Pénal

Casier judiciaire : comprendre le rôle et la délivrance du bulletin n°2

Estelle Marant
Collaboratrice
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Bulletin n°2 : quelles autorités et quels employeurs peuvent l’obtenir ?

Le casier judiciaire national est un instrument essentiel de la justice française. Il centralise l’ensemble des condamnations pénales et décisions judiciaires concernant une personne, et se divise en trois bulletins distincts : le bulletin n°1, le bulletin n°2 et le bulletin n°3. Chacun d’eux répond à des objectifs spécifiques et n’est pas destiné aux mêmes destinataires. Si le bulletin n°3 est accessible directement à l’intéressé et le bulletin n°1 réservé aux magistrats et aux autorités judiciaires, le bulletin n°2 occupe une position intermédiaire : il est réservé à certaines autorités administratives et à des employeurs bien définis par la loi.

La délivrance du bulletin n°2 est encadrée par les articles 776 à 781 du Code de procédure pénale. Il ne peut jamais être demandé par le justiciable lui-même, ce qui le distingue du bulletin n°3. Son rôle est de garantir que des personnes appelées à occuper des fonctions sensibles, en lien avec la sécurité publique, l’ordre social ou la protection des mineurs, ne soient pas affectées par des condamnations incompatibles avec ces missions. Ce document peut ainsi conditionner l’accès à une activité professionnelle, une inscription à un registre officiel ou encore une candidature à une fonction élective.

L’intérêt du bulletin n°2 réside dans sa fonction de filtrage : il ne dévoile pas toutes les informations judiciaires, mais uniquement celles qui ont une incidence sur l’exercice de certaines responsabilités. Il participe ainsi à un équilibre délicat entre la nécessité de transparence pour protéger la collectivité et le respect de la vie privée du citoyen. La jurisprudence française et européenne a d’ailleurs rappelé que l’utilisation de ce bulletin devait rester proportionnée et limitée aux finalités prévues par la loi, en conformité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’accès au bulletin n°2 concerne principalement :

  • les autorités publiques (préfets, juges consulaires, autorités militaires, ordres professionnels, commissions administratives) dans le cadre de procédures de contrôle ou d’agrément ;
  • certains employeurs exerçant une activité éducative, sociale ou culturelle auprès de mineurs, lorsqu’il est nécessaire de vérifier la moralité et l’aptitude juridique d’un candidat.

Comprendre le fonctionnement du bulletin n°2 est donc essentiel pour toute personne susceptible d’exercer une profession réglementée ou une activité en contact avec des populations vulnérables. C’est aussi une question de sécurité juridique : savoir quelles condamnations y figurent, à quelles conditions il est délivré, et comment les citoyens peuvent, à défaut d’obtenir ce document, consulter leur propre casier judiciaire intégral auprès du procureur de la République.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Consultation du bulletin n°2 par l’intéressé
  3. Délivrance du bulletin n°2 aux autorités publiques
  4. Délivrance du bulletin n°2 à certains employeurs
  5. Textes applicables
  6. Conclusion

Consultation du bulletin n°2 par l’intéressé

Un citoyen ne peut en aucun cas obtenir directement une copie du bulletin n°2 de son casier judiciaire. Toutefois, l’article 781 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité de solliciter la consultation du relevé intégral du casier judiciaire auprès du procureur de la République du tribunal judiciaire du domicile.

Cette démarche s’effectue par courrier, accompagné :

  • d’une pièce d’identité valide (carte nationale d’identité ou passeport),
  • d’un justificatif de filiation pour les personnes de nationalité étrangère (ex. : acte de naissance avec filiation).

La consultation se déroule uniquement dans les locaux du tribunal judiciaire. Aucune photocopie ou reproduction du relevé ne peut être réalisée. Cette règle garantit la confidentialité et prévient tout risque d’utilisation abusive du document.

Délivrance du bulletin n°2 aux autorités publiques

Le bulletin n°2 est communicable à diverses autorités administratives lorsqu’elles en ont besoin pour l’accomplissement de leurs missions légales. À titre d’exemple :

  • Préfets et administrations de l’État : notamment pour examiner des candidatures à certaines fonctions (ex. juge consulaire) ou pour initier des procédures disciplinaires.
  • Autorités militaires : par exemple lors d’une demande d’intégration dans l’armée.
  • Autorités électorales : pour vérifier l’éligibilité des candidats lors d’élections, notamment l’absence de condamnation assortie d’une peine d’inéligibilité.
  • Ordres professionnels et instances de contrôle : tel que l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, compétent pour apprécier l’aptitude d’un candidat à exercer en l’absence de condamnations incompatibles.
  • Juges du tribunal de commerce : dans le cadre de la surveillance du Registre du commerce et des sociétés (RCS) ou du registre spécial des agents commerciaux (RSAC).
  • Présidents de conseils départementaux : lors d’une demande d’agrément en vue d’adoption.
  • Commissions d’inscription : notamment pour les commissaires aux comptes ou professions similaires.
  • Administration en charge de la police des armes et explosifs : afin de garantir la sécurité publique.

Dans chacun de ces cas, le bulletin n°2 est requis pour vérifier la moralité, la probité ou l’aptitude juridique de la personne concernée.

Délivrance du bulletin n°2 à certains employeurs

Le bulletin n°2 peut également être transmis à certains employeurs, mais uniquement dans des situations strictement définies par la loi. Sont concernés les organismes publics ou privés qui exercent une activité éducative, culturelle ou sociale auprès de mineurs.

Dans ce cadre :

  • L’employeur ne peut pas solliciter directement le Casier judiciaire national.
  • La demande doit obligatoirement passer par une autorité administrative compétente (par exemple la Direction départementale en charge de la cohésion sociale – DDCS).
  • L’autorité saisie vérifie l’extrait et en transmet le contenu à l’employeur.

Deux hypothèses se présentent alors :

  1. Si le bulletin est vierge de toute condamnation, l’autorité administrative le communique intégralement à l’employeur.
  2. Si le bulletin comporte des mentions de condamnations, l’employeur ne reçoit pas le détail. Il est simplement informé de la présence d’une condamnation et de son incidence éventuelle sur l’embauche envisagée.

Ce dispositif protège le candidat en évitant la diffusion inutile de données sensibles tout en garantissant la sécurité des mineurs et la conformité des recrutements avec les exigences légales.

Textes applicables

Le régime juridique du bulletin n°2 du casier judiciaire est défini par plusieurs ensembles normatifs qu’il convient de rappeler afin de comprendre l’étendue des droits et obligations qui y sont liés.

  • Code de procédure pénale, articles 776 à 781 : ces dispositions encadrent la tenue du casier judiciaire national et la communication des trois bulletins. Elles précisent notamment les conditions de délivrance du bulletin n°2 aux autorités publiques et aux employeurs habilités. L’article 777 CPP énonce le principe de la délivrance des extraits du casier judiciaire et distingue les bulletins selon leur destinataire.
    L’article 781 CPP, quant à lui, prévoit la possibilité pour un justiciable de consulter le relevé intégral de son casier auprès du procureur de la République, tout en interdisant toute reproduction ou diffusion non autorisée.
  • Code pénal, articles 131-26 et suivants : ces articles concernent les peines d’inéligibilité et les interdictions professionnelles, civiques et familiales. Lorsqu’elles sont prononcées par une juridiction, ces peines complémentaires sont mentionnées au bulletin n°2, car elles conditionnent l’accès à certaines fonctions publiques, professions réglementées ou activités impliquant une responsabilité particulière.
    Ces dispositions jouent donc un rôle central dans la finalité même du B2, qui est de protéger la société en restreignant l’accès à des activités sensibles.
  • Jurisprudence relative à la protection des données personnelles et à la délivrance des extraits du casier judiciaire : les juridictions françaises et européennes (notamment la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme) ont rappelé à plusieurs reprises que la communication des données issues du casier judiciaire devait respecter le principe de proportionnalité et le droit à la vie privée (article 8 de la CEDH).
    La jurisprudence souligne que la consultation du bulletin n°2 ne doit jamais aboutir à une discrimination injustifiée, et que son usage doit rester limité aux finalités expressément prévues par la loi.

En combinant ces sources législatives et jurisprudentielles, le régime juridique du bulletin n°2 apparaît comme un dispositif équilibré : il permet d’assurer la sécurité juridique et sociale tout en préservant les droits fondamentaux des citoyens.

Conclusion

Le bulletin n°2 du casier judiciaire occupe une place singulière dans le dispositif légal français. Contrairement au bulletin n°3 accessible directement à chaque justiciable, le B2 est volontairement placé sous un régime de confidentialité renforcée afin de protéger la vie privée des personnes concernées tout en garantissant l’ordre public et la sécurité des citoyens. Sa délivrance est strictement encadrée par le Code de procédure pénale et réservée à certaines autorités publiques ainsi qu’à des employeurs spécifiques, notamment ceux dont l’activité implique une relation directe avec des mineurs.

Ce régime d’accès restreint illustre parfaitement l’équilibre recherché par le législateur entre deux impératifs : d’une part, la protection des droits fondamentaux du citoyen, en évitant une divulgation inutile et disproportionnée de ses antécédents judiciaires ; d’autre part, la prévention des risques liés à l’exercice de fonctions sensibles, qu’il s’agisse d’emplois éducatifs, sociaux, de la gestion des armes ou encore de l’accès à certaines professions réglementées.

En pratique, le fonctionnement du bulletin n°2 repose sur un mécanisme de filtrage institutionnel : l’intéressé ne peut pas en prendre directement possession et les employeurs habilités ne reçoivent pas systématiquement le contenu détaillé. Ce rôle d’intermédiation confié aux autorités administratives compétentes vise à assurer que seules les informations pertinentes pour l’embauche ou l’accès à une fonction soient transmises. Il s’agit donc d’un instrument de sécurité juridique mais aussi de protection des données personnelles.

La consultation intégrale de son propre casier reste néanmoins possible par le biais du procureur de la République, ce qui permet à chaque citoyen de vérifier son état pénal et, le cas échéant, d’engager des démarches de réhabilitation ou de radiation des mentions devenues caduques. Ainsi, le bulletin n°2 s’inscrit dans une logique de contrôle équilibré : il limite les atteintes à la réputation individuelle tout en répondant aux impératifs de sécurité collective.

Au final, le B2 constitue bien plus qu’un simple document administratif. Il est à la fois un outil de régulation sociale, un gage de confiance pour les employeurs et les institutions, et une garantie de respect des libertés individuelles pour les citoyens. C’est précisément cette dualité qui fait de ce bulletin une pièce centrale du dispositif juridique français en matière de casier judiciaire.

FAQ

1. Qui peut consulter le bulletin n°2 du casier judiciaire ?
Le bulletin n°2 est strictement réservé à certaines autorités et ne peut être consulté par un particulier. Conformément aux articles 776 et suivants du Code de procédure pénale, il peut être transmis notamment :

  • aux préfets et administrations de l’État pour contrôler l’accès à certaines fonctions ;
  • aux autorités militaires dans le cadre du recrutement ou de l’avancement ;
  • aux juges consulaires pour la surveillance du Registre du commerce et des sociétés (RCS) ;
  • aux ordres professionnels (ex. l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes) lors de l’examen d’aptitude ;
  • aux autorités électorales pour vérifier l’absence de peine d’inéligibilité.
    Cet accès limité garantit un équilibre entre la protection des données personnelles et la sécurité publique.

2. Peut-on demander soi-même une copie du bulletin n°2 ?
Un particulier ne peut pas obtenir directement son bulletin n°2. La loi exclut toute remise de ce document à l’intéressé pour éviter une diffusion incontrôlée de ses données sensibles. En revanche, toute personne peut demander la consultation de son casier judiciaire intégral auprès du procureur de la République du tribunal judiciaire de son domicile (article 781 CPP).
La démarche impose de présenter :

  • un justificatif d’identité (carte d’identité, passeport) ;
  • pour les étrangers, un justificatif de filiation (ex. acte de naissance).
    La consultation se fait uniquement sur place et il est interdit d’en obtenir une copie.

3. Dans quel cadre un employeur peut-il obtenir le bulletin n°2 ?
L’accès au B2 est très encadré pour les employeurs. Seuls certains dirigeants d’organismes publics ou privés travaillant auprès de mineurs (secteur éducatif, social, culturel) peuvent en demander la communication. La procédure ne passe pas directement par l’employeur mais par une autorité administrative compétente (ex. Direction départementale de la cohésion sociale).
Deux situations sont prévues :

  • si le bulletin est vierge, l’employeur reçoit la confirmation écrite ;
  • si le bulletin contient des mentions de condamnations, l’administration indique uniquement si ces mentions sont incompatibles avec l’embauche envisagée.
    Ainsi, le système préserve la sécurité des mineurs tout en évitant une transmission trop large des données judiciaires du candidat.

4. Quelles condamnations figurent dans le bulletin n°2 ?
Le contenu du bulletin n°2 est intermédiaire entre le bulletin n°1 (le plus complet, réservé aux magistrats) et le bulletin n°3 (le plus restreint, remis aux particuliers). On y trouve notamment :

  • des condamnations pénales graves telles que les peines d’emprisonnement fermes supérieures à deux ans ;
  • des peines complémentaires comme les interdictions professionnelles, civiques ou familiales ;
  • des sanctions disciplinaires prises par certaines juridictions ;
  • des peines d’inéligibilité prévues par le Code pénal (article 131-26).
    En revanche, n’y figurent pas les condamnations mineures, celles effacées par la réhabilitation (articles 133-12 à 133-16 du Code pénal) ou par amnistie. Ce choix vise à protéger les individus contre des discriminations injustifiées.

5. Comment vérifier les informations de son bulletin n°2 ?
Puisqu’il est impossible de recevoir directement le bulletin n°2, la seule solution pour un citoyen souhaitant vérifier son contenu est de demander au procureur de la République une consultation du casier judiciaire intégral.
Cette vérification est essentielle dans plusieurs cas :

  • lorsqu’une condamnation devrait avoir été effacée mais figure encore au casier ;
  • lorsqu’une réhabilitation judiciaire a été prononcée mais n’est pas enregistrée ;
  • lorsqu’il existe un doute sur la transmission du bulletin à une autorité administrative ou à un employeur.
    En cas d’erreur, la personne peut solliciter la rectification auprès du Casier judiciaire national ou, en dernier recours, saisir le juge compétent. Ce contrôle est une garantie de sécurité juridique pour les justiciables.

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