Les congés payés constituent l’un des droits les plus fondamentaux du salarié, garantissant le respect du droit au repos reconnu par l’article L3141-1 du Code du travail. Institués pour protéger la santé des travailleurs et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, ils représentent aujourd’hui un pilier incontournable du droit social français. Pourtant, leur gestion au sein des entreprises demeure une source fréquente d’interrogations, voire de litiges, tant pour les employeurs que pour les salariés.
Entre les règles d’ordre public, les dispositions conventionnelles et les évolutions jurisprudentielles récentes, le régime des congés payés s’est considérablement complexifié. Fixation de la période de prise, ordre des départs, fractionnement, fermeture annuelle, report en cas d’arrêt maladie, ou encore prescription du droit à indemnité : chaque aspect est encadré par la loi, laissant peu de place à l’arbitraire. L’employeur, détenteur d’un pouvoir d’organisation, doit conjuguer ses impératifs économiques avec le respect des droits individuels des salariés, tandis que ces derniers doivent exercer leur droit à congé dans le cadre légal prévu.
Les récentes réformes — notamment la loi du 22 avril 2024 et la jurisprudence du 10 septembre 2025 — ont profondément modifié les équilibres en matière de report et d’acquisition des congés pendant un arrêt maladie, harmonisant le droit français avec le droit de l’Union européenne. Ces ajustements traduisent une évolution majeure du droit du travail, où la protection du salarié tend à s’imposer comme un principe directeur.
Cet article a donc pour objectif de permettre aux professionnels comme aux salariés de comprendre les règles légales et conventionnelles encadrant la prise de congés payés : de la fixation des périodes à l’ordre des départs, du fractionnement à la fermeture temporaire de l’entreprise, jusqu’à la prescription et au report des congés non pris.
Un panorama complet pour anticiper, sécuriser et gérer les congés payés dans le respect du cadre juridique et de la jurisprudence actuelle.
La période de prise des congés payés correspond à la période pendant laquelle les salariés peuvent poser leurs congés. Conformément à l’article L3141-13 du Code du travail, cette période doit obligatoirement inclure la période allant du 1er mai au 31 octobre.
Elle peut être fixée :
L’employeur doit informer les salariés au moins deux mois avant l’ouverture de la période des congés (article D3141-5). Ce délai d’information constitue une garantie d’ordre public. En cas de manquement, une amende de 1 500 euros par salarié peut être prononcée, portée à 3 000 euros en cas de récidive.
Lorsque plusieurs salariés souhaitent partir en congé simultanément, l’employeur doit établir un ordre des départs. En l’absence d’accord collectif, cet ordre doit respecter les critères légaux prévus à l’article L3141-16 du Code du travail, à savoir :
Le CSE doit être consulté avant la fixation de cet ordre, mais son avis n’a qu’une valeur consultative. L’ordre des départs doit ensuite être communiqué au moins un mois avant le début des congés (article D3141-6). Tout manquement à cette règle expose également l’employeur à des sanctions administratives.
Les conjoints ou partenaires de PACS travaillant dans la même entreprise bénéficient d’un droit au congé simultané (article L3141-14).
L’employeur dispose du pouvoir de fermer temporairement l’entreprise et d’imposer des congés à l’ensemble des salariés, notamment pour des raisons économiques ou organisationnelles. Cependant, cette décision doit respecter plusieurs conditions :
En cas de fermeture supérieure à 24 jours ouvrables consécutifs, l’employeur doit verser une indemnité compensatrice (article L3141-31). Lorsque le salarié n’a pas acquis suffisamment de droits à congés, il peut bénéficier, sous certaines conditions, d’une aide financière de France Travail pour les jours non rémunérés.
Le fractionnement consiste à prendre une partie du congé principal en dehors de la période légale de prise des congés (1er mai - 31 octobre).
Selon l’article L3141-23 du Code du travail, le salarié peut obtenir :
Cette disposition s’applique en l’absence de convention contraire. Toutefois, le salarié peut renoncer expressément à ces jours supplémentaires par écrit (Cass. soc., 10 juillet 1986, n° 83-45402).
Ce mécanisme vise à compenser les contraintes liées au fractionnement du repos annuel, et constitue une protection importante pour le salarié.
L’article L3141-16 du Code du travail encadre strictement la modification des congés validés. Sauf circonstances exceptionnelles, l’employeur ne peut modifier les dates de départ à moins d’un mois du départ prévu.
Le report des congés non pris est également possible, mais uniquement dans des situations particulières :
La loi du 22 avril 2024 (DDADUE) et la jurisprudence de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (n° 23-22732) ont harmonisé le droit français avec le droit européen, imposant à l’employeur d’informer le salarié de ses droits à congés à son retour d’arrêt maladie. Le salarié dispose ensuite d’un délai de 15 mois pour les utiliser.
L’action en paiement d’indemnité de congés payés se prescrit par 3 ans, conformément à l’article L3245-1 du Code du travail. Cependant, la Cour de cassation (arrêt du 13 septembre 2023, n° 22-10529) a précisé que ce délai ne commence à courir qu’à partir du moment où l’employeur a effectivement permis au salarié d’exercer son droit à congé.
Cette interprétation, conforme au droit de l’Union européenne (Directive 2003/88/CE), renforce la responsabilité de l’employeur dans la gestion des droits à congés, empêchant toute prescription si le salarié n’a pas été correctement informé.
La gestion des congés payés ne relève pas uniquement d’une démarche administrative. Elle constitue un enjeu de dialogue social et de gouvernance RH.
La consultation du CSE, la transparence dans les critères de départ et la prise en compte de la situation individuelle des salariés participent au climat social et à la prévention des conflits.
Un management prévoyant et équitable, fondé sur la concertation et le respect des textes légaux, permet d’assurer la sérénité des départs en congés tout en préservant la continuité de l’activité économique.
La gestion des congés payés ne se limite pas à une formalité administrative : elle constitue une obligation légale à forte valeur protectrice, au cœur de la relation de travail. Chaque décision prise en la matière — qu’il s’agisse de la détermination de la période de congés, de l’ordre des départs, ou du report des jours non pris — engage la responsabilité juridique de l’employeur, qui doit garantir à chaque salarié la possibilité effective d’exercer son droit au repos.
Les récentes évolutions législatives, issues de la loi d’adaptation au droit de l’Union européenne du 22 avril 2024, ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation de 2025, rappellent l’importance du dialogue social et du respect du principe de proportionnalité entre les nécessités de l’entreprise et la protection du salarié.
Elles consacrent également le rôle prépondérant de la transparence et de l’information : informer le salarié de ses droits à congés, de la période de prise et de la possibilité de report n’est plus une simple bonne pratique, mais une exigence légale dont dépend la validité de la gestion des congés au sein de l’entreprise.
Dans un contexte où la jurisprudence tend à renforcer la protection du salarié face aux défaillances de l’employeur, la bonne gestion des congés payés devient un gage de conformité, de sérénité sociale et de performance organisationnelle.
Loin d’être un sujet secondaire, elle illustre la capacité de l’entreprise à conjuguer respect du droit, équilibre humain et efficacité économique.
Ainsi, comprendre et appliquer rigoureusement les règles relatives aux congés payés, c’est non seulement prévenir le contentieux, mais aussi valoriser la culture du dialogue et de la responsabilité sociale au cœur du droit du travail moderne.
La période de prise des congés payés est déterminée par accord d’entreprise ou convention collective, conformément à l’article L3141-13 du Code du travail. À défaut, l’employeur en fixe les dates après consultation du CSE, et doit inclure la période du 1er mai au 31 octobre.
Les salariés doivent être informés au moins deux mois avant l’ouverture de cette période. Ce délai d’information est impératif, et son non-respect expose l’employeur à une amende de 1 500 euros par salarié concerné.
L’ordre des départs en congés est établi soit par accord collectif, soit, en l’absence d’accord, directement par l’employeur (article L3141-16 du Code du travail).
Plusieurs critères légaux doivent être pris en compte :
Oui, l’employeur peut imposer la prise de congés lors d’une fermeture temporaire de l’entreprise, mais dans le respect du cadre légal.
Cette fermeture doit être conforme aux accords collectifs et intervenir entre le 1er mai et le 31 octobre, sauf disposition contraire.
En cas de fermeture supérieure à 24 jours ouvrables consécutifs, une indemnité compensatrice est due (article L3141-31 du Code du travail).
Si le salarié n’a pas acquis assez de jours pour couvrir cette période, il peut bénéficier d’un congé sans solde ou d’une aide de France Travail pour congés non payés.
Le fractionnement des congés permet de prendre une partie du congé principal en dehors de la période légale (1er mai – 31 octobre).
Conformément à l’article L3141-23 du Code du travail, le salarié bénéficie de jours supplémentaires :
En cas de maladie, accident ou maternité, les congés payés non pris doivent être reportés.
La loi du 22 avril 2024 (DDADUE), complétée par la jurisprudence de la Cour de cassation du 10 septembre 2025, impose à l’employeur d’informer le salarié de ses droits à congés dès son retour d’arrêt maladie.
Le salarié dispose alors d’un délai de 15 mois pour les utiliser.
En outre, la prescription triennale (article L3245-1 du Code du travail) ne commence à courir qu’à partir du moment où le salarié a été effectivement mis en mesure d’exercer son droit.