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Compte bancaire à l’étranger non déclaré : la preuve incombe au fisc, évitez le redressement

Estelle Marant
Collaboratrice
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Compte bancaire à l’étranger non déclaré : pourquoi la charge de la preuve incombe au fisc ?

La détention d’un compte bancaire à l’étranger non déclaré constitue l’une des infractions fiscales les plus ciblées par les autorités françaises ces dernières années. Si le fisc dispose d'outils puissants pour traquer les fraudeurs, une jurisprudence récente rappelle une vérité fondamentale : la charge de la preuve repose bien sur l’administration fiscale. Décryptage détaillé de ce que cela signifie concrètement.

Comptes bancaires à l’étranger non déclarés : la fin de l’impunité fiscale ?

Pendant longtemps, les détenteurs de comptes à l’étranger bénéficiaient d’une relative impunité, protégés par le secret bancaire. Cette époque semble révolue depuis l'entrée en vigueur, dès 2017, de l'échange automatique d'informations fiscales entre États membres de l'OCDE.

Grâce à ce mécanisme international, baptisé norme EAR (Échange Automatique de Renseignements), l’administration fiscale française reçoit désormais automatiquement les informations sur les comptes détenus par ses résidents fiscaux à l’étranger. Cette évolution technologique et réglementaire bouleverse profondément le paysage fiscal international, rendant presque impossible la dissimulation durable d’avoirs à l’étranger.

Cependant, malgré cette facilité accrue à repérer des comptes à l’étranger, le fisc ne peut pas procéder au redressement fiscal simplement sur la base d'une suspicion. Il doit prouver concrètement l’existence du compte et la titularité du contribuable concerné.

Charge de la preuve : précisions importantes apportées par la jurisprudence du 7 mai 2025

La jurisprudence récente du 7 mai 2025 (Cass. com., n°24-11.883) est venue rappeler avec force un principe crucial en matière fiscale : la charge de la preuve incombe entièrement à l’administration lorsqu’elle souhaite taxer un compte bancaire à l’étranger non déclaré. Ce rappel revêt une importance capitale dans un contexte où l'administration fiscale s’appuie de plus en plus sur des présomptions ou des indices indirects, notamment issus des échanges automatiques d'informations internationales ou de saisies informatiques réalisées lors d’enquêtes préliminaires.

Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision phare, le fisc se fondait exclusivement sur des fichiers informatiques retrouvés sur l’ordinateur personnel d’un contribuable lors d'une procédure judiciaire. Ces fichiers mentionnaient l’existence présumée de comptes bancaires détenus à l’étranger. Or, la Cour de cassation a considéré qu'une telle preuve était insuffisante pour valider un redressement fiscal, aussi substantiel soit-il. En effet, les magistrats ont insisté sur la nécessité pour l’administration de démontrer explicitement non seulement l’existence du compte, mais surtout la réalité concrète de son usage par le contribuable (ouverture formelle, opérations bancaires effectives, retraits ou virements clairement attribuables, ou encore clôture avérée du compte durant la période concernée).

Cette précision jurisprudentielle est essentielle à double titre :

  • Protection des droits des contribuables : Elle garantit qu'un simple soupçon ou une suspicion ne peut à lui seul justifier un redressement fiscal massif. Les contribuables bénéficient ainsi d’une protection accrue contre des accusations fiscales injustifiées ou mal étayées, préservant leurs droits fondamentaux.
  • Rigueur accrue dans le contrôle fiscal : En contraignant l’administration fiscale à produire des preuves incontestables et tangibles de l’existence et de l’utilisation effective des comptes bancaires à l’étranger, cette décision incite les autorités fiscales à mieux cibler leurs enquêtes, à mieux collecter les preuves, et à agir avec davantage de précision et de professionnalisme. À terme, cela renforce la crédibilité et l’efficacité globale du contrôle fiscal en matière de comptes étrangers non déclarés.

Cette exigence de preuve concrète se traduit ainsi par un cadre juridique clair et précis, évitant les redressements arbitraires et permettant une meilleure sécurité juridique pour l’ensemble des contribuables concernés.

Prescription fiscale exceptionnelle de 10 ans : un délai redoutable pour les comptes bancaires à l’étranger non déclarés

Le deuxième point fondamental dans la lutte contre les comptes bancaires à l’étranger non déclarés est la prescription fiscale particulièrement étendue dont dispose l’administration française.

En effet, alors que la prescription ordinaire en matière fiscale est généralement fixée à 3 ans (prescription abrégée) ou à 6 ans (prescription standard), une dérogation spécifique s'applique aux comptes détenus hors de France et non déclarés.

Pour ces cas très précis, la loi autorise un délai exceptionnellement long de 10 ans, permettant à l’administration fiscale d’intervenir bien au-delà des délais habituels.

Ce délai décennal, fixé par l'article L169 du Livre des procédures fiscales (LPF), n'est pas anodin. Il vise directement à décourager la dissimulation durable d’avoirs à l’étranger. Concrètement, l’administration peut donc régulariser des situations anciennes, même lorsque celles-ci remontent à plusieurs années, faisant peser sur les contribuables concernés une incertitude prolongée. Toutefois, cette prérogative n’est pas sans limites.

Malgré sa durée exceptionnelle, cette prescription ne permet pas à l’administration fiscale d’agir sans contrainte ni sans rigueur.

Ainsi, pour être valable, tout redressement fiscal lié à un compte bancaire à l’étranger non déclaré doit nécessairement s’appuyer sur une preuve tangible que le compte a bien été ouvert, utilisé ou clôturé par le contribuable pendant l'année ou les années considérées. À défaut, les redressements opérés sont susceptibles d’être intégralement annulés par les tribunaux.

En effet, même en cas de prescription étendue, la jurisprudence impose à l’administration fiscale une obligation stricte de preuve matérielle, excluant toute forme de redressement fiscal fondé uniquement sur des indices imprécis ou non corroborés.

Pour les contribuables, cette situation constitue certes une menace fiscale sérieuse, mais aussi un point de protection juridique crucial. Concrètement, cela signifie que l’administration doit mener ses contrôles avec une grande précision technique et juridique, ne pouvant pas simplement évoquer l’existence théorique d’un compte à l’étranger.

La sécurité juridique ainsi maintenue par cette exigence forte de preuve permet aux contribuables de contester efficacement les redressements fiscaux injustifiés devant les tribunaux.

Enfin, cette prescription fiscale exceptionnelle de dix ans incite fortement les contribuables français à régulariser spontanément leur situation avant tout contrôle, afin de prévenir tout risque fiscal ou juridique majeur. Ainsi, cette mesure concilie efficacement la rigueur du contrôle fiscal et le respect du principe fondamental d’un État de droit en matière fiscale.

Article 755 du CGI : une présomption fiscale très contraignante

L’article 755 du Code Général des Impôts est particulièrement redoutable pour les détenteurs de comptes étrangers non déclarés. En effet, il instaure une présomption selon laquelle les fonds présents sur ces comptes sont réputés acquis à titre gratuit.

Conséquence directe : ils sont taxés à un taux forfaitaire maximal de 60 %, équivalent à une donation entre non-parents.

Cependant, cette présomption fiscale n’est pas irréfutable : elle peut être contestée par le contribuable qui doit alors démontrer l’origine régulière des fonds. En pratique, prouver l’origine d’actifs détenus depuis longtemps à l’étranger s’avère souvent compliqué, notamment lorsque les documents justificatifs sont anciens ou difficiles à obtenir.

Cela explique pourquoi, dans la majorité des cas, la présomption de l’article 755 CGI aboutit à des redressements extrêmement lourds pour le contribuable concerné.

Comment déclarer correctement son compte bancaire à l’étranger ?

Afin d'éviter tout litige avec l’administration fiscale, il est indispensable de bien respecter les obligations déclaratives prévues par l'article 1649 A du CGI. Tout résident fiscal français doit déclarer annuellement :

  • l’ouverture d’un compte bancaire étranger ;
  • la détention continue d'un tel compte, même sans mouvement ;
  • la clôture du compte bancaire détenu à l’étranger.

Cette déclaration doit se faire via le formulaire n° 3916 joint à la déclaration de revenus annuelle. L’omission volontaire ou même involontaire de cette formalité peut conduire à des sanctions très sévères (jusqu’à 10 000 euros d'amende par compte si le pays concerné est considéré comme non coopératif).

Comptes à l’étranger non déclarés : Quelles conséquences en cas de redressement fiscal ?

En cas de découverte d’un compte à l’étranger non déclaré, le fisc peut appliquer :

  • une taxation d’office, incluant intérêts et pénalités ;
  • un redressement fiscal substantiel, majoré de pénalités de retard pouvant atteindre 80 % en cas de mauvaise foi ou de fraude avérée ;
  • une possible procédure pénale pour fraude fiscale aggravée en cas de dissimulation volontaire.

Ces mesures peuvent avoir des conséquences financières très lourdes, souvent supérieures à l’avoir réellement détenu sur les comptes étrangers concernés.

Toutefois, ces procédures n’échappent pas au contrôle judiciaire, et le fisc doit scrupuleusement respecter ses obligations de preuve pour valider son action devant les tribunaux. Sans preuve solide, le redressement fiscal peut être contesté avec succès par le contribuable.

Pourquoi le respect des procédures protège les contribuables

L’importance accordée par les tribunaux à la charge de la preuve pesant sur l’administration fiscale constitue une protection essentielle du contribuable contre les risques d’arbitraire administratif. Cette exigence de rigueur protège efficacement les contribuables honnêtes contre les erreurs et excès du fisc.

En insistant sur la nécessité pour le fisc d’apporter des preuves tangibles d’une infraction fiscale, les tribunaux garantissent l’équilibre entre la lutte légitime contre la fraude et la protection des droits individuels des citoyens.

Conclusion : la preuve au cœur de la lutte contre les comptes bancaires étrangers non déclarés

L’évolution des échanges internationaux de renseignements fiscaux a rendu la dissimulation d’avoirs étrangers particulièrement risquée. Toutefois, la nécessité de prouver précisément la détention d'un compte bancaire à l’étranger non déclaré demeure essentielle. Le respect de cette exigence protège non seulement les droits des contribuables, mais aussi la légitimité des contrôles fiscaux.

Ainsi, l’administration fiscale doit agir avec méthode et prudence, sous peine de voir ses actions annulées en justice. Cette exigence juridique impose une rigueur bienvenue, permettant de concilier efficacité des contrôles fiscaux et respect des libertés individuelles fondamentales.

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