avaient disparu avec le temps, des éléments objectifs permettaient encore d’identifier la limite séparative :

  • Un géomètre avait confirmé la trace du bornage initial.
  • Les auteurs du demandeur avaient eux-mêmes matérialisé cette limite par une clôture, ensuite partiellement remplacée par un mur.
  • Des attestations et des photographies produites confirmaient l’emplacement de la séparation.

En clair, même sans les bornes physiques visibles, la ligne de séparation restait identifiable.

Ce que dit la Cour de cassation

La Cour valide le raisonnement des juges du fond. Elle rappelle que :

« Une nouvelle action en bornage n’est recevable qu’en cas d’incertitude sur la limite séparative, du fait de la disparition des bornes ».

Or, dans cette affaire, la disparition des bornes n’avait pas rendu la limite incertaine. Elle était encore identifiable par des éléments matériels et par l’usage constant du terrain. Le propriétaire demandeur ne pouvait donc pas invoquer une incertitude pour rouvrir le débat.

Pourquoi cette décision est importante pour les justiciables

Cet arrêt met en lumière une règle peu connue mais essentielle : on ne peut pas relancer une procédure de bornage simplement parce qu’on conteste une limite déjà fixée, ou parce que les bornes ne sont plus visibles sur le terrain. Il faut démontrer que la limite elle-même est devenue incertaine.

Concrètement, cela signifie :

  • Un ancien bornage amiable ou judiciaire a une valeur juridique durable.
  • Il faut apporter des preuves solides de l’incertitude pour rouvrir un litige.
  • Une clôture ancienne ou un mur construit sur la base du bornage initial peut suffire à figer la limite.

Cela évite les contentieux abusifs et protège la stabilité foncière, tout en encourageant les voisins à respecter les accords passés, qu’ils aient été formalisés par écrit ou non.

Que faire en cas de doute sur vos limites de propriété ?

Avant d’envisager une action en bornage, il est crucial de :

  • Vérifier s’il existe un acte de bornage antérieur (document notarié, intervention d’un géomètre, procès-verbal).
  • Consulter un professionnel (géomètre-expert ou avocat spécialisé) pour établir la situation sur le terrain.
  • Réunir des preuves : photographies anciennes, attestations de témoins, plans cadastraux, etc.

Si la limite n’est pas incertaine mais seulement contestée pour des raisons subjectives, une action judiciaire risque d’être irrecevable.

En résumé

La recevabilité d’une action en bornage dépend de l’existence d’une incertitude réelle sur les limites de propriété. Si un bornage antérieur existe et que les traces sur le terrain sont toujours visibles, votre action pourra être rejetée. Une décision utile à connaître pour éviter les litiges fonciers inutiles.

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