Lorsqu’un candidat se présente à un entretien d’embauche, il n’est pas rare que l’employeur cherche à s’assurer de sa fiabilité. Certaines entreprises vont jusqu’à demander la production d’un extrait de casier judiciaire, pensant que cela constitue une garantie de moralité et de sérieux. Mais une telle pratique est-elle réellement permise par la loi ? Peut-on exiger un bulletin n°3 pour n’importe quel poste, ou seulement pour certaines professions réglementées ?
Le casier judiciaire national automatisé, prévu aux articles 768 et suivants du Code de procédure pénale, conserve les condamnations pénales prononcées à l’encontre d’un individu. Toutefois, le législateur a prévu des garde-fous afin d’éviter toute utilisation abusive de ce fichier sensible. En effet, le droit au respect de la vie privée et les principes du droit du travail interdisent aux employeurs de collecter des informations sans lien direct avec les compétences ou les responsabilités inhérentes au poste proposé.
Ainsi, l’équilibre entre la sécurité des entreprises, la protection des usagers et le droit à la réinsertion des individus constitue l’un des enjeux majeurs de la réglementation applicable. Les juridictions sociales et pénales veillent à ce que les employeurs ne dépassent pas le cadre fixé par la loi, notamment en sanctionnant les demandes abusives d’extrait de casier judiciaire.
C’est pourquoi il est essentiel pour tout justiciable de comprendre ses droits face à une telle demande, de savoir quand elle est légale, et de connaître les recours existants en cas de pratique discriminatoire.
Le casier judiciaire national automatisé est un fichier centralisé qui mémorise les condamnations pénales, certaines décisions administratives et les mesures d’incapacité.
Il se décline en trois bulletins distincts :
Ces distinctions, prévues par les articles 775 à 777 CPP, garantissent un équilibre entre la mémoire judiciaire et la protection de la vie privée.
La règle est claire : un employeur ne peut pas exiger systématiquement la présentation d’un extrait du casier judiciaire.
L’article L1221-6 du Code du travail dispose que les informations demandées au candidat doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé.
Ainsi, seuls certains métiers justifient légalement la présentation du bulletin n°3 :
En dehors de ces cas, exiger le bulletin n°3 constitue une violation de la vie privée et peut fonder une action en justice.
Un casier judiciaire vierge est souvent perçu comme un atout lors du recrutement. Mais la loi interdit qu’une embauche repose exclusivement sur son contenu.
Un employeur ne peut refuser un candidat que si les condamnations inscrites sont objectivement incompatibles avec les missions envisagées. Par exemple, une condamnation pour vol peut légitimement empêcher l’accès à un poste de caissier ou de gestionnaire de fonds.
De plus, l’employeur n’a pas le droit de conserver ou photocopier le bulletin présenté. Ces documents sont strictement personnels et relèvent de la protection des données personnelles.
Même si une condamnation figure au casier, le droit prévoit des mécanismes permettant de limiter son impact sur la vie professionnelle.
Un avocat en droit du travail peut intervenir à différents niveaux :
Ainsi, l’assistance d’un avocat est un levier pour préserver à la fois son droit à la vie privée et ses opportunités professionnelles.
Le casier judiciaire est un outil juridique sensible qui ne doit pas devenir un instrument de discrimination ou d’exclusion sociale. Si la vérification des antécédents est justifiée dans certains secteurs (sécurité privée, professions en contact avec des mineurs, fonction publique réglementée), elle ne peut en aucun cas être généralisée à tous les emplois. L’article L1221-6 du Code du travail rappelle que seules les informations pertinentes et directement liées à l’emploi peuvent être demandées au candidat.
De la même manière, l’employeur n’a pas le droit de conserver ou de photocopier le bulletin présenté : toute conservation illicite constituerait une violation de la vie privée, sanctionnée par le RGPD et par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le candidat, quant à lui, dispose de moyens juridiques pour anticiper les effets d’une condamnation : effacement automatique (article 769 CPP), réhabilitation judiciaire (articles 133-12 et suivants du Code pénal), ou recours en cas de discrimination à l’embauche (article L1132-1 du Code du travail).
Le droit français tend donc à concilier deux exigences : la protection de l’intérêt général et la préservation du droit à l’oubli judiciaire. Cette articulation traduit une volonté forte du législateur et des juridictions : ne pas enfermer indéfiniment une personne dans le passé de ses condamnations, mais lui offrir la possibilité de reconstruire sa vie professionnelle dans des conditions respectueuses de sa dignité.
1. Un employeur peut-il demander systématiquement un extrait de casier judiciaire ?
Non, la loi interdit une telle généralisation. Selon l’article L1221-6 du Code du travail, l’employeur ne peut solliciter que des informations strictement nécessaires à l’appréciation des compétences professionnelles ou ayant un lien direct avec le poste. La demande d’un bulletin n°3 n’est donc licite que dans certaines professions sensibles : agents de sécurité privée (article L612-20 du Code de la sécurité intérieure), convoyeurs de fonds, emplois en contact avec des mineurs (enseignants, animateurs), ou encore certaines fonctions publiques réglementées. Dans toutes les autres situations, le candidat peut refuser légitimement de présenter son casier judiciaire sans craindre de sanction.
2. Quels bulletins du casier judiciaire sont concernés par une embauche ?
En matière de recrutement, c’est le bulletin n°3 qui est généralement demandé lorsqu’un poste exige des garanties particulières. Ce bulletin, défini par l’article 777 du Code de procédure pénale, ne contient que les condamnations les plus graves (crimes, délits punis d’au moins deux ans d’emprisonnement, ou peines plus courtes si leur mention a été ordonnée).
Le bulletin n°1, intégral, est réservé aux magistrats et juridictions. Le bulletin n°2, intermédiaire, peut être exigé dans certaines situations administratives (par exemple pour l’accès à un concours public). En revanche, un employeur privé n’a pas accès à ces bulletins : il ne peut obtenir que le bulletin fourni par le candidat lui-même, et uniquement dans les cas autorisés par la loi.
3. Que risque un employeur qui demande illégalement un casier judiciaire ?
Lorsqu’un employeur exige un extrait du casier judiciaire en dehors des cas prévus, il s’expose à plusieurs sanctions :
4. Un employeur peut-il conserver une copie du casier judiciaire ?
Non, c’est strictement interdit. Le bulletin du casier judiciaire présenté lors d’un entretien est un document strictement personnel. L’employeur peut uniquement le consulter au moment de la candidature, mais il lui est interdit de le conserver, de le photocopier ou de l’archiver. Une telle conservation constituerait une violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD), mais aussi des dispositions relatives au respect de la vie privée.
La CNIL rappelle régulièrement que les données sensibles, comme celles relatives aux condamnations pénales, doivent être traitées avec une vigilance particulière. Ainsi, si un employeur conserve indûment une copie du bulletin, il commet une faute grave pouvant entraîner des sanctions administratives, civiles et pénales.
5. Comment un candidat peut-il limiter l’impact d’antécédents judiciaires sur une embauche ?
Un candidat ayant des antécédents inscrits au casier n’est pas condamné à voir toutes ses chances d’embauche compromises. Plusieurs solutions existent :
Grâce à ces mécanismes, le droit français cherche à concilier la protection de la société avec le droit à l’oubli judiciaire, offrant ainsi une seconde chance aux personnes ayant déjà purgé leur peine.