Dans un contexte socio-économique incertain, sécuriser sa trajectoire professionnelle tout en conservant un filet de sécurité financier devient une préoccupation majeure pour de nombreux salariés. Que l’on envisage une reconversion, une création d’entreprise ou simplement un changement de cap, quitter son emploi ne doit pas être synonyme de précarité.
Or, en France, le droit au chômage reste soumis à un principe fondamental : seule la perte involontaire d’emploi ouvre droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) versée par France Travail (anciennement Pôle emploi). Ce principe, affirmé à l’article L.5422-1 du Code du travail, exclut par défaut les démissions des dispositifs d’indemnisation.
Cependant, le législateur et les partenaires sociaux ont progressivement reconnu des situations spécifiques dans lesquelles une rupture volontaire peut ouvrir droit au chômage, sous conditions strictes.
Ces dérogations traduisent une volonté de mieux accompagner les mobilités professionnelles, qu’elles soient subies ou choisies. Entre démission légitime, rupture conventionnelle, prise d’acte, résiliation judiciaire ou encore projet de reconversion professionnelle, plusieurs voies permettent aujourd’hui de quitter un emploi sans perdre ses droits à indemnisation.
L’objet du présent article est donc d’éclairer, sous l’angle juridique, les différentes options existantes pour bénéficier des allocations chômage hors licenciement, tout en évitant les pièges d’une stratégie mal anticipée. À travers une analyse fondée sur les textes légaux et les dernières réformes, notamment la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024, nous vous guidons dans le choix du mode de rupture le plus adapté à votre situation professionnelle.
Il existe des situations dans lesquelles la démission, bien que volontaire, est juridiquement considérée comme légitime, ouvrant ainsi droit aux allocations chômage. Cette reconnaissance repose sur une liste limitative de cas fixés par le règlement annexé à la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024. Parmi ces cas figurent notamment :
La reconnaissance du caractère légitime suppose aussi que le salarié remplisse les conditions d’affiliation exigées pour bénéficier de l’ARE, notamment avoir travaillé un nombre suffisant de jours au cours des 24 ou 36 derniers mois selon son âge.
Depuis le 1er novembre 2019, l’article L.5422-1 du Code du travail est complété par un dispositif permettant à certains salariés de démissionner pour mener à bien un projet professionnel sérieux. Ce droit est encadré et conditionné à :
Cette procédure exige une anticipation rigoureuse du salarié, une préparation du projet et une démarche formalisée auprès de France Travail, anciennement Pôle emploi.
Encadrée par les articles L.1237-11 et suivants du Code du travail, la rupture conventionnelle constitue une alternative sécure et négociée pour quitter un CDI tout en ouvrant droit au chômage. Elle repose sur un accord bilatéral entre l’employeur et le salarié et donne lieu à :
Attention : l’employeur n’a aucune obligation d’accepter cette demande. La négociation et la qualité des échanges sont donc déterminantes.
Lorsqu’un employeur manque gravement à ses obligations (non-paiement du salaire, harcèlement, modification unilatérale du contrat…), le salarié peut engager une rupture de son initiative tout en imputant la responsabilité à l’employeur. Deux voies principales s’offrent à lui :
En cas de manquement avéré, ces voies permettent de bénéficier de l’ARE. Mais en l’absence de faute reconnue, le salarié sera considéré comme démissionnaire et privé de droit au chômage.
La démission étant inexistante en CDD, sa rupture de manière anticipée n’est possible que dans les cas prévus à l’article L.1243-1 du Code du travail, notamment :
Dans ces hypothèses, si la rupture est justifiée par l’une des causes légales et si le salarié satisfait aux conditions générales d’attribution, il pourra bénéficier des allocations chômage.
Jadis toléré comme un moyen détourné de quitter un emploi, l’abandon de poste est désormais assimilé à une présomption de démission par la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022, complétée par le décret n°2023-275 du 17 avril 2023. L’article L.1237-1-1 du Code du travail prévoit qu’en cas d’abandon volontaire et prolongé du poste sans justification, l’employeur peut mettre en demeure le salarié de reprendre son activité. L’absence de réponse équivaut alors à une démission présumée, privant le salarié de tout droit aux allocations.
Même si l’employeur choisit plutôt un licenciement pour faute grave, le salarié s’expose à une suspension de salaire pendant toute la période de carence, voire à une dégradation de son image professionnelle auprès de futurs recruteurs.
Quelle que soit la modalité de rupture du contrat de travail, l’accès au chômage suppose une inscription en tant que demandeur d’emploi sur le site francetravail.fr ou auprès d’une agence. Cette inscription doit intervenir dans les 12 mois suivant la rupture du contrat, délai au-delà duquel les droits peuvent être perdus sauf exceptions (congé parental, maladie…).
Le dossier à constituer comprend notamment :
Après validation, le versement des allocations chômage est soumis à un délai de carence variable selon les circonstances (congés payés non pris, indemnité supra-légale, délai d’attente de 7 jours…).
Quitter son emploi n’est jamais un acte anodin. En effet, les incidences juridiques, économiques et personnelles d’une rupture de contrat de travail doivent être sérieusement anticipées.
Le régime de l’assurance chômage, bien que protecteur, demeure strict dans ses conditions d’ouverture de droits. La démission « classique », sauf exception légale ou projet encadré, demeure incompatible avec la perception de l’ARE, ce qui peut conduire à une situation de privation de ressources si elle est engagée sans préparation.
C’est pourquoi il est essentiel de connaître les dispositifs existants, leur cadre juridique et leurs implications : une rupture conventionnelle bien négociée, une prise d’acte fondée sur des manquements graves, ou encore une démission pour reconversion validée par la CPIR, peuvent permettre au salarié d’envisager l’avenir sereinement tout en bénéficiant du soutien de France Travail.
À l’inverse, un abandon de poste ou une rupture anticipée de CDD non justifiée peuvent se révéler contre-productifs et sources de contentieux.
En définitive, chaque situation appelle une analyse individualisée à la lumière des articles du Code du travail, des conventions collectives applicables, et des dernières réformes de l’assurance chômage. Anticiper, se faire accompagner et choisir la voie appropriée sont les clefs pour protéger ses droits tout en amorçant un nouveau départ professionnel en toute légalité. Pour aller plus loin, defendstesdroits.fr met à disposition une base documentaire fiable et des juristes pour accompagner chaque salarié dans ses démarches.
En principe, la démission exclut le droit aux allocations chômage. L’article L.5422-1 du Code du travail précise que seules les personnes involontairement privées d’emploi peuvent percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), versée par France Travail.
Cependant, il existe une liste de cas de démissions dites « légitimes », définie par le règlement annexé à la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024. Dans ces cas spécifiques, la démission est assimilée à une perte involontaire d’emploi.
Exemples de démissions légitimes :
Même si votre démission est légitime, vous devez remplir les conditions d’affiliation (notamment avoir suffisamment travaillé) pour ouvrir des droits à l’ARE.
Oui, depuis le 1er novembre 2019, un dispositif spécial permet aux salariés en CDI de démissionner pour mener à bien un projet professionnel tout en percevant l’ARE, à condition de respecter un parcours encadré.
Les conditions sont les suivantes :
Le projet peut être une reconversion par la formation, une création d’entreprise ou une reprise d’activité. Le respect strict de la procédure est indispensable : à défaut, la démission sera considérée comme volontaire et ne donnera pas droit au chômage.
Oui, la rupture conventionnelle du CDI, régie par les articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail, est l’un des moyens les plus utilisés pour quitter un emploi en conservant ses droits au chômage.
Elle suppose un accord commun entre le salarié et l’employeur, formalisé par la signature d’une convention. Cette convention est ensuite soumise à homologation par l’administration (DDETS ou DREETS).
Le salarié perçoit :
À noter : l’employeur n’a pas l’obligation d’accepter une rupture conventionnelle. Il s’agit d’une négociation, et non d’un droit unilatéral.
Lorsque l’employeur commet des manquements graves à ses obligations (non-paiement du salaire, harcèlement, modification du contrat, discrimination...), le salarié peut engager une rupture aux torts de l’employeur.
Deux mécanismes existent :
Ces procédures nécessitent des preuves solides (lettres de réclamation, témoignages, attestations médicales, etc.). L’accompagnement d’un avocat est vivement recommandé.
Avant 2023, de nombreux salariés utilisaient l’abandon de poste pour se faire licencier et toucher le chômage. Ce contournement est désormais expressément encadré par la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 et le décret n°2023-275 du 17 avril 2023, qui ont introduit une présomption de démission.
En pratique :
Même si l’employeur choisit de licencier pour faute grave au lieu d’appliquer la présomption, le salarié peut rester sans revenu plusieurs semaines ou mois.
De plus, l’abandon de poste nuira à votre réputation professionnelle et peut compliquer la recherche d’un futur emploi si des références sont sollicitées.