Dans un contexte où la gestion du temps de travail et la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle occupent une place de plus en plus importante, le compte épargne-temps (CET) s’impose comme un dispositif particulièrement intéressant. Créé par le Code du travail, il permet aux salariés d’épargner, sous certaines conditions, du temps de repos ou des éléments de rémunération afin de les utiliser ultérieurement. Concrètement, le CET peut financer un congé non rémunéré, compléter un salaire, préparer une cessation progressive d’activité ou encore abonder un plan d’épargne retraite.
Si son intérêt est évident pour les salariés, il constitue également un outil de gestion des ressources humaines pour l’employeur, en lui offrant plus de flexibilité dans l’organisation du temps de travail et dans la fidélisation des collaborateurs. Cependant, le CET ne s’improvise pas : sa mise en place repose obligatoirement sur un accord collectif qui en définit les conditions, et son utilisation implique de respecter des règles précises prévues par le Code du travail et la jurisprudence.
À travers ce dispositif, c’est toute la question de la sécurisation des droits accumulés qui se pose : quelles sont les garanties en cas de faillite de l’entreprise ? Quelles sont les limites d’alimentation du CET ? Comment ces droits peuvent-ils être transférés lors d’un changement d’employeur ? Autant de problématiques qui nécessitent une compréhension fine du cadre juridique applicable.
Cet article fait le point de manière complète sur le fonctionnement du compte épargne-temps, ses modalités d’alimentation, ses avantages pour le salarié, ses contraintes pour l’entreprise et les points de vigilance à connaître avant d’y recourir.
Selon l’article L3151-2 du Code du travail, le CET est un compte qui permet au salarié d’affecter :
Ces droits ainsi placés peuvent être utilisés ultérieurement pour obtenir :
Ce dispositif, qui relève du champ de la négociation collective, vise autant à offrir une flexibilité aux salariés qu’à sécuriser certains choix de gestion des ressources humaines pour l’employeur.
La création d’un CET dans une entreprise ne découle jamais d’une décision unilatérale de l’employeur. Conformément à l’article L3151-1 du Code du travail, il doit résulter d’un accord collectif :
Cet accord définit les modalités d’ouverture, d’alimentation, d’utilisation et de gestion du CET. Le salarié, quant à lui, ne peut adhérer au dispositif qu’en manifestant sa volonté expresse. L’absence d’accord collectif rend juridiquement impossible l’instauration d’un tel compte par simple décision de l’employeur.
Le salarié dispose d’une liberté de choix quant à l’alimentation de son compte :
Peuvent être affectés au CET, dans les conditions fixées par l’accord collectif :
En revanche, certains temps de repos liés à la santé et à la sécurité des salariés, comme le repos quotidien ou hebdomadaire, ne peuvent pas être transférés sur le CET.
L’article L3152-2 du Code du travail autorise également l’affectation de sommes telles que :
L’accord collectif peut en outre prévoir un abondement de l’employeur, en temps ou en argent, afin de rendre le dispositif plus attractif.
L’utilisation des droits accumulés est encadrée par les dispositions de l’accord collectif. En pratique, ils peuvent servir à :
Chaque utilisation nécessite l’accord de l’employeur, conformément au principe de gestion partagée de ce dispositif.
Les droits accumulés bénéficient d’une garantie spécifique : en cas de redressement ou liquidation judiciaire, ils sont pris en charge par l’Association pour la garantie des salaires (AGS), dans la limite de 87 984 euros (article L3151-4 du Code du travail).
Pour des droits excédant ce plafond, l’accord collectif doit obligatoirement prévoir un mécanisme de garantie financière ou d’assurance (article L3152-3 du Code du travail).
En cas de rupture du contrat de travail, le salarié peut :
Le dispositif existe également dans la fonction publique, avec des modalités distinctes selon les versants (État, territoriale, hospitalière). Il permet notamment aux agents de stocker des jours de congés non pris et de les utiliser ultérieurement, par exemple en vue d’un départ en retraite anticipé ou d’une indemnisation.
Le compte épargne-temps constitue un outil souple et polyvalent qui permet au salarié de transformer du temps ou de l’argent en un véritable levier d’organisation de sa carrière. Bien utilisé, il offre la possibilité d’anticiper une cessation progressive d’activité, de compléter une rémunération ou encore de préparer la retraite dans un cadre sécurisé par la loi. Pour l’employeur, il peut représenter un instrument de fidélisation et de motivation du personnel, tout en apportant une flexibilité supplémentaire dans la gestion du temps de travail.
Toutefois, la mise en place et la gestion du CET ne peuvent être envisagées sans une attention particulière aux conditions posées par les accords collectifs et au respect des dispositions légales (articles L3151-1 et suivants du Code du travail). Les règles de transfert, les garanties offertes par l’AGS en cas de difficultés financières de l’entreprise et le plafond d’indemnisation doivent être maîtrisés pour éviter toute mauvaise surprise.
En définitive, le CET illustre parfaitement la volonté du législateur de concilier la protection des droits des salariés et la liberté d’organisation des entreprises. Outil de prévoyance et de souplesse, il mérite d’être connu et compris, afin que chaque salarié puisse en tirer parti selon ses projets professionnels et personnels.
1. Le compte épargne-temps est-il obligatoire dans une entreprise ?
Le compte épargne-temps (CET) n’est pas une obligation légale pour l’employeur. Sa mise en place est conditionnée à la conclusion d’une convention ou d’un accord collectif au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou, à défaut, de la branche (article L3151-1 du Code du travail).
Cela signifie qu’un employeur ne peut pas instaurer le CET par simple décision unilatérale, contrairement à d’autres dispositifs relevant de son pouvoir de direction. Lorsqu’il existe, le salarié doit exprimer son consentement pour y adhérer. Autrement dit, il ne peut pas se voir imposer une alimentation du CET.
2. Que peut-on placer sur un compte épargne-temps ?
Le CET permet d’épargner des jours de repos, des heures de travail supplémentaires ou encore des éléments de rémunération. Selon l’accord collectif applicable, il est possible d’y affecter :
Attention : certains temps de repos, comme le repos quotidien ou hebdomadaire, ne peuvent pas être versés sur le CET car ils relèvent du droit à la santé et à la sécurité des salariés.
3. Comment utiliser les droits acquis sur un CET ?
L’utilisation du CET dépend des règles fixées par l’accord collectif. En pratique, les droits acquis peuvent servir à :
Dans tous les cas, l’accord de l’employeur est nécessaire pour valider l’utilisation des droits épargnés.
4. Les droits acquis sur un CET sont-ils protégés en cas de faillite de l’entreprise ?
Oui. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’entreprise, les droits accumulés sur le CET sont protégés par l’Association pour la garantie des salaires (AGS) (articles L3253-6 et L3151-4 du Code du travail).
Cette garantie est toutefois plafonnée : elle couvre jusqu’à 87.984 euros par salarié (plafond 2023). Si les droits dépassent ce montant, l’accord collectif doit prévoir un dispositif d’assurance ou une garantie financière complémentaire (article L3152-3 du Code du travail). À défaut, le salarié perçoit une indemnité équivalente à la conversion monétaire de ses droits (article L3153-1 du Code du travail).
5. Peut-on transférer son compte épargne-temps en changeant d’entreprise ?
Oui, mais à certaines conditions. Lors d’une rupture du contrat de travail, les droits acquis peuvent :
Ce mécanisme garantit que les droits acquis ne disparaissent pas lors d’un changement d’employeur, renforçant ainsi la protection du salarié.