La déchéance du terme est une arme contractuelle redoutable mise à la disposition du créancier bancaire lorsque l’emprunteur ne respecte plus ses obligations de remboursement. Elle entraîne l’exigibilité immédiate de la totalité des sommes dues, ce qui conduit fréquemment à une procédure de saisie immobilière en cas d’impayés persistants.
Toutefois, pour être opposable, la déchéance du terme doit respecter un cadre juridique strict, notamment en matière de mise en demeure et de notification régulière. Les juridictions françaises rappellent régulièrement que cette clause d’exigibilité anticipée ne peut être appliquée de façon abusive, sans laisser à l’emprunteur une possibilité de régularisation (articles L. 311-2 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution).
Un arrêt récent de la Cour d’appel d’Amiens du 30 janvier 2024 (RG n°23/03627) illustre la sévérité de l’appréciation judiciaire dans ce domaine et les limites des moyens de défense dont dispose le débiteur face à une saisie immobilière.
En 2003, une banque consent à un emprunteur un prêt immobilier d’un montant de 106 715 euros, remboursable sur 360 mensualités. À la suite d’arriérés persistants, la banque prononce la déchéance du terme en novembre 2020 et délivre un commandement de payer valant saisie immobilière en octobre 2021.
Le Juge de l’exécution d’Amiens, par jugement d’orientation du 21 juillet 2023, constate la régularité de la procédure, fixe la créance bancaire à plus de 52 000 euros et ordonne la vente forcée du bien immobilier.
L’emprunteur interjette appel en contestant la validité de la déchéance du terme et en sollicitant la reprise de l’échéancier.
L’emprunteur soutient que la mise en demeure préalable exigée par la jurisprudence n’a pas été régulièrement portée à sa connaissance. Installé en Suisse, il affirme ne pas avoir reçu le courrier recommandé du 8 juillet 2020. Il estime donc que la banque ne pouvait valablement prononcer la déchéance du terme.
Il invoque également le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée, et fait valoir qu’il a repris des paiements réguliers représentant près de 40 % de la créance initiale, démontrant ainsi sa bonne foi.
La Cour d’appel d’Amiens rejette l’argumentaire. Elle rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la clause de déchéance du terme est valable à condition qu’une mise en demeure restée sans effet ait été adressée à l’emprunteur (Cass. civ. 1re, 25 nov. 2015, n°14-23.612).
Peu importe que l’emprunteur n’ait pas réceptionné physiquement le courrier : la preuve de l’envoi régulier suffit à caractériser la notification, et il appartient au destinataire d’en assurer la récupération auprès des services postaux.
En conséquence, la Cour valide la déchéance du terme et confirme la saisie immobilière.
Un point litigieux réside dans la prise en compte des versements effectués par l’emprunteur après la déchéance. Entre 2020 et 2023, celui-ci avait réglé environ 30 000 euros, soit près de 40 % de la créance.
Toutefois, la banque a contesté la validité de ces paiements, certains ayant été rejetés pour défaut de justificatifs. La Cour n’a pas retenu ces règlements, considérant que la créance devait être fixée sur la base des montants exigibles au moment du commandement de payer.
Cette approche, particulièrement stricte, va à l’encontre d’une jurisprudence qui, dans certains cas, admet la prise en compte des efforts du débiteur de bonne foi lorsqu’il reprend ses paiements (Cass. civ. 1re, 20 sept. 2017, n°16-18.118).
Selon l’article L. 311-30 du Code de la consommation (ancienne version), en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger :
Cette indemnité est plafonnée par l’article D. 311-11 du même code, à 8 % du capital restant dû.
Par ailleurs, l’article 1152 du Code civil (ancienne rédaction) et l’article 1231 (nouvelle rédaction) permettent au juge de modérer la pénalité si elle est manifestement excessive ou si le débiteur a exécuté partiellement son obligation.
Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel d’Amiens, l’emprunteur sollicitait une réduction de l’indemnité à 1 %, en raison de ses paiements partiels.
La Cour a néanmoins confirmé le montant retenu par le premier juge, fixant l’indemnité à 7 % du capital restant dû, considérant que les paiements partiels n’étaient pas établis avec suffisamment de certitude.
Cet arrêt illustre la sévérité du contentieux de la saisie immobilière :
Cette rigueur renforce la nécessité, pour tout emprunteur en difficulté, d’agir en amont de la déchéance du terme, en sollicitant soit un aménagement amiable, soit une suspension judiciaire des échéances prévue par l’article L. 314-20 du Code de la consommation, qui permet de geler les paiements jusqu’à deux ans.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Amiens le 30 janvier 2024 met en lumière la rigueur du régime de la déchéance du terme dans le cadre d’une saisie immobilière. Dès lors qu’une mise en demeure régulière a été adressée à l’emprunteur, la banque est en droit d’exiger immédiatement le remboursement de l’intégralité du capital restant dû, ainsi que des intérêts et indemnités prévues au contrat. Peu importe que le débiteur ait effectivement reçu ou non le courrier : la seule preuve de l’envoi régulier suffit à faire produire ses effets à la notification.
Cette sévérité peut sembler disproportionnée dans des situations où l’emprunteur, de bonne foi, a tenté de régulariser sa situation par des paiements postérieurs, parfois substantiels. Or, la jurisprudence confirme que ces efforts ne suffisent pas toujours à infléchir le mécanisme rigide de la déchéance du terme. Il s’agit là d’un rappel important : la mécanique contractuelle et procédurale de la saisie immobilière laisse peu de place à l’appréciation en équité, les juges privilégiant la sécurité juridique et la stabilité des relations de crédit.
Par ailleurs, l’application de l’indemnité de résiliation démontre que les dispositions des articles L. 311-30 et D. 311-11 du Code de la consommation, combinées aux articles 1152 et 1231 du Code civil, offrent au juge une certaine marge d’appréciation. Toutefois, dans la pratique, les juridictions retiennent souvent un calcul strict, confirmant l’indemnité dans la limite légale, même lorsque le débiteur sollicite une réduction en raison de paiements partiels.
Pour les emprunteurs, cette décision souligne l’importance d’agir avant le prononcé de la déchéance du terme. Deux leviers existent :
Pour les créanciers, cet arrêt réaffirme la validité et la force juridique des clauses de déchéance du terme, à condition de respecter scrupuleusement les formalités de mise en demeure et de notification.
En définitive, cette affaire illustre la tension entre deux logiques : celle du débiteur qui tente de démontrer sa bonne foi et sa volonté de régulariser, et celle du créancier, conforté par un cadre légal et jurisprudentiel strict, qui protège ses droits en cas d’impayés. La saisie immobilière reste donc une procédure implacable, où la préparation, la réactivité et l’accompagnement juridique spécialisé sont essentiels pour espérer infléchir l’issue d’un contentieux hautement technique et lourd de conséquences patrimoniales.
1. Qu’est-ce que la déchéance du terme dans un contrat de prêt immobilier ?
La déchéance du terme est la clause par laquelle un créancier (souvent une banque) peut exiger le remboursement immédiat de l’intégralité du capital restant dû si l’emprunteur ne respecte plus son échéancier. Prévue dans la majorité des contrats de prêt, elle repose sur la logique selon laquelle un seul défaut de paiement peut justifier la résiliation de l’ensemble du crédit.
Pour être valable, cette clause doit être claire et précise dans le contrat (article 1103 du Code civil, force obligatoire des conventions). En outre, la jurisprudence (Cass. civ. 1re, 25 nov. 2015, n°14-23.612) exige que la déchéance ne soit acquise qu’après l’envoi d’une mise en demeure restée sans effet, laissant un délai au débiteur pour régulariser.
Exemple : si un emprunteur manque deux mensualités consécutives, la banque peut prononcer la déchéance du terme après lui avoir adressé une mise en demeure lui donnant un délai de régularisation.
2. Peut-on contester la déchéance du terme lors d’une saisie immobilière ?
Oui, mais les marges de manœuvre sont limitées. Le débiteur peut invoquer :
Toutefois, les juridictions adoptent souvent une lecture stricte : si la banque prouve l’envoi régulier du courrier, la contestation échoue, même si l’emprunteur n’a pas reçu effectivement la lettre. C’est la position de la Cour d’appel d’Amiens (30 janvier 2024, RG n°23/03627), qui a jugé suffisante la preuve de l’expédition, peu importe que l’emprunteur domicilié en Suisse n’ait pas retiré son recommandé.
3. Les paiements effectués après la déchéance du terme peuvent-ils être pris en compte ?
La question est centrale. Certains arrêts admettent que la reprise des paiements témoigne de la bonne foi du débiteur et peut influencer la décision du juge (Cass. civ. 1re, 20 sept. 2017, n°16-18.118 ; Cass. civ. 1re, 15 déc. 2021, n°20-15.013). Mais cette bienveillance n’est pas systématique.
Dans l’affaire d’Amiens, l’emprunteur avait réglé près de 40 % de la créance après la déchéance du terme. La Cour n’a pas retenu ces paiements, considérant que seule la créance exigible lors du commandement de payer devait servir de base. Ce raisonnement traduit la volonté des juges de préserver la sécurité juridique du contrat, quitte à ignorer les efforts postérieurs du débiteur.
Exemple pratique : un emprunteur en retard sur 20 000 € reprend ses paiements après la déchéance et rembourse 8 000 €. La banque peut tout de même poursuivre la saisie pour 20 000 €, les 8 000 € n’étant pas imputés.
4. Quelle est l’indemnité de résiliation applicable après une déchéance du terme ?
L’article L. 311-30 du Code de la consommation (ancienne numérotation) permet au prêteur, en cas de défaillance, d’exiger non seulement le capital restant dû et les intérêts échus, mais aussi une indemnité de résiliation.
Cette indemnité est plafonnée à 8 % du capital restant dû (article D. 311-11 du Code de la consommation). Toutefois, les articles 1152 et 1231 du Code civil permettent au juge de réduire la pénalité si elle est manifestement excessive ou si l’emprunteur a exécuté partiellement son obligation.
Dans l’arrêt d’Amiens, le débiteur demandait à réduire l’indemnité à 1 %, mais la Cour a confirmé une indemnité de 7 %, jugeant que ses paiements postérieurs n’étaient pas établis avec certitude. Cette décision illustre la sévérité des juges sur ce point.
Exemple : pour un capital restant dû de 50 000 €, l’indemnité peut aller jusqu’à 4 000 €. Mais si le juge estime que le débiteur a déjà réglé une partie substantielle, il peut ramener cette pénalité à 2 000 € ou moins.
5. Quels sont les recours d’un emprunteur face à une saisie immobilière ?
Plusieurs leviers existent pour tenter de suspendre ou limiter les effets d’une saisie immobilière :
Exemple : un emprunteur qui anticipe une saisie peut saisir le juge pour suspendre les échéances, le temps de retrouver une stabilité financière, et éviter que son logement ne soit vendu aux enchères.