Travail

Congé sabbatique : tout savoir pour mettre sa carrière en pause légalement

Estelle Marant
Collaboratrice
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Peut-on refuser un congé sabbatique ? Ce que dit le Code du travail

Le congé sabbatique constitue un droit reconnu aux salariés souhaitant mettre temporairement leur carrière professionnelle entre parenthèses, afin de se consacrer à un projet personnel, familial, ou professionnel, sans rompre leur lien contractuel avec l’entreprise.

Encadré par les articles L3142-28 à L3142-33 du Code du travail, ce dispositif permet une suspension du contrat de travail dans des conditions strictes d’éligibilité, de durée, et de procédure. Il s'agit d'un levier important d’articulation entre vie professionnelle et aspirations personnelles, dont la mise en œuvre soulève des questions juridiques précises : quelles sont les conditions d’accès ?

Quels pouvoirs détient l’employeur ? Quelles conséquences sur la rémunération ou la rupture du contrat ? Autant d'interrogations que nous explorons ici pour éclairer tant les salariés que les employeurs.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Conditions pour bénéficier du congé sabbatique
  3. Procédure de demande
  4. Durée minimale et maximale
  5. Refus ou report par l’employeur
  6. Effets sur le contrat de travail
  7. Activité professionnelle pendant le congé
  8. Retour anticipé du salarié
  9. Rupture du contrat pendant le congé
  10. Reprise du travail après le congé
  11. FAQ

Quelles conditions pour bénéficier du congé sabbatique ?

Conformément à l’article L3142-28 du Code du travail, un salarié ne peut prétendre au congé sabbatique que s’il remplit les conditions cumulatives suivantes :

  • 36 mois d’ancienneté au sein de l’entreprise, consécutifs ou non ;
  • 6 années d’activité professionnelle au total (tous employeurs confondus) ;
  • Ne pas avoir bénéficié, au cours des 6 années précédentes, d’un congé sabbatique, d’un congé pour création d’entreprise ou d’un projet de transition professionnelle (PTP) d’une durée supérieure à 6 mois.

⚠️ À noter : ces conditions peuvent être modifiées par des dispositions conventionnelles ou un accord collectif applicable dans l’entreprise. Il convient donc de se référer à ces textes avant toute demande.

Quelle procédure pour faire une demande de congé sabbatique ?

Le salarié doit notifier son employeur au moins trois mois avant la date souhaitée de départ. Cette demande doit mentionner la durée du congé envisagée ainsi que la date de début.

Cette notification doit être transmise par écrit, et ce par tout moyen conférant date certaine, tels que :

  • lettre recommandée avec accusé de réception,
  • remise en main propre contre décharge,
  • ou courrier électronique avec accusé de réception.

L’employeur dispose alors d’un délai de 30 jours pour répondre (article L3142-30 du Code du travail). Passé ce délai, le silence de l’employeur vaut acceptation.

Quelle est la durée minimale et maximale du congé sabbatique ?

Selon l’article L3142-26 du Code du travail, la durée du congé sabbatique est encadrée légalement :

  • Minimum : 6 mois ;
  • Maximum : 11 mois (prolongation incluse).

Des durées différentes peuvent être prévues par la convention collective, notamment dans les secteurs soumis à une forte saisonnalité ou nécessitant des périodes longues de mobilité.

L’employeur peut-il refuser ou reporter le congé sabbatique ?

L’employeur peut :

  • Accepter la demande sans réserve ;
  • Reporter le congé sabbatique pour des raisons liées à l’organisation du travail, mais dans une limite maximale de 6 mois, ou 9 mois si l’entreprise compte moins de 300 salariés (article L3142-30 al. 2) ;
  • Refuser le congé dans certains cas :
    • si le salarié ne remplit pas les conditions légales ;
    • si le congé nuit au bon fonctionnement de l’entreprise, après avis du Comité social et économique (CSE) (article L3142-31 du Code du travail).

Le salarié peut contester un refus devant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours (article L3142-32).

Quelles conséquences sur le contrat de travail ?

Pendant le congé sabbatique, le contrat de travail est suspendu (article L3142-27). Cela signifie :

  • Aucune rémunération n’est due au salarié pendant la période de congé ;
  • Le salarié n’acquiert pas de congés payés pendant cette période, sauf si un accord ou usage le prévoit ;
  • Les droits liés à l’ancienneté peuvent être conservés, selon les accords collectifs.

Le salarié peut mobiliser des jours de congés payés non pris, notamment ceux au-delà de la 5e semaine, pour partiellement financer sa période sabbatique. Ces jours doivent avoir été reportés légalement et peuvent être indemnisés à cette occasion.

Le salarié peut-il exercer une autre activité pendant le congé sabbatique ?

Oui, pendant un congé sabbatique, le salarié est libre d’exercer une autre activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non salariée. Il peut ainsi :

  • travailler pour un autre employeur,
  • exercer en tant que travailleur indépendant,
  • ou encore créer ou reprendre une entreprise.

Cette liberté est cependant encadrée par le droit du travail, car le congé sabbatique suspend le contrat mais ne rompt pas le lien contractuel avec l’employeur initial. Le salarié demeure donc soumis à plusieurs obligations essentielles :

  • Une obligation de loyauté, issue du principe général de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail (article L1222-1 du Code du travail). Cette obligation subsiste même pendant le congé sabbatique et interdit notamment au salarié :
    • de nuire volontairement à l’employeur,
    • de divulguer des informations confidentielles,
    • ou de tenir des propos dénigrants portant atteinte à l’image de l’entreprise.
  • Une éventuelle clause de non-concurrence, valable uniquement si elle est écrite, proportionnée, limitée dans le temps et l’espace, et assortie d’une contrepartie financière. Si cette clause est en vigueur, le salarié ne peut exercer d’activité concurrente, même durant son congé sabbatique, sous peine de sanctions disciplinaires.

En cas de violation de l’obligation de loyauté ou de non-respect de la clause de non-concurrence, l’employeur est en droit d’engager une procédure de licenciement pour faute, voire de saisir la juridiction prud’homale pour obtenir réparation du préjudice subi.

Il est donc vivement recommandé au salarié de vérifier son contrat de travail et les accords collectifs applicables avant d’engager une nouvelle activité pendant son congé sabbatique. En cas de doute, une consultation juridique peut prévenir tout risque de contentieux.

Peut-on revenir plus tôt de son congé sabbatique ?

Le retour anticipé d’un congé sabbatique n’est pas un droit opposable au regard du Code du travail. En effet, le congé sabbatique constitue une suspension contractuelle convenue pour une durée précise entre le salarié et l’employeur. Dès lors, l’employeur n’est pas juridiquement obligé d’accepter un retour avant la date initialement prévue.

La demande de retour anticipé peut cependant être envisagée si :

  • le salarié formule une demande écrite motivée, précisant les raisons personnelles ou professionnelles justifiant cette réintégration anticipée ;
  • l’employeur accepte expressément cette reprise anticipée, en fonction de ses besoins en personnel ou de l’organisation de l’activité.

L’accord de l’employeur est donc entièrement discrétionnaire, et il peut refuser sans avoir à motiver sa décision. En pratique, un retour anticipé pourra être facilité si l’entreprise connaît une période de surcharge d’activité ou si le poste du salarié est demeuré vacant.

Il est conseillé de formaliser l’accord par écrit, notamment pour fixer les conditions du retour, la date effective de reprise et les éventuelles modifications organisationnelles ou contractuelles.

En l’absence d’accord de l’employeur, le salarié doit attendre la fin de la période convenue pour reprendre son poste dans les conditions prévues à l’article L3142-33 du Code du travail.

Peut-on rompre le contrat de travail pendant un congé sabbatique ?

Le congé sabbatique suspend le contrat de travail, mais il n’empêche pas sa rupture. Le salarié n’est pas protégé par un statut spécifique pendant cette période. Plusieurs situations peuvent ainsi survenir :

  • Le salarié peut démissionner à tout moment, mais il demeure tenu de respecter son préavis, sauf si l’employeur l’en dispense expressément. La démission reste une manifestation unilatérale de volonté, qui ne nécessite pas l’accord de l’employeur.
  • Une rupture conventionnelle peut être conclue durant le congé sabbatique, à condition que les deux parties soient d’accord pour y mettre fin de manière amiable. La procédure reste celle de droit commun : entretien préalable, signature de la convention, puis homologation par la DREETS, conformément aux articles L1237-11 à L1237-16 du Code du travail.
  • L’employeur peut engager une procédure de licenciement, y compris si le salarié est en congé sabbatique, à condition de respecter scrupuleusement les règles :
    • un licenciement disciplinaire peut être envisagé si le salarié a commis une faute grave avant son départ ou durant son congé (par exemple, en cas de non-respect d'une clause de non-concurrence) ;
    • un licenciement économique peut être prononcé si l'entreprise traverse des difficultés économiques caractérisées, sans qu’il soit nécessaire que le salarié soit physiquement présent ;
    • un licenciement pour inaptitude peut aussi être notifié si une inaptitude a été médicalement reconnue par le médecin du travail.

Dans tous les cas, la procédure légale doit être respectée, notamment l’envoi d’une convocation à entretien préalable, l’entretien lui-même, et la notification écrite du licenciement avec motif réel et sérieux.

Quelles sont les modalités de reprise du travail ?

À l’issue du congé sabbatique, le salarié a le droit de réintégrer son entreprise, conformément à l’article L3142-33 du Code du travail. Ce retour doit respecter les modalités suivantes :

  • Le salarié retrouve son emploi précédent. Si ce poste n’est plus disponible, l’employeur doit lui proposer un emploi similaire — c’est-à-dire comportant des fonctions équivalentes, une classification comparable et une rémunération au moins équivalente à celle perçue avant son départ.
  • Il ne s’agit pas d’une simple promesse morale : l’obligation de réintégration constitue une garantie légale. En cas de refus illégal de réintégration, le salarié pourrait saisir le Conseil de prud’hommes pour demander réparation du préjudice.
  • L’employeur est tenu d’organiser un entretien professionnel à la reprise (article L6315-1 du Code du travail). Cet entretien n’est pas un entretien d’évaluation, mais un moment d’échange sur :
    • les compétences acquises par le salarié,
    • les évolutions possibles de son poste,
    • ses perspectives de formation ou de mobilité interne,
    • et les modalités d’accompagnement de son retour dans l’entreprise.

Il peut être utile de formaliser cet entretien par un compte rendu écrit, afin de tracer les engagements pris par les deux parties.

Conclusion

Le recours au congé sabbatique s’inscrit dans une logique de liberté individuelle encadrée par le droit du travail, offrant au salarié un espace de respiration dans sa carrière sans perte de lien avec l’entreprise. Toutefois, ce dispositif exige le respect strict d’un cadre juridique précis : ancienneté minimale, procédure de demande formalisée, durée encadrée, pouvoir de refus ou de report par l’employeur, suspension des effets du contrat, etc.

Loin d’être un droit automatique, le congé sabbatique est soumis à un équilibre entre les intérêts du salarié et ceux de l’entreprise.

Le respect des obligations contractuelles pendant cette période – notamment en matière de loyauté et de non-concurrence – demeure essentiel pour éviter toute rupture conflictuelle. Les employeurs comme les salariés ont tout intérêt à sécuriser juridiquement cette démarche par une analyse fine des textes légaux, des conventions collectives et des pratiques internes.

FAQ

1. Quelles conditions un salarié doit-il remplir pour demander un congé sabbatique ?

Pour être éligible au congé sabbatique, le salarié doit respecter trois conditions cumulatives prévues par l’article L3142-28 du Code du travail :

  • Justifier d’une ancienneté minimale de 36 mois (consécutifs ou non) dans l’entreprise ;
  • Avoir exercé au moins 6 années d’activité professionnelle, tous employeurs confondus ;
  • Ne pas avoir bénéficié, au cours des 6 dernières années, d’un congé sabbatique, d’un congé pour création ou reprise d’entreprise, ou d’un projet de transition professionnelle (PTP) d’au moins 6 mois.

Il est important de vérifier si des dispositions conventionnelles ou un accord collectif dans l’entreprise prévoient des conditions plus favorables ou plus restrictives.

2. L’employeur peut-il refuser une demande de congé sabbatique ?

Oui, mais le refus n’est possible que dans des cas encadrés par la loi. Selon l’article L3142-31 du Code du travail, l’employeur peut refuser :

  • Si le salarié ne remplit pas les conditions légales d’ancienneté ou d’activité professionnelle ;
  • Si le congé est susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise. Ce refus doit être motivé et précédé d’une consultation du Comité social et économique (CSE).

Le salarié peut contester ce refus devant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours, lequel statuera en dernier ressort. En revanche, si l’employeur ne répond pas dans un délai de 30 jours après la demande formalisée, son silence vaut acceptation.

3. Quelle est la durée minimale et maximale d’un congé sabbatique ?

La durée du congé sabbatique est strictement encadrée par l’article L3142-26 du Code du travail. Elle est de :

  • 6 mois minimum ;
  • 11 mois maximum, renouvellement inclus.

Des accords d’entreprise ou conventions collectives peuvent néanmoins fixer des modalités différentes, tant sur la durée que sur la possibilité de fractionnement ou de prolongation. Le salarié doit donc impérativement consulter les textes applicables dans son entreprise.

4. Le salarié peut-il exercer une autre activité pendant son congé sabbatique ?

Oui, un salarié peut exercer une activité professionnelle pendant son congé sabbatique, qu’elle soit salariée ou non salariée, ou même procéder à une création ou reprise d’entreprise. Toutefois, il reste lié à son employeur par une obligation de loyauté, et le cas échéant, une clause de non-concurrence.

Toute violation de ces obligations peut justifier un licenciement pour faute. Il est donc recommandé d’analyser soigneusement les termes du contrat de travail et de demander l’accord préalable de l’employeur en cas de doute.

5. Quels sont les effets du congé sabbatique sur le contrat de travail et le retour dans l’entreprise ?

Le congé sabbatique entraîne une suspension du contrat de travail (article L3142-27), ce qui signifie :

  • Aucune rémunération n’est versée durant cette période ;
  • Le salarié n’acquiert pas de congés payés, sauf accord spécifique ;
  • Le contrat n’est ni rompu, ni modifié, et le salarié conserve son ancienneté (sauf clause contraire).

Au terme du congé, le salarié retrouve son poste ou un emploi équivalent avec une rémunération équivalente (article L3142-33). Un entretien professionnel doit être organisé pour discuter de l’évolution de carrière et des compétences.

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