Consommation

Calendrier commercial modifié : un levier pour contrer la hausse des prix

Jordan Alvarez
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Produits de consommation : la nouvelle loi qui accélère la baisse des prix

Face à une inflation persistante pesant lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages, le législateur a choisi d’agir en amont de la chaîne de formation des prix. La loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023, publiée au Journal officiel le 18 novembre, instaure un dispositif exceptionnel visant à modifier le calendrier des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs de produits de grande consommation.

En adaptant temporairement le cadre normatif, l’objectif est d’accélérer la répercussion des baisses des coûts des matières premières sur les prix finaux, en réduisant les délais contractuels traditionnels.

Cette réforme s’inscrit dans une logique de régulation proactive des rapports commerciaux, tout en préservant l’équilibre entre les différents acteurs économiques concernés. Elle illustre aussi la volonté de l’État d’agir avec souplesse et célérité en contexte de tensions inflationnistes.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Un contexte inflationniste sous surveillance législative
  3. Une avancée du calendrier des négociations commerciales
  4. Champ d’application du nouveau dispositif
  5. Nouvelles échéances imposées aux acteurs économiques
  6. Communication anticipée des conditions générales de vente
  7. Force obligatoire et sanctions applicables
  8. Sort des négociations non abouties
  9. Incidence sur les contrats déjà signés
  10. Une évaluation législative attendue
  11. FAQ

Un contexte inflationniste sous surveillance législative

Dans un climat économique marqué par une hausse des prix des produits de grande consommation, le législateur est intervenu de manière ciblée à travers la loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023, publiée au Journal officiel le 18 novembre 2023. Ce texte vise à accélérer la répercussion de la baisse des coûts des matières premières agricoles et énergétiques sur les prix de vente au consommateur. L’objectif est clair : permettre aux ménages de bénéficier plus rapidement d’une baisse des prix à la suite d'une amélioration des conditions économiques amont.

Une avancée du calendrier des négociations commerciales

Traditionnellement, les négociations commerciales annuelles entre fournisseurs et distributeurs s’étendent du 1er décembre au 1er mars (article L. 441-4 du Code de commerce). Ce cycle permet de fixer les prix de vente de gros, lesquels influencent directement les prix de détail.

La loi du 17 novembre 2023 modifie temporairement ce calendrier pour l’année 2024 en avançant la date de conclusion des conventions commerciales, tout en respectant le principe d’annualité prévu à l’article L. 441-3 du Code de commerce.

Champ d’application du nouveau dispositif

Le texte s’applique aux conventions commerciales relatives aux produits de grande consommation vendus en France, dès lors qu'elles sont conclues entre un distributeur exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire et un fournisseur.

Sont exclus du champ d’application :

  • Les établissements de distribution situés dans les départements et régions d’outre-mer ;
  • Les produits hors grande consommation.

Nouvelles échéances imposées aux acteurs économiques

Dans le cadre du dispositif exceptionnel mis en place pour 2024, la loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 instaure deux échéances contractuelles impératives en fonction de la taille des entreprises concernées.

Cette différenciation vise à répondre à un impératif d’équité économique, en tenant compte de la diversité des structures et de leurs capacités de négociation :

  • Le 15 janvier 2024 constitue la date butoir pour les fournisseurs classés comme PME ou ETI, soit ceux dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes est inférieur à 350 millions d’euros. Les accords signés à cette date doivent prendre effet dès le 16 janvier 2024 ;
  • Le 31 janvier 2024 est fixé pour les grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, avec une entrée en vigueur des tarifs négociés au 1er février 2024.

Ces nouvelles échéances sont d’ordre public. Elles s’imposent à tous les opérateurs concernés, sans possibilité d’y déroger contractuellement.

Cette rigidité répond à la nécessité de réduire les délais de renégociation tarifaire et d’accélérer la répercussion des baisses de coûts dans les prix à la consommation. Le législateur entend ainsi corriger les déséquilibres structurels entre les petits fournisseurs souvent en position de faiblesse, et les grands distributeurs, dont la force de frappe commerciale peut influer lourdement sur les délais de conclusion des accords.

Communication anticipée des conditions générales de vente

En parallèle, la loi impose une anticipation renforcée de la communication des conditions générales de vente (CGV), dans une optique de prévisibilité contractuelle et de transparence dans les négociations. Cette exigence repose sur l’article L. 441-1 du Code de commerce, qui encadre les délais de transmission des CGV.

Les fournisseurs doivent donc transmettre leurs CGV :

  • Au plus tard le 21 novembre 2023, lorsqu’ils réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 350 millions d’euros (PME/ETI) ;
  • Au plus tard le 5 décembre 2023, s’ils ont un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 350 millions d’euros (grands groupes industriels).

Ces dates constituent des prérequis incontournables à l’ouverture des négociations. Elles permettent aux distributeurs d’examiner plus en amont les propositions tarifaires, de préparer leurs positions contractuelles et, in fine, de réduire la durée des échanges. L’objectif poursuivi est de fluidifier le processus de renégociation afin que les nouveaux tarifs puissent entrer en vigueur plus rapidement, en adéquation avec les délais impératifs fixés par la loi.

Cette transparence accrue permet également de prévenir les pratiques dilatoires, de réduire les conflits liés aux conditions de vente, et de renforcer la loyauté des relations commerciales, conformément aux principes posés par le Code de commerce et les recommandations de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC).

Force obligatoire et sanctions applicables

Les dispositions relatives aux nouvelles échéances de négociation prévues par la loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 sont qualifiées de dispositions d’ordre public. Cela signifie qu’elles s’imposent de plein droit à toutes les parties concernées, sans possibilité d’y déroger contractuellement, même d’un commun accord. Cette qualification juridique renforce la portée impérative de la réforme, en empêchant toute tentative de contournement via des clauses particulières dans les conventions commerciales.

Tout litige né de l’application de ces dispositions relève de la compétence exclusive des juridictions françaises, sauf exceptions prévues par :

  • Le droit de l’Union européenne,
  • Ou les engagements internationaux ratifiés ou approuvés par la France, notamment en matière de compétence judiciaire ou de droit applicable.

En cas de manquement aux obligations fixées par la loi, des sanctions administratives lourdes peuvent être infligées, conformément à l’article L. 470-2 du Code de commerce :

  • Une personne physique encourt une amende pouvant atteindre 200 000 euros ;
  • Une personne morale (notamment une entreprise ou un groupe de distribution) peut être sanctionnée jusqu’à 5 000 000 euros par infraction constatée.

Ces montants renforcés témoignent de la volonté du législateur d’assurer l’effectivité du dispositif, en dissuadant fermement tout retard ou non-conformité dans l’exécution des obligations. Il s’agit d’un outil de régulation économique à part entière, mobilisé pour garantir une application homogène et rigoureuse de la réforme sur l’ensemble du territoire français.

Sort des négociations non abouties

Lorsque aucun accord n’est conclu à la date limite :

  • Le fournisseur peut rompre la relation commerciale sans que cela constitue une rupture brutale au sens de l’article L. 442-1, II du Code de commerce ;
  • Il peut aussi notifier un préavis de rupture écrit, proportionné à la durée de la relation et aux conditions du marché ;
  • Les parties peuvent saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises, et fixer avant le 15 ou 29 février 2024 un accord encadrant la rupture.

En cas de désaccord, la loi autorise le fournisseur à rompre unilatéralement la relation commerciale sans qu’aucune sanction pour rupture brutale ne puisse être opposée.

Incidence sur les contrats déjà signés

La loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 ne se limite pas à modifier les échéances à venir : elle impacte directement les conventions commerciales en cours, conclues avant le 1er septembre 2023. Ces conventions sont considérées comme caduques de plein droit, sans nécessité de résiliation ou de dénonciation expresse. En d’autres termes, leur validité prend fin automatiquement, et ce, même si elles prévoyaient une échéance postérieure.

Ainsi, les parties concernées doivent impérativement mettre fin à ces contrats à deux dates limites clairement définies :

  • Le 15 janvier 2024 pour les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 350 millions d’euros ;
  • Le 31 janvier 2024 pour les grandes entreprises, soit celles dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 350 millions d’euros.

Ce mécanisme vise à uniformiser le nouveau calendrier contractuel et à éviter que des accords anciens ne retardent la mise en œuvre des tarifs renégociés, qui devraient refléter les baisses de coût attendues. Il impose ainsi à l’ensemble des acteurs économiques de renégocier dans les délais impartis, sous peine de se retrouver sans base contractuelle valable pour la poursuite de leurs relations commerciales en 2024.

Une évaluation législative attendue

Dans un souci de transparence et de contrôle démocratique, la loi impose au gouvernement de transmettre au Parlement un rapport d’évaluation, dans un délai de trois mois suivant sa promulgation (soit avant février 2024). Ce rapport a pour but d’analyser l’impact concret de la réforme sur le fonctionnement du marché et de mesurer l’efficacité économique du dispositif mis en place.

Trois axes d’analyse sont expressément prévus :

  • L’impact sur les prix de vente aux consommateurs, afin d’identifier si la réforme a permis une réelle baisse des prix dans les rayons ;
  • Le partage de la valeur ajoutée entre les différents maillons de la chaîne, notamment entre les industriels et les distributeurs, dans une perspective d’équité contractuelle ;
  • L’évolution des marges bénéficiaires, filière par filière, ce qui permettra de repérer les secteurs où la baisse des coûts a été effectivement répercutée et ceux où elle a été absorbée en amont.

Ce suivi législatif est essentiel. Il répond à une double exigence : garantir l’utilité économique de la réforme et protéger durablement le pouvoir d’achat des consommateurs dans un contexte général d’instabilité des prix. La mise en lumière des résultats permettra aussi, le cas échéant, d’ajuster les dispositifs législatifs futurs et d’envisager d’éventuelles prolongations ou adaptations ciblées.

Conclusion

En adaptant le calendrier des négociations commerciales, la loi du 17 novembre 2023 introduit un mécanisme juridique d’urgence aux effets immédiats sur les relations entre fournisseurs et distributeurs.

En encadrant strictement les délais, en posant des sanctions renforcées en cas de manquement et en favorisant la médiation commerciale, elle entend fluidifier le passage des dynamiques macroéconomiques vers les prix à la consommation. Si le dispositif demeure exceptionnel et temporellement circonscrit, il marque néanmoins une évolution notable dans l’usage de la loi comme levier économique.

Il conviendra d’observer, à la lumière du rapport attendu du gouvernement, si cette stratégie normative atteint effectivement ses finalités d’ajustement rapide des prix et de rééquilibrage de la chaîne de valeur.

FAQ

1. Pourquoi la loi du 17 novembre 2023 modifie-t-elle le calendrier des négociations commerciales ?

La loi n° 2023-1041 du 17 novembre 2023 a été adoptée afin de lutter contre l’inflation sur les produits de grande consommation. Elle vise à accélérer la baisse des prix à la consommation en réduisant les délais de négociation entre fournisseurs et distributeurs. En effet, la baisse des coûts des matières premières agricoles et énergétiques observée depuis 2022 devait pouvoir se répercuter plus rapidement dans les rayons. C’est pourquoi le calendrier initialement prévu par l’article L. 441-4 du Code de commerce, qui allait du 1er décembre au 1er mars, a été exceptionnellement modifié pour l’année 2024.

2. Quels sont les nouveaux délais fixés pour les négociations commerciales en 2024 ?

La loi fixe deux dates butoirs distinctes selon la taille des entreprises concernées :

  • Le 15 janvier 2024 pour les PME et ETI dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 350 millions d’euros, avec prise d’effet des accords le 16 janvier ;
  • Le 31 janvier 2024 pour les grandes entreprises (≥ 350 millions d’euros), avec prise d’effet le 1er février.

Ces dates sont d’ordre public, ce qui signifie qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucun aménagement contractuel. L’objectif est d’imposer une anticipation contractuelle afin que les prix révisés soient répercutés plus tôt en 2024, dans l’intérêt du consommateur.

3. Quelles sont les sanctions prévues en cas de non-respect de ces échéances ?

Le non-respect des dates butoirs est sanctionné par une amende administrative renforcée. Selon l’article L. 470-2 du Code de commerce, l’amende peut atteindre :

  • 200 000 euros pour une personne physique ;
  • 5 000 000 euros pour une personne morale, par infraction constatée.
    Ces sanctions visent à garantir la bonne application du dispositif, en évitant tout retard dans la fixation des prix de gros. Elles témoignent également de la volonté du législateur de restaurer une forme de régulation économique dans les relations commerciales, notamment face aux situations de déséquilibre entre fournisseurs et distributeurs.

4. Quelles sont les conséquences si aucun accord n’est trouvé avant la date limite ?

Si aucune convention n’est conclue au 15 ou 31 janvier 2024, le fournisseur peut :

  • Mettre fin à la relation commerciale, sans que cela soit qualifié de rupture brutale, en application de l’article L. 442-1, II du Code de commerce ;
  • Notifier un préavis de rupture écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale et des conditions économiques du marché.
    Les parties ont également la possibilité de recourir à la médiation, en saisissant le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises. Si un accord est trouvé avant le 15 ou le 29 février 2024 (selon la taille de l’entreprise), celui-ci pourra s’appliquer rétroactivement, notamment sur les prix.

5. Quels effets attendus cette réforme vise-t-elle à produire sur le marché ?

La réforme ambitionne de produire plusieurs effets structurels et conjoncturels :

  • Favoriser une baisse plus rapide des prix pour les consommateurs, en répercutant plus tôt la baisse des coûts de production ;
  • Rééquilibrer les rapports commerciaux entre distributeurs et industriels, notamment au profit des PME ;
  • Accroître la transparence dans la formation des prix, en imposant des délais stricts de communication des conditions générales de vente (CGV) : avant le 21 novembre 2023 pour les entreprises de moins de 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, avant le 5 décembre 2023 pour les autres ;
  • Éviter l’inertie tarifaire souvent dénoncée dans le secteur de la grande distribution ;
  • Et à terme, évaluer les marges des différents acteurs de la chaîne de valeur, conformément au rapport que le gouvernement doit remettre au Parlement.

Cette démarche traduit une volonté politique de maîtriser l’inflation par une régulation ciblée, sans déroger aux principes du droit commercial.

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