Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), les conditions météorologiques peuvent, bien plus que dans d'autres branches professionnelles, affecter gravement la sécurité des salariés et la poursuite des activités. Tempêtes, fortes pluies, gel, verglas : autant d’éléments naturels qui peuvent paralyser un chantier et mettre en danger la santé des travailleurs.
Face à ces risques, le droit du travail a instauré un régime juridique spécifique : le dispositif des congés-intempéries, encadré par les articles L5424-8 et suivants du Code du travail.
Mais la multiplication des vagues de chaleur extrême et des épisodes caniculaires ces dernières années a profondément redéfini les enjeux. Législateur et pouvoirs publics ont dû adapter ce dispositif aux nouvelles réalités climatiques, en reconnaissant la canicule comme une situation d’intempérie à part entière. Ce tournant a été acté par le décret n°2024-630 du 28 juin 2024 et l'arrêté du 27 mai 2025, qui complètent le dispositif et renforcent les obligations des employeurs.
Désormais, face aux températures dangereuses pour la santé des ouvriers, l’interruption des travaux n’est plus une simple option mais une obligation de sécurité pesant sur l’employeur, en application du principe de prévention des risques professionnels inscrit à l’article L4121-1 du Code du travail. Ce dernier doit non seulement activer le chômage-intempéries mais aussi mettre en place des mesures concrètes de protection : fourniture d’eau, organisation de pauses, réorganisation des horaires, etc.
Par ailleurs, ce régime repose sur un financement mutualisé via des cotisations spécifiques versées aux caisses de congés payés du BTP. Ce système permet de garantir l'indemnisation des salariés en arrêt de travail et le remboursement des entreprises contraintes de suspendre leur activité.
Cet article propose un décryptage juridique complet du régime des congés-intempéries dans le secteur du BTP, à travers ses conditions de déclenchement, ses règles d’indemnisation, le rôle de la CIBTP, les obligations de l’employeur et les droits des salariés concernés. À travers l’analyse des derniers textes réglementaires et des principales références légales, faisons un point précis sur les conséquences pratiques et juridiques de ce dispositif dans un contexte marqué par les risques climatiques accrus.
Entre le 1er juin et le 15 septembre 2024, près de 1 700 interventions de l'Inspection du travail ont ciblé la gestion du risque chaleur. Le secteur du BTP concentre 50 % des expositions relevées. La situation est alarmante : 7 accidents mortels liés aux températures élevées ont été recensés en 2024, auxquels s’ajoute le décès récent d’un ouvrier en juillet 2025.
Face à cette réalité, l’arrêté du 27 mai 2025 a précisé les seuils de vigilance Météo-France selon quatre niveaux : verte, jaune, orange (canicule classique) et rouge (canicule extrême). Dès le niveau orange, la vigilance impose des mesures spécifiques aux employeurs du secteur.
En vertu de l’article L5424-8 du Code du travail, lorsqu’une intempérie rend dangereuse l’exécution du travail sur un chantier (pluie, vent, neige, gel, verglas), l'employeur peut activer le dispositif des congés-intempéries. Depuis le décret n°2024-630 du 28 juin 2024, les périodes de canicule constituent désormais une situation ouvrant droit au chômage-intempéries.
L’arrêt de chantier est motivé par la protection :
L’obligation d’aménagements incombe alors à l’employeur, comme la fourniture d’eau potable fraîche (3 litres par salarié et par jour minimum) et le contrôle des équipements de protection individuelle (EPI).
Le financement des périodes de chômage-intempéries repose sur un système de cotisations obligatoires versées par les employeurs aux caisses de congés payés du BTP, conformément à l’article D5424-36 du Code du travail.
Ces cotisations sont assises sur le total des salaires versés, après abattement. Le décret n°2024-629 du 28 juin 2024 a autorisé les caisses à élargir l’assiette aux salaires théoriquement dus pendant les absences pour maladie.
L’arrêt de chantier doit être déclaré à la CIBTP (Caisse des congés intempéries du BTP) via un formulaire normalisé. La caisse rembourse l’employeur des indemnités versées aux salariés, calculées sur la base des salaires cotisés.
La suspension d’activité entraîne la mise en chômage-intempéries des salariés présents sur le chantier au moment de l’arrêt. Ces derniers doivent justifier d'au moins 200 heures de travail sur les 2 mois précédant l’interruption, conformément aux articles L5424-11 et D5424-11 du Code du travail.
L’indemnité horaire représente 75 % du salaire horaire brut, dans la limite de 120 % du plafond de la Sécurité sociale (article L5424-12 du Code du travail). Cette indemnité :
La limite d'indemnisation est fixée à :
Outre le financement du régime, l’employeur doit veiller à :
La consultation préalable du CSE (Comité social et économique) est impérative avant toute décision d’arrêt, conformément aux principes généraux de prévention.
La CIBTP, structure nationale regroupant les caisses locales, pilote :
Le salarié demeure à la disposition de son employeur durant la période de suspension :
La reprise d’activité est décidée unilatéralement par l'employeur ou son représentant sur chantier, avec obligation d’affichage sur site. Tout salarié absent à la reprise cesse de percevoir l’indemnité.
Les décrets du 28 juin 2024 et l’arrêté du 27 mai 2025 constituent les textes fondateurs de la réforme récente du régime des congés-intempéries face aux canicules. L’objectif est de réduire les accidents graves et mortels dus aux vagues de chaleur, tout en encadrant juridiquement les obligations des employeurs du BTP.
En consacrant la canicule parmi les conditions climatiques ouvrant droit au chômage-intempéries, le législateur a opéré une avancée majeure dans la protection des travailleurs du BTP exposés aux dangers des chaleurs extrêmes. Le dispositif des congés-intempéries, longtemps limité aux intempéries classiques (pluie, neige, vent), devient un outil central de prévention des risques professionnels face aux dérèglements climatiques.
Pour les entreprises du BTP, l'arrêt d'un chantier pour cause de canicule n'est plus une simple mesure facultative : c'est une obligation juridique assortie d'un cadre strict. La mobilisation du régime impose aux employeurs de respecter une procédure précise, de s'acquitter des cotisations spécifiques, et d'assurer à leurs salariés le bénéfice de l'indemnisation prévue par le Code du travail.
Quant aux salariés, ils bénéficient de droits renforcés, leur permettant de préserver leur santé tout en étant indemnisés, sous réserve de remplir les conditions prévues par la réglementation.
Le rôle de la CIBTP est également renforcé : elle devient l'acteur pivot dans la gestion administrative et financière du dispositif, contrôlant les déclarations d’arrêt de travail et veillant au bon versement des indemnités.
Face à une multiplication des épisodes caniculaires annoncée par les experts climatiques, le secteur du BTP devra continuer à s’adapter et intégrer pleinement ces dispositifs dans ses pratiques quotidiennes. L’enjeu : garantir non seulement la continuité économique des chantiers, mais surtout la protection juridique et physique des salariés, conformément aux exigences posées par le Code du travail et les dernières réformes réglementaires.
Qu’est-ce que le chômage-intempéries dans le secteur du BTP ?
Le chômage-intempéries est un dispositif légal permettant de suspendre temporairement l’activité d’un chantier lorsque les conditions météorologiques rendent le travail dangereux ou impossible. Encadré par les articles L5424-8 et suivants du Code du travail, il vise à protéger les salariés du BTP exposés aux risques climatiques. Neige, pluie, vent fort, mais aussi canicule (depuis le décret n°2024-630 du 28 juin 2024) sont désormais reconnues comme des intempéries justifiant l’interruption des travaux. Durant cette période, les salariés concernés perçoivent une indemnité journalière financée par un système de cotisations versées par l'employeur à la CIBTP.
La canicule est-elle considérée comme une intempérie ouvrant droit au chômage-intempéries ?
Oui. Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2024-630 du 28 juin 2024 et de l’arrêté du 27 mai 2025, la canicule est intégrée au dispositif des congés-intempéries dans le BTP. Lorsque les températures franchissent le seuil de vigilance orange ou rouge défini par Météo-France, l’employeur est tenu d’interrompre les travaux pour protéger la santé des salariés. Cet arrêt déclenche l'indemnisation prévue par le Code du travail. L'employeur doit aussi mettre en place des mesures préventives comme la mise à disposition d'eau potable fraîche, la réorganisation des horaires ou encore le port adapté des équipements de protection individuelle (EPI).
Comment sont indemnisés les salariés du BTP en période de chômage-intempéries ?
L’indemnisation des salariés repose sur un système spécifique financé par des cotisations patronales obligatoires. Le salarié placé en chômage-intempéries reçoit une indemnité journalière équivalente à 75 % de son salaire horaire brut, dans la limite de 120 % du plafond de la Sécurité sociale. Cette indemnité couvre chaque heure non travaillée dès la 2ème heure perdue, avec un plafond de 9 heures par jour, 45 heures par semaine, et 55 jours indemnisés par an. L’indemnité est versée directement par l’employeur, qui en obtient le remboursement via la CIBTP. Les sommes perçues ne sont pas assimilées à un salaire mais restent assujetties à la CSG et à la CRDS.
Quelles obligations précises incombent à l’employeur du BTP en cas de canicule ?
En cas de canicule, l’employeur du BTP a l’obligation de :
En cas de manquement, l’employeur engage sa responsabilité sur le fondement de l’article L4121-1 du Code du travail relatif à l'obligation de sécurité.
Quels sont les droits et devoirs des salariés durant le chômage-intempéries ?
Durant la période de chômage-intempéries, le salarié reste sous la subordination juridique de son employeur. Il doit :
Le refus injustifié d’effectuer ces tâches alternatives peut entraîner la perte du droit à indemnisation. Par ailleurs, le salarié doit se présenter à la reprise des travaux dès notification officielle. L'absence injustifiée entraîne la suspension des indemnités. À noter que le licenciement reste interdit pendant la période d’arrêt, sauf exceptions (faute grave, inaptitude professionnelle).