Se lancer dans la création d’entreprise représente une étape majeure de la vie professionnelle. Pour de nombreux salariés, cette ambition suppose de quitter un emploi stable pour se consacrer pleinement à leur projet entrepreneurial. Une telle transition peut cependant soulever une crainte légitime : celle de se retrouver sans ressources une fois le contrat de travail rompu. Pour répondre à cette problématique, le législateur a instauré un dispositif spécifique qui permet, sous certaines conditions, de bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) après une démission pour création ou reprise d’entreprise.
Ce régime dérogatoire, prévu par le Règlement général annexé à la convention d’assurance chômage et le Code du travail, repose sur une procédure rigoureuse en plusieurs étapes. Elle implique notamment la validation du projet par une commission paritaire interprofessionnelle régionale (Transitions Pro) et le respect d’un calendrier précis. L’objectif est double : sécuriser le parcours du créateur tout en garantissant une bonne utilisation des fonds publics.
Au-delà du droit au chômage, la démission pour création d’entreprise ouvre également la porte à plusieurs aides spécifiques comme l’ACRE ou l’ARCE, qui peuvent constituer un véritable levier pour développer son activité. Maîtriser ce dispositif juridique permet donc au salarié porteur de projet d’anticiper les conséquences de sa décision, de protéger sa sécurité financière et de poser des fondations solides pour la réussite de son entreprise.
En principe, seules les pertes involontaires d’emploi ouvrent droit au chômage, conformément à l’article 2 §2 du Règlement général. La démission ne permet donc pas, en temps normal, d’obtenir l’ARE.
Cependant, depuis le 1er novembre 2019, un salarié en CDI peut percevoir le chômage s’il démissionne pour créer ou reprendre une entreprise, ou pour entamer une reconversion professionnelle. Cette possibilité est strictement encadrée :
Le non-respect de cette procédure entraîne la perte des droits aux allocations.
Avant toute démission, il est indispensable de vérifier les conditions d’ouverture de droits à l’ARE. Pour être éligible, le salarié doit :
Cette vérification préalable permet d’éviter de se retrouver sans emploi et sans revenus.
Le Conseil en évolution professionnelle est une étape incontournable. Ce dispositif gratuit permet au salarié de bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour définir son projet. Il peut être sollicité auprès :
La date de demande du CEP doit impérativement précéder la démission, faute de quoi le motif de démission ne sera pas reconnu comme légitime au regard du chômage.
Avec son conseiller CEP, le salarié élabore un dossier détaillé démontrant le caractère réel et sérieux du projet. Ce dossier comprend :
Cette étape correspond à l’annexe 2 de l’arrêté du 23 octobre 2019.
Le dossier doit être adressé à la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), dite Transitions Pro, de la région de résidence ou de travail du salarié. Il est conseillé de procéder par lettre recommandée avec accusé de réception pour prouver la date de dépôt.
Transitions Pro dispose d’un délai de 2 mois pour rendre sa décision (article R5422-2-1 du Code du travail).
Le salarié ne doit démissionner qu’après validation de son projet par la CPIR. Si la décision est négative, un recours gracieux est possible dans les 2 mois suivant la notification du refus.
Démissionner avant validation expose le salarié à un refus d’ouverture de droits.
Une fois le projet validé, le salarié peut présenter sa lettre de démission. Le contrat de travail prendra fin à l’issue du préavis applicable, sauf accord contraire entre les parties.
La démission dans ce cadre est assimilée à une démission légitime ouvrant droit à l’ARE.
Le salarié doit s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès de France Travail (ex-Pôle emploi) dans un délai de 6 mois maximum à compter de la validation du projet. Cette inscription permet d’ouvrir les droits à l’ARE et d’intégrer le projet de création dans le contrat d’engagement (ex-PPAE).
Le bénéficiaire dispose de 6 mois pour justifier de la mise en œuvre effective du projet. À défaut, il risque une radiation de la liste des demandeurs d’emploi et une suspension de ses allocations pendant 4 mois.
L’Aide à la création ou à la reprise d’entreprise (ACRE) permet une exonération partielle de cotisations sociales pendant les 12 premiers mois d’activité.
L’Aide à la reprise et à la création d’entreprise (ARCE) permet de percevoir une partie de ses allocations chômage sous forme de capital. Elle est versée en deux fois : un premier versement lors de la création et un second trois mois plus tard, sous condition de ne pas exercer une activité en CDI à temps plein.
Le NACRE (nouvel accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise) est désormais régionalisé. Il offre un accompagnement renforcé et peut inclure des prêts d’honneur ou des soutiens techniques.
La démission pour création d’entreprise permet de bénéficier du chômage sous conditions strictes. Ce dispositif protège les salariés souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat tout en assurant une sécurité financière temporaire. L’accompagnement par un conseiller CEP et la validation par Transitions Pro sont des étapes obligatoires qui conditionnent l’ouverture des droits à l’ARE.
La démission pour création d’entreprise illustre une évolution significative du droit du travail français, qui cherche à encourager l’initiative économique sans fragiliser la protection sociale des salariés. Ce mécanisme offre une opportunité unique à ceux qui souhaitent entreprendre : ils peuvent quitter leur emploi tout en bénéficiant d’un filet de sécurité grâce à l’ARE et aux dispositifs d’accompagnement mis en place.
Pour en bénéficier pleinement, il est impératif de respecter chaque étape de la procédure, de la demande de Conseil en évolution professionnelle à la validation du projet par Transitions Pro. Cette rigueur conditionne non seulement l’ouverture des droits à l’allocation chômage mais aussi l’accès aux aides financières complémentaires telles que l’ACRE ou l’ARCE.
Dans un contexte économique où la mobilité professionnelle et la création d’entreprise sont encouragées, ce dispositif s’impose comme un outil stratégique pour concilier sécurité et autonomie entrepreneuriale. Bien utilisé, il peut transformer une démission en véritable tremplin pour une nouvelle carrière professionnelle, en apportant au porteur de projet stabilité financière, accompagnement et visibilité juridique.
1. Peut-on toucher le chômage après une démission pour créer une entreprise ?
Oui, mais uniquement dans un cadre strictement encadré par la réglementation. Depuis le 1er novembre 2019, la démission pour création ou reprise d’entreprise est reconnue comme légitime si le projet répond à plusieurs critères :
En respectant ces conditions, le salarié peut bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), versée par France Travail, et ainsi disposer de ressources financières pendant le lancement de son activité.
2. Quelles sont les étapes à suivre pour bénéficier du chômage après une démission ?
Pour obtenir le chômage après une démission pour création d’entreprise, il ne suffit pas de quitter son emploi. Le salarié doit suivre une procédure précise en plusieurs étapes :
Cette procédure vise à éviter les démissions « de confort » et à sécuriser le parcours entrepreneurial du salarié.
3. Quels organismes accompagnent le salarié dans cette démarche ?
Le législateur a prévu un accompagnement personnalisé pour chaque profil :
Ces structures ont pour mission de vérifier la cohérence et la solidité du projet, d’aider à formaliser les documents nécessaires pour le dépôt du dossier, et d’assurer une orientation vers les dispositifs de financement et de formation. Leur intervention est essentielle pour maximiser les chances d’acceptation du projet par Transitions Pro.
4. Quelles aides financières sont accessibles en cas de démission pour créer une entreprise ?
Le salarié créateur ou repreneur d’entreprise peut bénéficier de plusieurs dispositifs financiers complémentaires :
Ces dispositifs permettent d’amortir la phase de transition entre le salariat et l’entrepreneuriat, en offrant une sécurité financière temporaire.
5. Que se passe-t-il si la commission refuse de valider le projet ?
Si Transitions Pro refuse de valider le caractère réel et sérieux du projet, la démission perd son caractère légitime et aucune indemnisation chômage ne peut être versée. Cependant, le salarié dispose de voies de recours :
Il est donc fortement recommandé de préparer un dossier solide dès le départ, en démontrant la viabilité économique du projet et sa cohérence avec l’expérience professionnelle du salarié.
6. Peut-on cumuler allocation chômage et revenus issus de l’entreprise créée ?
Oui, sous certaines conditions. Un salarié ayant démissionné pour créer son entreprise peut cumuler partiellement l’ARE avec les revenus tirés de son activité, à condition que ces derniers ne dépassent pas un certain plafond. Ce cumul permet de sécuriser financièrement les premiers mois de l’activité tout en bénéficiant d’un accompagnement par France Travail. Le montant de l’ARE est recalculé chaque mois en fonction des revenus déclarés, afin de favoriser une reprise d’activité progressive sans perte brutale de ressources.