Dans le domaine du droit immobilier, le bail d’habitation figure parmi les contrats les plus fréquents et pourtant, il reste l’un des plus sensibles aux litiges.
Entre le droit au logement, reconnu par le préambule de la Constitution de 1946, et le droit de propriété protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le législateur a dû trouver un équilibre délicat. À cet égard, la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, souvent modifiée au gré des réformes successives, constitue le socle de la réglementation des rapports locatifs.
Que l’on soit bailleur, soucieux de récupérer son bien pour l’habiter, le vendre ou garantir le respect des obligations contractuelles, ou locataire, désireux de mettre fin au contrat pour des raisons personnelles ou professionnelles, le préavis cristallise nombre de questions pratiques et juridiques.
Quels motifs permettent de donner congé ? Quels délais respecter ? Quelles formes observer sous peine de nullité ? Autant d’interrogations auxquelles tout justiciable est tôt ou tard confronté.
À travers cet article, defendstesdroits.fr éclaire les obligations et droits de chacune des parties, appuyé sur les dispositions légales, les décisions jurisprudentielles récentes — à l’instar de l’arrêt rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 24 octobre 2024 (n° 2318.067) — et les nouveautés comme la loi Le Meur du 19 novembre 2024. En maîtrisant les subtilités du préavis, chacun pourra agir en conformité avec la loi, limiter les risques de litiges et préserver ses intérêts.
Conformément à l’article 25-7 de la loi du 6 juillet 1989, le bail meublé, conclu pour au moins un an (ou 9 mois pour un étudiant), peut être non renouvelé pour trois motifs exclusifs :
Pour que le congé soit valable, le motif doit être indiqué dans la lettre de congé, qui doit aussi mentionner l’identité et le lien familial du bénéficiaire en cas de reprise pour occupation personnelle (article 25-8). Le préavis est ici de 3 mois, et le formalisme impose une notification par LRAR, acte de commissaire de justice ou remise en main propre contre récépissé.
Pour le bail nu, la durée minimale est de 3 ans pour un bailleur personne physique (article 10) ou 6 ans s’il s’agit d’une personne morale. Là encore, le bailleur ne peut délivrer congé qu’à l’expiration du bail et pour les mêmes motifs (reprise, vente ou motif sérieux et légitime) selon l’article 15 de la loi de 1989.
Le congé doit comporter une notice d’information dont le contenu est légalement fixé. Le délai de préavis est ici allongé à 6 mois, sous peine de nullité. En cas de manquement, le congé pourra être contesté devant le juge.
Le législateur impose des restrictions pour protéger les locataires vulnérables. Ainsi, selon l’article 15, III, le bailleur ne peut donner congé à un locataire âgé de plus de 65 ans, dont les ressources sont inférieures au plafond HLM, sauf à proposer un relogement adapté dans un périmètre restreint (même commune ou limitrophe). Une protection identique s’applique si le locataire héberge une personne de plus de 65 ans à charge (Cass. 3e civ., 24 oct. 2024, n°2318.067).
En cas de congé frauduleux (absence de réelle reprise ou vente fictive), le bailleur encourt une amende pénale de 6.000 € s’il est une personne physique, 30.000 € s’il est une personne morale (article 25-8).
Le locataire bénéficie d’une grande liberté : l’article 25-8 autorise la résiliation à tout moment, sans avoir à justifier d’un motif, à condition de respecter un préavis d’un mois. Le congé doit être notifié par LRAR, acte de commissaire de justice ou remis contre récépissé.
Dans un bail d’habitation nu, le principe posé par l’article 15 impose un préavis de 3 mois. Cependant, plusieurs situations légales permettent une réduction à un mois :
Le motif doit être précisé et justifié par le locataire pour bénéficier du délai réduit (article 15, I).
Entrée en vigueur avec la loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024, dite Loi Le Meur, une servitude de résidence principale s’impose désormais dans certaines zones touristiques tendues. Ainsi, tout logement neuf érigé dans ces zones doit être occupé au moins 8 mois par an comme résidence principale. À défaut, le bailleur pourra résilier le bail après mise en demeure restée infructueuse (article 7 h).
Le bail doit mentionner cette servitude, sous peine de nullité (article L151-14-1 al. 3 du Code de l’urbanisme).
Le non-respect des règles précitées ouvre la voie à diverses actions contentieuses, pouvant être engagées par le locataire ou même par un tiers intéressé lorsque ses droits sont affectés.
La demande d’annulation du congé est souvent sollicitée lorsque le motif invoqué est imprécis, mensonger ou non démontré, notamment en cas de reprise fictive ou de vente simulée. La contestation peut aussi porter sur le non-respect du délai de préavis, sur une notification irrégulière ou encore sur le défaut de proposition de relogement pour un locataire protégé.
Dans ce cadre, la partie lésée peut non seulement obtenir l’annulation du congé, mais également demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi, qu’il s’agisse de frais de déménagement inutiles, de troubles de jouissance, ou de la perte de la jouissance paisible du logement. En cas de fraude, le juge peut assortir sa décision de sanctions pécuniaires, comme le prévoient les dispositions de l’article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989.
Le juge compétent demeure le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, conformément à l’article R211-4-5 du Code de l’organisation judiciaire, ce qui garantit une proximité géographique et une bonne connaissance du contexte local.
Le régime du préavis, qu’il s’agisse de celui délivré par le bailleur ou par le locataire, ne laisse aucune place à l’improvisation. Chaque formalité, chaque délai, chaque mention obligatoire trouve son fondement dans la loi de 1989, enrichie par des dispositions spécifiques, telle la protection du locataire âgé ou encore la contrainte nouvelle issue de la loi Le Meur pour les secteurs touristiques.
Dans ce cadre, toute négligence, qu’il s’agisse d’un motif imprécis, d’un délai non respecté ou d’une notification irrégulière, peut avoir des conséquences importantes, notamment l’annulation du congé, le renouvellement forcé du bail ou l’engagement de la responsabilité du bailleur pour fraude.
Pour sécuriser leurs démarches, bailleurs et locataires ont tout intérêt à s’informer, à faire relire leurs courriers, à réunir les justificatifs nécessaires, voire à solliciter l’accompagnement d’un professionnel du droit.
La vigilance reste de mise, car le droit locatif est vivant, modelé par des réformes régulières, des jurisprudences précises et des réalités économiques qui transforment en profondeur les pratiques de l’habitat en France.
1. Quelles sont les conditions pour un bailleur qui souhaite donner congé à son locataire ?
Le bailleur peut donner congé uniquement à l’échéance du bail et pour des motifs strictement encadrés par la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 : reprise du logement pour l’occuper personnellement ou loger un membre de sa famille proche, vente du logement, ou motif sérieux et légitime tel qu’un manquement du locataire à ses obligations (retards de paiement de loyer, troubles du voisinage, dégradations…). Le motif doit impérativement figurer dans la lettre de congé sous peine de nullité. De plus, le bailleur doit respecter un préavis de 6 mois pour un logement vide et de 3 mois pour un logement meublé, notifier son congé par LRAR, acte de commissaire de justice ou remise en main propre contre récépissé.
2. Un locataire peut-il donner congé à tout moment et avec quel délai ?
Oui, un locataire peut mettre fin à son bail sans motif particulier, même avant la date d’échéance. Pour un logement vide, le délai de préavis est de 3 mois mais peut être réduit à 1 mois dans certains cas prévus par l’article 15 de la loi de 1989 : logement situé en zone tendue, mutation professionnelle, perte d’emploi, obtention d’un premier emploi, état de santé nécessitant un déménagement, attribution d’un logement social, ou violences conjugales avec ordonnance de protection. Pour un logement meublé, le délai est de 1 mois en toutes circonstances. Le locataire doit respecter la forme légale : notification par LRAR, signification par commissaire de justice, ou remise en main propre contre récépissé.
3. Quelles protections spécifiques existent pour les locataires âgés ou vulnérables ?
La loi prévoit une protection renforcée pour le locataire de plus de 65 ans dont les ressources sont inférieures au plafond d’attribution des logements sociaux (HLM). Dans ce cas, le bailleur ne peut pas donner congé sauf à proposer un relogement adapté, situé dans le même quartier ou une commune voisine dans un rayon maximum de 5 kilomètres. Cette protection s’applique également si le locataire héberge une personne âgée remplissant ces critères. À défaut de relogement, le congé est nul. Une jurisprudence récente (Cass. 3e civ., 24 oct. 2024, n°2318.067) rappelle que les ressources doivent être calculées sur les 12 mois précédant la notification du congé.
4. Quelles sanctions encourt un bailleur en cas de congé frauduleux ?
Un bailleur qui délivre un congé frauduleux, notamment en invoquant une fausse reprise ou une vente fictive pour écarter un locataire, s’expose à de lourdes sanctions pénales. Selon l’article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, l’amende peut atteindre 6.000 euros pour une personne physique et 30.000 euros pour une personne morale. De plus, le locataire peut saisir le juge pour demander l’annulation du congé, obtenir des dommages-intérêts et exiger la poursuite du bail. Le contentieux est porté devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble.
5. La loi Le Meur a-t-elle changé les règles de résiliation ?
Oui, la loi Le Meur (loi n°2024-1039) instaure une servitude de résidence principale dans certaines zones touristiques tendues. Désormais, dans ces secteurs, toute construction nouvelle doit obligatoirement être occupée à titre de résidence principale (au moins 8 mois par an). Si le logement est détourné de cet usage, le bailleur peut résilier le bail après une mise en demeure restée infructueuse (article 7 h de la loi de 1989). À noter que le bail doit mentionner cette servitude à peine de nullité (article L151-14-1 du Code de l’urbanisme).