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Cyberattaques et entreprises : prévention, responsabilités et recours légaux

Francois Hagege
Fondateur
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Entreprises face aux cyberattaques : prévenir, réagir et limiter les impacts

La dépendance numérique des entreprises n’a cessé de croître au cours des dernières années, et ce, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité. Cette réalité entraîne une exposition accrue aux cyberattaques, qui représentent aujourd’hui l’une des principales menaces économiques et juridiques pour les sociétés.

Une cyberattaque est un délit pénal (articles 323-1 et suivants du Code pénal) consistant à accéder ou à entraver un système automatisé de données. Elle peut se matérialiser par un vol massif de données, une demande de rançon via un rançongiciel, une attaque par déni de service ou encore des techniques d’hameçonnage. Ces pratiques sont sanctionnées par des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende, voire davantage en cas de circonstances aggravantes.

Au-delà du risque pénal, une attaque peut également exposer l’entreprise à des sanctions de la CNIL si des données personnelles sont compromises (articles 33 et 34 du RGPD). Elle peut aussi engager la responsabilité civile ou contractuelle de l’entreprise vis-à-vis de ses clients, partenaires et salariés.

Il est donc essentiel de comprendre les différents risques, de mettre en place une politique de cybersécurité adaptée et de savoir comment réagir immédiatement en cas d’incident.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu’est-ce qu’une cyberattaque : définition et principales méthodes
  3. Quels sont les risques et conséquences pour une entreprise victime
  4. La cybersécurité comme outil de prévention et de protection
  5. Quelles aides disponibles en cas de cyberattaque
  6. Conclusion

Qu’est-ce qu’une cyberattaque : définition, risques et conséquences

Définition et typologie des attaques

Une cyberattaque vise à exploiter ou à paralyser le système d’information d’une entreprise à des fins frauduleuses. Parmi les principales techniques, on distingue :

  • les attaques par déni de service (DDoS), qui saturent un site ou un réseau ;
  • le phishing, qui consiste à usurper l’identité d’un tiers pour obtenir des données sensibles ;
  • l’intrusion par force brute, visant à casser les mots de passe d’accès ;
  • les rançongiciels, qui bloquent les systèmes et réclament une rançon pour les débloquer.

Les risques encourus par l’entreprise

Les conséquences d’une cyberattaque sont multiples :

  • financières : paiement d’une rançon, coûts de réparation, pertes d’exploitation ;
  • juridiques : sanctions de la CNIL pour violation du RGPD (jusqu’à 20 millions € ou 4 % du CA mondial), responsabilité civile ou pénale ;
  • commerciales : perte de clientèle et atteinte à la réputation ;
  • humaines : stress accru des salariés, atteinte à la confiance interne.

La Cour de justice de l’Union européenne a reconnu qu’une atteinte aux données peut engendrer un dommage moral pour les personnes concernées, même en l’absence d’un usage effectif des données volées (CJUE, 4 mai 2023, aff. C-300/21).

La cybersécurité au service des entreprises

Former et sensibiliser les salariés

Le salarié étant souvent le maillon faible de la chaîne de sécurité, il convient d’organiser régulièrement des sessions de formation et de mettre en place des campagnes de sensibilisation aux bonnes pratiques : vigilance face aux emails suspects, gestion des mots de passe, sécurisation des postes de travail.

Mettre en place une politique de sécurité interne

Conformément à l’article 32 du RGPD, l’entreprise doit garantir un niveau de sécurité adapté aux risques. Une charte informatique ou une politique interne peut définir les règles d’utilisation des équipements, les droits d’accès aux données et les procédures à suivre en cas d’incident.

Sauvegarder régulièrement les données

Des sauvegardes régulières et externalisées sont essentielles pour rétablir rapidement l’activité après une attaque. Ces sauvegardes doivent être testées afin de vérifier leur efficacité en cas d’urgence.

Utiliser des outils techniques adaptés

Parmi les mesures recommandées figurent :

  • les antivirus et pare-feu ;
  • les systèmes de détection d’intrusion ;
  • les solutions de chiffrement des données ;
  • la mise en place d’une authentification renforcée (MFA).

Quelles aides en cas de cyberattaque ?

Face à une cyberattaque, il est essentiel de ne pas rester isolé. Plusieurs dispositifs publics et privés existent pour accompagner les entreprises dans la gestion de crise, la sécurisation juridique et la réparation des dommages :

  • ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) : autorité de référence en matière de cybersécurité en France, elle propose des guides pratiques, alertes et recommandations pour renforcer la protection des systèmes d’information. L’ANSSI intervient principalement auprès des grandes entreprises stratégiques et des opérateurs d’importance vitale, mais ses publications sont utiles à toutes les structures.
  • Cybermalveillance.gouv.fr : plateforme nationale d’assistance gratuite et personnalisée, accessible à toutes les entreprises, y compris les TPE et PME. Elle permet :
    • de réaliser un diagnostic rapide en cas d’incident ;
    • d’accéder à des fiches réflexes pour savoir quoi faire immédiatement ;
    • d’être mis en relation avec un prestataire de proximité labellisé capable d’intervenir pour limiter les dégâts.
  • Assurances cyber-risques : de plus en plus de compagnies d’assurance proposent des polices spécifiques couvrant les conséquences d’une cyberattaque. Ces contrats peuvent inclure :
    • une assistance technique d’urgence (restauration des données, sécurisation du système) ;
    • la prise en charge des frais juridiques et de procédure en cas de contentieux ;
    • une indemnisation des pertes d’exploitation et des préjudices financiers liés à l’interruption d’activité.
  • Avocats spécialisés en droit du numérique : leur rôle est fondamental pour :
    • sécuriser les démarches juridiques à engager après une cyberattaque ;
    • limiter la responsabilité civile ou pénale de l’entreprise vis-à-vis de ses clients, partenaires ou salariés ;
    • accompagner la société dans les démarches de plainte ou dans la négociation avec les autorités compétentes.
  • CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) : dès lors qu’une attaque implique une violation de données personnelles, l’employeur est tenu de notifier la CNIL dans un délai maximum de 72 heures (article 33 du RGPD). Le non-respect de cette obligation peut exposer l’entreprise à des sanctions administratives lourdes pouvant atteindre 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial. La CNIL peut également imposer des mesures correctives immédiates pour limiter les impacts de la violation.

Conclusion

Les cyberattaques contre les entreprises ne sont plus des menaces abstraites réservées aux grandes structures : elles concernent désormais toutes les organisations, des PME aux groupes internationaux. Les pirates informatiques adaptent leurs méthodes et ciblent autant les données financières que les informations personnelles ou stratégiques, fragilisant ainsi l’activité et la réputation de l’entreprise.

Sur le plan juridique, la menace est double. D’une part, les dispositions du Code pénal (articles 323-1 et suivants) sanctionnent sévèrement les intrusions, altérations ou suppressions de données. D’autre part, le RGPD (articles 32 à 34) impose à l’employeur de sécuriser les traitements de données personnelles et de notifier toute violation à la CNIL sous 72 heures. En cas de manquement, les sanctions financières peuvent atteindre 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial, ce qui souligne la gravité d’une gestion défaillante de la cybersécurité.

Au-delà des textes, les cyberattaques engendrent des conséquences économiques et humaines considérables : pertes d’exploitation, frais de réparation, rançons, mais aussi perte de confiance des clients et partenaires. La jurisprudence européenne a d’ailleurs reconnu qu’une fuite de données pouvait, à elle seule, causer un préjudice moral indemnisable aux victimes, indépendamment de l’usage effectif des données volées.

Face à ces enjeux, il ne suffit pas de réagir après coup. Les entreprises doivent intégrer la cybersécurité dans leur stratégie globale de gestion des risques, en combinant prévention technique (systèmes de protection, sauvegardes, chiffrement) et mesures organisationnelles (charte informatique, politique de mots de passe, limitation des accès). La formation des salariés est également incontournable : un collaborateur sensibilisé sera moins vulnérable aux tentatives de phishing ou aux comportements à risque.

Enfin, en cas d’incident, la réactivité est déterminante. Le recours aux dispositifs publics comme l’ANSSI ou Cybermalveillance.gouv.fr, l’appui d’un avocat en droit du numérique, ainsi que la souscription d’une assurance cyber-risque, permettent de réduire les dommages et de sécuriser les démarches de mise en conformité.

Ainsi, se prémunir contre les cyberattaques ne relève pas uniquement d’une exigence technique, mais d’une véritable obligation légale et stratégique. La cybersécurité devient un pilier de la continuité d’activité et de la protection du patrimoine immatériel de l’entreprise, condition indispensable pour maintenir la confiance des partenaires, des salariés et des clients dans un environnement économique où le numérique est désormais incontournable.

FAQ

1. Quelles sont les cyberattaques les plus fréquentes contre les entreprises ?
Les entreprises sont exposées à plusieurs formes d’attaques, qui évoluent constamment :

  • Le phishing (hameçonnage) : envoi de courriels frauduleux imitant une banque ou un fournisseur pour obtenir des identifiants ou coordonnées bancaires. Exemple : un salarié reçoit un faux mail du service comptable lui demandant de valider un paiement.
  • Les rançongiciels (ransomwares) : logiciels malveillants qui chiffrent les données de l’entreprise et exigent une rançon pour leur restitution. Ces attaques se sont multipliées depuis 2019, touchant aussi bien les PME que les hôpitaux.
  • Les attaques DDoS (déni de service distribué) : saturation d’un serveur pour rendre un site ou une application indisponible.
  • Les intrusions par force brute : tentatives automatisées de déchiffrage de mots de passe.
  • L’espionnage économique : piratage ciblé visant à dérober des secrets de fabrication, brevets ou données sensibles.

Toutes ces techniques sont qualifiées d’infractions pénales par les articles 323-1 et suivants du Code pénal et exposent les auteurs à des peines d’amende et d’emprisonnement.

2. Quelles conséquences une cyberattaque peut-elle avoir sur une entreprise ?
Les répercussions vont bien au-delà des pertes financières immédiates :

  • Conséquences économiques : arrêt de production, interruption des ventes en ligne, perte de chiffre d’affaires. Exemple : une boutique en ligne victime d’un DDoS perd des milliers d’euros en une seule journée.
  • Conséquences juridiques : en cas de violation de données personnelles, l’entreprise doit respecter l’article 33 du RGPD et notifier la CNIL dans un délai de 72 heures. Le non-respect expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial (article 83 du RGPD).
  • Conséquences réputationnelles : perte de confiance des clients et partenaires. Selon l’étude Asterès (juin 2023), 40 % des clients cessent d’acheter auprès d’une entreprise après une fuite de données.
  • Conséquences humaines : stress des salariés, mobilisation des équipes techniques, surcharge de travail liée à la gestion de crise.

La CJUE a précisé (arrêt du 4 mai 2023, aff. C-300/21) que la crainte d’un futur usage abusif des données peut constituer en elle-même un dommage moral indemnisable.

3. Comment une entreprise peut-elle se protéger efficacement contre les cyberattaques ?
La prévention est la clé. L’article 32 du RGPD impose au responsable de traitement de mettre en œuvre des mesures de sécurité adaptées au risque. Cela suppose :

  • Former les salariés : 90 % des attaques réussissent à cause d’une erreur humaine (clic sur un lien frauduleux, mot de passe trop simple). Une formation annuelle est recommandée.
  • Élaborer une politique de sécurité interne : charte informatique, limitation des accès, procédure de gestion des incidents.
  • Sauvegarder régulièrement les données : idéalement sur des serveurs externes ou cloud sécurisé, afin de restaurer l’activité sans céder à une rançon.
  • Renforcer la sécurité technique : usage de pare-feu, antivirus, chiffrement des disques, authentification à plusieurs facteurs.
  • Effectuer des audits de sécurité : tests d’intrusion pour identifier les failles et vérifier la conformité.

Exemple pratique : une PME peut imposer le renouvellement trimestriel des mots de passe, interdire l’usage de clés USB non autorisées et réaliser un audit annuel par un prestataire spécialisé.

4. Que faire immédiatement en cas de cyberattaque ?
La réactivité est essentielle pour limiter les dégâts :

  1. Isoler les systèmes infectés afin d’empêcher la propagation du virus.
  2. Prévenir l’équipe informatique et le responsable sécurité pour enclencher le plan de réponse à incident.
  3. Conserver les preuves numériques : journaux d’accès, messages suspects, fichiers infectés (éléments nécessaires à une éventuelle procédure judiciaire).
  4. Notifier la CNIL sous 72 heures si des données personnelles sont affectées (article 33 du RGPD).
  5. Informer les personnes concernées si la fuite peut porter atteinte à leurs droits (article 34 du RGPD).
  6. Déposer plainte sur la base des articles 323-1 et suivants du Code pénal.

Exemple : une entreprise victime d’un ransomware doit refuser de payer la rançon (aucune garantie de restitution) et enclencher immédiatement la restauration des données à partir des sauvegardes.

5. Quelles aides et recours existent pour les entreprises victimes de cyberattaques ?
Plusieurs dispositifs publics et privés apportent un soutien :

  • ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) : diffuse des recommandations et peut intervenir auprès des grandes entreprises stratégiques.
  • Cybermalveillance.gouv.fr : plateforme nationale permettant aux PME et particuliers de signaler une attaque et d’obtenir une assistance technique gratuite.
  • Assurance cyber-risques : certaines polices couvrent les frais de réparation, les pertes d’exploitation et l’assistance juridique.
  • Avocats spécialisés en droit du numérique : accompagnement dans la gestion des responsabilités civiles, pénales et contractuelles.
  • Prestataires certifiés en cybersécurité : aide à l’identification des failles et à la remise en état des systèmes.

Exemple : une TPE victime d’une attaque par rançongiciel peut activer son assurance cyber, qui prendra en charge les coûts d’expertise informatique, l’assistance juridique et la perte d’exploitation.

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