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Comment mettre fin à un CDI par rupture conventionnelle ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Procédure de rupture conventionnelle : ce que dit la loi

La rupture conventionnelle du contrat à durée indéterminée (CDI) est une procédure qui séduit de plus en plus de salariés et d'employeurs en quête d'une solution amiable pour mettre fin à une relation de travail.

Depuis son introduction dans le droit français, elle s'impose comme une alternative efficace au licenciement ou à la démission. Cependant, cette démarche encadrée par le Code du travail nécessite le respect strict de plusieurs étapes et conditions pour garantir la validité de l'accord.

Quelles sont les obligations à respecter ? Quels droits ouvre-t-elle pour le salarié ? Quels risques et avantages présente-t-elle pour les deux parties ? Ce guide détaillé vous permettra de maîtriser tous les aspects de la rupture conventionnelle.

Sommaire :

  1. Introduction
  2. Conditions de validité et cas d’exclusion
  3. Obligations de l’employeur et étapes clés
  4. Indemnités de rupture et droits du salarié
  5. Allocations chômage et différés d’indemnisation
  6. Avantages et inconvénients de la rupture conventionnelle
  7. Évolution législative et statistiques récentes
  8. FAQ

Définition et cadre juridique

Introduite par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 relative à la modernisation du marché du travail, la rupture conventionnelle est codifiée aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail.

Ce dispositif vise à permettre aux deux parties de mettre fin au CDI en garantissant un consentement libre et éclairé. Toute tentative de pression ou de contrainte peut entraîner l’annulation de la convention.

Conditions de validité

La rupture conventionnelle offre une solution de séparation amiable, mais son application est soumise à certaines conditions de validité, encadrées par le Code du travail et la jurisprudence.

Salariés éligibles

La rupture conventionnelle est accessible à tout salarié en contrat à durée indéterminée (CDI), quels que soient son poste ou son ancienneté, à condition que certaines règles soient respectées. Cela inclut notamment :

  • Les salariés protégés : ces derniers bénéficient d’un statut particulier, comme les représentants du personnel, les délégués syndicaux ou les membres du Comité Social et Économique (CSE). Pour conclure une rupture conventionnelle, une autorisation préalable de l’inspection du travail est impérative. Celle-ci s’assure que le consentement est libre et éclairé, et que les droits attachés à ce statut sont préservés.
  • Les salariés en arrêt maladie ou en congé pour accident du travail : la législation n’interdit pas la rupture conventionnelle dans ces situations. Cependant, une attention particulière doit être portée à la preuve du consentement libre du salarié, afin d'éviter toute contestation ultérieure devant le Conseil de prud'hommes.
  • Les fonctionnaires : bien que relevant d’un régime différent, ils peuvent également bénéficier d’une rupture conventionnelle, mais selon des règles spécifiques définies dans la fonction publique. Cela inclut notamment une indemnité minimale fixée par décret.

Cas d’exclusion

La rupture conventionnelle ne peut être utilisée dans tous les cas. Les restrictions visent à empêcher tout contournement des procédures prévues par la loi pour protéger les salariés :

  • Les contrats à durée déterminée (CDD) : en vertu de l'article L. 1243-1 du Code du travail, un CDD ne peut être rompu que dans des situations spécifiques : accord des parties, faute grave, force majeure, ou incapacité médicalement constatée. Toute tentative d’y appliquer une rupture conventionnelle est donc invalide.
  • Les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) : la rupture conventionnelle ne doit pas être utilisée pour éviter les procédures liées à un licenciement économique, notamment celles prévues dans le cadre d’un PSE. Ces dispositifs imposent des obligations strictes à l’employeur, telles que des consultations des représentants du personnel et des propositions de reclassement.
  • Les dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) : conçus pour anticiper les évolutions dans l’entreprise, ces accords ne peuvent être contournés au moyen de ruptures conventionnelles déguisées.

Les obligations de l’employeur

Pour engager une procédure de rupture conventionnelle, l’employeur est tenu de respecter un cadre strict défini par le Code du travail, garantissant une rupture amiable et conforme à la loi. Ces obligations, inscrites notamment à l’article L. 1237-12 du Code du travail, comprennent plusieurs étapes essentielles :

1. Convocation du salarié à un entretien

L’employeur doit inviter le salarié à un ou plusieurs entretiens pour discuter des modalités de la rupture. Lors de cette convocation, le salarié doit être informé de son droit de se faire assister par une personne de son choix (par exemple, un représentant syndical ou un collègue). Cette assistance vise à garantir un équilibre dans les négociations et à protéger les droits du salarié.

2. Négociation des conditions de la rupture

Durant l’entretien, l’employeur et le salarié doivent parvenir à un accord sur les modalités de la rupture, notamment :

  • Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle : ce montant ne peut être inférieur à l’indemnité légale de licenciement, conformément à l’article L. 1237-13 du Code du travail.
  • La date de fin du contrat : elle doit être négociée en fonction des besoins des deux parties, tout en respectant les délais nécessaires à l’homologation.

3. Signature de la convention de rupture

Une fois les conditions définies, les deux parties doivent signer une convention écrite. Ce document formalise leur accord sur la rupture et détaille les engagements mutuels, tels que le montant des indemnités et la date de rupture. Il est impératif que cette signature repose sur un consentement libre et éclairé.

4. Respect du délai de rétractation

Après la signature de la convention, les deux parties disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires. Ce délai commence à courir le lendemain de la signature. Si l’une des parties souhaite revenir sur son engagement, elle doit notifier l’autre partie par un moyen permettant d’attester la réception (par exemple, une lettre recommandée avec accusé de réception).

5. Demande d’homologation auprès de la Dreets

Une fois le délai de rétractation écoulé, l’employeur doit transmettre une demande d’homologation de la convention à la Dreets (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités). Cette étape est obligatoire pour valider la rupture conventionnelle. L’administration dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour s’assurer :

  • Que la procédure a été respectée ;
  • Que le consentement des parties est libre et éclairé ;
  • Que le montant des indemnités respecte le minimum légal.

Si aucune réponse n’est donnée par la Dreets dans ce délai, la convention est réputée homologuée.

Les démarches et délais

Une fois les modalités de la rupture convenues :

  • La convention de rupture est soumise à une homologation obligatoire par la Dreets. Celle-ci dispose de 15 jours ouvrables pour valider ou refuser la demande.
  • Si la convention est homologuée, la rupture prend effet à la date convenue, laquelle ne peut précéder la fin de ce délai.

En cas de refus d’homologation, les parties peuvent contester la décision devant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 12 mois.

Indemnités de rupture

Dans le cadre d'une rupture conventionnelle, le salarié bénéficie d’une indemnité spécifique de rupture, encadrée par les dispositions légales et conventionnelles.

Montant minimal garanti

Conformément à l’article L. 1237-13 du Code du travail, le montant de l’indemnité spécifique de rupture ne peut être inférieur à l’indemnité légale de licenciement. Cette indemnité est calculée en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et de sa rémunération. En règle générale :

  • Pour un salarié comptant au moins un an d’ancienneté, l’indemnité légale correspond à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années, et à un tiers de mois par année au-delà.

Indemnités prévues par les conventions collectives

Certaines conventions collectives ou accords d’entreprise peuvent prévoir des dispositions plus avantageuses, offrant une indemnité de rupture supérieure à celle prévue par la loi. Les salariés doivent donc vérifier les dispositions applicables dans leur secteur d’activité.

Autres indemnités dues

Outre l’indemnité de rupture, le salarié a droit au versement de toute indemnité compensatrice de congés payés pour les jours non pris avant la date de fin du contrat. Ces indemnités doivent être versées à la date effective de la rupture, généralement en même temps que le dernier salaire.

Allocations chômage

La rupture conventionnelle ouvre le droit au bénéfice des allocations chômage, sous réserve que le salarié réponde aux critères d’éligibilité définis par l’UNEDIC. Cette possibilité constitue l’un des principaux avantages de ce mode de rupture, notamment par rapport à une démission.

Différés d’indemnisation

Toutefois, le versement des allocations chômage n’est pas immédiat. Plusieurs différés d’indemnisation peuvent s’appliquer :

  1. Délai de carence automatique : un délai d’attente de 7 jours est systématiquement appliqué pour tout nouveau demandeur d’emploi.
  2. Différé d’indemnisation pour congés payés : si le salarié perçoit une indemnité compensatrice de congés payés, le versement des allocations chômage peut être reporté d’un nombre de jours équivalent au montant de cette indemnité.
  3. Différé d’indemnisation spécifique pour indemnités supra-légales : lorsque l’indemnité de rupture dépasse le montant minimal légal ou conventionnel (on parle d’indemnités supra-légales), un différé supplémentaire peut être appliqué. Ce différé est plafonné à 150 jours calendaires, mais peut être moins important selon les montants perçus.

Ces différés visent à équilibrer les droits des salariés tout en tenant compte des indemnités perçues lors de la rupture. Il est donc important pour les salariés de bien anticiper ces délais afin de planifier leur transition professionnelle.

Avantages et inconvénients

La rupture conventionnelle offre plusieurs avantages :

  • Une séparation amiable, réduisant le risque de contentieux ;
  • Pour le salarié, l’accès aux allocations chômage et une indemnité garantie ;
  • Pour l’employeur, une rupture sans avoir à justifier d’un motif économique ou disciplinaire.

Cependant, elle comporte également des inconvénients, tels que le risque de refus d’une des parties ou de l’administration, ainsi que le coût financier pour l’employeur.

Évolution législative et statistique

Depuis sa création, la rupture conventionnelle a connu un succès croissant, dépassant le seuil des 500 000 cas annuels en 2023 selon les données de la Dares. Cependant, la réforme du 1er septembre 2023, modifiant le régime social applicable, a entraîné une hausse du coût des ruptures conventionnelles avec une contribution unique de 30 %.

Conclusion

La rupture conventionnelle constitue une alternative attrayante pour mettre fin à un CDI de manière concertée et respectueuse des intérêts des deux parties. Toutefois, sa mise en œuvre nécessite une parfaite maîtrise des règles légales et procédurales pour éviter toute contestation ou refus d'homologation.

En cas de doute ou de situation spécifique, n'hésitez pas à consulter un professionnel du droit ou à vous référer aux ressources disponibles sur defendstesdroits.fr pour obtenir des réponses adaptées à votre situation.

FAQ :

1. Qu'est-ce qu'une rupture conventionnelle et en quoi se distingue-t-elle des autres modes de rupture du contrat de travail ?

La rupture conventionnelle est une procédure amiable permettant à l’employeur et au salarié de mettre fin à un contrat à durée indéterminée (CDI) d’un commun accord. Contrairement au licenciement, elle ne nécessite pas de motif spécifique de la part de l’employeur. À la différence de la démission, elle permet au salarié de bénéficier d’indemnités de rupture et des allocations chômage, sous réserve de remplir les conditions de l’UNEDIC. Introduite par la loi n° 2008-596, elle est encadrée par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail et impose le respect d’une procédure stricte.

2. Quels sont les salariés éligibles à une rupture conventionnelle ?

Tous les salariés en CDI peuvent prétendre à une rupture conventionnelle, y compris :

  • Les salariés protégés (représentants du personnel, membres du CSE, etc.), sous réserve d’une autorisation préalable de l’inspection du travail ;
  • Les salariés en arrêt maladie ou en congé pour accident du travail, à condition de garantir un consentement libre et éclairé ;
  • Les fonctionnaires, bien que soumis à des règles spécifiques.

Cependant, la rupture conventionnelle est interdite pour :

  • Les contrats à durée déterminée (CDD), dont la rupture est encadrée par d’autres dispositions légales ;
  • Les situations impliquant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), afin d’éviter tout contournement des procédures de licenciement économique.

3. Quelles sont les étapes obligatoires pour conclure une rupture conventionnelle ?

La procédure de rupture conventionnelle comprend plusieurs étapes essentielles :

  1. Entretien(s) préalable(s) : l’employeur et le salarié se rencontrent pour négocier les modalités (montant des indemnités, date de fin du contrat, etc.). Le salarié peut se faire assister d’un conseiller s’il le souhaite.
  2. Signature de la convention : une fois l’accord trouvé, un document écrit est signé par les deux parties.
  3. Délai de rétractation : un délai de 15 jours calendaires est accordé pour permettre à l’une ou l’autre des parties de revenir sur sa décision.
  4. Demande d’homologation : la convention doit être soumise à la Dreets pour validation. L’administration dispose de 15 jours ouvrables pour s’assurer de la conformité et du consentement des parties.
  5. Rupture effective du contrat : après l’homologation, le contrat prend fin, et l’employeur doit remettre au salarié les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, certificat de travail, etc.).

4. Quel est le montant minimal des indemnités dans une rupture conventionnelle ?

Le salarié a droit à une indemnité spécifique de rupture, dont le montant minimal correspond à l’indemnité légale de licenciement. Celle-ci est calculée selon l’ancienneté du salarié :

  • 1/4 de mois de salaire brut par année d’ancienneté pour les 10 premières années ;
  • 1/3 de mois de salaire brut par année d’ancienneté au-delà de 10 ans.

Toutefois, les conventions collectives ou accords d’entreprise peuvent prévoir des indemnités plus favorables. En outre, le salarié perçoit une indemnité compensatrice de congés payés pour les jours non pris avant la rupture.

Ces indemnités doivent être versées à la date effective de la rupture, généralement en même temps que le dernier salaire.

5. La rupture conventionnelle ouvre-t-elle droit aux allocations chômage ?

Oui, la rupture conventionnelle permet au salarié de bénéficier des allocations chômage (ARE) sous certaines conditions :

  • Le salarié doit s’inscrire auprès de Pôle emploi dans les délais impartis ;
  • La perte d’emploi doit être involontaire, ce qui est le cas dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

Cependant, des différés d’indemnisation peuvent s’appliquer :

  • Délai de carence automatique : 7 jours obligatoires avant le début de l’indemnisation ;
  • Différé d’indemnisation pour congés payés : le montant des indemnités compensatrices de congés payés repousse d’autant le début des allocations ;
  • Différé d’indemnisation pour indemnités supra-légales : si le montant des indemnités de rupture dépasse le minimum légal, un différé supplémentaire peut s’appliquer, plafonné à 150 jours.

Ces différés visent à équilibrer les droits des salariés en fonction des indemnités perçues.

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