Pénal

Commandement de payer par huissier : règles et conséquences

Jordan Alvarez
Editeur
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Loyers impayés : recours légaux via le commandement de payer

Dans le cadre d’une relation locative, le commandement de payer s’impose comme une procédure préalable incontournable lorsqu’un bailleur souhaite recouvrer des loyers impayés ou entamer une procédure d’expulsion.

Acte émanant d’un commissaire de justice, il ne se limite pas à une simple mise en demeure : il ouvre la voie à des conséquences juridiques importantes, notamment l’activation d’une clause résolutoire du contrat de bail et la saisine du juge des contentieux de la protection. Ce mécanisme, bien encadré par le droit des obligations et le droit locatif, constitue l’un des leviers les plus efficaces pour faire respecter les engagements contractuels du locataire.

Mais encore faut-il que le commandement respecte les exigences de forme et de fond prévues par la loi, sous peine d’irrégularité. L’article qui suit vous éclaire sur la portée juridique, les modalités pratiques et les effets de ce dispositif de recouvrement, au regard des règles de droit positif.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu’est-ce qu’un commandement de payer
  3. Quelle procédure pour recouvrer des loyers impayés
  4. Mentions obligatoires du commandement de payer
  5. Modalités de signification par l’huissier
  6. Recours si la dette locative persiste
  7. Commandement de payer en ligne : cadre légal
  8. FAQ

Qu'est-ce qu’un commandement de payer ?

Le commandement de payer est un acte juridique solennel, émis par un commissaire de justice (anciennement huissier), qui enjoint un débiteur de régler une somme d’argent due. Il est couramment utilisé dans les litiges locatifs, mais aussi dans le cadre d’exécution forcée d’une obligation pécuniaire.

Il se distingue selon deux grandes configurations juridiques :

  • Commandement de droit commun : nécessite un titre exécutoire, au sens de l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, établissant une créance certaine, liquide et exigible.
  • Commandement de payer visant la clause résolutoire : spécifique au bail d’habitation, fondé sur l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, lorsqu’un locataire ne paie plus son loyer malgré la présence d’une clause résolutoire dans le contrat.

Ce dernier dresse un état détaillé des loyers impayés et constitue une condition préalable obligatoire avant toute action en résiliation de bail et procédure d’expulsion.

Quelle procédure pour recouvrer des loyers impayés ?

Avant de recourir à un commandement formel, il est recommandé d’engager une tentative amiable. Cette démarche, bien que non obligatoire, s’inscrit dans le cadre du principe de proportionnalité et du principe de loyauté procédurale.

Le bailleur peut envoyer :

  • Des lettres de relance simples,
  • Une mise en demeure avec accusé de réception, conformément à l’article 1344 du Code civil.

Si aucune réponse satisfaisante n’est reçue sous un délai raisonnable (généralement 8 jours), le recours au commandement de payer devient indispensable pour préserver les droits du bailleur, notamment en vue de faire jouer la clause résolutoire.

Un plan d’apurement, prévu par l’article 27 de la loi n° 2014-366 dite loi ALUR, peut également être conclu. Il permet d’étaler la dette sur une période de 3 ans maximum, sous réserve d’exécution rigoureuse.

Mentions obligatoires du commandement de payer

Selon l’article 137 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (loi ELAN), pour être valide, le commandement visant la clause résolutoire doit comporter :

  1. La mention du délai de deux mois laissé au locataire pour régulariser sa dette,
  2. Le montant du loyer et des charges mensuelles,
  3. Le détail de la dette locative mois par mois,
  4. L’avertissement sur les conséquences de non-paiement (résiliation du bail et expulsion),
  5. L’indication de la possibilité de saisir le Fonds de Solidarité Logement (FSL),
  6. La mention du droit de solliciter un délai de grâce devant le juge des contentieux de la protection, en vertu de l’article 1343-5 du Code civil.

Toute omission peut entraîner la nullité de l’acte.

Modalités de signification par l’huissier

Le commandement de payer est un acte extrajudiciaire qui, pour être valable, doit être rédigé et signifié par un commissaire de justice, conformément à l’article L.122-1 du Code des procédures civiles d’exécution. Ce formalisme garantit la sécurité juridique de la procédure et constitue un préalable indispensable à toute action en justice fondée sur une clause résolutoire.

Étapes clés de la procédure

  • Rédaction de l’acte : le commissaire de justice établit le commandement à partir des éléments transmis par le bailleur, notamment le contrat de bail, le détail des loyers impayés, et toute pièce utile attestant du manquement du locataire.
  • Signification au locataire : l’acte est remis en main propre ou laissé à l’adresse du domicile ou du lieu de résidence connu du locataire. La signification doit être personnelle dans la mesure du possible, en vertu des règles énoncées aux articles 653 et suivants du Code de procédure civile.
  • Notification à la caution : si une personne s’est portée caution pour le locataire, le commandement de payer doit également lui être notifié dans un délai de 15 jours suivant la signification au locataire, comme le prévoit l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Ce manquement formaliste peut entraîner la nullité de la procédure à l’égard de la caution.

Enfin, la délivrance du commandement de payer produit un effet interruptif de prescription : en vertu de l’article 2244 du Code civil, l’acte interrompt la prescription de la dette locative, c’est-à-dire le délai au terme duquel le bailleur ne pourrait plus légalement réclamer les sommes dues.

Cela permet de préserver les droits du créancier, même si la procédure judiciaire prend du temps.

Ainsi, la rigueur procédurale entourant la signification de ce commandement est essentielle pour garantir l’aboutissement de la procédure de recouvrement et, le cas échéant, de résiliation du bail.

Recours si la dette locative persiste

En cas d’absence de régularisation dans les deux mois suivant la signification du commandement de payer par le commissaire de justice, le bailleur est en droit de saisir le juge des contentieux de la protection (JCP), conformément aux dispositions de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Cette saisine permet de demander plusieurs mesures :

  • Constater la résiliation du bail, par l’effet automatique de la clause résolutoire si celle-ci a été activée par le commandement de payer et que la dette n’a pas été soldée dans les délais ;
  • Condamner le locataire au paiement des arriérés de loyers, intérêts de retard inclus, sur la base du décompte de la dette locative établi et notifié dans le commandement ;
  • Ordonner l’expulsion du locataire, si celui-ci occupe encore le logement. Toutefois, cette mesure ne peut être exécutée durant la trêve hivernale, qui s’étend du 1er novembre au 31 mars, en vertu de l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d'exécution.

Il convient de noter que le juge conserve un pouvoir d’appréciation, même en présence d’une clause résolutoire. Si le locataire en fait une demande expresse et motivée, il peut obtenir l’octroi d’un délai de grâce, sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil.

Ce délai, pouvant aller jusqu’à 24 mois, permet un échelonnement des paiements et suspend les effets de la clause résolutoire durant sa durée. Le juge examinera pour cela la bonne foi du locataire, sa capacité de remboursement et ses difficultés financières avérées.

Ainsi, même après l’expiration du délai initial, des voies de recours existent pour éviter la perte du logement, à condition d’agir rapidement et de justifier d’une volonté réelle de régularisation.

Commandement de payer en ligne : validité et précautions

Des plateformes spécialisées telles que defendstesdroits.fr permettent d'accompagner le bailleur dans une procédure juridiquement encadrée, en mobilisant un commissaire de justice pour établir et signifier un commandement de payer à distance, valide sur l’ensemble du territoire français.

Cette dématérialisation, encadrée par le Code des procédures civiles d'exécution, n'altère en rien la force exécutoire de l’acte, dès lors que la signification est effectuée dans les formes prévues par la loi.

Le commandement en ligne peut porter simultanément sur plusieurs obligations locatives, dès lors qu’elles sont exigibles :

  • Le paiement des loyers impayés, élément central du manquement contractuel ;
  • La fourniture d’une attestation d’assurance habitation en cours de validité, exigence prévue par l’article 7 g de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, visant à garantir la couverture des risques locatifs ;
  • La justification de l’occupation effective des lieux, notamment en cas de doute sur l’abandon du logement, pouvant ouvrir droit à une procédure distincte dite d’expulsion pour non-occupation.

Chaque type de manquement est soumis à un délai spécifique pour régularisation :

  • Un mois pour fournir l’attestation d’assurance ;
  • Deux mois pour régler les loyers impayés ;
  • Un mois pour prouver l’occupation effective du logement.

Ces délais sont conformes aux articles R.411-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution. Le non-respect de ces obligations dans les délais impartis permet au bailleur de saisir le juge compétent, en vue d’une résiliation judiciaire du bail et, le cas échéant, de la mise en œuvre d’une expulsion.

Il est donc primordial, même dans le cadre d’une procédure en ligne, de respecter scrupuleusement les mentions obligatoires et les délais légaux, afin d’assurer la validité de l’acte et la sécurité juridique de la démarche.

Conclusion

Le commandement de payer constitue une étape déterminante dans la gestion des impayés locatifs, tant pour protéger les intérêts légitimes du bailleur que pour préserver les droits du locataire. Sa délivrance, strictement encadrée par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, initie une procédure à fort impact, qui peut aller jusqu’à la résiliation du bail et à l’expulsion du locataire.

Pour éviter tout écueil juridique, il est essentiel de respecter les mentions obligatoires et les délais procéduraux fixés par les textes. Le locataire, de son côté, conserve des voies de recours pour demander un délai de grâce ou bénéficier d’aides sociales comme le Fonds de Solidarité Logement.

Face à la complexité de cette procédure, un accompagnement juridique, tel que proposé sur defendstesdroits.fr, permet d’agir efficacement dans le respect du cadre légal.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’un commandement de payer et dans quels cas est-il utilisé ?

Le commandement de payer est un acte juridique délivré par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice), par lequel un créancier enjoint son débiteur de s’acquitter d’une somme d’argent due. Il intervient notamment :

  • En matière locative, lorsqu’un locataire ne paie plus ses loyers,
  • Dans le cadre d’un titre exécutoire pour tout type de créance (facture impayée, dette reconnue, etc.).

Ce dispositif constitue une condition préalable obligatoire à la résiliation judiciaire du bail si celui-ci contient une clause résolutoire, conformément à l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Il ouvre un délai de 2 mois au locataire pour régulariser la situation avant l'engagement d'une action judiciaire.

2. Que contient obligatoirement un commandement de payer visant la clause résolutoire ?

Pour être valable, un commandement de payer doit respecter des conditions de forme impératives sous peine de nullité. Selon l’article 137 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, il doit mentionner :

  • Le délai de deux mois laissé au locataire pour régulariser la dette,
  • Le montant des loyers et charges mensuelles,
  • Le décompte précis des sommes dues (mois par mois),
  • L’avertissement des conséquences en cas d’inaction (résiliation du bail, expulsion),
  • La possibilité de saisir le FSL (Fonds de Solidarité Logement) pour une aide,
  • Le droit de solliciter un délai de grâce devant le juge (article 1343-5 du Code civil).

En l’absence d’une de ces mentions, le commandement est susceptible d’être déclaré irrégulier par le juge.

3. Quelle est la procédure à suivre pour délivrer un commandement de payer ?

La procédure comporte deux étapes :

  • Rédaction : le commandement est rédigé par un commissaire de justice, sur demande du bailleur, en se fondant sur les pièces justificatives (bail, tableau des impayés).
  • Signification : il est ensuite signifié au locataire à son domicile, et également à toute personne s’étant portée caution, dans un délai de 15 jours à compter de la notification au locataire, comme l’exige l’article 24 de la loi de 1989.

Cette signification interrompt la prescription de la dette locative (article 2244 du Code civil) et marque le point de départ du délai légal de deux mois laissé au locataire pour se mettre en règle.

4. Le locataire peut-il éviter l’expulsion après un commandement de payer ?

Oui. Le locataire dispose de plusieurs recours pour éviter l’expulsion :

  • Régulariser la totalité de la dette dans les deux mois,
  • Saisir le juge des contentieux de la protection pour demander un délai de paiement, conformément à l’article 1343-5 du Code civil,
  • Solliciter une aide du FSL, s’il est éligible, afin de couvrir une partie ou la totalité de la dette,
  • Négocier un plan d’apurement avec le bailleur : un échéancier peut être mis en place sur 3 ans maximum selon la loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014.

Ces dispositifs permettent parfois de suspendre la résiliation du bail, tant que les engagements sont respectés.

5. Que se passe-t-il si le locataire ne paie toujours pas après le commandement de payer ?

Si, à l’issue du délai de deux mois, le locataire n’a pas réglé sa dette et aucune procédure de régularisation n’a été engagée, le bailleur peut alors :

  • Saisir le juge des contentieux de la protection pour faire constater la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire,
  • Demander la condamnation du locataire au paiement des arriérés,
  • Obtenir l’autorisation judiciaire d’expulser le locataire, en dehors de la trêve hivernale prévue par l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d'exécution.

Une fois la décision rendue, le commissaire de justice est chargé de mettre en œuvre l’expulsion dans les conditions prévues par le droit de l’exécution forcée.

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