Travail

Employeur et salarié : que savoir sur les congés payés fractionnés ?

Francois Hagege
Fondateur
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Congés payés fractionnés : calcul, conditions et droits à congés supplémentaires

Le droit aux congés payés constitue l’un des fondements essentiels du droit du travail français, garantissant au salarié le repos nécessaire à la préservation de sa santé et de son équilibre personnel. Mais si le Code du travail encadre rigoureusement les modalités d’acquisition et de prise des congés, il prévoit également des situations particulières, dont le fractionnement du congé principal. Ce mécanisme, souvent méconnu, permet à un salarié de bénéficier de jours supplémentaires de repos, lorsque ses congés sont pris en dehors de la période légale comprise entre le 1er mai et le 31 octobre.

Derrière cette notion apparemment technique se cache un véritable enjeu social et juridique : concilier les impératifs de fonctionnement de l’entreprise avec le droit individuel au repos du salarié. L’article L3141-23 du Code du travail établit en effet un équilibre entre les contraintes organisationnelles imposées par l’employeur et la compensation accordée au salarié privé de congés en période estivale. Ainsi, le fractionnement des congés payés n’est pas seulement une souplesse dans la planification des vacances : c’est un droit compensatoire, encadré par la loi, la jurisprudence et les conventions collectives.

Loin d’être anecdotique, ce droit peut avoir des conséquences concrètes sur le solde de congés du salarié et sur les obligations de l’employeur. Il soulève également des interrogations fréquentes : faut-il un accord pour fractionner les congés ? Quelles sont les conditions d’attribution des jours supplémentaires ? L’employeur peut-il refuser leur octroi ? Les conventions collectives peuvent-elles aménager ces règles ?

À travers une analyse approfondie des dispositions légales, des décisions jurisprudentielles et des pratiques en entreprise, defendstesdroits.fr fait le point sur les droits du salarié et les devoirs de l’employeur en matière de fractionnement des congés payés, afin de vous aider à comprendre et faire valoir vos droits en toute sécurité juridique.

Sommaire

1. Qu’est-ce que le fractionnement des congés payés ?
2. Comment fonctionne le fractionnement selon le Code du travail ?
3. Quels droits ouvre le fractionnement pour les salariés ?
4. L’accord entre salarié et employeur est-il obligatoire ?
5. Quelles sont les exceptions et les cas particuliers ?
6. Comment les jours de fractionnement apparaissent-ils sur la fiche de paie ?
7. Que deviennent les jours de fractionnement en cas de départ de l’entreprise ?

Qu’est-ce que le fractionnement des congés payés ?

En application de l’article L3141-1 du Code du travail, tout salarié bénéficie de 2,5 jours ouvrables de congé payé par mois de travail effectif, soit 30 jours ouvrables par an (5 semaines). Ces congés peuvent être pris en une seule fois ou être fractionnés, c’est-à-dire divisés en plusieurs périodes distinctes.

Le fractionnement des congés payés consiste à ne pas prendre la totalité du congé principal de 24 jours pendant la période légale de prise des congés, fixée entre le 1er mai et le 31 octobre (article L3141-13 du Code du travail). En conséquence, si une partie du congé principal est posée en dehors de cette période, le salarié peut bénéficier de jours de congé supplémentaires, appelés jours de fractionnement.

Cette mesure vise à compenser la contrainte de ne pas pouvoir prendre la totalité de ses vacances durant la période estivale, considérée comme la plus favorable. Toutefois, les règles d’attribution de ces jours supplémentaires sont encadrées par la loi et, le cas échéant, par les conventions collectives.

Les conditions d’application du fractionnement

1. Une partie du congé principal doit être prise en dehors de la période légale

Conformément à l’article L3141-19 du Code du travail, lorsque le congé principal n’est pas pris intégralement entre le 1er mai et le 31 octobre, l’une des fractions doit comporter au moins 12 jours ouvrables consécutifs, pris entre deux jours de repos hebdomadaires. Le reste des congés, pris hors période, ouvre droit à des jours de fractionnement, sous certaines conditions.

Ainsi, un salarié ayant pris au moins 6 jours hors période bénéficie de 2 jours supplémentaires. S’il en a pris entre 3 et 5, il a droit à 1 jour supplémentaire (article L3141-23 du Code du travail).

2. L’accord du salarié et de l’employeur

Le fractionnement ne peut pas être imposé unilatéralement. L’employeur doit obtenir l’accord du salarié pour fractionner son congé principal, sauf en cas de fermeture annuelle de l’entreprise (article L3141-16).
Inversement, le salarié ne peut pas imposer son fractionnement à l’employeur.

Toutefois, l’accord collectif applicable peut prévoir des modalités différentes. Certaines conventions collectives, comme la Convention Syntec (IDCC 1486), prévoient des droits plus favorables en matière de jours supplémentaires.

L’attribution des jours supplémentaires de congés

Les jours de fractionnement ont un caractère obligatoire dès lors que les conditions sont réunies. L’employeur qui refuse de les accorder s’expose à des sanctions administratives et civiles (article R3143-1 du Code du travail).

Exemple concret :
Un salarié dispose de 30 jours ouvrables de congés payés.

  • Il prend 12 jours consécutifs en août, puis 6 jours en octobre et 6 jours en décembre.
    Les 6 jours de décembre étant en dehors de la période légale, il bénéficie de 2 jours de congé supplémentaires pour fractionnement.

Ces jours s’ajoutent à son compteur et doivent apparaître clairement sur son bulletin de paie ou sur un document annexe, sous l’intitulé “congés pour fractionnement”.

Les exceptions au droit à des jours de fractionnement

1. Moins de 3 jours pris hors période

Si le salarié prend moins de 3 jours de congé en dehors de la période légale, aucun jour de fractionnement n’est accordé.

2. Congé principal pris intégralement dans la période légale

Lorsqu’un salarié prend 24 jours ouvrables entre le 1er mai et le 31 octobre, il ne bénéficie d’aucun jour supplémentaire, même s’il fractionne la 5e semaine (Cass. Soc., 11 juillet 2007, n°06-42236).
En effet, la 5e semaine de congés ne génère pas de droit à fractionnement.

3. Renonciation volontaire du salarié

Le salarié peut renoncer par écrit et de manière explicite à ses jours de fractionnement. Cette renonciation ne peut être présumée ni anticipée dans le contrat de travail. Elle doit être formulée de manière claire, par exemple dans une lettre datée et signée (Cass. Soc., 10 juillet 1986, n°83-45402).

L’employeur qui invoque une renonciation doit en apporter la preuve. Une simple note de service ou communication informatique ne suffit pas (Cass. Soc., 1er décembre 2005, n°04-40811).

4. Accord collectif de renonciation

Un accord collectif peut prévoir la renonciation automatique aux jours de fractionnement sans accord individuel (Cass. Soc., 23 novembre 2011, n°10-21973). Dans ce cas, l’entreprise n’a pas à solliciter l’accord écrit du salarié.

Les salariés concernés et cas particuliers

Les salariés de moins de 21 ans bénéficient des mêmes droits que les autres salariés pour le fractionnement (articles L3164-9 et L3164-10 du Code du travail). Toutefois, leurs congés supplémentaires liés à leur âge (ou à la charge d’enfants) s’ajoutent aux jours de fractionnement, sans s’y substituer.

Pour les salariés à temps partiel, les règles sont identiques : les jours de fractionnement sont calculés en jours ouvrables, indépendamment du nombre d’heures travaillées.

En cas de rupture du contrat de travail (licenciement, démission, retraite), les jours de fractionnement non pris sont indemnisés dans le cadre de l’indemnité compensatrice de congés payés, conformément à l’article L3141-28 du Code du travail.

Cas pratique : convention collective Syntec

La Convention collective Syntec (IDCC 1486) accorde des droits supérieurs au régime légal.

  • 2 jours ouvrés supplémentaires sont accordés lorsque 5 jours ou plus sont pris hors période légale.
  • 1 jour ouvré supplémentaire est attribué lorsque 3 à 4 jours sont pris hors période.

Ces règles s’appliquent automatiquement, sauf disposition d’entreprise plus favorable.

Mention sur le bulletin de paie

Les jours de fractionnement doivent être clairement identifiés sur le bulletin de salaire ou un état annexe.
Ils apparaissent généralement dans une rubrique distincte intitulée “Jours de fractionnement acquis” ou “Congés supplémentaires pour fractionnement”.

L’employeur doit également informer le salarié de la période pendant laquelle ces jours peuvent être pris, afin d’éviter toute contestation.

Encadrement juridique et sanctions

Le non-respect de l’obligation de prise en compte des jours de fractionnement expose l’employeur à :

  • Une amende de 1.500 euros par salarié concerné (article R3143-1 du Code du travail) ;
  • Le versement d’une indemnité compensatrice si le salarié n’a pas pu bénéficier de ses jours de fractionnement.

La Cour de cassation (Cass. Soc., 8 juin 1972, n°71-40328) rappelle que l’employeur doit appliquer les règles du fractionnement de manière automatique dès lors que les conditions sont réunies, sauf renonciation expresse.

Conclusion

Le fractionnement des congés payés illustre parfaitement la recherche d’un équilibre entre les besoins de continuité de l’activité économique et la protection du salarié en matière de repos et de santé. Loin d’être une simple formalité administrative, il s’agit d’un mécanisme protecteur reconnu par la jurisprudence, qui vise à compenser la perte d’un avantage social lorsque le salarié ne peut pas bénéficier de la totalité de ses congés durant la période légale.

L’employeur doit veiller à respecter les dispositions du Code du travail et, le cas échéant, celles de la convention collective applicable. Il doit également s’assurer que le fractionnement résulte d’un accord clair et qu’il n’aboutit pas à une privation injustifiée du droit aux jours supplémentaires. En cas d’omission ou de refus illégitime, sa responsabilité peut être engagée, tant sur le plan administratif que civil.

De son côté, le salarié a tout intérêt à connaître les conditions précises d’ouverture de son droit à jours de fractionnement. En effet, un simple report de congés à l’automne ou en hiver peut lui ouvrir droit à un ou deux jours de congés supplémentaires, sauf renonciation expresse et écrite de sa part.

Le fractionnement n’est donc pas qu’une question de calendrier : c’est un droit acquis, ancré dans le Code du travail, qui consacre le principe d’équité entre salariés, tout en offrant à l’entreprise une certaine souplesse dans la gestion des absences.

Dans un contexte où le temps de repos demeure au cœur de la qualité de vie au travail, comprendre et appliquer correctement les règles du fractionnement, c’est à la fois garantir la conformité juridique de l’entreprise et préserver les droits fondamentaux du salarié.

FAQ

1. Qu’est-ce que le fractionnement des congés payés et pourquoi existe-t-il ?

Le fractionnement des congés payés désigne la possibilité pour un salarié de diviser son congé principal (24 jours ouvrables, soit 4 semaines) en plusieurs périodes distinctes, dont une partie est prise en dehors de la période légale fixée par le Code du travail entre le 1er mai et le 31 octobre (article L3141-13).

Cette règle vise à concilier les impératifs économiques de l’employeur avec le droit au repos effectif du salarié. Elle constitue également une mesure compensatoire : lorsqu’un salarié ne peut pas bénéficier de ses congés pendant la période la plus favorable (l’été), il peut obtenir des jours de repos supplémentaires.
En d’autres termes, ces jours additionnels sont une contrepartie légale à la contrainte de prendre ses congés en dehors de la haute saison.

Le fractionnement doit toutefois respecter deux principes fondamentaux :

  • Une partie du congé principal, d’au moins 12 jours ouvrables consécutifs, doit être prise pendant la période légale (article L3141-19) ;
  • Le reliquat peut être pris à une autre période, ouvrant droit à 1 ou 2 jours de congés supplémentaires, selon le nombre de jours reportés.

Ce mécanisme s’applique à tous les salariés, qu’ils soient en CDI, CDD, intérimaires ou apprentis, dès lors qu’ils ont acquis un droit à congés payés.

2. Quelles sont les conditions pour bénéficier des jours supplémentaires pour fractionnement ?

Les jours de fractionnement ne s’appliquent que lorsque le salarié ne prend pas l’intégralité de son congé principal pendant la période légale.
Le Code du travail (article L3141-23) prévoit le barème suivant :

  • 2 jours supplémentaires si le salarié a pris au moins 6 jours de congés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre ;
  • 1 jour supplémentaire s’il a pris entre 3 et 5 jours hors période.

⚖️ Exemple pratique :
Un salarié bénéficie de 30 jours ouvrables de congés payés.

  • Il prend 12 jours en août, 6 jours en octobre et 6 jours en décembre.
    Les 6 jours de décembre étant en dehors de la période légale, il bénéficie de 2 jours de congé supplémentaires.

Ces jours sont automatiquement dus dès que les conditions sont remplies, sauf s’il existe un accord collectif de renonciation ou une renonciation expresse du salarié.

Il est important de noter que la 5e semaine de congés payés ne génère pas de jours de fractionnement. Cette règle a été confirmée par la Cour de cassation (Cass. Soc., 11 juillet 2007, n°06-42236).

Enfin, si un accord d’entreprise ou une convention collective prévoit des dispositions plus favorables, celles-ci s’appliquent. Par exemple, la Convention Syntec (IDCC 1486) accorde 2 jours ouvrés supplémentaires dès que 5 jours ouvrés sont pris hors période légale.

3. Faut-il un accord entre le salarié et l’employeur pour fractionner les congés ?

Oui. Le fractionnement des congés payés suppose l’accord des deux parties (article L3141-16 du Code du travail).

  • L’employeur ne peut pas imposer au salarié de prendre une partie de ses congés en dehors de la période légale sans son consentement, sauf en cas de fermeture de l’entreprise.
  • Le salarié, de son côté, ne peut pas non plus exiger de fractionner ses congés si l’employeur s’y oppose pour des raisons d’organisation.

Cette règle repose sur le principe d’un accord bilatéral : le fractionnement ne peut résulter que d’une volonté commune, sauf exceptions prévues par la loi ou les accords collectifs.

En cas d’accord, les conditions doivent être clairement formulées, notamment :

  • Les dates précises des congés pris hors période légale ;
  • Le maintien ou non du droit à des jours de fractionnement ;
  • L’éventuelle renonciation du salarié à ces jours.

L’employeur doit également veiller à informer le salarié de son droit à ces jours supplémentaires. À défaut, il s’expose à une amende de 1.500 euros par salarié concerné (article R3143-1 du Code du travail).

4. Un salarié peut-il renoncer à ses jours de fractionnement ?

Oui, mais la renonciation doit être expresse et non équivoque.
L’employeur qui invoque la renonciation du salarié doit en apporter la preuve écrite. Une note de service, un courriel informatif ou une communication collective ne suffisent pas (Cass. Soc., 1er décembre 2005, n°04-40811).

La renonciation peut intervenir :

  • À titre individuel, par une lettre ou une signature du salarié acceptant la prise de congés hors période sans contrepartie de jours supplémentaires ;
  • Collectivement, par le biais d’un accord d’entreprise ou de branche, qui prévoit expressément la suppression des jours de fractionnement (Cass. Soc., 23 novembre 2011, n°10-21973).

En revanche, il est interdit de prévoir une renonciation anticipée dans le contrat de travail (Cass. Soc., 5 mai 2021, n°20-14390). Une telle clause serait nulle et inopposable au salarié.

5. Que deviennent les jours de fractionnement non pris ? Sont-ils payés au départ du salarié ?

Les jours de fractionnement non utilisés ne sont jamais perdus.
S’ils n’ont pas été pris à la date de rupture du contrat de travail (démission, licenciement, retraite, rupture conventionnelle), ils doivent être indemnisés au même titre que les congés payés ordinaires (article L3141-28 du Code du travail).

Ainsi, le salarié perçoit une indemnité compensatrice de congés payés, incluant :

  • Ses congés acquis non pris ;
  • Les jours supplémentaires pour fractionnement non utilisés.

De plus, le solde des jours de fractionnement doit figurer :

  • Soit sur le bulletin de paie, sous la mention “congés de fractionnement” ;
  • Soit sur un état récapitulatif des congés transmis au salarié.

Cette transparence est indispensable pour éviter tout litige sur le nombre de jours restants ou leur indemnisation en fin de contrat.

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