Dans le cadre des relations de travail, les situations de faute ou de conflit au sein de l’entreprise imposent souvent à l’employeur d’agir rapidement pour préserver le bon fonctionnement de l'organisation.
Deux mesures sont alors fréquemment confondues : la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire. Pourtant, elles répondent à des logiques juridiques distinctes et relèvent de régimes juridiques spécifiques.
Si la première constitue une mesure provisoire permettant d'écarter un salarié dans l'attente d'une décision définitive, la seconde incarne une véritable sanction disciplinaire assortie de conséquences immédiates sur la rémunération et la situation contractuelle du salarié.
La précision et la rigueur juridique sont ici de mise : une erreur de qualification ou une méconnaissance des procédures applicables pourrait exposer l’employeur à des litiges prud’homaux et à la remise en cause de la mesure envisagée.
Le respect des articles L1331-1 et suivants du Code du travail, du règlement intérieur de l’entreprise ainsi que des dispositions éventuellement plus favorables prévues par la convention collective s'impose donc.
Comprendre les différences fondamentales entre ces deux types de mises à pied est essentiel pour sécuriser la procédure disciplinaire et anticiper les risques de contentieux. Cet article se propose d’analyser en profondeur chacune de ces mesures, en détaillant leur nature juridique, leur procédure, leurs conséquences sur le contrat de travail et la rémunération du salarié, à la lumière des textes de loi et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
La mise à pied disciplinaire est une sanction disciplinaire prévue par l'article L1331-1 du Code du travail. Elle suspend temporairement le contrat de travail du salarié, l'exclut de l'entreprise et entraîne une perte de salaire durant la période de suspension. Cette sanction est applicable uniquement si elle figure dans le règlement intérieur de l'entreprise, conformément à la jurisprudence.
Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, la mise à pied disciplinaire doit être expressément prévue dans le règlement intérieur. Dans le cas contraire, cette mesure serait juridiquement irrégulière.
Elle s'applique lorsque le salarié commet une faute suffisamment sérieuse, comme :
Le principe de proportionnalité impose à l’employeur de fixer la durée de la mise à pied en adéquation avec la gravité de la faute.
Durant la mise à pied disciplinaire, l'employeur n'a aucune obligation de verser le salaire au salarié. La suspension du contrat justifie la privation de rémunération, sans que cela soit assimilé à une amende pécuniaire prohibée.
La procédure suit les dispositions des articles L1332-2 et R1332-1 du Code du travail :
Le salarié peut solliciter la nullité de la sanction si :
En cas de contentieux, le Conseil de prud'hommes pourra requalifier la mise à pied disciplinaire en mesure abusive.
La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. Elle constitue une mesure préventive, prononcée pour écarter immédiatement un salarié de l’entreprise lorsqu’il devient impossible de le maintenir dans l’effectif, en attendant une éventuelle sanction définitive.
Elle intervient notamment lors de faute grave ou lourde, mais peut aussi être appliquée dans des cas sans faute, par exemple en cas d'insuffisance professionnelle.
Les situations pouvant justifier une telle mesure incluent :
Sa durée correspond à celle de la procédure disciplinaire ou de licenciement engagée simultanément. L'absence de diligence dans l'engagement de la procédure peut entraîner la requalification de la mise à pied conservatoire en sanction disciplinaire implicite, empêchant ainsi un licenciement ultérieur.
Le maintien de salaire dépend de l'issue de la procédure :
Une qualification erronée (ex : confondre mise à pied disciplinaire et conservatoire) peut fragiliser toute la procédure disciplinaire. En effet :
Le non-respect du délai de 2 mois pour initier des poursuites disciplinaires à compter de la connaissance des faits expose également l’employeur à des contestations.
La distinction entre mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire constitue un enjeu stratégique majeur pour toute entreprise confrontée à un comportement fautif ou préjudiciable de l’un de ses salariés.
Tandis que la première vise à protéger les intérêts immédiats de l’entreprise par l’écartement temporaire du salarié dans l’attente d'une décision définitive, la seconde correspond à une sanction disciplinaire qui doit être motivée et encadrée strictement par le règlement intérieur.
Il est impératif de ne pas confondre ces deux régimes sous peine de requalification et d’invalidation de la procédure disciplinaire, pouvant aboutir à une condamnation prud’homale pour non-respect des droits du salarié.
La maîtrise des textes du Code du travail, du contenu de la convention collective applicable et du formalisme procédural constitue ainsi une garantie de sécurité juridique pour l’employeur dans le cadre de la gestion du personnel.
Seule une procédure loyale, transparente et rigoureusement appliquée permet de préserver un équilibre entre la protection des salariés et le respect du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
1. Qu’est-ce qu’une mise à pied conservatoire et dans quel contexte est-elle utilisée ?
La mise à pied conservatoire est une mesure exceptionnelle prise par l’employeur pour écarter immédiatement un salarié de l’entreprise lorsqu’il est devenu impossible de le maintenir à son poste sans risque pour l’entreprise. Elle est souvent utilisée en cas de faute grave ou de comportement dangereux (violences, vol, harcèlement). Contrairement à la mise à pied disciplinaire, elle n’a pas le caractère d’une sanction, mais sert à protéger l’entreprise en attendant la fin de la procédure disciplinaire ou de licenciement. La durée de cette mise à pied dépend donc du temps nécessaire à la conduite de cette procédure.
2. Quels comportements du salarié peuvent justifier une mise à pied disciplinaire ?
La mise à pied disciplinaire est une véritable sanction disciplinaire prévue par le règlement intérieur de l’entreprise et réservée à des fautes jugées sérieuses, sans toutefois atteindre la gravité justifiant un licenciement immédiat. Peuvent justifier une telle mesure :
3. Pourquoi est-il risqué de confondre mise à pied conservatoire et disciplinaire ?
Une confusion entre ces deux mesures expose l’employeur à des sanctions prud’homales. Si l'employeur qualifie à tort une mise à pied conservatoire comme disciplinaire (ou inversement), la procédure disciplinaire pourra être jugée irrégulière, rendant la sanction nulle. L'employeur s’expose ainsi à devoir réintégrer le salarié, payer des rappels de salaires ou indemnités, voire à des dommages et intérêts pour préjudice moral. La mise à pied conservatoire doit impérativement s'accompagner de l'ouverture immédiate d'une procédure disciplinaire, sous peine d’être requalifiée. La mise à pied disciplinaire, quant à elle, ne peut être prononcée qu’une fois la procédure disciplinaire achevée.
4. Quelle est l’incidence des mises à pied sur la rémunération du salarié ?
En cas de mise à pied disciplinaire, le salarié est privé de salaire pendant toute la durée de la sanction : il s'agit d'une suspension du contrat de travail avec perte de rémunération, conforme à l'article L1331-2 du Code du travail.
Pour la mise à pied conservatoire, la règle est différente :
5. Comment un salarié peut-il contester une mise à pied conservatoire ou disciplinaire ?
Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes pour contester :