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Détenir des cryptos en 2025 : attention aux oublis qui peuvent coûter jusqu’à 60 % d’impôt

Estelle Marant
Collaboratrice
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Crypto-actifs et déclaration fiscale : ce que vous devez savoir en 2025 pour éviter le redressement

Alors que l’univers des cryptomonnaies séduit de plus en plus d’épargnants, les obligations fiscales qui en découlent restent encore trop souvent méconnues. Pourtant, l’arsenal juridique et fiscal se renforce. Le contribuable averti devra, dès cette année et plus encore à l’horizon 2027, veiller à déclarer ses plus-values, ses comptes à l’étranger et anticiper un contrôle fiscal redoutablement outillé. Retour sur un enjeu majeur de conformité patrimoniale.

Une campagne fiscale 2025 sous haute surveillance : attention à vos crypto-actifs

L’administration fiscale a officiellement ouvert la campagne de déclaration des revenus 2024 le 10 avril 2025, avec des dates limites de dépôt échelonnées par département :

  • 22 mai 2025 pour les départements numérotés de 1 à 19 et les non-résidents,
  • 28 mai 2025 pour les départements 20 à 54,
  • 5 juin 2025 pour les autres, jusqu’à la Réunion et Mayotte.

Ces échéances concernent les télédéclarations, devenues la norme. Pour les contribuables utilisant le format papier, la date butoir était fixée au 20 mai 2025.

Mais au-delà du calendrier, un enjeu croissant se profile : l’encadrement fiscal des crypto-actifs. À l’heure où plus de 12 % des Français détiennent des actifs numériques (étude EY–Ipsos, mars 2024), l’administration fiscale a renforcé ses dispositifs de contrôle et de traçabilité des opérations sur cryptomonnaies, notamment au moyen des déclarations spécifiques obligatoires.

Contrairement aux valeurs mobilières classiques ou à des revenus fonciers, les crypto-actifs ne se résument pas à une ligne standard sur la déclaration. Le contribuable doit détailler l’ensemble des opérations imposables (ventes, échanges, paiements en crypto…), justifier leur prix d’acquisition et de cession, et calculer la plus-value nette selon une formule spécifique. L’omission, même partielle, expose à des amendes lourdes, des pénalités de 40 à 80 %, voire à une procédure de contrôle élargie.

Opérations imposables sur cryptomonnaies : que dit la loi ?

Depuis la loi de finances pour 2019 (L. n° 2018-1317 du 28 décembre 2018), les gains réalisés sur les actifs numériques par les particuliers relèvent d’un régime spécifique. Deux types d’opérations sont considérés comme imposables au titre de l’impôt sur le revenu :

  • La conversion de cryptomonnaies en monnaie fiduciaire (euro, dollar, etc.) : toute vente de crypto contre des devises traditionnelles constitue une opération imposable ;
  • L’utilisation de cryptomonnaies pour l’acquisition de biens ou services : payer un achat via des tokens est assimilé à une cession générant une plus-value (ou une moins-value).

⚠️ À noter :

Si le montant total annuel des cessions (et non des gains) reste inférieur à 305 €, aucune imposition n’est due. Mais la déclaration reste obligatoire. Cette tolérance fiscale ne dispense donc pas de remplir le formulaire Cerfa n° 2086, annexé à la déclaration de revenus n° 2042.

Comment déclarer ses gains crypto en 2025 ?

Le formulaire 2086 impose une transparence totale. Pour chaque opération imposable, vous devez fournir :

  • La date de cession (vente, échange, paiement),
  • La valeur globale du portefeuille (en euros) juste avant la cession,
  • Le prix de cession de l’actif concerné,
  • Le prix d’acquisition de ce même actif.

Contrairement aux titres cotés, il ne suffit pas de soustraire un prix de vente à un prix d’achat. Le fisc impose une formule prenant en compte la valeur globale de votre portefeuille pour évaluer le gain économique réel :

Plus-value = Prix de cession – (Prix total d’acquisition net × Prix de cession ÷ Valeur globale du portefeuille avant la cession)

Ce mode de calcul, jugé plus équitable, s’applique opération par opération. Il exige une tenue rigoureuse de vos historiques de transactions, idéalement via un logiciel spécialisé ou l’assistance d’un conseiller fiscal.

Fiscalité des plus-values sur crypto-actifs : qui est concerné ?

Pour les particuliers (usage occasionnel) :

Les gains issus de cessions occasionnelles sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, également appelé flat tax :

  • 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu,
  • 17,2 % au titre des prélèvements sociaux.

Il est possible, sur option expresse et globale, de renoncer au PFU pour revenir au barème progressif de l’impôt sur le revenu, si cela est plus favorable (en particulier pour les foyers non imposables ou faiblement imposés).

Pour les professionnels (activité habituelle) :

Les contribuables exerçant une activité habituelle, organisée et rémunérée autour des cryptos (trading intensif, staking professionnel, minage, revente de NFT, etc.) relèvent du régime des Bénéfices non commerciaux (BNC) :

  • Régime micro-BNC si le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 77 700 €,
  • Régime réel au-delà.

Les revenus issus du minage ou du staking rémunéré sont également traités comme revenus d’activité non salariée, imposés selon les mêmes règles.

La frontière entre usage occasionnel et professionnel :

Elle se déduit d’un faisceau d’indices :

  • Nombre de transactions,
  • Durée d’activité,
  • Montant des gains générés,
  • Régularité et outils utilisés (bots, plateformes pros, etc.).

En cas de doute, l’administration peut requalifier les gains et appliquer le régime professionnel, avec effet rétroactif.

Comptes de crypto-actifs à l’étranger : la déclaration obligatoire devient incontournable

Une obligation déclarative stricte et coûteuse

Depuis plusieurs années, les contribuables domiciliés fiscalement en France sont tenus de déclarer tout compte numérique ouvert à l’étranger, y compris ceux dédiés aux crypto-actifs. L’article 1649 bis C du Code général des impôts (CGI) impose en effet la déclaration, via les formulaires Cerfa n° 3916 et 3916 bis, de tout compte numérique ouvert, détenu, utilisé ou clos à l’étranger, qu’il soit bancaire ou lié à une plateforme d’actifs numériques.

Sont donc concernés les portefeuilles ouverts sur Binance, Kraken, Coinbase, KuCoin, Bybit, Bitget, et autres plateformes domiciliées hors de France, même si l’interface est en français et que l’utilisateur est résident fiscal français. La localisation juridique du prestataire fait foi, non celle de l’accès technique.

Seule exception à cette obligation : les cold wallets auto-hébergés, c’est-à-dire les portefeuilles pour lesquels l’utilisateur détient seul la clé privée d’accès, sans intervention d’un prestataire tiers.

Des sanctions financières redoutables

Le coût d’un simple oubli peut s’avérer particulièrement dissuasif, d’autant que les contrôles fiscaux se numérisent et se systématisent. En cas d’absence de déclaration :

  • 750 € d’amende par compte non déclaré,
  • + 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 €,
  • Montants doublés si la valeur du compte dépasse 50 000 € au cours de l’année concernée :
    1 500 € + 250 €, soit jusqu’à 20 000 € de pénalité potentielle.

S’ajoutent à cela les pénalités de 40 % à 80 % en cas de dissimulation, de fraude caractérisée ou de défaut de déclaration volontaire, qui peuvent être majorées d’intérêts de retard calculés sur l’ensemble des gains non déclarés.

Directive DAC 8 : la fin du secret bancaire des cryptos dès 2027

Le secret bancaire numérique, longtemps perçu comme un atout par les détenteurs de crypto-actifs, vit ses dernières heures en Europe. En effet, l’article 54 de la loi de finances pour 2025 transpose en droit français la directive européenne DAC 8 (directive UE 2023/2226 du 17 octobre 2023).

À partir de 2027, toutes les plateformes de crypto-actifs opérant en France ou ayant des clients français, même sans établissement en France, auront l’obligation de transmettre à l’administration fiscale les données de leurs utilisateurs, dès lors que ceux-ci sont domiciliés en France.

Des informations précises transmises à Bercy :

  • Nature des opérations (achat, vente, conversion, staking, lending, etc.),
  • Valeur des transactions,
  • Nombre d’unités échangées,
  • Coordonnées et identifiants des utilisateurs.

Des sanctions exemplaires pour les plateformes non coopératives :

  • 15 € d’amende par transaction non ou mal déclarée, plafonnée à 2 millions d’euros par an,
  • 50 000 € d’amende en cas de manquement aux obligations de diligence,
  • Interdiction d’exercer en France après deux rappels et 60 jours de mise en demeure sans conformité.

Cette logique de transparence fiscale automatisée, déjà en vigueur dans le secteur bancaire classique (directive CRS, FATCA), s’étend donc pleinement au Web3, aux actifs numériques et aux prestataires décentralisés dès 2027. Les détenteurs de comptes étrangers non déclarés ne pourront plus se cacher derrière l’écran d’une interface cryptée.

Un renversement de preuve défavorable : la présomption d’acquisition à titre gratuit

Autre avancée législative majeure de la loi de finances pour 2025, son article 59 introduit une présomption fiscale radicale à l’encontre des contribuables qui n’ont pas déclaré au moins une fois un compte d’actifs numériques à l’étranger sur les dix dernières années.

Désormais, l’administration peut exiger sans contrôle préalable que le contribuable justifie :

  • L’origine des avoirs logés dans le compte étranger,
  • Les modalités de leur acquisition (achat direct, minage, activité rémunérée, plus-values réinvesties…).

Le délai de réponse est resserré :

  • 60 jours pour répondre à la première demande,
  • puis 30 jours supplémentaires en cas de réponse jugée insuffisante.

⚠️ Si, à l’issue de ces échanges, aucune preuve crédible n’est fournie, l’administration fiscale applique une présomption légale d’acquisition à titre gratuit, ce qui entraîne :

  • Taxation aux droits de mutation à titre gratuit,
  • Application du taux marginal de 60 %, applicable aux donations ou successions entre non-parents.

Cette présomption est réfragable, mais nécessite une documentation complète, fiable et datée (preuves d’achats, historiques de portefeuille, relevés bancaires d’origine des fonds, capture de plateformes, contrats, etc.). À défaut, les sommes détenues sont considérées comme du patrimoine transmis gratuitement et sont taxées en conséquence.

Conclusion : les cryptos ne sont plus un angle mort fiscal

Les contribuables fortunés, jeunes investisseurs ou profils expérimentés doivent adapter leur stratégie patrimoniale. Le temps de l’ombre est révolu. Le fisc dispose désormais d’outils puissants, interconnectés et alimentés par les plateformes elles-mêmes.

Pour éviter les redressements, l’exclusion de certains dispositifs fiscaux ou la présomption d’infractions, il est impératif de :

  • Déclarer toutes ses plus-values même modestes,
  • Mentionner tous ses comptes étrangers,
  • Conserver une traçabilité claire des opérations.

Faire appel à un conseil fiscal (avocat, notaire, expert-comptable) devient un acte de gestion patrimoniale rationnelle, au même titre que la diversification de ses actifs. En 2025, la régularité vaut plus que l’opacité.

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