Le droit des étrangers en France, particulièrement lorsqu'il concerne les ressortissants algériens, repose sur des dispositions spécifiques comme celles de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Ce cadre juridique offre des garanties et des droits adaptés, notamment pour l’exercice d’activités professionnelles non salariées. Cependant, il arrive que des décisions administratives ne respectent pas ces stipulations, comme en témoigne l’affaire opposant M. ML au préfet du Nord.
Cette affaire illustre les enjeux juridiques liés à la délivrance d’un certificat de résidence et pose la question du respect du cadre légal par les autorités préfectorales. Quels sont les principes applicables et comment ces derniers ont-ils été interprétés dans ce cas précis ?
Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien, les ressortissants algériens souhaitant exercer une activité professionnelle autre que salariée en France peuvent bénéficier d'un certificat de résidence, sous réserve de respecter certaines conditions, telles que l'inscription au registre du commerce ou des métiers.
Cet accord prime sur les dispositions générales du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), en particulier celles concernant la délivrance de cartes de séjour pour les entrepreneurs ou professions libérales.
L'article 7 de l'accord précise les modalités de délivrance, notamment pour les activités professionnelles soumises ou non à autorisation. En l'espèce, le caractère commercial de l'activité de M. ML, déclaré en qualité de microentrepreneur, répondait aux critères définis par l'article L. 110-1 du code de commerce.
Le refus du préfet du Nord de délivrer un certificat de résidence à M. ML repose sur une lecture erronée des conditions juridiques fixées par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Cette décision était fondée sur deux exigences principales : la justification de moyens d’existence suffisants et l’établissement d’un lien entre l’activité professionnelle envisagée et les études poursuivies en France. Cependant, ces conditions sont contraires aux stipulations spécifiques de l’accord.
L’article 5 de l’accord franco-algérien précise que la délivrance d’un certificat de résidence pour l’exercice d’une activité commerciale ou professionnelle non salariée n’est pas conditionnée à la preuve de la rentabilité économique de l’activité.
Contrairement aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui imposent souvent une démonstration de la viabilité de l’activité pour les autres ressortissants étrangers, les Algériens bénéficient d’un régime dérogatoire plus favorable. Exiger cette preuve de viabilité revient donc à méconnaître les stipulations de l’accord bilatéral, qui prime sur les dispositions générales du CESEDA.
Aucune disposition de l’accord franco-algérien n’impose un lien entre l’activité professionnelle envisagée et les études éventuellement suivies en France. Cette exigence, formulée par le préfet, relève d’une interprétation abusive et d’une application incorrecte des règles applicables aux ressortissants algériens.
L’accord vise uniquement à garantir la possibilité d’exercer une activité professionnelle sous réserve du respect des obligations administratives, telles que l’immatriculation au registre du commerce pour les commerçants.
Le préfet du Nord a appliqué à tort des conditions issues du CESEDA, notamment celles régissant les cartes de séjour portant la mention "entrepreneur/profession libérale". Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux ressortissants algériens, qui bénéficient d’un cadre spécifique défini par les articles 5 et 7 de l’accord franco-algérien.
Cette confusion révèle une méconnaissance du régime dérogatoire prévu par cet accord, lequel exclut des exigences supplémentaires non prévues explicitement dans ses stipulations.
En conséquence, en imposant des conditions contraires à celles prévues par l’accord, le préfet a excédé ses pouvoirs et violé les obligations internationales de la France en matière de respect des accords bilatéraux. Ce cas illustre l’importance pour les autorités administratives de s’appuyer sur une lecture rigoureuse et respectueuse des engagements internationaux, garantissant ainsi une application juste et équitable des droits des étrangers.
Le tribunal administratif a estimé que les décisions prises par le préfet du Nord étaient entachées d’une erreur manifeste de droit. En effet, l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), l’interdiction de retour sur le territoire et le signalement dans le système d’information Schengen (SIS) reposaient sur une base juridique inadaptée, en contradiction avec les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Ces décisions administratives ont été annulées au motif que le refus initial de délivrer un certificat de résidence à M. ML ne respectait pas les conditions spécifiques prévues par l’accord, notamment les articles 5 et 7.
En exigeant des critères tels que l’effectivité de l’activité commerciale, la justification de moyens d’existence suffisants ou encore un lien entre l’activité professionnelle et les études poursuivies, le préfet a méconnu les stipulations de l’accord bilatéral, qui exclut expressément de telles exigences pour les ressortissants algériens souhaitant exercer une activité commerciale non salariée en France.
L’annulation des mesures liées à l’éloignement découle donc d’une illégalité par voie de conséquence. En droit administratif, lorsqu'une décision principale (ici, le refus de délivrance de titre de séjour) est jugée illégale, les décisions qui en découlent (OQTF, interdiction de retour, etc.) deviennent également nulles.
Cette jurisprudence rappelle le rôle clé des juges administratifs dans le contrôle des décisions préfectorales afin de garantir le respect des droits des étrangers, notamment dans le cadre des accords bilatéraux internationaux.
L’annulation prononcée ici marque un rappel strict des obligations légales des autorités administratives, renforçant ainsi la protection des droits des ressortissants étrangers dans un contexte juridiquement encadré.
La décision d’informer un ressortissant étranger de son signalement dans le système d’information Schengen (SIS) est étroitement liée à l’interdiction de retour sur le territoire français.
Cette mesure, qui accompagne l’interdiction, ne constitue pas une décision autonome. Par conséquent, elle ne peut pas être contestée séparément dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, sauf à remettre en cause l’interdiction de retour elle-même.
Cette disposition souligne une limite importante des recours contentieux en matière de droit des étrangers, où les décisions sont souvent interconnectées, rendant leur contestation complexe.
Dans le cas de M. ML, cette précision juridique a permis de mettre en lumière l’importance de ne pas confondre des mesures d’information administrative avec des décisions ayant un caractère individuel et autonome. Si l’interdiction de retour est annulée, le signalement dans le SIS perd automatiquement son fondement juridique. Ainsi, cette situation illustre la nécessité pour les autorités préfectorales de s’assurer que toutes leurs décisions respectent les cadres juridiques applicables.
L’affaire de M. ML met également en avant la primauté des accords bilatéraux internationaux, tels que l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans les décisions administratives concernant les ressortissants étrangers.
Ces accords, ayant une valeur supérieure aux lois nationales en vertu de l’article 55 de la Constitution française, fixent un cadre juridique spécifique qui ne saurait être altéré par des exigences supplémentaires imposées par les autorités préfectorales.
En imposant des conditions non prévues par l’accord, telles que la justification de moyens d’existence suffisants ou d’un lien entre l’activité professionnelle et les études, les autorités ont outrepassé leurs prérogatives. Cette approche met en danger les droits des étrangers et menace la sécurité juridique des décisions administratives.
Ce cas illustre donc une problématique récurrente dans le contentieux administratif : la tension entre l’application stricte des textes légaux et le respect des engagements internationaux. Il constitue un rappel aux autorités préfectorales de l’importance d’un respect rigoureux du cadre juridique bilatéral, sans ajout de conditions excessives ou non prévues, garantissant ainsi une protection équitable pour les justiciables étrangers.
Cette affaire met en lumière l'importance d'une application rigoureuse des textes internationaux tels que l'accord franco-algérien et rappelle que les autorités administratives ne peuvent ajouter des conditions non prévues par la loi. Les étrangers, tout comme les ressortissants algériens, disposent de droits spécifiques qu'il convient de faire respecter devant les juridictions compétentes.
Les ressortissants algériens bénéficient de dispositions spécifiques prévues par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui leur permettent de solliciter un certificat de résidence pour exercer une activité professionnelle non salariée en France. Contrairement aux autres étrangers soumis au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ils ne sont pas tenus de prouver la viabilité économique de leur activité, ni de justifier un lien entre leurs études suivies en France et leur projet professionnel. Ces dispositions offrent un cadre juridique dérogatoire qui garantit une protection accrue.
Non, le préfet ne peut pas exiger des preuves de rentabilité ou de moyens d’existence suffisants pour accorder un certificat de résidence dans le cadre de l’accord franco-algérien. Les articles 5 et 7 de cet accord stipulent que la délivrance de ce titre repose uniquement sur la nature commerciale de l’activité et l’immatriculation au registre du commerce ou des métiers. Une telle exigence serait une méconnaissance flagrante des stipulations de l’accord, pouvant entraîner l’annulation des décisions administratives si contestées devant le tribunal administratif.
Les préfets commettent parfois des erreurs en appliquant des exigences supplémentaires issues du CESEDA, alors que celles-ci ne s’appliquent pas aux ressortissants algériens. Parmi ces erreurs, on retrouve :
En cas de refus injustifié, il est possible de contester la décision administrative devant le tribunal administratif compétent. Le recours devra démontrer que les exigences imposées par le préfet ne respectent pas les stipulations de l’accord franco-algérien, notamment en s’appuyant sur les articles 5 et 7. Une assistance juridique par un avocat spécialisé en droit des étrangers est vivement recommandée pour garantir la prise en compte de tous les aspects juridiques du dossier.
L’information d’un signalement dans le système d’information Schengen (SIS) est directement liée à une interdiction de retour sur le territoire français. Cette mesure ne constitue pas une décision autonome et ne peut pas faire l’objet d’un recours séparé. Si l’interdiction de retour est annulée par un tribunal, le signalement dans le SIS perd automatiquement sa validité. Ce mécanisme illustre l’importance d’une contestation globale des mesures préfectorales lorsque celles-ci reposent sur des bases juridiques erronées.