L'usage de la vidéosurveillance en entreprise est un sujet délicat qui nécessite un équilibre entre le droit à la vie privée des salariés et les légitimes préoccupations de sécurité de l’employeur.
Cette pratique, encadrée par plusieurs textes législatifs, doit respecter les droits fondamentaux des travailleurs tout en répondant aux objectifs de protection des biens et des personnes.
Les employeurs qui souhaitent installer un tel dispositif doivent suivre des règles strictes, tant en matière de protection des données personnelles qu’en matière de consultation des instances représentatives du personnel.
L'article 9 du Code civil garantit à chaque individu le respect de sa vie privée, un droit fondamental qui s'applique également dans le cadre professionnel. Parallèlement, l'article 1121-1 du Code du travail encadre les restrictions pouvant être imposées aux libertés des salariés.
Selon ces textes, toute mesure de surveillance doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Dans cet esprit, la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) et le Ministère du Travail ont précisé que l'installation de caméras sur les lieux de travail doit avant tout viser des objectifs de sécurité, et non servir à un contrôle constant de l'activité des salariés.
Ce principe a été réaffirmé dans un arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2021 (n°19-13.856), qui a jugé que la surveillance continue d’un salarié travaillant seul en cuisine était disproportionnée par rapport à l’objectif de sécurité invoqué par l'employeur.
Cet arrêt souligne que la surveillance excessive des salariés constitue une atteinte à leurs droits fondamentaux, notamment au respect de leur vie privée.
La CNIL a maintes fois rappelé que la vidéosurveillance ne doit pas porter atteinte aux droits des salariés et qu'elle doit être strictement limitée à des zones justifiées. En conséquence, les caméras ne peuvent pas filmer les postes de travail en continu, ni les espaces de repos ou les locaux syndicaux, conformément à la Délibération n°2013-029.
Cette mesure vise à protéger les salariés contre une surveillance abusive qui porterait atteinte à leur vie privée.
De plus, dans une décision de 2010 (Délibération n°2010-112), la CNIL a clairement souligné qu’une surveillance continue et permanente sur le lieu de travail constitue une atteinte disproportionnée aux droits des salariés, particulièrement à leur droit à la vie privée.
La CNIL insiste donc sur la nécessité pour les employeurs de veiller à ce que l'installation de caméras soit proportionnée au but recherché et limitée aux zones nécessitant effectivement un contrôle pour des raisons de sécurité.
La mise en place de la vidéosurveillance peut avoir un impact significatif sur la relation de confiance entre l'employeur et les salariés. Si la surveillance est mal encadrée ou perçue comme excessive, elle peut créer un sentiment d’intrusion, générant un climat de méfiance au sein de l’entreprise.
Les salariés peuvent se sentir constamment observés, ce qui affecte leur bien-être et leur motivation au travail.
Il est donc essentiel que l’employeur adopte une approche transparente et pédagogique lorsqu’il installe des caméras de surveillance.
La communication doit clairement expliquer les raisons de l’installation, en insistant sur les objectifs de sécurité et non de contrôle permanent de l’activité des employés.
Cette démarche permet de rassurer les salariés en leur montrant que la surveillance vise à protéger leurs intérêts et ceux de l’entreprise, et non à violer leur droit à la vie privée.
Une gestion équilibrée de la vidéosurveillance peut ainsi contribuer à maintenir un climat de confiance tout en répondant aux besoins de sécurité.
Avant d'installer un système de vidéosurveillance, l'employeur doit informer et consulter le CSE conformément à l'article L.2312-38 du Code du travail.
Cette procédure vise à garantir la transparence et à permettre aux représentants du personnel de s'exprimer sur les modalités de mise en œuvre de la surveillance au travail. Le non-respect de cette obligation constitue un délit d'entrave qui peut entraîner des sanctions pénales en vertu de la jurisprudence (Cass. Soc., 7 juin 2006, n°04-43.866).
L'entrave aux fonctions du CSE est une infraction grave, car elle empêche les salariés de participer à la gestion des conditions de travail dans l’entreprise.
L'employeur doit également informer individuellement chaque salarié concerné par la mise en place d'un système de vidéosurveillance.
Cette information doit être précise et détaillée, notamment sur l'usage qui sera fait des images capturées. L’obligation d’information découle de l'article L.1222-4 du Code du travail, qui impose à l'employeur de respecter le droit à la transparence envers ses salariés.
Cette obligation a été confirmée par la jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 janvier 2012 (Cass. Soc., 10 janvier 2012, n°10-23.482).
Ainsi, les salariés doivent savoir dans quel cadre et pour quels objectifs les images seront utilisées, que ce soit pour des raisons de sécurité ou de discipline.
Lorsque toutes les conditions légales sont respectées, les images issues de la télésurveillance peuvent être utilisées par l’employeur pour justifier une sanction disciplinaire ou pour soutenir une action en justice.
Ces images doivent cependant avoir été obtenues dans le respect des formalités légales, telles que l'information des salariés et la consultation des instances représentatives, comme le CSE.
En revanche, en cas de manquement aux formalités, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que les preuves obtenues par vidéosurveillance sans respect des procédures peuvent être jugées illicites et donc irrecevables en justice (Cass. Soc., 15 mai 2001, n°99-42.219).
Cela signifie qu'un employeur ne peut pas utiliser des images obtenues sans informer correctement les salariés ou sans consulter le CSE pour justifier un licenciement ou toute autre sanction disciplinaire.
Toutefois, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a pris une position différente. Dans un arrêt de 1994 (Cass. Crim., 6 avril 1994, n°93-82.717), elle a jugé que même les preuves obtenues de manière illégale pouvaient être admises dans un procès pénal, tant qu’elles sont pertinentes pour établir les faits.
Cela crée une distinction importante entre le droit social et le droit pénal, où les règles de preuve peuvent diverger selon la nature du contentieux.
Un autre aspect clé de la réglementation concerne la durée de conservation des images capturées par les caméras de surveillance. Selon la CNIL, les images doivent être conservées pendant une durée limitée, proportionnée à l’objectif visé par le dispositif de vidéosurveillance.
Généralement, cette durée ne doit pas dépasser 30 jours, sauf en cas de circonstances exceptionnelles justifiant une période plus longue, telles que des enquêtes en cours ou des incidents spécifiques nécessitant une conservation prolongée.
Si les images sont conservées au-delà de cette période sans justification légale, cela peut constituer une violation des droits des salariés en matière de protection des données personnelles.
Le non-respect de cette limite de temps expose l’employeur à des sanctions par la CNIL, notamment en cas de contrôle ou de plainte d’un salarié.
La durée de conservation est donc un élément essentiel à respecter pour garantir la légalité du dispositif de surveillance et protéger les droits fondamentaux des employés en entreprise.
La vidéosurveillance des salariés est un outil puissant mais délicat à utiliser en entreprise. Si elle peut répondre à des besoins de sécurité, elle doit être mise en place dans le respect des droits fondamentaux des employés, en particulier leur droit à la vie privée.
Les employeurs ont l’obligation de respecter des procédures strictes pour éviter des sanctions, qu’il s’agisse de consulter le CSE, d’informer les salariés ou de veiller à la proportionnalité des mesures.
Une mauvaise utilisation de cet outil peut entraîner des conséquences juridiques lourdes, d'où l'importance de bien encadrer son usage en se conformant aux règles en vigueur.
Un employeur peut installer un système de vidéosurveillance uniquement si cela est justifié par des motifs légitimes, comme la protection des personnes ou des biens. La vidéosurveillance ne doit en aucun cas servir à surveiller en permanence l’activité des salariés. De plus, l’employeur doit respecter des formalités obligatoires :
Oui, les salariés doivent être informés individuellement de la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance. L’article L.1222-4 du Code du travail impose cette obligation d'information qui doit inclure des détails sur :
Non, la CNIL a clairement établi que la vidéosurveillance ne doit pas filmer en continu les postes de travail, sauf circonstances exceptionnelles. Cette pratique serait considérée comme une atteinte disproportionnée à la vie privée des salariés. De plus, il est interdit de filmer les zones telles que :
Oui, les images issues de la vidéosurveillance peuvent être utilisées comme moyen de preuve par l'employeur dans le cadre d'un litige, à condition que toutes les obligations légales aient été respectées (information des salariés, consultation du CSE, etc.). Cependant, si ces conditions ne sont pas respectées, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que ces preuves sont illicites et donc irrecevables en matière de droit du travail (Cass. Soc., 15 mai 2001, n°99-42.219). Par contre, en matière pénale, la Chambre criminelle admet parfois des preuves obtenues de manière illégale (Cass. Crim., 6 avril 1994, n°93-82.717), créant ainsi une distinction entre les contentieux sociaux et pénaux.
Un employeur qui utilise la vidéosurveillance de manière abusive s'expose à plusieurs risques :