Travail

Ce que dit la loi sur le harcèlement sexuel au travail : cas réels et solutions

Estelle Marant
Collaboratrice
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Comment détecter et dénoncer un harcèlement sexuel dans votre entreprise

Le harcèlement sexuel en milieu professionnel constitue une atteinte directe à la dignité des salariés et à leurs droits fondamentaux, provoquant des répercussions graves tant sur leur santé physique et psychologique que sur la qualité de vie au travail. Longtemps considéré comme un sujet tabou dans les entreprises, ce phénomène est aujourd'hui fermement encadré par le droit français, au travers des dispositions des articles L1153-1 et suivants du code du travail, mais également de l'article 222-33 du code pénal, qui sanctionne pénalement ces agissements.

Pourtant, les chiffres démontrent l'ampleur du problème : près d'un salarié sur trois affirme avoir déjà été victime de harcèlement sexuel ou moral sur son lieu de travail, selon les enquêtes statistiques les plus récentes.

Ce constat souligne la nécessité impérieuse de sensibiliser, prévenir et sanctionner ces comportements déviants. Le harcèlement sexuel ne se limite pas à des attouchements ou gestes déplacés : il englobe un large panel de propos, comportements ou pressions psychologiques à caractère sexuel ou sexiste, susceptibles d'entraîner un climat professionnel délétère et anxiogène.

Dans ce contexte, il est indispensable que chaque acteur de l’entreprise – employeurs, salariés, représentants du personnel, référents désignés – comprenne précisément ce que recouvre la notion de harcèlement sexuel au travail, sache identifier les situations à risque, et connaisse les moyens juridiques pour agir efficacement.

Le présent article a pour objectif d’éclairer ces problématiques en présentant la définition légale du harcèlement sexuel, ainsi que 10 situations concrètes tirées de décisions judiciaires qui permettront aux victimes, témoins et employeurs de reconnaître les comportements constitutifs de ce délit.

En outre, seront abordées les démarches envisageables par les victimes, les obligations des employeurs en matière de prévention et de réaction, ainsi que la protection juridique accordée aux témoins et membres du comité social et économique (CSE) en cas de signalement.

Car la lutte contre le harcèlement sexuel au travail repose sur un équilibre entre responsabilisation des employeurs et libération de la parole des salariés, dans le cadre des mécanismes instaurés par le code du travail et la jurisprudence récente.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition juridique du harcèlement sexuel
  3. 10 exemples reconnus de harcèlement sexuel en milieu professionnel
  4. Distinction avec la simple séduction
  5. Que faire en tant que victime ?
  6. Obligations de l’employeur en matière de prévention et de réaction
  7. FAQ
  8. Conclusion

Définition juridique du harcèlement sexuel

Selon l'article L1153-1 du code du travail, le harcèlement sexuel se définit comme des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste ayant pour effet :

  • soit de porter atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
  • soit de créer à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

S'ajoutent également à cette définition :

  • toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, au profit de l’auteur des faits ou d'un tiers (article 222-33 du code pénal).

Le harcèlement peut être caractérisé même si les comportements viennent de plusieurs personnes distinctes, agissant de manière concertée ou non, dès lors qu’une répétition des propos ou comportements est avérée.

Il est essentiel de rappeler que toute pression physique est assimilée à une agression sexuelle, punie plus sévèrement par le code pénal.

10 Exemples reconnus de harcèlement sexuel en milieu professionnel

Les juridictions françaises ont reconnu diverses situations comme constituant un harcèlement sexuel au travail. Voici 10 illustrations jurisprudentielles :

  1. pincements répétés des fesses d'une salariée par un supérieur, accompagnés d'altercations lors de refus de déjeuner ensemble (CA Versailles, 27 octobre 2009, n°08/2007).
  2. organisation par un salarié d’un rendez-vous professionnel dans une chambre d’hôtel avec une subordonnée (cass. soc. 11 janvier 2012, n°10-12930).
  3. envoi de courriers, mails et bouquets de fleurs avec des propositions et déclarations insistantes (cass. soc. 28 janvier 2014, n°12-20497).
  4. envoi de sms à caractère sexuel, tel que "plein de baisers sur tes lèvres de velours" par un supérieur (cass. soc. 12 février 2014, n°12-26652).
  5. tentative d'obtenir des faveurs sexuelles via cadeaux, visites au domicile et appels répétés (cass. soc. 3 mars 2009, n°07-44082).
  6. formulation de propositions explicites : "c'est quand qu'on couche ensemble ?", accompagnées de questions intimes sur la vie privée (cass. soc. 3 décembre 2014, n°13-22151).
  7. remarques sur l'anatomie, appréciations sur la vie privée, demandes de faveurs sexuelles et représailles professionnelles associées (CA Toulouse, 18 janvier 2002, n°01/1140).
  8. propositions de rapports sexuels en échange d’une augmentation, accompagnées d’attouchements lors d'une ambiance festive (CA Douai, 31 janvier 2007, n°06/00150).
  9. insultes et remarques à caractère sexuel répété, gestes déplacés, dans un contexte injurieux (CA Douai, 19 décembre 2008, n°08/00986).
  10. messages électroniques et propos sexuels tenus hors du cadre professionnel (pause déjeuner, soirées) mais ayant un impact sur le cadre professionnel (cass. soc. 19 octobre 2011, n°09-72672).

Ces exemples illustrent que le lieu ou le moment des propos ou comportements n’est pas déterminant : dès lors que cela affecte le cadre professionnel, les faits peuvent constituer un harcèlement sexuel au travail.

Distinction avec la simple séduction

Attention : les attitudes de séduction, même insistantes ou dénuées de tact, ne constituent pas automatiquement un harcèlement sexuel. Ainsi, la cour de cassation a rappelé qu'en l'absence de chantage ou de pressions réelles, un comportement de séduction reste en dehors du champ du harcèlement (cass. crim. 19 janvier 2005, n°04-83443). Les familiarités réciproques sont également exclues du champ de qualification (cass. soc. 10 juillet 2013, n°12-11787).

Que faire en tant que victime ?

En vertu de l'article L1153-2 du code du travail, tout salarié victime peut :

  • informer son employeur ou le service des ressources humaines, sauf si l'employeur est lui-même l’auteur des faits ;
  • s’adresser au référent harcèlement sexuel et agissements sexistes désigné par le CSE (obligatoire quelle que soit la taille de l'entreprise) ou au référent RH pour les structures de plus de 250 salariés ;
  • alerter les membres du CSE, les délégués syndicaux, le médecin du travail ou l’inspecteur du travail.

Conformément à l'article L1153-5 du code du travail, la dénonciation de bonne foi ne peut donner lieu à aucune sanction disciplinaire. Le conseil de prud'hommes peut également être saisi pour :

  • rupture anticipée du contrat de travail, sous forme de prise d'acte ou demande de résiliation judiciaire (cass. soc. 10 juin 2015, n°14-13318) ;
  • demande de réparation du préjudice moral ou professionnel subi.

Le salarié doit produire des éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence du harcèlement (copies de messages, témoignages, certificats médicaux, arrêts de travail). L'employeur ou le harceleur présumé doit démontrer que ces agissements ne caractérisent pas un harcèlement.

Le défenseur des droits peut également être saisi à titre complémentaire.

Obligations de l’employeur en matière de prévention et de réaction

Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur a l’obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs. À ce titre, il doit :

  • évaluer les risques psychosociaux dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
  • informer les salariés des dispositions applicables en matière de harcèlement sexuel, par voie d’affichage ou tout autre support (articles L1153-5 et L1153-6 du code du travail) ;
  • désigner un référent harcèlement dans les entreprises de plus de 250 salariés (obligation distincte du référent CSE).

En cas de signalement :

  • mener une enquête interne immédiate, en collaboration avec le CSE selon l'article L2312-59 du code du travail ;
  • prendre des mesures conservatoires si nécessaire.

Conclusion

Face à la réalité persistante du harcèlement sexuel en milieu professionnel, il est impératif de rappeler que chaque salarié dispose de droits fondamentaux lui garantissant un cadre de travail respectueux de sa dignité et de son intégrité. Le législateur, en consacrant des dispositions précises aux articles L1153-1 et suivants du code du travail, ainsi qu'à l'article 222-33 du code pénal, a entendu poser des bornes claires : les propos déplacés, les comportements à connotation sexuelle ou sexiste, les pressions – même non répétées – dans le but d'obtenir un acte sexuel, constituent autant de violations graves des règles de droit.

Le rôle de l'employeur est fondamental : au-delà d'une obligation morale, la mise en place de mesures de prévention, l'organisation de formations, la désignation de référents harcèlement, ainsi que la mise en œuvre d'enquêtes rigoureuses dès le signalement d'un fait, relèvent de ses obligations légales en vertu des principes de sécurité et de protection de la santé des travailleurs définis à l'article L4121-1 du code du travail.

De leur côté, les victimes, mais également les témoins et représentants du personnel, doivent être informés des recours à leur disposition pour signaler, prouver et faire sanctionner ces comportements. L'intervention des juridictions prud’homales, l'engagement de la responsabilité pénale de l’auteur des faits, ainsi que la possibilité de saisir le défenseur des droits participent à renforcer l'arsenal juridique protecteur.

Il appartient ainsi à chaque salarié, chaque employeur, mais aussi à chaque acteur institutionnel de contribuer activement à la lutte contre le harcèlement sexuel au travail, en adoptant une posture responsable, préventive et réactive face à tout comportement inapproprié. La tolérance zéro doit prévaloir pour garantir des conditions de travail saines, conformes aux exigences posées par la législation française et la jurisprudence constante.

FAQ

Qu’est-ce que le harcèlement sexuel selon le code du travail ?

Le harcèlement sexuel est juridiquement défini à l'article L1153-1 du code du travail. Il recouvre deux types de comportements :

  • Les propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui portent atteinte à la dignité du salarié ou créent un environnement intimidant, hostile ou offensant.
  • Toute pression grave, même exercée une seule fois, dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte sexuel, au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers.

La loi précise que le harcèlement peut être constitué même lorsque les agissements proviennent de plusieurs personnes, qu’elles agissent de manière concertée ou non. Le caractère non consenti est un élément déterminant. Ce délit est sanctionné par 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende selon l'article 222-33 du code pénal.

Quels comportements sont considérés comme du harcèlement sexuel au travail ?

Les comportements qualifiés de harcèlement sexuel professionnel sont variés et peuvent parfois sembler anodins. Sont notamment concernés :

  • Les remarques répétées sur l’apparence physique, la tenue vestimentaire ou la vie privée du salarié.
  • Les gestes déplacés, contacts physiques non désirés ou propositions sexuelles explicites ou insinuées.
  • Les SMS, mails ou messages électroniques à connotation sexuelle, même envoyés hors temps de travail, s'ils impactent la relation professionnelle.
  • Les cadeaux insistants ou pressions psychologiques visant à obtenir des faveurs sexuelles.
  • Les demandes explicites ou sous-entendues de relations sexuelles, accompagnées ou non de chantage professionnel.

Le harcèlement d’ambiance (blagues sexistes répétées, propos vulgaires généralisés) est également reconnu par la jurisprudence comme une forme de harcèlement.

Que faire en cas de harcèlement sexuel au travail ?

La victime dispose de plusieurs voies de recours, cumulables :

  • Alerter un interlocuteur interne : employeur, ressources humaines, référent harcèlement, représentants du personnel, CSE, médecin du travail ou inspecteur du travail. Le référent harcèlement est obligatoire dans toute entreprise, quelle que soit sa taille, via le CSE.
  • Conserver des preuves : il est conseillé de garder tout message, capture d’écran, attestation, certificat médical ou témoignage.
  • Saisir le conseil de prud'hommes : pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat, une prise d’acte de rupture ou des dommages et intérêts.
  • Porter plainte au pénal, notamment en cas d’agression physique.
  • Saisir le défenseur des droits pour obtenir un accompagnement neutre et indépendant.

Il est important de savoir que le salarié dénonçant de bonne foi des faits de harcèlement sexuel est protégé contre toute mesure de représailles ou sanction disciplinaire (article L1153-5 du code du travail).

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de harcèlement sexuel ?

L'employeur a une obligation de sécurité renforcée en vertu des articles L4121-1 et suivants du code du travail. Il doit :

  • Prévenir les risques : par l'affichage obligatoire des règles en matière de harcèlement sexuel, la formation des managers, l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et la désignation de référents.
  • Informer les salariés : sur leurs droits, les recours existants, et les coordonnées des services compétents (inspection du travail, médecin du travail, défenseur des droits).
  • Agir dès la connaissance de faits : l'employeur doit déclencher sans délai une enquête interne, souvent avec le CSE, pour vérifier la véracité des faits et protéger les personnes concernées.
  • Sanctionner le harceleur : si les faits sont avérés, des sanctions disciplinaires doivent être prises (avertissement, mise à pied, licenciement).

Le manquement à ces obligations engage la responsabilité civile et pénale de l'employeur. Le juge appréciera si toutes les mesures préventives et correctives adéquates ont été mises en place.

Les témoins d’un harcèlement sexuel sont-ils protégés par la loi ?

Oui, le code du travail garantit une protection spécifique aux témoins de bonne foi ayant signalé ou relaté des faits de harcèlement sexuel. Ainsi :

  • Ils ne peuvent subir aucune sanction ni discrimination professionnelle (non-promotion, mutation, licenciement) en raison de leur témoignage.
  • Ils bénéficient également du statut de lanceurs d'alerte si leur signalement contribue à faire cesser une situation grave affectant la santé ou la sécurité.

En cas de licenciement ou sanction consécutive à leur témoignage, le salarié protégé peut demander la nullité de la sanction devant le conseil de prud’hommes, ainsi que la réintégration et/ou des dommages et intérêts. La jurisprudence insiste sur le fait que l’entreprise doit encourager la libération de la parole pour prévenir la banalisation du harcèlement sexuel dans ses effectifs.

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