Travail

Discrimination salariale femmes-hommes : ce que la loi impose aux employeurs

Estelle Marant
Collaboratrice
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Salaires et égalité femmes-hommes : que doit respecter l’employeur en 2025 ?

En France, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est un principe affirmé depuis longtemps, mais qui peine encore à être pleinement respecté. Selon l’Insee, les femmes perçoivent en moyenne 24 % de salaire en moins que les hommes. Ce constat démontre que malgré les dispositifs légaux et les politiques publiques, les discriminations salariales persistent.

Le Code du travail consacre pourtant le principe « à travail égal, salaire égal », garantissant qu’une différence de traitement ne peut se justifier que par des critères objectifs et vérifiables, indépendants du sexe. Face à cette situation, le législateur a renforcé les obligations pesant sur les employeurs, en particulier depuis l’instauration de l’index égalité professionnelle en 2019. Ce dispositif, couplé à des mécanismes de transparence et de sanctions, impose aux entreprises de mesurer, publier et corriger les écarts de rémunération.

À l’échelle européenne, la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 impose aux États membres, dont la France, d’intégrer d’ici au 7 juin 2026 de nouvelles règles visant à renforcer la transparence salariale et faciliter les recours des travailleurs.

Ainsi, chaque entreprise doit désormais intégrer l’égalité salariale dans sa stratégie sociale et managériale. Le non-respect de ces obligations expose l’employeur à des sanctions financières et à un risque réputationnel important.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition du principe d’égalité de rémunération
  3. Différences de salaire : quels critères peuvent les justifier ?
  4. L’index égalité professionnelle femmes-hommes
    4.1 Publication des résultats
    4.2 Sanctions et mesures correctives
  5. Sanctions en cas de discrimination salariale
  6. La directive européenne sur la transparence des rémunérations
  7. Perspectives et enjeux pour les entreprises
  8. Conclusion

Définition du principe d’égalité de rémunération

L’article L3221-2 du Code du travail dispose qu’un employeur doit assurer une rémunération identique pour un travail de valeur égale. La notion de « valeur égale » repose sur des critères définis par l’article L3221-4 :

  • la nature des tâches,
  • les conditions de formation,
  • les responsabilités assumées,
  • la charge de travail.

Il en découle que les écarts de rémunération ne peuvent être justifiés que par des éléments objectifs tels que l’ancienneté, les compétences acquises ou la performance mesurable (Cass. soc., 6 juill. 2010, n° 09-40.021). Toute autre justification reposant sur le sexe du salarié constitue une discrimination prohibée.

Différences de salaires : critères de justification admis

Le principe de l’égalité salariale n’interdit pas toute différence de rémunération. Celle-ci peut être admise si l’employeur apporte la preuve de critères objectifs, pertinents et matériellement vérifiables. Par exemple :

  • un diplôme ou une qualification spécifique,
  • une expérience professionnelle antérieure,
  • une performance supérieure constatée,
  • des responsabilités particulières assumées.

En revanche, des critères flous ou subjectifs (comme l’argument du marché de l’emploi) ne suffisent pas. En cas de contestation, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes (article L1411-1 du Code du travail). La charge de la preuve est partagée : le salarié doit apporter des éléments laissant supposer une inégalité, et l’employeur doit démontrer la justification de la différence.

L’index égalité professionnelle femmes-hommes

Un outil de mesure obligatoire

Depuis 2019, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent publier chaque année un index égalité professionnelle. Cet outil, noté sur 100 points, évalue les écarts de rémunération et les actions mises en œuvre pour les réduire.

L’index se calcule à partir d’indicateurs définis par décret, tels que :

  • l’écart de rémunération moyen entre les femmes et les hommes,
  • l’écart dans les augmentations individuelles et promotions,
  • le pourcentage de salariées augmentées après un congé maternité,
  • la présence des femmes parmi les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise.

Les résultats doivent être publiés chaque année au plus tard le 1er mars. Ils doivent également être transmis au comité social et économique (CSE).

Sanctions en cas de mauvais résultats

Si la note obtenue est inférieure à 75/100, l’entreprise doit mettre en œuvre des mesures correctives et, le cas échéant, des rattrapages salariaux. En cas de non-conformité persistante au bout de 3 ans, l’employeur s’expose à une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale.

Sanctions en cas de discrimination salariale

L’absence de respect du principe d’égalité de rémunération expose l’employeur à plusieurs types de sanctions :

  • Amende contraventionnelle de 1 500 € par salarié concerné (article R3222-1 du Code du travail), applicable autant de fois que le nombre de travailleurs lésés.
  • Nullité des clauses contractuelles discriminatoires : toute stipulation qui méconnaît le principe d’égalité est réputée non écrite. Dans ce cas, c’est la rémunération la plus élevée qui s’applique automatiquement.
  • Condamnation prud’homale : le juge peut ordonner le versement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice moral et financier du salarié victime de discrimination.

La nouvelle directive européenne du 10 mai 2023

La directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 impose aux États membres de transposer d’ici le 7 juin 2026 de nouvelles obligations :

  • transparence salariale avant embauche : communication de la rémunération ou de la fourchette salariale dès l’offre d’emploi,
  • droit d’information renforcé : les salariés pourront obtenir des données comparatives par sexe,
  • renforcement des recours judiciaires : possibilité pour un plaignant de ne pas supporter les frais de procédure si sa démarche est jugée légitime,
  • sanctions financières harmonisées à l’échelle européenne,
  • droit à indemnisation intégrale pour les travailleurs victimes d’une discrimination salariale.

Cette directive marque une étape décisive en instaurant une véritable culture de la transparence salariale.

Perspectives et enjeux pour les entreprises

L’égalité salariale est plus qu’une obligation légale : c’est un enjeu de performance sociale et de responsabilité sociétale pour les entreprises. La mise en place d’une politique de rémunération équitable permet d’attirer et de fidéliser les talents, de renforcer la cohésion interne et d’améliorer l’image de l’employeur.

Avec l’arrivée de la directive européenne et le renforcement des contrôles en France, les entreprises devront aller au-delà des simples obligations déclaratives. Une gestion proactive et transparente des rémunérations devient indispensable pour prévenir les risques juridiques et construire une culture d’égalité durable.

Conclusion

L’égalité salariale entre les femmes et les hommes n’est pas seulement un principe juridique abstrait : elle est le reflet d’un engagement sociétal, économique et éthique qui s’impose à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. En imposant aux employeurs de respecter le principe « à travail égal, salaire égal », le législateur consacre une exigence de justice sociale, mais aussi un impératif de transparence et de responsabilité.

Les obligations qui en découlent sont multiples et ne cessent de se renforcer. L’instauration de l’index égalité professionnelle, la publication annuelle des résultats, la fixation d’objectifs de progression et la mise en œuvre de mesures correctives sont autant d’instruments destinés à contraindre les entreprises à agir concrètement contre les discriminations. Ces obligations s’accompagnent de sanctions financières pouvant atteindre 1 % de la masse salariale, mais aussi de conséquences judiciaires et réputationnelles non négligeables.

La future transposition de la directive européenne du 10 mai 2023 marque une nouvelle étape en introduisant la transparence salariale dès la phase de recrutement et en facilitant l’accès aux recours judiciaires. Désormais, les salariés disposeront de leviers renforcés pour exiger l’application effective du droit à une rémunération équitable. L’employeur, quant à lui, devra anticiper ces évolutions pour adapter ses pratiques, mettre en place des outils de suivi fiables et instaurer un dialogue social autour de l’égalité.

Mais au-delà de la contrainte juridique, l’égalité salariale représente une véritable opportunité stratégique pour les entreprises. Favoriser l’équité entre les femmes et les hommes contribue à améliorer la motivation des salariés, à renforcer l’attractivité de l’entreprise et à consolider sa marque employeur. À l’échelle collective, il s’agit d’un levier indispensable pour réduire les inégalités sociales et promouvoir un modèle économique plus juste et plus inclusif.

En somme, l’égalité de rémunération est à la fois une obligation légale, une exigence morale et un facteur de performance globale. Les entreprises ne peuvent plus se contenter de démarches symboliques : elles doivent s’inscrire dans une dynamique proactive de conformité et de transparence, en intégrant l’égalité salariale comme un pilier incontournable de leur politique sociale et de leur stratégie de développement.

FAQ

1. Qu’impose la loi française aux entreprises en matière d’égalité salariale femmes-hommes ?
La loi française repose sur un principe clair : à travail égal, salaire égal (article L3221-2 du Code du travail). Cela signifie que deux salariés, homme et femme, effectuant un travail identique ou de valeur égale, doivent bénéficier d’une rémunération équivalente. Cette égalité concerne non seulement le salaire de base, mais aussi toutes les composantes de la rémunération : primes, avantages en nature, gratifications, indemnités ou encore avantages liés à la performance.

Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent publier chaque année un index égalité professionnelle mesurant les écarts de rémunération et les actions correctives mises en place. Cette obligation vise à rendre les pratiques salariales plus transparentes et à contraindre les employeurs à corriger les déséquilibres persistants.

2. Qu’est-ce que l’index égalité professionnelle et comment se calcule-t-il ?
L’index égalité professionnelle femmes-hommes est un outil de diagnostic obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus (article L1142-7 du Code du travail). Il repose sur plusieurs indicateurs, définis en fonction de la taille de l’entreprise :

  • l’écart de rémunération moyen entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables,
  • l’écart dans les augmentations individuelles et les promotions,
  • le pourcentage de salariées augmentées après un congé maternité,
  • la proportion de femmes parmi les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise.

Chaque indicateur attribue un certain nombre de points. Le total forme une note globale sur 100. Une note inférieure à 75/100 oblige l’employeur à prendre des mesures correctives, notamment un rattrapage salarial. Le résultat doit être publié chaque année avant le 1er mars sur le site internet de l’entreprise ou, à défaut, communiqué aux salariés par tout moyen.

3. Quelles sanctions risquent les employeurs en cas de discrimination salariale ?
Les sanctions sont à la fois pénales, civiles et administratives.

  • Amende contraventionnelle : en cas de non-respect du principe d’égalité salariale, l’employeur s’expose à une amende de 1 500 € par salarié lésé (article R3222-1 du Code du travail).
  • Nullité des clauses discriminatoires : toute stipulation contractuelle ou conventionnelle qui méconnaît l’égalité de rémunération est réputée nulle (article L1142-3). Dans ce cas, la rémunération la plus favorable s’applique automatiquement.
  • Sanction financière liée à l’index égalité : si l’entreprise obtient une note inférieure à 75/100 pendant 3 années consécutives, elle peut être sanctionnée par une pénalité pouvant atteindre 1 % de la masse salariale (article L1142-9 du Code du travail).
  • Responsabilité prud’homale : un salarié discriminé peut saisir le conseil de prud’hommes et obtenir réparation intégrale de son préjudice moral et financier.

Ces sanctions visent à rendre la règle contraignante et à inciter les entreprises à agir pour corriger les écarts constatés.

4. En quoi la directive européenne de 2023 renforce-t-elle les obligations des entreprises ?
La directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023, qui doit être transposée en droit français d’ici le 7 juin 2026, constitue une avancée majeure vers la transparence salariale. Elle impose notamment :

  • un droit à l’information renforcé : les salariés pourront demander des données sur la rémunération moyenne des personnes occupant un poste similaire, ventilées par sexe ;
  • la transparence dès l’embauche : les offres d’emploi devront mentionner la rémunération ou une fourchette salariale objective, interdisant toute négociation fondée sur le sexe du candidat ;
  • des recours facilités : les frais de procédure ne devront plus dissuader un salarié d’agir, les juridictions pouvant dispenser le plaignant de frais en cas de recours légitime ;
  • des sanctions harmonisées : les États membres doivent prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives contre les employeurs fautifs ;
  • un droit à indemnisation : tout salarié victime d’une inégalité salariale pourra prétendre à une réparation intégrale du préjudice subi.

Cette directive impose aux entreprises de revoir leur politique de rémunération et d’adopter une gestion proactive pour éviter les contentieux.

5. Comment un salarié peut-il agir en cas d’inégalité salariale constatée ?
Un salarié estimant être victime d’une inégalité salariale dispose de plusieurs recours :

  • En interne : il peut solliciter l’appui du comité social et économique (CSE), qui dispose d’un droit d’alerte sur les discriminations en matière de rémunération.
  • Auprès de l’administration : la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) peut intervenir pour constater et sanctionner une infraction.
  • En justice : le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes (article L1411-1 du Code du travail). La charge de la preuve est aménagée : il doit fournir des éléments laissant supposer une discrimination, et l’employeur doit démontrer que la différence est justifiée par des critères objectifs (article L1134-1 du Code du travail).

En cas de succès, le salarié peut obtenir :

  • le rétablissement d’une rémunération équitable,
  • le paiement des arriérés de salaires,
  • des dommages et intérêts pour compenser son préjudice moral et financier.

Avec la directive européenne, ces recours seront encore facilités, ce qui devrait encourager davantage de salariés à agir pour faire respecter leurs droits.

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