Lorsqu’un produit mis en circulation présente un défaut de sécurité et cause un dommage à une personne ou à un bien, le droit français offre à la victime un cadre juridique précis pour engager la responsabilité du producteur. Ce régime, issu de la directive européenne n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 et transposé aux articles 1245 à 1245-17 du Code civil, repose sur un principe simple : tout producteur doit garantir que ses produits présentent le niveau de sécurité légitimement attendu par les utilisateurs.
Il s’applique à un large éventail de situations : électroménager défectueux provoquant un incendie, médicament entraînant des effets nocifs non annoncés, jouet dangereux blessant un enfant, pièce automobile entraînant un accident, etc.
Ce régime présente trois caractéristiques majeures :
Selon l’article 1245-3 du Code civil, un produit défectueux est un bien meuble, y compris incorporé dans un immeuble ou issu du sol, de l’élevage, de la chasse ou de la pêche, qui ne présente pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.
Le défaut peut résulter de :
⚠️ Le produit défectueux lui-même n’est pas indemnisable sur ce fondement (Cass. civ. 1, 9 juill. 2003, n° 00-21.163).
Pour que la responsabilité soit engagée, trois éléments cumulatifs sont nécessaires :
En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la loi désigne en priorité le producteur comme responsable, mais prévoit aussi des mécanismes de responsabilité subsidiaire afin de garantir que la victime puisse obtenir réparation même si l’auteur direct du défaut reste inconnu.
Selon l’article 1245 du Code civil, est considéré comme producteur :
Exemple : Une société A fabrique un lot de casques audio, mais ceux-ci sont commercialisés sous la marque de la société B. En cas de défaut entraînant un dommage, la société B peut être poursuivie comme producteur, même si elle n’a pas fabriqué le casque.
Lorsque le producteur n’est pas identifiable, l’article 1245-6 du Code civil prévoit que peuvent être poursuivis :
Ces personnes disposent toutefois d’un droit à exonération si elles désignent leur propre fournisseur ou producteur dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la demande formulée par la victime. Cette désignation doit être précise et permettre à la victime d’identifier et de contacter directement le producteur.
Exemple : Un consommateur achète un radiateur électrique dans une grande surface. Ce radiateur provoque un incendie, mais la marque et le fabricant ne sont pas identifiables sur le produit. Le consommateur peut poursuivre directement le magasin vendeur, lequel pourra s’exonérer en communiquant, dans les délais, l’identité et les coordonnées de son fournisseur.
En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le respect des délais légaux est déterminant, car il conditionne la recevabilité de l’action en justice. Le Code civil fixe deux types de délais distincts, qui doivent être pris en compte simultanément :
En pratique, ces deux délais se combinent :
Exemple concret : un appareil électroménager mis en circulation le 1er janvier 2010 provoque un incendie le 10 février 2020. Si l’identité du fabricant est connue dès cette date, la victime dispose de 3 ans pour agir (jusqu’au 10 février 2023), mais l’action devra en tout état de cause être engagée avant le 1er janvier 2020 au titre du délai décennal. Ici, le délai de 10 ans étant déjà expiré, la demande serait irrecevable malgré le délai triennal restant.
Le producteur peut échapper à sa responsabilité si :
La responsabilité peut aussi être réduite si la faute de la victime a contribué au dommage.
La victime doit établir :
Le tribunal judiciaire du lieu du domicile du défendeur ou du lieu du fait dommageable.
La responsabilité du fait des produits défectueux constitue aujourd’hui un pilier de la protection des consommateurs et des utilisateurs professionnels, car elle consacre un principe fondamental : tout producteur doit garantir la sécurité des produits qu’il met sur le marché. En encadrant ce régime aux articles 1245 à 1245-17 du Code civil, le législateur français, conformément à la directive européenne de 1985, a instauré un système clair où la sécurité prime sur la seule performance économique.
Ce mécanisme présente un double avantage pour les victimes : il s’agit d’une responsabilité de plein droit, qui n’exige pas la preuve d’une faute, mais seulement celle du défaut, du dommage et du lien de causalité ; et il prévoit une hiérarchie des responsables permettant de ne pas laisser la victime sans recours, même lorsque le producteur initial reste introuvable.
Cependant, ce régime impose une réactivité stricte. L’action doit être engagée dans les 3 ans suivant la connaissance du dommage et avant l’expiration du délai butoir de 10 ans à compter de la mise en circulation. Passés ces délais, la possibilité d’obtenir réparation disparaît, sauf exception.
De plus, le demandeur doit anticiper les causes d’exonération susceptibles d’être invoquées par le producteur — absence de défaut initial, impossibilité technique de déceler le défaut, conformité obligatoire à une norme, etc. — et préparer un dossier probatoire solide, comprenant constatations techniques, témoignages et rapports d’expertise.
En pratique, ce régime ne se limite pas aux produits industriels complexes : il s’applique à une multitude de biens, neufs ou d’occasion, de l’équipement médical au jouet pour enfant, en passant par les pièces automobiles ou les produits alimentaires. Il joue ainsi un rôle majeur dans la prévention des risques et dans le renforcement de la responsabilité des acteurs économiques.
En l’utilisant efficacement, la victime peut non seulement obtenir réparation, mais aussi contribuer à assainir le marché en incitant les producteurs à améliorer leurs processus de conception, de fabrication et de contrôle qualité.
Au-delà de son aspect réparateur, la responsabilité du fait des produits défectueux devient donc un véritable levier de sécurité collective, garantissant que la mise sur le marché d’un produit ne se fera jamais au détriment de la santé ou des biens des utilisateurs.
1. Qu’est-ce qu’un produit défectueux selon le Code civil ?
Un produit défectueux est défini par l’article 1245-3 du Code civil comme tout bien meuble, neuf ou d’occasion, y compris s’il est incorporé dans un immeuble ou issu du sol, de l’élevage, de la chasse ou de la pêche, qui ne présente pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.
Cette sécurité s’apprécie en fonction :
2. Qui peut être tenu responsable d’un produit défectueux ?
En principe, c’est le producteur qui est responsable (article 1245 du Code civil). Ce terme désigne :
3. Quels types de dommages sont indemnisables ?
Le régime couvre :
4. Quels sont les délais pour agir ?
Deux délais doivent être respectés :
5. Comment prouver la responsabilité du producteur ?
Selon l’article 1245-8 du Code civil, la victime doit établir trois éléments :