Pénal

Crédit à la consommation : les nouvelles obligations liées au TAEG en droit européen

Francois Hagege
Fondateur
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TAEG et frais annexes : que dit le droit européen sur le coût total du crédit ?

Le taux annuel effectif global (TAEG) représente l’outil juridique et économique permettant d’évaluer avec précision le coût réel d’un crédit à la consommation. Obligatoire dans toute offre de prêt, son calcul soulève régulièrement des incertitudes quant aux éléments à intégrer dans son assiette.

Alors que le droit français encadre déjà rigoureusement cette exigence via le Code de la consommation, le droit de l’Union européenne, notamment à travers la directive 2008/48/CE et la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), vient préciser les contours de cette obligation.

L’arrêt du 21 mars 2024, rendu à la suite d’une question préjudicielle posée par une juridiction bulgare, offre une lecture affinée du champ d’application du TAEG, tout en posant des jalons essentiels pour une harmonisation interprétative au sein des États membres. À la lumière de cette décision, il convient de déterminer avec rigueur quels frais et conditions doivent impérativement être intégrés dans le calcul du TAEG, en tenant compte à la fois du droit de l’Union et de ses implications en droit français.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Le cadre européen du calcul du TAEG
  3. L’arrêt du 21 mars 2024 de la Cour de justice de l’Union européenne
  4. Le droit français face aux exigences européennes
  5. Les frais notariés dans le TAEG
  6. L’intégration des frais de courtage
  7. Les clauses abusives liées aux services accessoires
  8. Les sanctions en cas de TAEG erroné
  9. FAQ

Le cadre européen du calcul du TAEG : une approche inclusive

La directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs constitue le socle juridique européen encadrant le calcul du TAEG. En son article 3, point g), elle définit le coût total du crédit pour le consommateur comme comprenant :

« tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus du prêteur, à l’exception des frais de notaire ».

Le considérant 20 de cette directive précise que ce coût englobe également les primes d’assurance ou frais liés à des services accessoires, à condition que leur souscription soit obligatoire pour obtenir le crédit ou imposée par les conditions commerciales.

L’arrêt du 21 mars 2024 : les apports de la CJUE

Dans cet arrêt, la CJUE a été saisie d’une question préjudicielle par un tribunal bulgare, dans un litige opposant un emprunteur à un établissement de crédit ayant facturé des services annexes. L’enjeu principal portait sur l’intégration de ces frais dans le calcul du TAEG.

La Cour a affirmé que les coûts liés à des services accessoires – tels que la priorité dans le traitement de la demande de prêt, le report des mensualités ou la réduction du montant à rembourser – doivent être inclus dans le calcul du TAEG, dès lors qu’ils constituent une condition de l’octroi du prêt.

Ainsi, toute dépense à laquelle le consommateur est contraint pour bénéficier du crédit – à l’exception des frais notariés – entre dans l’assiette du TAEG.

Le droit français au prisme du droit européen

Une base légale alignée

Le Code de la consommation, à travers son article L. 314-1, prévoit que :

« sont ajoutés aux intérêts les frais, taxes, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit […] et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées ».

Cette disposition montre une réelle convergence avec la directive européenne, en insistant sur la conditionnalité du paiement pour l’emprunteur.

Le cas des frais notariés : une divergence persistante

Contrairement au droit de l’Union, les frais de notaire ne sont pas systématiquement exclus en droit interne. Leur intégration dépend de leur nature (ex. : acquisition immobilière ou non) et de leur déterminabilité au moment de l’émission de l’offre. Il revient alors à l’établissement de crédit de prouver que ces frais ne sont pas déterminables pour les exclure du TAEG (v. notamment : Cass. civ. 1re, 29 janv. 2020, n° 18-21.959).

L'inclusion des frais de courtage

En matière de frais d’intermédiation, l’article R. 314-4, 2° du Code de la consommation impose leur prise en compte dans le TAEG lorsque l’intermédiaire est intervenu dans l’octroi du prêt. La logique est la même que celle retenue par la directive de 2008, qui cite explicitement la « rémunération des intermédiaires de crédit ».

En pratique, dès lors que ces frais conditionnent l’accès au crédit ou son obtention à certaines conditions tarifaires, ils doivent être intégrés dans le TAEG. À défaut, le prêteur s’expose à des sanctions, notamment :

  • la déchéance du droit aux intérêts (article L. 341-1 C. cons.) ;
  • des sanctions pénales, pour infraction aux règles de l’usure (article L. 341-50 C. cons.).

Clauses abusives et services accessoires : une vigilance renforcée

Au-delà du calcul technique du TAEG, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) souligne avec insistance, en s’appuyant sur la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, que les clauses contractuelles imposant des services accessoires ne relèvent pas de l’objet principal du contrat de crédit. Cela signifie qu’elles ne bénéficient pas de l’exclusion du contrôle du caractère abusif prévue pour les stipulations principales et peuvent donc être soumises à l’appréciation du juge.

Ces services accessoires concernent généralement des prestations comme l’assistance juridique, l’assurance facultative, ou encore la possibilité de reporter ou rééchelonner les mensualités.

Lorsqu’ils sont facturés au consommateur sans que leur utilité soit avérée, ou lorsqu’ils n’ont pas de lien direct avec l’octroi du crédit, leur imposition contractuelle peut entraîner un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Une clause est notamment susceptible d’être qualifiée d’abusive si elle impose à l’emprunteur le paiement de frais manifestement disproportionnés par rapport au montant du crédit consenti.

Cela peut être le cas, par exemple, d’une clause qui autorise un report des mensualités en contrepartie d’un surcoût, même si ce mécanisme reste facultatif pour le consommateur. L’effet déséquilibrant ne dépend donc pas uniquement du caractère obligatoire de la clause, mais de la charge excessive qu’elle fait peser sur le consommateur, pouvant altérer l’équité contractuelle.

Cette analyse est pleinement cohérente avec la jurisprudence française, qui reconnaît également le droit pour les juges d’écarter une clause dès lors qu’elle porte atteinte à l’exigence de transparence et à l’équilibre contractuel entre les parties.

On peut notamment citer l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 9 juin 2021 (n° 19-20.786), dans lequel la haute juridiction rappelle que l’opacité d’une clause ou son effet déséquilibré peut suffire à justifier son inopposabilité au consommateur.

Ainsi, les établissements de crédit doivent faire preuve d’extrême prudence lorsqu’ils insèrent de telles clauses dans leurs contrats. Non seulement parce qu’elles peuvent entraîner une requalification juridique du contrat, mais aussi parce qu’elles peuvent compromettre la validité de certaines obligations accessoires et donc accroître les risques contentieux.

Vers une harmonisation jurisprudentielle et réglementaire

L’apport de la CJUE renforce la lisibilité du droit applicable en matière de crédit à la consommation, en instaurant un standard européen du calcul du TAEG fondé sur la transparence, la comparabilité et la protection du consommateur. Ce standard doit inciter les établissements de crédit à :

  • fournir des informations précontractuelles exhaustives, conformes à l’article L. 312-5 du Code de la consommation ;
  • veiller à l’exhaustivité de l’assiette de calcul du TAEG, incluant tous les coûts imposés à l’emprunteur ;
  • éviter toute clause pouvant induire un déséquilibre significatif, au risque de nullité ou de substitution judiciaire.

La CJUE rappelle ainsi que le TAEG ne peut être réduit à un indicateur purement financier, mais constitue un instrument juridique de régulation des rapports contractuels entre prêteur et emprunteur.

Une mauvaise application du cadre normatif peut non seulement altérer la validité du contrat, mais aussi engager la responsabilité du professionnel.

defendstesdroits.fr continuera à surveiller de près l’évolution jurisprudentielle européenne et française afin d’informer les justiciables sur leurs droits en matière de crédit, et sur les moyens d’agir efficacement en cas de manquement du prêteur à ses obligations.

Conclusion

La clarification apportée par la CJUE dans son arrêt du 21 mars 2024 renforce l'exigence de transparence et de protection du consommateur dans les contrats de crédit à la consommation. Elle impose aux établissements de crédit une lecture stricte et extensive du TAEG, en y intégrant tous les coûts obligatoires connus, y compris ceux relatifs aux services accessoires.

En France, bien que le Code de la consommation soit globalement conforme à ces exigences européennes, certaines disparités subsistent, notamment sur la question des frais notariés ou du courtage.

Les professionnels doivent donc faire preuve d’une extrême vigilance dans la rédaction de leurs offres de prêt, sous peine de sanctions sévères, tant civiles que pénales. Pour les emprunteurs, il s’agit d’un levier juridique essentiel pour contester le caractère déséquilibré ou opaque d’un crédit. L’enjeu n’est pas uniquement technique : il touche au droit fondamental à l’information, au cœur de l’équilibre contractuel garanti par le droit de l’Union comme par le droit interne.

FAQ

1. Quels sont les frais obligatoirement intégrés dans le calcul du TAEG selon le droit européen ?

Le droit de l’Union européenne, notamment la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, impose une approche extensive du coût total du crédit à intégrer dans le TAEG. Celui-ci doit inclure tous les coûts obligatoires connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire. Sont concernés :

  • les intérêts du crédit,
  • les commissions perçues par le prêteur,
  • les frais de dossier,
  • les taxes,
  • la rémunération des intermédiaires de crédit (ex. : courtiers),
  • les assurances ou services accessoires, dès lors qu’ils sont imposés comme condition à l’octroi du crédit.
    Ce calcul doit permettre à l’emprunteur de comparer efficacement les offres de crédit. La CJUE a rappelé dans son arrêt du 21 mars 2024 que le non-respect de cette exigence peut entraîner la sanction du prêteur.

2. Les frais de notaire doivent-ils être intégrés dans le TAEG ?

Non, les frais de notaire sont expressément exclus du calcul du TAEG par le droit européen. Cette exclusion est prévue à l’article 3 de la directive 2008/48/CE. Toutefois, le droit français introduit une nuance : certains frais notariés peuvent être inclus dans le TAEG s’ils sont déterminables à la date de l’offre de crédit, en particulier dans le cadre de crédits immobiliers mixtes (usage professionnel et d’habitation). Pour écarter ces frais, la banque doit démontrer qu’ils ne sont pas quantifiables au moment de la conclusion du contrat. Cette dualité entre droit national et droit de l’Union invite les prêteurs à faire preuve de transparence rigoureuse.

3. Les frais de courtage doivent-ils être pris en compte dans le TAEG ?

Oui, les frais de courtage doivent être intégrés dans le TAEG, aussi bien en droit européen qu’en droit français, à condition que le recours à l’intermédiaire soit imposé pour obtenir le crédit ou l’obtenir à des conditions précises. La directive européenne vise expressément la rémunération des intermédiaires de crédit, tandis que l’article R. 314-4, 2° du Code de la consommation précise que doivent être inclus « les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt ». Si ces frais ne sont qu’optionnels et non imposés pour l’obtention du prêt, ils peuvent être exclus du calcul. Dans le doute, l’omission de ces frais peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts.

4. Une clause imposant des frais supplémentaires pour des services facultatifs est-elle abusive ?

Elle peut l’être, selon l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne fondée sur la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993. Une clause contractuelle est susceptible d’être qualifiée d’abusive lorsqu’elle impose des frais supplémentaires disproportionnés pour des prestations accessoires (ex. : report d’échéances, traitement prioritaire) sans réelle nécessité ou obligation liée à l’octroi du crédit. La CJUE a rappelé que de telles clauses ne relèvent pas de l’objet principal du contrat et doivent donc pouvoir faire l’objet d’un contrôle de déséquilibre significatif. Si ce déséquilibre est prouvé, la clause peut être inopposable au consommateur.

5. Quelles sont les sanctions en cas de TAEG erroné ou incomplet ?

Un TAEG mal calculé ou incomplet expose le prêteur à des sanctions civiles et pénales. En droit français, le non-respect des règles de calcul du TAEG peut entraîner :

  • la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L. 341-1 du Code de la consommation,
  • une nullité partielle du contrat ou réduction du coût du crédit,
  • et potentiellement, une amende pénale pour infraction aux règles d’usure (article L. 341-50 C. cons.).
    Le TAEG est donc plus qu’un simple indicateur : il constitue un élément de régulation contractuelle. Sa conformité est essentielle pour assurer l’équilibre des droits et obligations entre le prêteur et l’emprunteur.

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