Protection sociale

Congé maternité : cumul de congés payés, salaire et retour au travail

Estelle Marant
Collaboratrice
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Salariée enceinte : vos droits face à l’employeur durant le congé maternité

Choisir de donner la vie ne devrait jamais exposer une salariée à des risques professionnels, encore moins à des discriminations, des sanctions ou des ruptures abusives de contrat.

Pourtant, la maternité, en dépit des évolutions sociétales et législatives, demeure un facteur de vulnérabilité professionnelle pour de nombreuses femmes en France. Entre licenciements injustifiés, mises à l'écart, non-reconnaissance des droits à congés payés, perte d’ancienneté ou encore stagnation de carrière, les contentieux autour du congé maternité et de ses conséquences sont encore fréquents devant les juridictions prud’homales.

Pourtant, le Code du travail et la jurisprudence prévoient un arsenal juridique protecteur visant à assurer aux salariées une égalité de traitement avant, pendant et après la grossesse. Le congé maternité n'est pas seulement une période de repos médicalement encadrée : il constitue une véritable période de suspension du contrat de travail reconnue, ouvrant droit à des avantages légaux et conventionnels essentiels.

Ces garanties touchent non seulement au maintien des droits acquis, mais également à la protection contre le licenciement, à la rémunération sous forme d’indemnités journalières et parfois de compléments salariaux, ainsi qu’à la réintégration professionnelle dans des conditions équitables.

L’objectif de cet article est d’éclairer les salariées sur l’étendue réelle de leurs droits, à travers une analyse rigoureuse des textes en vigueur, des décisions des hautes juridictions françaises, et des apports du droit de l’Union européenne.

Défendstesdroits.fr se donne pour mission de rappeler que la maternité, loin d’être un obstacle professionnel, doit rester un droit respecté et valorisé dans toute entreprise, quelle que soit sa taille.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Congé maternité et acquisition des congés payés
  3. Protection contre le licenciement
  4. Protection contre les discriminations
  5. Indemnisation du congé maternité
  6. Retour au poste après le congé maternité
  7. Conclusion
  8. FAQ

Congé maternité et acquisition des congés payés

Conformément à l'article L3141-5 du Code du travail, la période de congé maternité est assimilée à une période de travail effectif pour l'acquisition des congés payés. La salariée continue donc à acquérir 2,5 jours ouvrables par mois durant la totalité de son congé maternité, malgré la suspension de son contrat de travail (article L1225-24 du Code du travail).

L’ancienneté n’est pas affectée par ce congé : le temps passé en congé maternité est pleinement pris en compte pour calculer l’ancienneté de la salariée, avec toutes les conséquences que cela entraîne, notamment en matière d’évolution de carrière et d'avantages liés à l'ancienneté.

Concernant les congés payés non pris avant le départ en congé maternité, ceux-ci doivent être reportés et pourront être pris à la reprise, même si la période de prise des congés est expirée. Cette position découle de l'article L3141-2 du Code du travail, renforcé par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-14043), tenant compte du droit européen.

Protection contre le licenciement

En matière de licenciement, la salariée enceinte ou en congé maternité bénéficie d’une protection renforcée prévue par l'article L1225-4 du Code du travail. L'employeur ne peut pas rompre le contrat de travail :

  • pendant la grossesse médicalement constatée,
  • durant le congé maternité,
  • au cours des congés payés pris immédiatement après le congé maternité,
  • et durant les 10 semaines suivant la fin de cette période.

Cette protection juridique a été étendue aux salariées ayant subi une fausse-couche entre la 14ᵉ et la 21ᵉ semaine d’aménorrhée (loi du 7 juillet 2023).

Cependant, des exceptions existent : licenciement pour faute grave non liée à la grossesse, ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maternité. Néanmoins, même dans ces hypothèses, le licenciement ne peut être notifié ni prendre effet pendant la période de suspension du contrat liée à la maternité.

En cas de licenciement irrégulier, la salariée peut saisir le Conseil de prud’hommes pour demander :

  • la nullité du licenciement,
  • sa réintégration dans l’entreprise,
  • le rappel des salaires non perçus,
  • et des dommages et intérêts éventuels.

Protection contre les discriminations

Le Code du travail (article L1132-1) interdit formellement toute discrimination fondée sur la grossesse. Cela concerne :

  • l’accès à l'emploi,
  • les conditions de travail,
  • la rémunération,
  • l’évolution professionnelle,
  • et les avantages sociaux.

La Cour de cassation (Cass. soc. 25 mars 2015, n°14-10149) précise qu’une salariée ne peut être écartée d’une promotion ou d’une augmentation de salaire au seul motif de son congé maternité.

Cette protection s’applique également aux candidates à un emploi. Toute décision défavorable basée sur la situation de maternité est susceptible d’être annulée et sanctionnée.

Indemnisation du congé maternité

Pendant son congé maternité, la salariée perçoit des indemnités journalières versées par la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam), conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale (articles R331-5 et L331-3). La durée de versement dépend :

  • du nombre d’enfants déjà à charge,
  • du nombre d’enfants attendus,
  • et de la durée du congé fixée légalement.

Le maintien total ou partiel du salaire peut également être prévu par convention collective. Par exemple :

  • Convention Syntec-Cinov : maintien intégral du salaire sous déduction des indemnités journalières ;
  • Convention Banque : maintien à 100 % du salaire mensuel de base.

La salariée doit vérifier les dispositions spécifiques applicables dans son secteur professionnel afin d’apprécier l’éventuelle prise en charge complémentaire par l’employeur.

Retrouver son poste après le congé maternité

Au retour du congé maternité, selon l'article L1225-25 du Code du travail, l’employeur doit permettre à la salariée de retrouver :

  • son poste initial,
  • ou à défaut, un poste similaire, justifié par la disparition ou l’indisponibilité du précédent emploi.

La rémunération doit être identique ou équivalente, et la qualification professionnelle maintenue. De plus, l’employeur est tenu de répercuter les augmentations générales et les moyennes des augmentations individuelles appliquées dans l’entreprise pendant le congé (article L1225-26 du Code du travail).

Cette obligation vise à prévenir les retards de carrière souvent subis par les salariées au retour de maternité. Pourtant, la réalité pratique montre encore des écarts significatifs : selon l’Insee, le revenu salarial moyen des femmes reste inférieur de 24,4 % à celui des hommes dans le secteur privé.

Le Défenseur des droits souligne d’ailleurs que 3,2 % des saisines recensées en 2021 concernaient des discriminations liées à la grossesse.

Précisions importantes sur les droits connexes

  • Congé parental : la salariée peut demander un congé parental à l'issue du congé maternité, lequel ouvre également droit à la protection contre le licenciement et permet la suspension du contrat de travail sans perte d’ancienneté.
  • Rupture conventionnelle et maternité : cette rupture amiable du contrat de travail reste possible pendant un congé maternité, mais doit respecter la liberté de consentement des parties et ne pas être forcée par l’employeur.
  • Jour de fractionnement : les droits acquis avant le congé maternité peuvent continuer à produire des effets à la reprise de travail, notamment les jours de congés supplémentaires en cas de fractionnement.
  • Travail à temps partiel après maternité : la salariée peut solliciter un temps partiel après son congé maternité ou parental, conformément à l'article L1225-47 du Code du travail, sans que cela puisse justifier une mesure discriminatoire.

Conclusion

Si le cadre juridique du congé maternité paraît solide sur le plan théorique, force est de constater que l’application de ces protections reste souvent partielle, voire inexistante, dans certains milieux professionnels.

La méconnaissance des droits par les salariées elles-mêmes favorise ces dérives : combien savent précisément que les congés payés continuent de s'acquérir durant cette période, ou que leur ancienneté ne subit aucune interruption ? Combien osent contester un licenciement illicite survenu en pleine grossesse, ou réclamer les augmentations salariales perçues par leurs collègues pendant leur absence ?

La maternité, protégée par le Code du travail aux articles L1225-4 à L1225-26, constitue pourtant une période où les salariées doivent bénéficier d’une bienveillance accrue et non d’un recul professionnel. À cela s’ajoute le rôle fondamental des conventions collectives, parfois plus favorables, qu’il convient de consulter systématiquement afin de revendiquer ses droits dans leur intégralité.

Face à une discrimination, un licenciement abusif ou un non-respect des dispositions en matière d'indemnisation, chaque salariée a la possibilité de saisir le Conseil de prud’hommes, voire d’interpeller le Défenseur des droits. La vigilance juridique reste donc indispensable pour préserver ses intérêts et se protéger efficacement.

Chez defendstesdroits.fr, nous rappelons que faire valoir ses droits n’est pas un combat individuel, mais un levier collectif de progression vers une société plus juste, où la maternité ne sera plus perçue comme une entrave professionnelle, mais comme un événement naturel respecté et soutenu par tous.

FAQ

1. Est-ce que la salariée cumule des congés payés pendant son congé maternité ?
Oui. Selon l'article L3141-5 du Code du travail, le congé maternité est assimilé à une période de travail effectif pour l'acquisition des congés payés. Cela signifie que même si le contrat de travail est suspendu, la salariée continue à acquérir 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois d'absence. Ce droit est applicable quelle que soit la durée du congé maternité et bénéficie également à la salariée ayant prolongé son absence par un congé parental. La Cour de cassation (Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-14043) a confirmé que ces congés doivent être reportés au retour de la salariée, même si la période de prise des congés est expirée.

2. Une salariée peut-elle être licenciée pendant ou après son congé maternité ?
En principe, non. La salariée bénéficie d’une protection absolue contre le licenciement pendant sa grossesse médicalement constatée, durant l’intégralité de son congé maternité et même après, durant les 10 semaines suivant la fin de son absence. Cette protection, prévue par l'article L1225-4 du Code du travail, interdit toute rupture du contrat, sauf exceptions strictes :

  • Faute grave, étrangère à l'état de grossesse ou au congé maternité ;
  • Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif indépendant de la maternité.

En cas de licenciement irrégulier, la salariée peut saisir le Conseil de prud’hommes pour obtenir la nullité du licenciement, sa réintégration, ainsi que des rappels de salaires et dommages et intérêts.

3. Comment est assuré le maintien de la rémunération durant le congé maternité ?
Durant le congé maternité, la rémunération de la salariée est assurée par :

  • Des indemnités journalières de maternité versées par la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam), conformément aux articles R331-5 et L331-3 du Code de la sécurité sociale ;
  • Un complément de salaire éventuellement prévu par la convention collective applicable à l'entreprise. Certaines branches, comme la convention Syntec, assurent le maintien intégral du salaire sous déduction des indemnités sociales. D'autres, comme la convention des banques, prévoient un maintien à 100 % du salaire de base.

L’indemnisation de la Cpam dépend du nombre d’enfants à charge et à naître, mais suppose aussi de remplir des conditions d’ouverture de droits (nombre d’heures travaillées ou de cotisations versées).

4. La salariée retrouve-t-elle automatiquement son poste après son congé maternité ?
Oui. À l'issue du congé maternité, l'employeur est tenu de réintégrer la salariée dans son emploi précédent ou, si cela est impossible, dans un emploi similaire au regard de la qualification et de la rémunération (article L1225-25 du Code du travail).
De plus, la rémunération doit être réajustée pour tenir compte :

  • Des augmentations générales décidées dans l'entreprise durant son absence ;
  • De la moyenne des augmentations individuelles attribuées aux salariés de la même catégorie professionnelle.

La salariée doit retrouver son niveau hiérarchique et sa qualification professionnelle inchangés. Tout manquement expose l'employeur à une action en réintégration ou en dommages et intérêts.

5. Que faire en cas de discrimination professionnelle liée à la maternité ?
Le Code du travail (article L1132-1) prohibe toute mesure discriminatoire fondée sur la grossesse ou la maternité. Cela couvre :

  • Le refus d’embauche ;
  • Le refus de promotion ou d’augmentation ;
  • La mise au placard après le retour ;
  • La mutation forcée ou dégradante.

En cas de discrimination, la salariée peut :

  • Saisir le Conseil de prud’hommes pour obtenir l’annulation des mesures discriminatoires et des indemnités réparatrices ;
  • Porter l'affaire devant le Défenseur des droits ;
  • Demander des dommages et intérêts devant les juridictions compétentes.

Les discriminations doivent être prouvées, mais en pratique, un simple faisceau d’indices concordants suffit à inverser la charge de la preuve : l'employeur devra justifier sa décision par des éléments objectifs et étrangers à la maternité.

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