Dans un contexte où la montée en compétences des salariés est au cœur des enjeux de compétitivité des entreprises, la formation professionnelle occupe une place stratégique, tant pour l’employeur que pour le salarié.
Créé par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014, le Compte Personnel de Formation (CPF) s’inscrit dans cette dynamique. Il vise à favoriser l’accès à la qualification, l’évolution professionnelle et la sécurisation des parcours. Dispositif individuel rattaché à la personne dès son entrée sur le marché du travail, le CPF peut être mobilisé tout au long de la vie active, y compris pendant les périodes de chômage.
Toutefois, bien que le CPF relève de la seule initiative du salarié, l’employeur n’est pas en marge du dispositif. Il reste tenu, en vertu du Code du travail, d’un certain nombre d’obligations juridiques en matière de formation, de financement, de maintien de la rémunération ou encore d’articulation avec le temps de travail.
De plus, des réformes récentes — comme la mise en place d’une participation forfaitaire obligatoire depuis mai 2024 ou la clarification des conditions d’éligibilité pour le financement du permis de conduire — viennent impacter concrètement la gestion RH dans les entreprises.
Dans cette analyse approfondie, nous vous proposons de décrypter les obligations qui incombent à l’employeur au regard du CPF, en mobilisant les références juridiques actuelles du Code du travail et les derniers textes réglementaires. Quels sont vos devoirs en matière d’entretien professionnel ?
Comment financer tout ou partie d’une formation CPF ? Dans quelles conditions votre accord est-il requis ? Et surtout, quelles sont les conséquences juridiques en cas de manquement ? Autant de questions essentielles auxquelles cet article entend répondre avec clarté et précision, au service d’un pilotage juridique éclairé de vos ressources humaines.
L’article L6111-1 du Code du travail affirme que la formation professionnelle constitue une obligation nationale. À ce titre, l’employeur est tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, en tenant compte notamment de l’évolution des métiers, des technologies et des organisations.
Concrètement, cela se traduit par la mise en place d’actions de formation, y compris en matière de compétences numériques, ou encore de lutte contre l’illettrisme. L’entretien professionnel est l’un des moments clés où doivent être abordées les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, mais aussi les possibilités de mobilisation du CPF et les abondements que l’employeur peut accorder.
En cas de manquement à cette obligation de formation, l’employeur peut être condamné à verser des dommages-intérêts (Cass. soc., 5 octobre 2016, n° 15-13594).
L’article L6131-1 du Code du travail prévoit que les employeurs doivent participer au financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Cette contribution prend plusieurs formes :
En parallèle, l’employeur peut financer directement des actions de formation spécifiques à ses salariés.
Non. Le CPF est un droit individuel. L’article L6323-2 du Code du travail précise que le salarié est seul maître de la mobilisation de ses droits CPF. Ainsi, l’employeur ne peut en aucun cas imposer à un salarié d’utiliser ses crédits CPF. Le refus d’un salarié de suivre une formation dans ce cadre ne constitue pas une faute disciplinaire.
Les formations éligibles doivent être certifiantes et enregistrées soit :
Sont également éligibles :
Depuis la loi de finances pour 2025, les formations destinées aux créateurs ou repreneurs d’entreprise doivent être certifiées et inscrites au RNCP pour être éligibles au CPF.
Les travailleurs indépendants ont également accès au CPF. Toutefois, les formations accessibles sont restreintes et doivent être validées par leur fonds d’assurance formation (FAF).
Les actions éligibles incluent :
Tout dépend du moment de la formation :
Néanmoins, dans le cadre d’un projet de transition professionnelle, l’employeur peut refuser la demande d’absence, mais doit alors motiver son refus.
Lorsqu’une formation CPF est suivie pendant le temps de travail, elle est assimilée à du temps de travail effectif. À ce titre, la rémunération est maintenue et le salarié bénéficie de la protection relative aux accidents du travail et maladies professionnelles.
L’employeur peut effectuer un abondement volontaire du CPF :
L’abondement permet notamment de couvrir le reste à charge, lorsque les droits acquis sont insuffisants pour financer une formation. Il peut également constituer un outil de fidélisation, sous réserve d’une clause de dédit-formation dûment formalisée.
Depuis le 2 mai 2024, une participation forfaitaire de 100 euros (revalorisée à 102,23 euros pour 2025) est exigée pour toute mobilisation du CPF (Décret n°2024-394 du 29 avril 2024 et arrêté du 26 décembre 2024).
Cette somme est due par le salarié, sauf exceptions :
L’employeur peut prendre en charge cette somme, en tout ou partie, pour faciliter l’accès à la formation.
Le Décret n°2024-444 du 17 mai 2024, pris en application de la loi n°2023-479 du 21 juin 2023, élargit les formations éligibles au CPF à :
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 19 mai 2024.
Le Compte Personnel de Formation, bien qu’étant un droit individuel et autonome du salarié, ne saurait être dissocié de la politique de gestion des compétences portée par l’employeur. À travers l’entretien professionnel, la participation au financement de la formation, les abondements ciblés ou l’aménagement du temps de travail, l’entreprise demeure un acteur clé dans l’effectivité du droit à la formation.
Les récents ajustements législatifs — tels que la participation financière obligatoire du salarié, l’extension de l’éligibilité du permis de conduire au CPF sous conditions, ou encore le renforcement du contrôle sur les formations certifiantes — imposent aux employeurs de se tenir informés et de réviser leurs pratiques internes. En cas de non-respect de leurs obligations, les employeurs s’exposent à des sanctions civiles, notamment en matière de contentieux prud’homal.
Il est donc recommandé d’anticiper les demandes CPF des salariés, de sécuriser les procédures (demande d’autorisation d’absence, clauses de dédit-formation, formalisation des abondements), et de soutenir activement les parcours professionnels, non seulement pour se conformer au droit positif, mais également pour répondre aux défis d’attractivité, de fidélisation et de performance durable.
En définitive, le CPF n’est pas un simple outil périphérique : il s’inscrit dans une démarche stratégique de gestion des talents, au carrefour des obligations légales et des enjeux économiques contemporains. Une bonne connaissance du cadre juridique applicable permettra aux employeurs de transformer cette contrainte réglementaire en levier de transformation et de valorisation des compétences.
Oui, mais uniquement dans des cas très précis. Si la formation est prévue pendant le temps de travail, le salarié doit obtenir l’autorisation préalable de son employeur. Ce dernier dispose d’un délai de 30 jours calendaires pour répondre. L’absence de réponse équivaut à un accord tacite (article D6323-4 du Code du travail).
L’employeur peut refuser uniquement pour des raisons objectives liées à l’organisation du service, à la charge de travail ou à l’intérêt de l’entreprise. Ce refus n’a aucun effet sur le droit du salarié à mobiliser son CPF ultérieurement.
En revanche, si la formation a lieu en dehors des heures de travail, l’employeur ne peut ni s’opposer ni intervenir, et n’a pas à être informé. Le CPF est alors mobilisé de manière totalement autonome par le salarié, sans validation hiérarchique.
Les obligations en matière de formation professionnelle sont impératives. À défaut, l’employeur s’expose à des conséquences juridiques sérieuses. La jurisprudence reconnaît au salarié un droit à réparation en cas de manquement à l’obligation de formation, notamment lorsque cela a entravé son évolution professionnelle ou son employabilité (Cass. soc., 5 oct. 2016, n°15-13594).
De plus, le non-respect des obligations liées à l’entretien professionnel peut, dans les entreprises de plus de 50 salariés, conduire à un abondement d’office de 3 000 euros sur le CPF du salarié (article L6323-13 du Code du travail), à la charge de l’employeur.
Enfin, le manquement à ces obligations peut aussi fragiliser l’entreprise en cas de licenciement, en exposant l’employeur à des contestations pour défaut d’adaptation au poste de travail ou absence de formation suffisante.
L’employeur a la possibilité d’abonder le CPF d’un salarié, c’est-à-dire d’ajouter des droits complémentaires, en dehors des crédits déjà acquis par le salarié. L’abondement peut être :
L’abondement peut être monétisé sur la plateforme officielle Mon Compte Formation, via un compte employeur. Il est aussi possible de conditionner l’abondement à la signature d’une clause de dédit-formation, protégeant l’employeur en cas de départ anticipé du salarié formé.
Cet outil peut ainsi servir de levier de gestion des talents, en accompagnant des mobilités internes, des reconversions ou des projets professionnels stratégiques.
Oui. Conformément à l’article L6323-18 du Code du travail, les heures de formation suivies sur le temps de travail sont assimilées à du temps de travail effectif, avec maintien intégral de la rémunération brute mensuelle.
Le salarié continue de percevoir l’ensemble de ses droits sociaux (mutuelle, retraite, ancienneté). De plus, il est couvert par le régime d’accidents du travail pendant toute la durée de la formation (article L6323-19).
À noter : si la formation s’effectue hors temps de travail, aucune obligation de rémunération ne pèse sur l’employeur, sauf disposition conventionnelle ou accord interne plus favorable.
Cette règle constitue une incitation pour les employeurs à anticiper et planifier les demandes de formation afin d’en limiter les impacts organisationnels, tout en respectant les droits des salariés.
Depuis le 2 mai 2024, la loi de finances pour 2023 (art. L6323-4 du Code du travail) a instauré une participation forfaitaire pour tout achat de formation via le CPF. En 2025, ce montant a été revalorisé à 102,23 euros (arrêté du 26 décembre 2024).
En principe, c’est au titulaire du CPF, donc le salarié, de s’en acquitter. Toutefois, cette participation peut être prise en charge :
Certains publics sont exonérés : les demandeurs d’emploi, les personnes utilisant leur compte professionnel de prévention (C2P) dans le cadre d’une reconversion, ou encore les salariés bénéficiant d’un abondement par l’employeur.
Cette mesure a pour but de responsabiliser l’usage du CPF, tout en maintenant la possibilité d’un soutien externe pour les salariés motivés, dans une logique de cofinancement souple et incitatif.