Pénal

Délais de prescription des dettes : ce que tout créancier doit savoir

Francois Hagege
Fondateur
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Prescription des créances : jusqu’à quand un huissier peut agir ?

Le recouvrement de créances est strictement encadré par le droit français. Pour pouvoir exiger le paiement d’une somme due, le créancier doit agir dans des délais légaux précis, sous peine de perdre son droit à agir. L’huissier de justice — aujourd’hui appelé commissaire de justice — joue un rôle central dans cette procédure, à condition que la créance ne soit pas prescrite ou forclose.

Ces délais dépendent à la fois de la nature de la dette, de la qualité du débiteur (consommateur, professionnel, locataire, salarié, etc.) et du type de procédure engagée (amiable, judiciaire ou forcée). Le Code civil, le Code de procédure civile et des législations spéciales fixent des délais allant de 1 an à 5 ans, voire davantage dans certains cas particuliers.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Conditions de recouvrabilité d’une créance
  3. Délais de prescription selon la nature de la dette
  4. Acteurs du recouvrement
  5. Étapes de la procédure de recouvrement
  6. Délais à retenir pour agir efficacement
  7. Recours pratiques pour les créanciers
  8. Conclusion

Conditions de recouvrabilité d’une créance

Avant d’entamer toute procédure, une créance doit remplir quatre conditions essentielles :

  • Certaine : elle doit reposer sur une obligation réellement existante ;
  • Liquide : son montant doit être déterminé ou déterminable ;
  • Exigible : la dette doit être arrivée à échéance ;
  • Non prescrite ou forclose : elle doit pouvoir encore faire l’objet d’un recours.

Selon l’article 2224 du Code civil, le délai de prescription de droit commun est de 5 ans à compter du jour où le créancier a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d’agir. Ce délai peut toutefois être raccourci par des textes spéciaux, notamment en matière de consommation ou de communications électroniques.

La forclusion se distingue de la prescription : elle est prévue par la loi dans certaines situations et sanctionne le défaut de diligence du créancier dans le délai imparti pour agir.

Les délais de prescription selon la nature de la créance

Les créances civiles

En matière civile, l’article 2224 du Code civil fixe un délai quinquennal de prescription. Le point de départ est le jour où la dette devient exigible, sauf disposition contraire.

Ce délai peut :

  • être suspendu (article 2230 C. civ.) lorsque le créancier est empêché d’agir (force majeure, empêchement légal, contractuel, etc.) ;
  • être interrompu (article 2231 C. civ.) par une demande en justice ou un acte interruptif (mise en demeure, commandement de payer), ce qui fait courir un nouveau délai.

La prescription ne peut jamais excéder 20 ans (article 2232 C. civ.).

Les créances soumises à des délais spéciaux

Certains types de dettes sont soumis à des délais raccourcis :

  • 2 ans pour les dettes de consommation : l’article L. 218-2 du Code de la consommation prévoit que les actions des professionnels contre les consommateurs se prescrivent par deux ans.
    Exemple : factures d’énergie, prestations de services à des particuliers, abonnements.
  • 1 an pour les abonnements téléphoniques ou Internet : l’article L. 34-2 du Code des postes et communications électroniques impose un délai d’un an pour réclamer les sommes impayées.
  • 3 ans pour les loyers et charges locatives : conformément à l’article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur dispose de trois ans pour réclamer au locataire les loyers ou charges impayés.
  • 3 ans pour les salaires impayés : l’article L. 3245-1 du Code du travail prévoit une prescription triennale à compter du jour où le salarié a connaissance de la somme due.
  • 5 ans pour les charges de copropriété : en application de l’article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndic peut recouvrer les charges impayées pendant cinq ans.
  • 5 ans pour les créances entre particuliers : par exemple, un prêt d’argent entre deux personnes est soumis à la prescription quinquennale de droit commun.

Les créances commerciales

Pour les créances commerciales, l’article L. 110-4 du Code de commerce fixe également un délai de prescription de 5 ans.
Cependant, certaines situations particulières prévoient un délai d’un an, notamment pour certaines actions liées au transport maritime ou à la livraison d’ouvrages.

Qui peut recouvrer une créance ?

Le créancier peut lui-même entreprendre les démarches de recouvrement ou mandater un professionnel :

  • Une société de recouvrement pour la phase amiable ;
  • Un avocat, notamment pour les montants supérieurs à 10 000 € (obligatoire dans certains contentieux) ;
  • Un commissaire de justice, seul habilité à exécuter une décision judiciaire de manière forcée, conformément à l’article 122-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

Recourir à un commissaire de justice garantit la sécurité juridique des démarches, notamment lors de l’envoi de mises en demeure ou commandements de payer, soumis à des règles strictes.

Les étapes du recouvrement d’une créance

1. Le recouvrement amiable

Le créancier commence généralement par relancer le débiteur (mail, téléphone ou courrier simple). En cas d’échec, il peut adresser une mise en demeure de payer (article 1344 C. civ.), qui interrompt la prescription.
Un délai raisonnable (généralement 8 à 15 jours) doit être laissé au débiteur pour régulariser la situation.

2. Le recouvrement simplifié

Pour les petites dettes (inférieures à 5 000 €), l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution permet au commissaire de justice de recouvrer directement la somme sans passer par une audience. Cette procédure est rapide et adaptée aux créances modestes.

3. Le recouvrement judiciaire

Si les démarches amiables échouent, le créancier peut saisir le tribunal pour obtenir un titre exécutoire :

  • Injonction de payer (article 1405 et suivants du Code de procédure civile),
  • Référé-provision,
  • Assignation au fond.

Une fois la décision rendue, elle doit être signifiée par huissier :

  • 6 mois pour une injonction de payer (article 1411 CPC) ;
  • 2 ans pour une assignation au fond (article 528-1 CPC).

4. Le recouvrement forcé

Si le débiteur ne s’exécute pas spontanément, le créancier peut recourir au recouvrement forcé, prévu par l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

Il dispose d’un délai de 10 ans à compter de la délivrance du titre exécutoire (article L. 111-4 C. proc. civ. ex.) pour faire exécuter la décision par un commissaire de justice. Ce dernier peut procéder à des saisies mobilières, immobilières ou sur compte bancaire, selon les cas.

Les délais à retenir

  • Prescription : de 1 à 5 ans selon la nature de la créance.
  • Signification du titre exécutoire : 6 mois à 2 ans selon la procédure.
  • Exécution forcée : 10 ans à compter du jugement.
  • Interruption ou suspension de la prescription possibles selon les circonstances (articles 2230 à 2234 C. civ.).

Ces échéances sont déterminantes : une créance prescrite ne peut plus être réclamée en justice, sauf interruption ou suspension du délai.

Recours pratiques pour les créanciers

  • Anticiper les démarches avant l’expiration des délais légaux.
  • Conserver les preuves de la dette (contrat, factures, relevés, échanges écrits).
  • Envoyer une mise en demeure en bonne et due forme pour interrompre la prescription.
  • Saisir un commissaire de justice pour engager des procédures efficaces et conformes au droit.
  • Faire exécuter une décision dans les 10 ans pour éviter la péremption des droits d’exécution.

Conclusion

Le respect des délais légaux de prescription et de procédure est déterminant pour permettre à un créancier de recouvrer une créance par l’intermédiaire d’un huissier de justice. Un impayé peut être poursuivi plusieurs années après son échéance, à condition d’agir dans les temps et selon les formes prévues par la loi. La maîtrise de ces délais et la mobilisation rapide des bons outils juridiques constituent une garantie essentielle pour la protection des droits des créanciers.

FAQ

1. Combien de temps un huissier peut-il réclamer une dette ?
Le délai dépend de la nature de la créance. En général, une dette peut être réclamée pendant 1 à 5 ans, conformément à l’article 2224 du Code civil. Une décision de justice peut quant à elle être exécutée pendant 10 ans (article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution). Passé ce délai, l’action en recouvrement devient impossible, sauf interruption ou suspension de la prescription.

2. Quelle est la différence entre prescription et forclusion ?
La prescription est un délai au terme duquel le créancier perd le droit d’agir en justice. Elle peut être interrompue ou suspendue (articles 2230 à 2234 C. civ.). La forclusion, elle, est un délai impératif prévu par la loi dans certaines situations spécifiques. Une fois ce délai expiré, aucune action n’est plus possible, même en cas d’interruption.

3. Quels sont les délais de prescription selon le type de dette ?

  • 1 an : abonnements téléphoniques ou Internet (L. 34-2 CPCE).
  • 2 ans : dettes de consommation (L. 218-2 C. cons.).
  • 3 ans : loyers et salaires impayés (loi du 6 juillet 1989 / L. 3245-1 C. trav.).
  • 5 ans : créances civiles et commerciales (2224 C. civ. / L. 110-4 C. com.).
  • 10 ans : exécution d’un titre exécutoire.

Ces délais peuvent être interrompus par une mise en demeure, une assignation ou une procédure judiciaire.

4. Que faire si la dette est ancienne ?
Si la dette semble prescrite, il est possible de vérifier si une interruption ou une suspension a eu lieu. Par exemple, l’envoi d’une mise en demeure ou une action en justice peut faire repartir un nouveau délai. Dans certains cas, même une dette ancienne peut donc encore être réclamée légalement, notamment si elle a fait l’objet d’un titre exécutoire.

5. Pourquoi faire appel à un huissier plutôt qu’à une société de recouvrement ?
Le commissaire de justice (ex-huissier) dispose de pouvoirs légaux que les sociétés de recouvrement n’ont pas. Il peut :

  • délivrer des mises en demeure officielles,
  • engager des procédures simplifiées,
  • et surtout exécuter de force une décision de justice (saisie de compte, saisie mobilière, etc.).
    Recourir à ce professionnel permet de sécuriser juridiquement la procédure et d’éviter les risques d’irrégularités.

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