Travail

Contrat à durée déterminée (CDD) : ce que tout employeur doit savoir

Estelle Marant
Collaboratrice
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Les obligations légales du CDD en 2025 : durée, rupture et indemnités

Contrat à durée déterminée, le CDD est un outil d’ajustement des effectifs destiné à répondre à des besoins précisément temporaires. Il ne peut ni avoir pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. À l’inverse, le CDI demeure la forme générale et normale de la relation de travail. Cette frontière, posée par la loi et confirmée par une jurisprudence nourrie, irrigue l’ensemble du régime du CDD : motifs strictement encadrés, écrit obligatoire, mentions substantielles, durées maximales, règles de succession et sanctions (dont la requalification en CDI) en cas d’écart.
L’objectif de ce dossier est de vous donner une lecture opérationnelle et sécurisée du CDD, en citant les textes applicables et les arrêts de référence, afin de prévenir les contentieux et d’optimiser vos pratiques RH.

Sommaire

  1. Qu’est-ce qu’un CDD et en quoi diffère-t-il du CDI ?
  2. Les différents types de CDD autorisés par la loi
  3. Les cas dans lesquels le recours au CDD est interdit
  4. Le formalisme obligatoire du contrat à durée déterminée
  5. Les mentions légales indispensables dans un CDD
  6. Les nouvelles obligations d’information de l’employeur
  7. La période d’essai dans le cadre d’un CDD
  8. Durée, terme et renouvellements possibles
  9. Les règles applicables aux CDD successifs
  10. Santé, sécurité et formation des salariés en CDD
  11. Le fonctionnement du CPF pour les salariés en CDD

Qu’est-ce qu’un CDD ? Quelles différences avec le CDI ?

Le CDD est le contrat par lequel un employeur embauche un salarié pour une durée limitée, afin de répondre à un besoin temporaire précisément identifié (article L1242-1 du Code du travail). Il s’oppose au CDI, reconnu comme la forme normale et générale du contrat de travail (article L1221-2).
Le CDD peut être conclu à temps plein ou à temps partiel selon les nécessités de service.

À retenir : tout usage du CDD hors des cas autorisés expose l’employeur à une requalification en CDI et au paiement d’indemnités.

CDD : les cas de recours et les principaux types

Motifs généraux autorisés

Le recours au CDD est exceptionnel et limitatif. Les motifs sont listés par la loi (article L1242-2) :

  • Remplacement d’un salarié (contrat suspendu, passage provisoire à temps partiel, « remplacement en cascade » lorsqu’un salarié supplée un autre) ;
  • Accroissement temporaire d’activité (pics, commandes ponctuelles, variations cycliques) ;
  • Emplois à caractère saisonnier ;
  • Emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI (CDD d’usage) ;
  • Contrats visant l’accès à l’emploi et la formation (professionnalisation, insertion, tutorat, etc., articles L1242-3 et D1242-3).

Preuve du motif : l’employeur doit établir la réalité du motif invoqué, sous le contrôle du juge.

CDD de remplacement

Autorisé pour suppléer un salarié temporairement absent ou dont le contrat est suspendu (maladie, congé maternité, etc.), ou pour assurer une transition entre deux CDI. Chaque salarié remplacé implique un CDD distinct, hors dispositifs spéciaux.
Exigence : la temporarité et l’identification du salarié remplacé doivent ressortir clairement du contrat.

CDD pour accroissement temporaire d’activité

L’entreprise doit démontrer une hausse conjoncturelle du volume d’activité au-delà de l’ordinaire, sur une période limitée, sans que cela traduise un développement structurel (Cass. soc., 21 janv. 2004, n°03-42769 à 03-42784 ; Cass. soc., 29 oct. 2014, n°12-27936). Un projet pérenne (ex. ouverture de site) n’autorise pas le CDD.

CDD d’usage

Réservé à des secteurs listés par textes (spectacle, audiovisuel, hôtellerie-restauration, sport, etc., article D1241-1), par accord étendu ou décret. L’emploi doit, dans le secteur, être habituellement pourvu en CDD et présenter une temporarité de nature (Cass. soc., 26 nov. 2003, n°01-44263).
Précisions 2025 : extension à deux activités supplémentaires (soutien aux formations militaires / médecine en zones sous-dotées) par décrets n°2025-263 du 21 mars 2025 et n°2025-552 du 18 juin 2025.

CDD saisonnier

Emplois dont les tâches se répètent chaque année à période à peu près fixe, en lien avec les saisons ou modes de vie collectifs (tourisme, vendanges, récoltes) (Cass. soc., 12 oct. 1999, n°97-40915 ; 15 oct. 2014, n°13-18582).

CDD à objet défini (contrat de projet)

Réservé aux ingénieurs et cadres pour une mission dont la fin est l’achèvement de l’objet (préavis de 2 mois), avec une durée maximale de 36 mois (articles L1242-8-2 et L1242-8-1).

CDD « senior »

Facilite l’emploi des 57 ans et + inscrits comme demandeurs d’emploi (régime spécifique mentionné à L1242-3 ; précisions par voie conventionnelle).

CDD « joueur professionnel e-sport »

Statut dédié au joueur salarié de jeu vidéo compétitif (durée 12 mois min., 5 ans max.), créé par l’article 102 de la loi n°2016-1321 du 7 oct. 2016.

Quand le CDD est-il interdit ?

Interdictions majeures (articles L1242-5 et L1242-6) :

  • Dans les 6 mois suivant un licenciement économique, interdiction de CDD pour accroissement d’activité sur le même poste (sauf exceptions) ;
  • Remplacement d’un gréviste : toujours interdit (et interdiction d’imposer au CDD d’effectuer le travail des grévistes) ;
  • Travaux particulièrement dangereux (liste réglementaire) : interdiction, sauf dérogations encadrées (articles D4154-1 à D4154-6).

Formalisme impératif : écrit, délai et signatures

Écrit obligatoire et délai de remise

Le CDD doit obligatoirement être écrit (article L1242-12) et remis au salarié dans les 2 jours ouvrables suivant l’embauche (article L1242-13).
Le seul retard de remise n’entraîne pas ipso facto la requalification, mais ouvre droit à une indemnité (plafond 1 mois de salaire) (article L1245-1).

Signature des parties

L’absence de signature prive le contrat de sa preuve écrite et expose à la requalification (Cass. soc., 14 nov. 2018, n°16-19038).
En cas de contestation de la validité d’une signature, l’original doit être produit (à défaut : non-écrit et requalification) (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-20962).
Pas de requalification si le refus de signer procède d’une fraude ou mauvaise foi du salarié (Cass. soc., 24 mars 2010, n°08-45552).

Mentions obligatoires du CDD

Outre l’identité des parties, doivent figurer (articles L1242-12 et s.) :

  • Motif précis de recours (mention substantielle : son absence emporte requalification) ;
  • Terme et, le cas échéant, clause de renouvellement (ou durée minimale en cas de terme imprécis) ;
  • Poste (et mention « poste à risques particuliers », le cas échéant) ;
  • Convention collective applicable ;
  • Période d’essai éventuelle ;
  • Rémunération (composantes, primes, accessoires) ;
  • Organismes (retraite complémentaire, prévoyance) ;
  • En remplacement : identité et qualification du salarié remplacé.

Deux nouvelles obligations d’information (2023)

Depuis la loi n°2023-171 du 9 mars 2023 et le décret n°2023-1004 du 30 oct. 2023 (transposant la directive UE 2019/1152) :

  1. Information écrite du salarié à l’embauche sur les conditions essentielles (période d’essai, durée du contrat, etc.) dans un délai de 7 jours à 1 mois ;
  2. Information sur les postes en CDI correspondants à sa qualification pour le salarié en CDD (ou intérim) ayant ≥ 6 mois d’ancienneté, sur demande du salarié.
    En cas de manquement, saisine du CPH après mise en demeure (article R1221-41).

Période d’essai en CDD

Elle est facultative, mais fréquente. Sa durée dépend :

  • du terme précis (calcul au prorata) ou
  • de la durée minimale (terme imprécis).
    Elle se mentionne expressément au contrat.

Durée, terme et renouvellements

Principe

Le CDD à terme précis comporte un terme fixé dès la conclusion (article L1242-7).
La durée totale peut être aménagée par accord de branche étendu (article L1242-8). À défaut, le plafond est de 18 mois renouvellements inclus (article L1242-8-1).

Renouvellements

Nombre maximal fixé par accord de branche (article L1243-13). À défaut : 2 renouvellements (article L1243-13-1).
Le renouvellement suppose : une clause prévue dès l’origine ou un avenant signé avant le terme.
Attention : en l’absence de renouvellement valable, la poursuite de la relation après le terme emporte transformation en CDI.

Exceptions de durée

Plafonds spécifiques (article L1242-8-1) :

  • 9 mois (attente d’un CDI, travaux urgents de sécurité) ;
  • 24 mois (mission à l’étranger, suppression de poste programmée, commande exceptionnelle à l’export) ;
  • 36 mois pour le CDD à objet défini (article L1242-8-2).

CDD successifs et délai de carence

Successions avec le même salarié

Possibles pour remplacement, saisonnier et usage (régimes spéciaux).

Successions sur le même poste

Un délai de carence s’impose entre deux CDD, sauf exceptions.
À défaut d’accord de branche, le délai est (article L1244-3-1) :

  • 1/3 de la durée du contrat expiré si ≥ 14 jours (renouvellement inclus) ;
  • 1/2 si < 14 jours.
    Des dispenses existent (ex. remplacement, travaux urgents, etc.).

Sécurité, santé et formation des salariés en CDD

Interdiction d’affectation à des travaux particulièrement dangereux, sauf dérogation (article L4154-1).
Pour les postes à risques particuliers, obligations renforcées : accueil, information et formation sécurité ; la liste des postes est établie par l’employeur après avis du médecin du travail et du CSE, et tenue à disposition de l’inspection du travail.

CPF du salarié en CDD

Le Compte personnel de formation est alimenté prorata temporis selon le temps de travail effectif sur l’année. Le salarié en CDD peut mobiliser ses droits CPF pour des formations qualifiantes / certifiantes.

Rémunération, égalité de traitement et congés payés

Le salarié en CDD bénéficie de l’égalité de traitement : même rémunération de base, primes et avantages collectifs que les salariés CDI dans une situation équivalente.
Il acquiert des congés payés dans les mêmes conditions que les CDI.
Ancienneté : calculée comme pour un CDI ; en cas de poursuite en CDI, l’ancienneté acquise en CDD est conservée. En saisonnier, les durées se cumulent.

Rupture anticipée du CDD : cas autorisés et effets

La rupture avant terme est strictement encadrée (article L1243-1) :

  • Accord des parties (écrit recommandé) ;
  • Faute grave du salarié ou de l’employeur ;
  • Force majeure ;
  • Inaptitude médicalement constatée ;
  • Embauche du salarié en CDI (modalités spécifiques et préavis court).

En dehors de ces cas, la partie qui rompt à tort doit réparer :

  • Si l’employeur rompt illicitement : dommages-intérêts au moins égaux aux salaires restants jusqu’au terme ;
  • Si le salarié rompt illicitement : dommages-intérêts correspondant au préjudice subi par l’employeur.

Fin du CDD : indemnités et documents

Indemnité de fin de contrat (« précarité »)

Due dans la plupart des cas à la fin du CDD (article L1243-8), sauf exceptions (ex. CDI proposé et refus fautif, contrats saisonniers ou d’usage selon texte, faute grave, etc.).

Indemnité compensatrice de congés payés

Due pour les congés acquis non pris (article L1242-16).

Documents de fin de contrat

Remise du certificat de travail, attestation France Travail et reçu pour solde de tout compte.

Sanctions en cas d’irrégularités : requalification et amendes

Requalification en CDI

Prononcée lorsque :

  • le motif de recours est inexact ou factice ;
  • l’usage du CDD vise un emploi durable ;
  • le contrat n’est pas écrit ou n’indique pas le motif précis ;
  • la relation se poursuit après le terme sans renouvellement valable ;
  • les règles du délai de carence sont méconnues.

Le salarié obtient alors son CDI (avec ancienneté) et peut prétendre à des indemnités (notamment l’indemnité de requalification).

Sanctions spécifiques

Le non-respect des règles du CDD peut aussi être pénalement sanctionné (selon les cas), et civilement par des dommages-intérêts. Des amendes administratives existent pour divers manquements formels.

Refus d’un CDI à l’issue d’un CDD : quelles conséquences ?

Lorsque l’employeur propose un CDI sur le même emploi, au même lieu et pour une rémunération au moins équivalente, le refus du salarié ou son silence (après délai de réflexion) doit être notifié à France Travail par voie dématérialisée.
Un demandeur d’emploi ayant refusé 2 fois une telle proposition de CDI dans les 12 derniers mois peut perdre le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage et de la prime de précarité, sous réserve des conditions légales applicables.

Conclusion

Bien utilisé, le CDD est un outil de gestion temporaire efficace ; mal cadré, il devient un facteur de risque juridique majeur. Tout l’enjeu consiste à documenter le besoin ponctuel, choisir le bon motif (L1242-2), sécuriser l’écrit (motif précis, mentions essentielles, signatures, L1242-12 à L1242-13), respecter les durées et renouvellements (L1242-8-1, L1243-13-1) et maîtriser les successions avec délai de carence (L1244-3-1). À défaut, la requalification en CDI et les indemnités associées guettent.

Pour ancrer une pratique fiable, adoptez une discipline probatoire et opérationnelle :

  1. Qualifier le besoin : remplacement, pic d’activité, saisonnier, usage, objet défini – et conserver les justificatifs (planning, commande, éléments conjoncturels).
  2. Rédiger avant l’embauche : contrat signé et remis sous 2 jours ouvrables, motif explicite, terme/clause de renouvellement, rémunération, convention collective, organismes sociaux, mentions spécifiques en remplacement (identité/qualification du salarié remplacé).
  3. Piloter la durée : plafond de 18 mois (sauf exceptions), 2 renouvellements par défaut, préavis et terme anticipés uniquement dans les cas légaux (accord, faute grave, force majeure, inaptitude, embauche en CDI).
  4. Anticiper les enchaînements : vérifier le délai de carence avant tout nouveau CDD sur le même poste et recenser les dispenses applicables.
  5. Protéger la santé-sécurité : pas de CDD sur travaux particulièrement dangereux (sauf dérogation), accueil/formation renforcée pour les postes à risques, traçabilité des avis médecin du travail/CSE.
  6. Égalité de traitement : appliquer au CDD la rémunération et les avantages collectifs équivalents au CDI, congés payés identiques, ancienneté reprise en cas de poursuite en CDI.
  7. Clore proprement : vérifier l’indemnité de fin de contrat (hors cas d’exclusion), l’indemnité compensatrice de congés, et remettre certificat de travail, attestation France Travail et solde de tout compte.

Pour les employeurs, cette méthode limite l’aléa prud’homal et stabilise les coûts ; pour les salariés, elle garantit transparence et droits opposables. En somme, le CDD n’est ni un « mini-CDI » ni une variable sans règles : c’est un contrat d’exception qui exige rigueur et traçabilité à chaque étape de son cycle de vie.

FAQ

1. Quelle est la différence juridique entre un CDD et un CDI ?

Le CDD (article L1242-1 du Code du travail) est un contrat temporaire conclu pour répondre à un besoin ponctuel de main-d’œuvre, tandis que le CDI (L1221-2) est la forme normale du contrat de travail.
Le CDD doit obligatoirement être motivé par une cause précise : remplacement, accroissement temporaire d’activité, ou emploi saisonnier.
Un CDD conclu sans motif valable, ou pour un emploi permanent, est automatiquement requalifié en CDI par le Conseil de prud’hommes.

2. Quelle est la durée maximale d’un CDD et combien de fois peut-il être renouvelé ?

La durée d’un CDD ne peut excéder 18 mois, renouvellements inclus (article L1242-8-1), sauf exceptions légales :

  • 9 mois pour un remplacement provisoire ou des travaux urgents ;
  • 24 mois pour une mission à l’étranger ou une commande exceptionnelle à l’export ;
  • 36 mois pour un CDD à objet défini destiné aux ingénieurs et cadres.
    Le CDD est renouvelable deux fois maximum, sauf disposition conventionnelle contraire. En cas de dépassement, il est requalifié en CDI.

3. Dans quels cas un employeur ne peut-il pas recourir au CDD ?

L’article L1242-5 du Code du travail interdit le CDD dans trois situations :

  • dans les 6 mois suivant un licenciement économique sur le même poste ;
  • pour remplacer un salarié gréviste ou effectuer son travail ;
  • pour exécuter des travaux dangereux figurant sur la liste réglementaire (articles D4154-1 à D4154-6).
    Un employeur qui enfreint ces interdictions s’expose à une amende et à la requalification du contrat en CDI.

4. Le salarié en CDD a-t-il droit à la même rémunération qu’un salarié en CDI ?

Oui. Le principe d’égalité de traitement impose que le salarié en CDD bénéficie de la même rémunération et des mêmes avantages collectifs qu’un salarié en CDI occupant un poste équivalent (article L1242-15).
Il a également droit :

  • à des congés payés identiques à ceux d’un salarié permanent ;
  • à la prime de précarité de 10 % de la rémunération totale brute (sauf exceptions prévues par L1243-8) ;
  • à une indemnité compensatrice de congés payés pour les jours non pris.

5. Quelles sont les sanctions en cas de non-respect des règles applicables au CDD ?

Tout manquement formel ou matériel (absence d’écrit, défaut de motif précis, dépassement de durée, non-respect du délai de carence) entraîne la requalification automatique en CDI (articles L1245-1 et L1245-2).
L’employeur encourt également :

  • une indemnité de requalification équivalente à au moins un mois de salaire ;
  • le paiement des indemnités légales de licenciement ;
  • et éventuellement des dommages et intérêts pour rupture abusive.
    En cas d’abus répété, des sanctions pénales peuvent aussi être prononcées (amende jusqu’à 3 750 €).

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