Travail

Déclarer une maladie professionnelle : étapes, preuves et compensation

Francois Hagege
Fondateur
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Maladie contractée au travail : démarches juridiques et droits à indemnisation

Le monde du travail n’est pas exempt de risques pour la santé des salariés. Certains métiers exposent à des substances toxiques, à des gestes répétitifs, à des postures contraignantes ou à un stress intense, pouvant entraîner l’apparition de pathologies.

Lorsque ces affections trouvent leur origine dans l’exercice de l’activité professionnelle, elles peuvent être reconnues comme maladies professionnelles, ouvrant droit à un régime d’indemnisation spécifique.

Toutefois, cette reconnaissance n’est pas automatique : elle obéit à des conditions juridiques précises, encadrées par le Code de la sécurité sociale. Comprendre les critères de reconnaissance, la procédure à suivre et les droits qui en découlent est essentiel pour tout salarié confronté à une telle situation. Cet article vous accompagne pas à pas pour faire valoir vos droits.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle
  3. Quelles maladies sont reconnues comme professionnelles
  4. Maladies hors tableau : quelles conditions de reconnaissance
  5. Quelle procédure suivre pour la déclaration
  6. Quelles conséquences pour le salarié
  7. Quelle indemnisation en cas d’arrêt ou de séquelles
  8. FAQ

Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?

Selon l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, une maladie professionnelle est une pathologie résultant directement de l’exposition habituelle à un risque lié à l’activité professionnelle du salarié. Il peut s’agir de risques physiques (bruit, vibrations, manutention répétée), chimiques (inhalation de solvants, poussières d’amiante, gaz toxiques) ou biologiques (virus, bactéries, agents pathogènes dans le cadre de soins médicaux, par exemple).

À la différence de l’accident du travail, qui se manifeste par un événement soudain survenu à un moment déterminé, la maladie professionnelle s’installe de manière progressive ou latente, parfois après plusieurs années d’exposition. Elle est souvent insidieuse, rendant difficile son identification immédiate.

La reconnaissance de cette affection comme maladie d’origine professionnelle permet au salarié d’accéder à un régime de protection renforcé, comprenant :

  • une prise en charge à 100 % des soins médicaux liés à la pathologie par l’Assurance maladie ;
  • des indemnités journalières majorées en cas d’arrêt de travail ;
  • une indemnisation spécifique en cas de séquelles permanentes, sous forme de rente viagère ou de capital ;
  • une protection contre le licenciement, sauf inaptitude médicalement constatée.

Ce régime dérogatoire vise à compenser les conséquences sociales, économiques et professionnelles d’une affection contractée dans l’exercice normal du travail, et à responsabiliser les employeurs dans la prévention des risques professionnels.

Quelles maladies sont reconnues comme professionnelles ?

Maladies inscrites aux tableaux

La reconnaissance est automatique si la maladie figure dans l’un des tableaux annexés au Code de la sécurité sociale (articles R.461-3 et suivants), à condition que :

  • la maladie soit expressément désignée dans le tableau ;
  • elle ait été contractée dans un délai déterminé après la cessation d’exposition ;
  • le salarié ait exercé un travail listé comme susceptible de provoquer la maladie.

📌 Exemple : Le tableau n°57 mentionne le syndrome du canal carpien, lié à des gestes répétitifs ou une pression prolongée sur le poignet. Le délai de prise en charge est de 30 jours.

Nouvelles maladies intégrées

Le décret n°2023-946 du 14 octobre 2023 a notamment élargi les tableaux pour inclure certains cancers provoqués par l’amiante, comme le cancer du larynx ou de l’ovaire, avec un délai de reconnaissance étendu à 35 ans, sous réserve d’une exposition professionnelle d’au moins 5 ans.

Maladies hors tableau : quelles conditions de reconnaissance ?

Lorsqu’une maladie ne remplit pas les conditions du tableau, ou n’est pas inscrite du tout, une procédure spécifique s’applique.

Reconnaissance sans remplissage des conditions du tableau

Même si la maladie figure dans un tableau, mais sans répondre à tous les critères, elle peut être reconnue comme professionnelle sur avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), prévu à l’article R.461-8 du Code de la sécurité sociale.

Maladies non listées (hors tableau)

Une maladie peut être reconnue en dehors des tableaux si deux conditions cumulatives sont réunies (L.461-1, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale) :

  • l’affection est essentiellement et directement causée par l’activité professionnelle ;
  • elle a entraîné une incapacité permanente partielle (IPP) d’au moins 25% ou le décès du salarié.

📌 Exemple : Le burn-out, bien qu’il ne figure pas dans les tableaux, peut faire l’objet d’une reconnaissance via le CRRMP.

Quelle procédure suivre pour la déclaration ?

Certificat médical initial obligatoire

Le point de départ de toute demande est le certificat médical initial (CMI) rédigé par un médecin traitant. Il atteste du lien possible entre l’état de santé et l’activité professionnelle (R.441-11 CSS). Le médecin du travail peut également transmettre un signalement à la caisse.

Déclaration à la CPAM

Le salarié doit remplir le formulaire Cerfa n° 60-3950 (ou S6100b) et l’envoyer à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), accompagné du CMI et d’éventuels examens complémentaires.

📝 Une déclaration tardive (au-delà de deux ans après la date de constat médical ou de la cessation d’exposition) peut entraîner un refus, sauf motifs légitimes (L.461-1 CSS).

Instruction du dossier

La CPAM dispose d’un délai de 120 jours pour instruire le dossier (étendu à 160 jours si le CRRMP est saisi). Elle peut mener une enquête administrative ou solliciter un avis médical. En cas de refus, le salarié peut exercer un recours devant la Commission de Recours Amiable (CRA) puis, si nécessaire, devant le pôle social du tribunal judiciaire.

Quelles conséquences pour le salarié ?

Effets sur le contrat de travail

La reconnaissance d’une maladie professionnelle entraîne :

  • Protection contre le licenciement, sauf inaptitude constatée et impossibilité de reclassement (L.1226-10 à L.1226-12 Code du travail) ;
  • Visite de reprise obligatoire après un arrêt d’au moins 30 jours (R.4624-31 CT) ;
  • Acquisition de congés payés pendant l’arrêt, sans limitation, depuis les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023.

Responsabilité de l’employeur

Si la maladie résulte d’un manquement à l’obligation de sécurité (article L.4121-1 CT), la faute inexcusable de l’employeur peut être reconnue. Cela ouvre droit à une majoration de rente et à des dommages-intérêts.

Quelle indemnisation en cas d’arrêt ou de séquelles ?

Prise en charge à 100 % des frais médicaux

Une feuille de maladie professionnelle permet la prise en charge intégrale (100 %) des frais liés aux soins (consultations, examens, médicaments, kinésithérapie…).

Indemnités journalières

En cas d’arrêt de travail, le salarié perçoit des indemnités journalières majorées :

  • sans délai de carence, versées dès le premier jour ;
  • calculées sur la base du salaire journalier brut ;
  • revalorisées après reconnaissance du caractère professionnel (si l’instruction est encore en cours).

L’employeur peut compléter ces indemnités, selon les dispositions de la convention collective applicable (L.1226-1 CT).

Indemnisation en cas d’incapacité permanente

Lorsque la maladie laisse des séquelles irréversibles, le salarié peut bénéficier d’une indemnité forfaitaire ou d’une rente viagère :

  • IPP < 10 % : indemnité en capital unique ;
  • IPP ≥ 10 % : rente viagère, calculée selon le taux d’incapacité, l’âge, la qualification et l’incidence professionnelle (L.434-1 CSS).

Ces prestations sont non imposables (sauf en cas de capitalisation volontaire).

Conclusion

Faire reconnaître une maladie professionnelle constitue une démarche juridique encadrée, qui peut s’avérer déterminante pour obtenir une indemnisation adaptée, une prise en charge médicale renforcée, ainsi qu’une protection renforcée dans le cadre du contrat de travail.

Que la pathologie figure dans un tableau réglementaire ou non, il existe des voies de recours et des mécanismes d’expertise permettant au salarié d’établir le lien entre sa maladie et son activité professionnelle.

Dès les premiers symptômes, il est donc fondamental d’agir rapidement, de constituer un dossier médical solide, et de solliciter les bons interlocuteurs, notamment la CPAM, le médecin traitant et, le cas échéant, le CRRMP. Pour aller plus loin, des professionnels du droit peuvent vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, disponibles sur defendstesdroits.fr.

FAQ

1. Quelles sont les conditions pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle ?
Pour qu'une maladie soit reconnue comme maladie professionnelle, trois cas de figure sont envisageables :

  • Inscription dans un tableau annexé au Code de la sécurité sociale (articles R.461-3 et suivants) : la maladie doit apparaître sur la liste, avoir été contractée dans un délai de prise en charge précis après l’exposition, et être liée à un travail mentionné dans le tableau.
  • Maladie listée, mais ne remplissant pas toutes les conditions : un avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) est requis si un des critères du tableau n’est pas respecté.
  • Maladie non listée (hors tableau) : la victime doit prouver que la pathologie est essentiellement et directement causée par son travail habituel et qu’elle a entraîné une incapacité permanente partielle d’au moins 25 % ou un décès. L’avis du CRRMP est également requis dans ce cas.

2. Comment déclarer une maladie professionnelle à la CPAM ?
La déclaration s’effectue via le formulaire Cerfa n°60-3950 (S6100b), à adresser à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), accompagné des pièces justificatives :

  • Le certificat médical initial (CMI) établi par le médecin traitant précisant le lien possible avec le travail ;
  • Les examens médicaux en lien avec la pathologie ;
  • Tout document pouvant établir l’exposition professionnelle.

La CPAM dispose ensuite d’un délai réglementaire de 120 jours (160 en cas de saisine du CRRMP) pour instruire la demande et notifier sa décision. Pendant l’instruction, le salarié perçoit des indemnités journalières de base, qui seront revalorisées rétroactivement si la maladie est reconnue professionnelle.

3. Quels sont les droits du salarié en cas de maladie professionnelle reconnue ?
La reconnaissance ouvre droit à des protections renforcées et à une indemnisation plus avantageuse :

  • Interdiction de licenciement, sauf impossibilité de reclassement après constat d’inaptitude médicale (articles L.1226-10 à L.1226-12 du Code du travail) ;
  • Maintien ou acquisition des congés payés durant l’arrêt, même au-delà d’un an, conformément à la jurisprudence européenne intégrée par les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 ;
  • Prise en charge à 100 % des frais médicaux liés à la pathologie ;
  • Indemnités journalières majorées, versées dès le premier jour de l’arrêt, sans carence.

4. Peut-on obtenir une indemnité en cas de séquelles durables liées à la maladie ?
Oui. En cas de séquelles définitives, le salarié peut percevoir une indemnisation pour incapacité permanente :

  • Si le taux d’incapacité est inférieur à 10 % : versement en capital unique (indemnité forfaitaire) ;
  • Si le taux est supérieur ou égal à 10 % : versement d’une rente viagère, calculée selon plusieurs critères : gravité des séquelles, âge, perte de capacité professionnelle, etc.

Le taux est fixé par le service médical de la CPAM après expertise. En cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime peut aussi obtenir une majoration de rente et des dommages-intérêts devant le pôle social du tribunal judiciaire.

5. Peut-on contester un refus de reconnaissance d’une maladie professionnelle ?
Oui. En cas de rejet par la CPAM, le salarié peut déposer un recours gracieux devant la Commission de Recours Amiable (CRA) dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus.

Si la CRA rejette le recours ou reste silencieuse pendant 1 mois, l’assuré peut saisir le pôle social du tribunal judiciaire compétent. Il est recommandé, dans ce cadre, de se faire accompagner par un avocat spécialisé en droit de la sécurité sociale, disponible via defendstesdroits.fr, afin de maximiser ses chances d’obtenir gain de cause.

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