Pénal

Casier judiciaire bulletin n°2 : exclusions, mentions et destinataires

Estelle Marant
Collaboratrice
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Casier judiciaire : que contient vraiment le bulletin n°2 ?

Le casier judiciaire constitue un instrument fondamental du droit pénal français. Il regroupe l’ensemble des condamnations pénales et décisions judiciaires rendues à l’encontre d’une personne. Sa consultation s’effectue sous des conditions strictement définies par le Code de procédure pénale, afin de concilier deux impératifs essentiels : la protection de la société et la préservation des droits individuels.

Le casier est subdivisé en trois bulletins, chacun destiné à un usage particulier : le bulletin n°1, accessible uniquement aux autorités judiciaires et aux établissements pénitentiaires ; le bulletin n°3, que l’intéressé peut obtenir directement ; et le bulletin n°2, qui occupe une place intermédiaire. Ce dernier est utilisé par certaines autorités publiques et par des employeurs autorisés dans le cadre de fonctions ou d’activités spécifiques.

Le bulletin n°2 du casier judiciaire contient la majorité des condamnations prononcées pour crimes et délits, mais exclut volontairement certaines décisions afin d’éviter des discriminations injustifiées. Le législateur a prévu des mécanismes d’effacement et de réhabilitation (articles 133-12 et suivants du Code pénal) pour permettre la réinsertion sociale des condamnés. Par ailleurs, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour décider si une condamnation doit ou non apparaître dans ce bulletin, selon les circonstances et la finalité de la peine.

Ce dispositif illustre la volonté de l’État d’encadrer rigoureusement la communication des informations pénales, en restreignant leur accès aux seules situations justifiées par l’ordre public, la protection des mineurs ou encore le contrôle de professions sensibles. Comprendre ce que contient réellement le bulletin n°2, et dans quelles conditions il peut être délivré, est essentiel tant pour les justiciables que pour les acteurs institutionnels et professionnels concernés.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Les condamnations inscrites au bulletin n°2
  3. Les condamnations exclues du bulletin n°2
  4. Le rôle du juge dans l’inscription au bulletin n°2
  5. Les destinataires autorisés du bulletin n°2
  6. Textes applicables
  7. Conclusion

Les condamnations inscrites au bulletin n°2

Les condamnations pour crimes et délits

Le bulletin n°2 contient la plupart des condamnations prononcées pour crimes et délits. Cela inclut par exemple les peines d’emprisonnement, les amendes pénales importantes, ainsi que les peines complémentaires comme les interdictions professionnelles ou les peines d’inéligibilité (articles 131-26 et suivants du Code pénal).

Il mentionne également les condamnations prononcées à l’étranger contre des citoyens français, sous réserve des conventions internationales et des dispositions relatives à l’exécution des décisions pénales rendues à l’étranger.

Les condamnations exclues du bulletin n°2

Certaines condamnations, bien qu’inscrites au casier judiciaire, n’apparaissent pas dans le bulletin n°2 afin de protéger les droits du justiciable et de favoriser sa réinsertion sociale. Parmi elles figurent notamment :

  • les condamnations réhabilitées, soit par une décision judiciaire, soit de plein droit après un certain délai (articles 133-12 et suivants du Code pénal) ;
  • les condamnations prononcées à l’encontre des mineurs, afin de respecter le principe de spécialité de la justice des mineurs (ordonnance du 2 février 1945, désormais intégrée au Code de la justice pénale des mineurs) ;
  • les contraventions de police, considérées comme des infractions de moindre gravité ;
  • les condamnations assorties d’un sursis simple, lorsque le délai d’épreuve a été respecté sans nouvelle condamnation.

Toutefois, une exception subsiste : si la condamnation avec sursis s’accompagne d’un suivi socio-judiciaire, d’une peine d’inéligibilité ou d’une interdiction d’exercer une activité impliquant un contact avec des mineurs, elle demeure inscrite au bulletin n°2.

Le rôle du juge dans l’inscription au bulletin n°2

Le juge pénal dispose d’un pouvoir important concernant l’inscription des condamnations au bulletin n°2 du casier judiciaire. La loi, et en particulier les articles 775-1 et suivants du Code de procédure pénale, lui permettent d’aménager l’inscription de certaines condamnations, afin de concilier les impératifs de sécurité publique et la nécessité de favoriser la réinsertion sociale des condamnés.

Une décision possible dès le prononcé du jugement

Au moment du prononcé de la peine, le juge peut décider que la condamnation ne sera pas mentionnée dans le bulletin n°2. Cette décision, parfois qualifiée de « non-inscription au B2 », est prise en tenant compte :

  • de la nature de l’infraction et de sa gravité,
  • de la personnalité du condamné,
  • de son parcours professionnel et social,
  • et des perspectives concrètes de réinsertion.

La condamnation demeure toutefois inscrite au bulletin n°1, accessible uniquement aux autorités judiciaires, ce qui garantit la traçabilité complète des décisions pénales.

Une demande possible a posteriori

Même après le jugement, l’intéressé peut solliciter le juge pour obtenir la dispense d’inscription au bulletin n°2. Cette requête doit être justifiée par des éléments nouveaux, tels que :

  • un parcours professionnel stable,
  • une bonne conduite depuis la condamnation,
  • des efforts démontrés de réhabilitation sociale (formation, emploi, insertion familiale).

Cette faculté est une véritable mesure d’aménagement judiciaire : elle vise à éviter qu’une condamnation passée constitue un obstacle disproportionné à l’accès à certaines professions réglementées ou à des fonctions électives.

Une garantie de proportionnalité

L’existence de ce pouvoir conféré au juge illustre le respect du principe de proportionnalité en droit pénal. En effet, une condamnation ne doit pas, par sa seule inscription au bulletin n°2, empêcher indéfiniment une personne d’exercer un métier ou d’accéder à un emploi. Ce mécanisme permet donc de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger la collectivité et le droit à la seconde chance pour le condamné.

La jurisprudence rappelle régulièrement que la mention au bulletin n°2 ne doit pas devenir une sanction indirecte permanente, mais doit rester un outil ciblé, adapté aux situations où l’ordre public ou la sécurité l’exigent.

Les destinataires autorisés du bulletin n°2

Le bulletin n°2 du casier judiciaire n’est pas accessible librement. Sa délivrance est strictement encadrée par les articles 776 à 781 du Code de procédure pénale, afin de protéger la vie privée des citoyens tout en garantissant la sécurité publique. Contrairement au bulletin n°3, qu’un individu peut obtenir pour lui-même, le bulletin n°2 est réservé à certains destinataires légalement habilités.

Les administrations publiques autorisées

Certaines autorités administratives et juridictionnelles peuvent solliciter la communication du bulletin n°2 pour remplir leurs missions légales. Il s’agit notamment :

  • des préfets et administrations publiques de l’État, lorsqu’il s’agit de contrôler l’accès à certaines professions réglementées ou de vérifier la moralité dans le cadre de candidatures officielles ;
  • des autorités militaires, notamment pour les procédures de recrutement et de promotion dans les forces armées ;
  • des juges consulaires chargés de la surveillance du Registre du commerce et des sociétés (RCS) et du registre spécial des agents commerciaux (RSAC) ;
  • des ordres professionnels (par exemple l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes), lorsqu’ils doivent vérifier l’aptitude d’un candidat à exercer une profession soumise à une réglementation stricte ;
  • des autorités électorales, pour contrôler que les candidats à une élection ne sont pas frappés d’une peine d’inéligibilité (article 131-26 du Code pénal).

Ces destinataires ne peuvent utiliser les informations contenues dans le bulletin n°2 qu’aux fins strictement prévues par la loi, sous le contrôle du juge.

Les employeurs privés autorisés

Le bulletin n°2 peut aussi être consulté dans certains cas précis par des employeurs privés, mais uniquement lorsqu’il s’agit de postes présentant un enjeu particulier en termes de protection des personnes vulnérables. Conformément à l’article 706-47-4 du Code de procédure pénale, cela concerne notamment les emplois impliquant un contact direct et régulier avec des mineurs dans des domaines éducatifs, sociaux, culturels ou sportifs.

Dans cette hypothèse :

  • l’employeur ne reçoit pas directement le bulletin n°2 ; la demande passe obligatoirement par une autorité administrative compétente (comme la Direction départementale de la cohésion sociale) ;
  • si le bulletin n°2 est vierge de toute condamnation, il est transmis intégralement à l’employeur ;
  • si des condamnations y figurent, l’autorité administrative ne communique pas le détail. Elle informe seulement l’employeur de l’existence d’une mention et de son incidence sur l’embauche.

Ce mécanisme vise à concilier deux impératifs : la protection des mineurs et la limitation de la diffusion d’informations pénales sensibles.

Une finalité de sécurité et de moralité

Cette restriction dans l’accès au bulletin n°2 poursuit un double objectif :

  • assurer la sécurité des usagers, en empêchant qu’une personne condamnée pour des faits graves puisse exercer certaines fonctions sensibles ;
  • garantir la moralité des professions réglementées, notamment celles en lien avec les enfants, la santé, l’éducation ou la représentation publique ;
  • éviter une divulgation excessive des données personnelles d’un individu, en respectant le principe de proportionnalité et le droit à la vie privée.

Textes applicables

  • Code de procédure pénale, articles 776 à 781 : organisation et communication du casier judiciaire.
  • Code pénal, articles 131-26 et suivants : peines d’inéligibilité et interdictions professionnelles.
  • Code de la justice pénale des mineurs : dispositions spécifiques aux condamnations de mineurs.
  • Jurisprudence : décisions de la Cour de cassation et de la CEDH rappelant le principe de proportionnalité et la protection de la vie privée dans la communication des extraits du casier judiciaire.

Conclusion

Le bulletin n°2 du casier judiciaire occupe une position singulière dans le droit français : il n’est ni totalement confidentiel comme le bulletin n°1, ni totalement accessible comme le bulletin n°3. Sa fonction est de filtrer les informations pénales afin de les mettre à disposition uniquement des autorités publiques compétentes et de certains employeurs autorisés, dans un cadre légal strict.

En pratique, ce document reflète la volonté du législateur d’assurer un équilibre entre sécurité collective et respect des droits fondamentaux. En limitant les condamnations qui y figurent — exclusion des condamnations mineures, des condamnations réhabilitées ou encore de celles concernant les mineurs —, le système vise à prévenir les discriminations et à offrir une véritable chance de réinsertion. À l’inverse, le maintien dans le bulletin n°2 de certaines peines comme l’inéligibilité, l’interdiction professionnelle ou encore les décisions lourdes de justice permet de protéger la collectivité et d’écarter des fonctions sensibles des personnes condamnées pour des faits graves.

La jurisprudence nationale et européenne a rappelé que l’usage du bulletin n°2 devait rester proportionné et encadré, en conformité avec le droit au respect de la vie privée (article 8 de la CEDH). Ce bulletin devient ainsi un véritable outil de sécurité juridique, garantissant à la fois la protection de la société et la défense des droits de l’individu.

Le bulletin n°2 n’est donc pas un simple extrait administratif : il est un instrument au service d’un droit pénal équilibré, où se rencontrent la nécessité de contrôler l’accès à certaines professions et la volonté de préserver la dignité et l’avenir du justiciable.

FAQ

1. Quelles condamnations figurent dans le bulletin n°2 du casier judiciaire ?
Le bulletin n°2 regroupe la majorité des condamnations pénales relatives aux crimes et aux délits. On y retrouve notamment :

  • les peines privatives de liberté (emprisonnement ferme ou partiellement assorti de sursis), lorsqu’elles dépassent certaines durées ;
  • les amendes pénales importantes ;
  • les peines complémentaires, telles que les interdictions professionnelles, les interdictions de droits civiques, civils ou de famille, et les peines d’inéligibilité prévues aux articles 131-26 et suivants du Code pénal ;
  • les sanctions disciplinaires décidées par certaines juridictions ;
  • les condamnations prononcées par une juridiction étrangère contre un Français, dès lors que celles-ci sont reconnues exécutoires en France.

Ce contenu permet aux autorités et employeurs habilités de contrôler la moralité et la capacité juridique des personnes appelées à exercer des responsabilités sensibles.

2. Quelles condamnations sont exclues du bulletin n°2 ?
Le législateur a volontairement limité le contenu du bulletin n°2 afin de préserver les chances de réinsertion sociale et de limiter la diffusion excessive d’informations pénales. Sont donc exclues :

  • les condamnations réhabilitées de plein droit ou par décision judiciaire (articles 133-12 à 133-16 du Code pénal) ;
  • les condamnations concernant les mineurs, conformément au Code de la justice pénale des mineurs, afin de respecter la spécificité du droit des mineurs et le principe d’éducation avant la sanction ;
  • les contraventions de police, considérées comme infractions de faible gravité ;
  • les condamnations assorties de sursis simple, lorsque le délai d’épreuve a pris fin sans incident.

Une exception existe toutefois : si la condamnation avec sursis s’accompagne d’un suivi socio-judiciaire, d’une interdiction professionnelle ou d’une inéligibilité, elle demeure visible au bulletin n°2.

3. Qui peut demander le bulletin n°2 du casier judiciaire ?
Le justiciable lui-même ne peut jamais obtenir son bulletin n°2. Cette interdiction vise à limiter la diffusion de données judiciaires sensibles. Seules certaines entités peuvent y avoir accès, notamment :

  • les préfets et administrations de l’État, pour des motifs liés à l’ordre public ou à la discipline ;
  • les autorités militaires, lors d’un recrutement ou d’une promotion ;
  • les juges consulaires, dans le cadre du contrôle du Registre du commerce et des sociétés (RCS) ;
  • les ordres professionnels (par ex. l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes), pour vérifier les conditions d’aptitude ;
  • les autorités électorales, pour vérifier l’absence de peine d’inéligibilité avant une candidature.

Ces restrictions, prévues par les articles 776 à 781 du Code de procédure pénale, garantissent que le bulletin n°2 ne soit communiqué qu’en cas de réelle nécessité légale.

4. Un employeur privé peut-il consulter le bulletin n°2 ?
Oui, mais uniquement dans des cas strictement définis par la loi. Certains employeurs privés peuvent accéder au bulletin n°2 lorsqu’ils recrutent pour un poste en contact habituel avec des mineurs.

  • La demande ne passe pas directement par l’employeur : elle doit être transmise via une autorité administrative compétente (par exemple la Direction départementale de la cohésion sociale).
  • Si le bulletin n°2 est vierge, l’autorité le transmet à l’employeur.
  • Si le bulletin comporte une ou plusieurs mentions de condamnations, l’employeur n’a pas accès aux détails. L’autorité compétente se limite à indiquer si les condamnations empêchent ou non l’embauche.

Ce mécanisme protège la vie privée du candidat tout en assurant la sécurité des mineurs.

5. Peut-on demander l’effacement d’une condamnation du bulletin n°2 ?
Oui, plusieurs mécanismes juridiques permettent d’obtenir l’effacement ou la non-inscription d’une condamnation au bulletin n°2 :

  • Le juge pénal, au moment du jugement ou après coup, peut décider qu’une condamnation ne sera pas mentionnée au bulletin n°2, même si elle reste inscrite au bulletin n°1.
  • La réhabilitation légale efface certaines condamnations après un délai déterminé sans nouvelle infraction (articles 133-12 et suivants du Code pénal).
  • La réhabilitation judiciaire, prononcée par une juridiction, peut intervenir à la demande de l’intéressé.
  • L’amnistie, lorsqu’elle est prévue par une loi, entraîne également l’effacement de la condamnation.

Ces mécanismes permettent de garantir que le bulletin n°2 ne constitue pas un obstacle permanent à la réinsertion et à l’accès à l’emploi.

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