Pénal

Effacement casier judiciaire B2 et TAJ : réussir sa naturalisation

Estelle Marant
Collaboratrice
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La demande de naturalisation française repose sur une condition essentielle : justifier d’une bonne vie et mœurs. Cette exigence signifie que le candidat doit présenter un parcours exempt de comportements incompatibles avec l’intégration dans la communauté nationale.

Or, une ancienne condamnation pénale ou même une simple inscription dans un fichier judiciaire peut faire obstacle à l’obtention de la nationalité.

Face à cette difficulté, le droit prévoit plusieurs mécanismes permettant d’« assainir » son passé judiciaire, de démontrer une véritable réinsertion sociale, et de neutraliser les conséquences d’une condamnation ancienne. Parmi ces outils, l’exclusion d’une condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, la réhabilitation et l’effacement d’une mention au TAJ (traitement des antécédents judiciaires) sont les leviers principaux.

Sommaire

  • Pourquoi votre casier peut bloquer une naturalisation
  • Les voies juridiques pour « assainir » votre situation
  • La procédure pas à pas (modèle de requête et pièces)
  • Cas particuliers, erreurs fréquentes et bonnes stratégies
  • Conclusion
  • Textes applicables

Pourquoi votre casier peut bloquer une naturalisation

La naturalisation par décision de l’autorité publique suppose notamment une bonne vie et mœurs : une condamnation pénale peut fonder un refus, même ancienne, si elle fait douter de votre moralité actuelle. Le Code civil le rappelle expressément (« nul ne peut être naturalisé s’il n’est pas de bonnes vie et mœurs »).

Dans l’instruction du dossier, l’administration peut consulter le bulletin n° 2 (B2) de votre casier — document réservé aux autorités publiques — et tenir compte de ses mentions. Le B2 n’est pas accessible au public ni au candidat : seules certaines autorités et employeurs habilités peuvent le recevoir.

Bon à savoir
Le B2 n’est pas votre B3. Le B3 (que vous seul pouvez obtenir) comporte moins de mentions et ne suffit pas à évaluer le risque pour la naturalisation. Effacer le B3 n’efface pas le B2.

Astuce
Vous ne pouvez pas demander une copie de votre B2, mais vous pouvez solliciter sa consultation auprès du procureur pour connaître ce qu’il contient (utile avant toute démarche d’effacement).

Par ailleurs, l’autorité de naturalisation vérifie aussi vos antécédents à l’étranger : le décret de 1993 impose la production d’un extrait de casier du ou des pays de résidence des dix dernières années (ou équivalent), point crucial pour des parcours internationaux.

Les voies juridiques pour « assainir » votre situation

Exclure la mention du B2 : la voie la plus directe

Le Code de procédure pénale prévoit que le juge ou le procureur peut ordonner l’exclusion d’une condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. Cette démarche est la plus pertinente dans un projet de naturalisation, car c’est précisément ce bulletin que l’administration consultera.

L’exclusion produit des effets immédiats et puissants : elle entraîne automatiquement le relèvement de toutes les incapacités, déchéances et interdictions attachées à la condamnation (ex. interdiction professionnelle, interdiction de gérer). Autrement dit, elle « neutralise » la condamnation pour l’avenir administratif.

Cependant, cette faculté n’est pas universelle : le législateur a expressément exclu les infractions sexuelles visées à l’article 706-47 du CPP. Pour ce type de faits, l’effacement du B2 est juridiquement impossible, la seule issue restant la réhabilitation.

Astuce
Si vous sollicitez la naturalisation, concentrez votre stratégie sur l’exclusion B2. Même si votre B3 (que vous pouvez demander vous-même) paraît vierge, cela n’est pas suffisant : l’administration ne se fonde pas sur ce bulletin mais sur le B2, beaucoup plus complet.

Obtenir une réhabilitation : une purge globale

La réhabilitation, prévue par le Code pénal, constitue une autre voie d’« assainissement » de votre passé pénal. Elle peut être :

  • de plein droit : automatique après des délais légaux, à condition de ne pas avoir été condamné à nouveau dans l’intervalle ;
  • judiciaire : accordée par la chambre de l’application des peines, sur demande expresse, avant l’expiration des délais légaux.

Les effets de la réhabilitation sont plus larges que l’exclusion B2 : elle efface en totalité les condamnations du casier judiciaire, rétablit la personne dans l’intégralité de ses droits, et fait disparaître les conséquences pénales et civiles de la sanction.

En revanche, la réhabilitation suppose une stabilité sur la durée : absence de récidive, insertion sociale, respect des obligations légales et fiscales.

Bon à savoir
Les délais dépendent de la gravité de la peine : plus la condamnation est lourde, plus le délai est long. Par exemple, après une simple amende contraventionnelle, le délai est de 3 ans, alors qu’après une peine correctionnelle de prison avec sursis, il peut atteindre 5 ans ou plus.
Pour une demande de naturalisation urgente, la réhabilitation judiciaire peut être trop lente à enclencher : dans ce cas, l’exclusion B2 reste la voie prioritaire.

Ne pas oublier le TAJ : l’ombre des fichiers de police

Au-delà du casier judiciaire, il existe un autre obstacle : le TAJ (traitement des antécédents judiciaires), fichier de police recensant les gardes à vue, mises en cause et certaines procédures, même sans condamnation définitive.

L’administration chargée de la naturalisation consulte également le TAJ. Un refus peut ainsi intervenir même si votre casier judiciaire a été purgé, dès lors que le TAJ mentionne des faits récents ou non effacés.

Le régime du TAJ est spécifique : son effacement ou sa rectification repose sur l’article 230-8 du CPP. La demande doit être adressée au procureur de la République du lieu de la procédure, et elle est appréciée au regard de critères précis :

  • absence de récidive,
  • régularisation des suites pénales (paiement d’amende, exécution de la peine),
  • insertion professionnelle et sociale,
  • disproportion manifeste entre la persistance de l’inscription et la situation actuelle.

Bon à savoir
Effacer une condamnation du B2 n’a aucun effet sur le TAJ. Ce sont deux démarches totalement séparées : l’une ne dispense pas de l’autre. Pour sécuriser un dossier de naturalisation, il faut souvent combiner les deux démarches.

La procédure pas à pas (modèle de requête et pièces)

À qui adresser la demande ?

En pratique, la requête d’exclusion du B2 est adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire ayant prononcé la dernière condamnation (ou à celui compétent pour centraliser). Joignez la copie de la décision, l’historique pénal et tout justificatif récent. (Pratique professionnelle admise.)

Astuce
Si plusieurs condamnations figurent au B2, visez la plus récente d’abord : une exclusion partielle peut déjà débloquer votre naturalisation, puis vous traiterez les autres.

Contenu conseillé de la requête

  • Identité complète et coordonnées
  • Rappel des faits et de la peine (date, juridiction, références)
  • Fondement juridique (exclusion B2) et intérêt actuel : projet de naturalisation, enjeux professionnels, vie familiale
  • Éléments d’insertion : CDI, bulletins de salaire, impôts, logement stable, implication associative, attestations d’employeur
  • Absence de récidive et bon comportement depuis la condamnation
  • Demandes connexes (si utile) : transmission de la décision au Casier judiciaire national et mise à jour des fichiers concernés

Bon à savoir
L’exclusion B2 produit un relèvement des interdictions/déchéances liées à la condamnation (ex. interdiction professionnelle), ce qui peut sécuriser l’appréciation de votre moralité par l’administration.

Délais, suites et recours

  • Instruction par le parquet ; il peut requérir des informations complémentaires.
  • En cas de refus ou de silence prolongé, envisagez la réhabilitation judiciaire (si éligible) ou une nouvelle requête mieux étayée après quelques mois (stabilité renforcée, nouvelles pièces).
  • Si votre dossier est parasité par le TAJ, déposez en parallèle une demande d’effacement/rectification sur le fondement de l’article 230-8 CPP (modalités spécifiques, possibilité de recours).

Astuce
Synchronisez vos démarches : B2 d’abord, TAJ ensuite (si nécessaire). Un B2 « propre » met déjà votre dossier de naturalisation dans de bien meilleures conditions.

Cas particuliers, erreurs fréquentes et bonnes stratégies

Infractions exclues

Toutes les condamnations ne peuvent pas être effacées du bulletin n° 2. Le législateur a expressément prévu que les infractions sexuelles mentionnées à l’article 706-47 du Code de procédure pénale — comme les agressions sexuelles, le viol, la corruption de mineur, ou encore la traite à des fins sexuelles — ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une exclusion. Dans ces hypothèses, la seule solution reste la réhabilitation, après respect des délais et conditions.
Il est donc crucial de vérifier la qualification exacte de la condamnation avant d’engager des frais ou de déposer une requête qui serait d’emblée irrecevable.

« J’ai un B3 vierge, c’est bon ? »

Beaucoup de candidats pensent qu’un bulletin n° 3 vierge suffit à démontrer leur bonne moralité. C’est une erreur fréquente.
Le bulletin n° 3, délivré uniquement à la personne concernée, ne contient qu’une partie des condamnations : les plus graves, récentes ou non encore effacées par réhabilitation. À l’inverse, le bulletin n° 2 est beaucoup plus complet et c’est celui que consultera l’administration dans le cadre d’une demande de naturalisation.
Une mention absente du B3 peut donc toujours figurer au B2 et bloquer la procédure. D’où l’importance d’agir directement sur le B2 et non de se rassurer avec un B3 vierge.

Parcours international

Les candidats ayant vécu à l’étranger au cours des dix dernières années doivent produire un extrait de casier judiciaire ou équivalent des pays concernés. Cette exigence, issue du décret du 30 décembre 1993, permet à l’administration française de s’assurer que la personne ne dissimule pas des condamnations commises hors de France.
Il est conseillé d’anticiper largement cette démarche, car certains pays mettent plusieurs mois à délivrer un extrait. Dans certains cas, il peut même être nécessaire de passer par une apostille ou une légalisation consulaire pour que le document soit recevable.

Quand viser la réhabilitation ?

Si vous n’avez qu’une condamnation isolée, l’exclusion B2 peut suffire à lever l’obstacle. Mais dans les situations où :

  • plusieurs condamnations figurent au casier,
  • les faits remontent à de nombreuses années,
  • ou les condamnations couvrent différents types d’infractions,

alors la réhabilitation constitue une stratégie plus efficace, car elle purge l’ensemble du casier judiciaire. Elle peut être sollicitée devant la juridiction compétente, et ses effets sont généraux : disparition des mentions, rétablissement de tous les droits civils et civiques.
La réhabilitation reste compatible avec une exclusion B2 : on peut d’abord demander une exclusion ciblée pour débloquer un dossier urgent, puis envisager ensuite une réhabilitation pour obtenir une assainissement global.

Astuce pratique
Lors de la préparation d’un dossier de naturalisation, joignez à votre requête d’exclusion B2 ou de réhabilitation des preuves concrètes d’intégration :

  • attestations d’employeur ou de bénévolat,
  • avis d’imposition et justificatifs fiscaux,
  • certificats de formation en langue française, diplômes ou titres professionnels,
  • justificatifs de logement stable.
    Ces pièces démontrent non seulement votre bonne insertion, mais aussi votre loyauté institutionnelle, ce qui constitue l’un des critères essentiels appréciés par l’administration au titre des bonnes vie et mœurs.

Un dossier cohérent, documenté et actualisé — montrant une insertion durable et l’absence de récidive — maximise vos chances d’aboutir.

FAQ : Effacement TAJ et Naturalisation

1. Comment obtenir l’effacement du TAJ après un classement sans suite ?

Un classement sans suite signifie que le procureur a décidé de ne pas poursuivre l’affaire (faute de preuve, absence d’infraction, prescription…). Pourtant, la procédure peut rester inscrite dans le TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires). Cette inscription peut bloquer une naturalisation ou un recrutement dans des métiers sensibles.
L’article 230-8 du Code de procédure pénale permet de demander l’effacement du TAJ lorsque la conservation de l’inscription est disproportionnée au regard de la situation actuelle. Il faut adresser une requête motivée au procureur de la République, démontrant l’absence de récidive, une insertion stable et le caractère injustifié du maintien.

Astuce SEO / Pratique : Dans votre courrier, joignez la décision de classement sans suite, vos justificatifs d’emploi, de logement et de régularité fiscale pour renforcer votre dossier.

2. Quelle est la différence entre effacement du casier judiciaire B2 et effacement du TAJ ?

Ces deux procédures sont distinctes :

  • L’effacement du B2 vise à supprimer une condamnation pénale de votre casier judiciaire, qui est consulté notamment lors d’une demande de naturalisation.
  • L’effacement du TAJ concerne le fichier de police, qui enregistre non seulement les condamnations mais aussi les gardes à vue, mises en cause et procédures classées.
    Effacer le B2 n’efface pas automatiquement le TAJ, et inversement. Pour sécuriser un projet de naturalisation, il est souvent nécessaire d’engager les deux démarches.

Bon à savoir : Le B3 (que vous seul pouvez obtenir) ne reflète pas toujours la réalité. L’administration consulte surtout le B2, et parfois le TAJ.

3. Comment demander l’effacement d’une condamnation du casier judiciaire B2 ?

L’article 775-1 du Code de procédure pénale autorise l’exclusion d’une condamnation du bulletin n° 2. La demande doit être adressée au procureur de la République du tribunal qui a rendu la condamnation.
La requête doit contenir :

  • vos coordonnées et votre état civil,
  • le rappel de la condamnation,
  • le fondement juridique (exclusion B2),
  • les motifs d’insertion (emploi, vie familiale, absence de récidive).
    L’exclusion du B2 entraîne automatiquement le relèvement des incapacités et interdictions liées à la condamnation, ce qui est déterminant pour une naturalisation.

Astuce SEO / Justiciable : Appuyez votre demande par des pièces de stabilité (CDI, bulletins de salaire, avis d’imposition, attestations de bénévolat).

4. Peut-on demander l’effacement du TAJ si l’on a déjà purgé sa peine ?

Oui. Même si une condamnation a été exécutée, le TAJ peut continuer à conserver la trace de l’infraction pendant plusieurs années. Or, cette inscription peut faire obstacle à un projet professionnel ou à une demande de nationalité.
L’effacement peut être sollicité si le maintien de la mention est disproportionné au regard du temps écoulé, de l’absence de récidive et de l’évolution personnelle. Cette demande se fait auprès du procureur compétent, et peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction en cas de refus.

5. Quelle stratégie adopter entre effacement B2, réhabilitation et effacement TAJ ?

La meilleure stratégie dépend de la situation :

  • Condamnation unique et récente : viser l’exclusion du B2 en priorité.
  • Plusieurs condamnations : demander une réhabilitation pour un assainissement global.
  • Procédure sans condamnation (classement, relaxe) : cibler l’effacement TAJ.
    En pratique, il est fréquent de combiner les démarches : exclusion B2 pour lever rapidement un blocage administratif, puis effacement TAJ pour sécuriser la naturalisation ou l’accès à certaines professions.

Astuce pratique : Construisez un dossier cohérent et chronologique, démontrant votre évolution (absence de récidive, régularité fiscale, stabilité résidentielle, intégration sociale). Cela maximise vos chances de succès auprès du parquet et, ensuite, auprès de l’administration de naturalisation.

Textes applicables

  • Code de procédure pénale – art. 775-1 : Exclusion d’une condamnation du bulletin n°2 et effets (relèvement des interdictions/déchéances). Légifrance
  • Code pénal – art. 133-12 à 133-17 : Réhabilitation (de plein droit et judiciaire). Légifrance
  • Code de procédure pénale – art. 230-8 : Effacement/rectification du TAJ (conditions et recevabilité). Légifrance
  • Service-public (B1/B2/B3) : contenu des bulletins et destinataires habilités. Service Public+1
  • Décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 (extraits utiles) : pièces et contrôles en matière de naturalisation, dont extraits de casier étrangers

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