En période de ralentissement économique, de crise sanitaire ou d'événements imprévus affectant la continuité de l'activité d'une entreprise, l'employeur peut être amené à recourir au dispositif d'activité partielle, également connu sous les appellations de chômage partiel ou chômage technique.
Ce mécanisme, encadré par le Code du travail, vise à préserver l'emploi des salariés tout en permettant à l'employeur de faire face à une baisse temporaire d'activité sans recourir à des licenciements massifs.
Cependant, le placement en activité partielle n’est pas sans conséquence pour le salarié. Ce dernier voit son contrat de travail suspendu, ce qui soulève de nombreuses interrogations : quel impact sur la rémunération ?
Les congés payés continuent-ils à s’acquérir ? La période non travaillée est-elle prise en compte dans l’ancienneté ? Peut-on cumuler un autre emploi ?
Autant de questions pratiques et juridiques qui concernent directement les salariés placés en activité partielle, mais aussi leurs employeurs soucieux de respecter la réglementation en vigueur.
Dans cet article, rédigé pour le blog defendstesdroits.fr, nous analysons en détail les conséquences de la suspension du contrat de travail dans le cadre de l'activité partielle, en nous appuyant systématiquement sur les articles du Code du travail et les textes réglementaires applicables. Nous vous proposons une étude complète des incidences juridiques, salariales et sociales, afin de mieux comprendre les droits et obligations des parties en période de chômage partiel.
L'activité partielle, aussi appelée chômage partiel ou chômage technique, constitue un dispositif légal encadré par l'article L5122-1 du Code du travail. Elle permet à un employeur confronté à des difficultés économiques temporaires, à des sinistres ou à des circonstances exceptionnelles, de réduire ou de suspendre temporairement l'activité de ses salariés afin de préserver les emplois.
Les cas typiques de recours sont listés à l'article R5122-1 du Code du travail et incluent notamment :
L'activité partielle peut prendre deux formes :
En application du Code du travail, le placement en activité partielle entraîne la suspension du contrat de travail. Toutefois, cette suspension n’équivaut pas à une rupture : le salarié reste lié à l’entreprise. La période non travaillée correspond à un temps d'inactivité justifiant l'absence d'exécution de la prestation de travail, mais sans résiliation du lien contractuel.
Lors des périodes effectivement travaillées, le contrat est pleinement actif et l'exécution des obligations respectives reprend normalement.
Pendant les périodes d'inactivité, l'employeur n'a pas l'obligation de verser le salaire habituel. À la place, une indemnité d'activité partielle doit être versée au salarié, conformément à l'article R5122-18 du Code du travail :
Cette indemnité est versée aux mêmes échéances que la paie traditionnelle.
Durant les périodes travaillées, la rémunération habituelle est due intégralement.
Les périodes d'activité partielle sont prises en compte pour l'acquisition des congés payés en vertu de l'article R5122-11 du Code du travail. Le salarié continue donc à cumuler des droits à congés même lorsqu'il n'exerce pas son activité professionnelle.
Par principe, les périodes durant lesquelles le contrat est suspendu ne sont pas prises en compte pour le calcul de l'ancienneté. Toutefois, une convention collective ou un accord collectif peut prévoir leur prise en compte.
Les périodes de chômage partiel peuvent affecter l’attribution et le montant des primes, telles que :
En l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, les primes étant souvent calculées sur la base du salaire brut effectivement perçu, leur montant est mécaniquement réduit.
Selon l'article R351-12 du Code de la sécurité sociale, chaque tranche de 220 heures indemnisées au titre de l'activité partielle valide un trimestre de retraite (dans la limite de 4 trimestres par an). Le salarié continue donc à alimenter ses droits à la retraite de base durant ces périodes.
Si un salarié tombe malade durant une période d'activité partielle, il bénéficie des indemnités journalières de sécurité sociale classiques. La suspension de contrat liée à l'activité partielle est alors supplantée par l'arrêt maladie jusqu'à son terme.
En revanche, un salarié en arrêt maladie avant le placement en activité partielle n'y est pas soumis : le dispositif s'appliquera à l'issue de l'arrêt de travail.
Le Code du travail autorise le salarié placé en activité partielle à exercer une autre activité professionnelle pendant ses périodes d'inactivité, sous réserve :
Le salarié doit donc éviter de concurrencer son employeur et informer celui-ci en cas de cumul d'activité.
En principe, un salarié ne peut refuser un placement en activité partielle, la modification du temps de travail étant décidée unilatéralement par l'employeur dans ce cadre légal. Le refus expose le salarié à un licenciement pour faute grave, sauf pour les salariés protégés (délégués syndicaux, représentants du personnel, etc.) dont l'accord préalable est requis.
Même durant une suspension du contrat pour activité partielle, le salarié peut suivre une formation professionnelle. Le dispositif FNE-Formation a d’ailleurs été renforcé pour permettre aux entreprises de former leurs salariés pendant ces périodes.
En cas de jours fériés tombant sur une période non travaillée du fait de l’activité partielle, le salarié n'est pas rémunéré au titre de ces jours. En revanche, si ces jours fériés coïncident avec une période travaillée, ils sont rémunérés normalement.
Le salarié conserve enfin le droit de démissionner pendant la suspension de son contrat et est tenu de respecter un préavis, sauf dispense de l'employeur.
En cas de cumul d'emplois, la rémunération issue du second employeur n'affecte pas le versement de l'indemnité d'activité partielle par le premier. Toutefois, la vigilance s'impose concernant le plafond des heures travaillées et l'absence de concurrence déloyale.
La mise en œuvre du chômage partiel constitue une mesure temporaire destinée à amortir les effets d'une baisse d'activité sur l'emploi. Toutefois, cette suspension du contrat de travail entraîne des conséquences multiples sur le statut du salarié, sa rémunération, ses droits sociaux et la gestion de sa relation contractuelle.
Si certains droits essentiels, tels que l'acquisition des congés payés ou la validation des trimestres de retraite, sont préservés, d'autres aspects comme le calcul des primes ou l'impact sur l'ancienneté méritent une vigilance accrue.
La réglementation encadrant l'activité partielle, strictement définie par le Code du travail, impose également aux salariés et employeurs de respecter certaines limites, notamment concernant le cumul d'emplois ou la possibilité pour le salarié de suivre une formation durant la période de suspension.
Dans ce contexte, il est essentiel pour les salariés de bien connaître leurs droits et pour les employeurs de se conformer scrupuleusement aux dispositions légales et aux éventuelles stipulations des conventions collectives applicables. En cas de litige ou de questionnement sur le respect de ces règles, l'accompagnement par un avocat en droit du travail peut s'avérer particulièrement utile pour défendre efficacement ses intérêts et garantir une bonne application du dispositif.
1. Peut-on refuser une mise en activité partielle ?
En principe, non. L'activité partielle est une décision unilatérale de l’employeur, encadrée par l’article L5122-1 du Code du travail, qui ne nécessite pas l’accord du salarié. Elle vise à faire face à une baisse temporaire d’activité sans procéder à des licenciements. Le salarié est donc tenu de s’y conformer.
Refuser de se soumettre à cette mesure, sans motif valable, peut être assimilé à un acte d’insubordination susceptible de motiver un licenciement pour faute grave. Toutefois, il existe une exception : les salariés protégés (délégués syndicaux, représentants du personnel, membres du CSE, etc.) peuvent s’opposer à leur placement en activité partielle, notamment en cas de modification substantielle de leurs conditions de travail.
2. Continue-t-on d’acquérir des congés payés en période d’activité partielle ?
Oui, les périodes durant lesquelles le contrat de travail est suspendu pour cause d’activité partielle sont assimilées à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés. Cette disposition est prévue par l’article R5122-11 du Code du travail.
Concrètement, cela signifie que même si le salarié ne travaille pas pendant plusieurs semaines, il continue à cumuler 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois d’inactivité, comme s’il avait travaillé. Ce maintien est automatique, sans démarche particulière à effectuer, et vaut pour toutes les formes d’activité partielle, qu’elle soit totale ou partielle.
3. Quelle rémunération perçoit le salarié pendant l’activité partielle ?
Durant les périodes non travaillées, le salarié ne perçoit plus son salaire habituel, mais une indemnité d’activité partielle. Cette indemnité correspond à 60 % de la rémunération brute horaire, conformément à l’article R5122-18 du Code du travail, versée directement par l’employeur.
Le montant de l’indemnité est plafonné et encadré : il ne peut être inférieur à 9,40 € ni dépasser 32,08 € par heure chômée, selon les seuils fixés par le décret n°2024-1149 du 4 décembre 2024.
L’indemnité est versée aux mêmes dates que le salaire habituel, et est soumise à la CSG/CRDS, mais exonérée de cotisations sociales classiques. Si l’employeur perçoit une allocation de l’État, il doit en assurer le relais pour l’indemnisation du salarié.
4. L’ancienneté est-elle affectée par une période d’activité partielle ?
Oui, par défaut, les périodes d’inactivité liées à l’activité partielle ne sont pas comptabilisées dans le calcul de l’ancienneté, car le contrat de travail est suspendu et non exécuté. Cela signifie que si le salarié est placé en chômage partiel pendant deux mois, ces deux mois ne s’ajouteront pas à son ancienneté dans l’entreprise.
Cependant, cette règle n’est pas absolue. Une convention collective, un accord d’entreprise, voire une pratique interne de l’employeur, peut prévoir une prise en compte totale ou partielle de ces périodes pour le calcul de l’ancienneté. Il est donc essentiel de vérifier les dispositions conventionnelles applicables à son secteur ou à son entreprise.
5. Peut-on exercer une autre activité professionnelle pendant l’activité partielle ?
Oui, le salarié peut travailler pour un autre employeur pendant les périodes d’inactivité, mais à trois conditions impératives :
En l’absence de clause ou après obtention d’une dérogation, le cumul est possible. Toutefois, en cas d’infraction, le salarié s’expose à une sanction disciplinaire ou à une rupture anticipée de son contrat.