Travail

Employeurs et inflation : outils juridiques pour revaloriser les salaires et fidéliser les équipes

Estelle Marant
Collaboratrice
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Primes, participation, mobilité : les leviers de l’entreprise face à l’inflation

L’inflation s’impose aujourd’hui comme un enjeu économique et social majeur, touchant aussi bien les ménages que les entreprises. Alors que les prix à la consommation ont progressé de 1,7 % sur un an selon les données de l’Insee (janvier 2025), cette hausse, bien que modérée par rapport aux années précédentes, continue de peser sur le pouvoir d’achat des salariés.

Si l’État intervient par le biais de politiques fiscales et sociales, les employeurs détiennent eux aussi une responsabilité déterminante : celle de contribuer à la préservation du niveau de vie de leurs collaborateurs. En agissant sur les leviers de la rémunération, des avantages sociaux, de la mobilité et du temps de travail, l’entreprise peut non seulement atténuer les effets de l’inflation, mais aussi renforcer sa performance globale et sa cohésion sociale.

Cet article de defendstesdroits.fr analyse les différents mécanismes permettant aux entreprises de soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés, à travers le Code du travail, la fiscalité des primes, et le rôle actif du Comité social et économique (CSE).

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition de l’inflation et du pouvoir d’achat : effets sur l’entreprise et les salariés
  3. Revaloriser la rémunération des salariés pour contrer la hausse des prix
  4. Renforcer la participation et l’intéressement pour partager la valeur
  5. Favoriser la mobilité durable et alléger les dépenses liées aux transports
  6. Mobilisation du CSE : chèques-cadeaux, cartes et avantages sociaux
  7. Optimiser le temps de travail : télétravail, semaine de 4 jours et flexibilité
  8. Conclusion

Définition : qu’entend-on par inflation et pouvoir d’achat ?

L’inflation se définit comme une hausse généralisée et durable des prix des biens et services, entraînant une diminution du pouvoir d’achat des ménages.
Ce dernier représente la quantité de biens et de services qu’un revenu donné permet d’acquérir.

L’impact de l’inflation ne se limite pas au portefeuille des salariés : elle peut engendrer un stress financier, une perte de motivation et une baisse de productivité. Pour l’entreprise, cela se traduit souvent par une détérioration du climat social, une augmentation du turnover et une difficulté à recruter si la rémunération ne reste pas compétitive.

Face à ce constat, les employeurs disposent de plusieurs outils juridiques et économiques pour agir concrètement sur le pouvoir d’achat.

1. L’ajustement de la rémunération : le levier prioritaire de l’entreprise

Augmenter les salaires et adapter la politique de rémunération

La première réponse à l’inflation reste l’augmentation salariale, qu’elle soit individuelle ou collective.
L’entreprise peut, dans le cadre de sa politique interne, décider :

  • d’instaurer une prime annuelle ou un 13ᵉ mois ;
  • de mensualiser certaines primes exceptionnelles ;
  • ou encore de revaloriser les bas salaires avant la révision légale du SMIC (article L3231-2 du Code du travail).

Ces mesures, bien que coûteuses, contribuent à maintenir l’engagement des salariés et à éviter la fuite des talents.

L’interdiction de l’indexation automatique sur l’inflation

Le législateur encadre strictement les mécanismes d’indexation.
L’article L112-2 du Code monétaire et financier interdit toute clause liant l’évolution d’un salaire à la hausse des prix ou du SMIC.
Autrement dit, les salaires ne peuvent pas être automatiquement indexés sur le niveau d’inflation, sauf pour le SMIC lui-même, dont la revalorisation reste réglementaire.

Les limites des augmentations directes

Augmenter les salaires accroît également les charges sociales patronales. Ainsi, de nombreuses entreprises privilégient des dispositifs alternatifs — intéressement, primes exonérées, avantages fiscaux — pour soutenir le pouvoir d’achat sans alourdir la masse salariale.

2. Les dispositifs d’intéressement et de participation : partager la valeur

L’intéressement et la participation : un cadre légal souple

L’article L3312-1 du Code du travail définit l’intéressement comme un dispositif permettant d’associer les salariés aux résultats ou performances de l’entreprise.
Ces mécanismes, applicables à toutes les entreprises, encouragent une meilleure redistribution des bénéfices et peuvent inclure un supplément exceptionnel versé après accord du CSE ou décision unilatérale de l’employeur (article L3314-9).

Les avantages fiscaux pour l’entreprise et le salarié

Les sommes versées dans le cadre de l’intéressement ou de la participation bénéficient d’exonérations sociales et fiscales lorsqu’elles respectent les plafonds légaux.
Elles peuvent être placées sur un plan d’épargne entreprise (PEE) ou un plan d’épargne retraite collectif (PERCO), offrant aux salariés un revenu différé tout en préservant le pouvoir d’achat immédiat.

La prime de partage de la valeur (PPV)

Depuis le 1er janvier 2025, la prime de partage de la valeur (anciennement « prime Macron ») peut être mise en place par décision unilatérale ou via un accord d’intéressement.
Cette prime, exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales sous certaines conditions, constitue une solution efficace pour soutenir ponctuellement le pouvoir d’achat des salariés, notamment dans les petites et moyennes entreprises.

3. Favoriser la mobilité durable : un appui concret pour les salariés

Le forfait mobilités durables (FMD)

Créé par l’article L3261-3-1 du Code du travail, le forfait mobilités durables permet à l’employeur de rembourser tout ou partie des frais de déplacement domicile-travail réalisés via des modes de transport alternatifs : vélo, covoiturage, transport public, trottinette électrique ou autopartage.

Ce forfait, cumulable avec la prise en charge obligatoire de 50 % des abonnements de transport en commun (article R3261-1), bénéficie d’un régime fiscal avantageux :

  • il est exonéré de cotisations sociales jusqu’à un certain plafond ;
  • il contribue à réduire la charge financière des trajets quotidiens, souvent amplifiée par la hausse des prix de l’énergie.

Les bénéfices pour l’entreprise

Outre la dimension économique, ces dispositifs renforcent la marque employeur et la responsabilité sociétale de l’entreprise.
En favorisant la mobilité douce, l’employeur agit à la fois sur le bien-être des salariés et sur la réduction de son empreinte carbone.

4. Le rôle du Comité social et économique (CSE) dans le soutien au pouvoir d’achat

Un acteur clé des avantages sociaux et culturels

Le CSE, obligatoire dès 11 salariés, détient un rôle essentiel dans la redistribution du pouvoir d’achat collectif.
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, il dispose d’un budget dédié aux activités sociales et culturelles (ASC) financé par l’employeur, représentant au minimum 0,20 % de la masse salariale brute (article L2315-61 du Code du travail).

Grâce à ce budget, le CSE peut offrir :

  • des chèques-vacances (articles L411-10 et suivants du Code du tourisme) ;
  • des cartes-cadeaux ou bons d’achat exonérés de cotisations sociales sous conditions URSSAF ;
  • des aides pour les loisirs, la culture ou la scolarité.

Un levier de bien-être et de cohésion interne

Ces dispositifs améliorent non seulement le quotidien des salariés, mais participent aussi à la fidélisation du personnel. Ils incarnent une forme de solidarité interne entre l’entreprise et ses collaborateurs, particulièrement en période d’inflation.

5. L’organisation du temps de travail : un moyen d’optimiser les coûts et le bien-être

Le télétravail comme solution d’économie

Prévu par les articles L1222-9 et suivants du Code du travail, le télétravail constitue un outil stratégique pour réduire les dépenses liées aux déplacements et au carburant.
L’entreprise peut verser une indemnité de télétravail exonérée de cotisations, couvrant les coûts de connexion, d’équipement informatique et d’énergie.

Cette mesure profite à la fois :

  • au salarié, qui diminue ses frais et gagne en qualité de vie ;
  • et à l’employeur, qui optimise ses coûts de fonctionnement et favorise la flexibilité organisationnelle.

La semaine de 4 jours : une innovation en débat

Certaines entreprises expérimentent désormais la semaine de 4 jours.
Si cette organisation, sans réduction du temps de travail, implique une augmentation de la durée journalière, elle peut aussi améliorer la productivité et réduire les coûts de transport.
Toutefois, elle nécessite une analyse d’impact préalable, notamment en matière de santé au travail et de pénibilité.

6. Les enjeux collectifs : équilibre économique et responsabilité sociale

L’inflation met en lumière la nécessité d’une solidarité économique au sein de l’entreprise.
Les dispositifs évoqués — augmentations salariales, primes de valeur, participation, mobilité durable, avantages CSE, télétravail — traduisent la volonté de préserver la cohésion sociale tout en garantissant la viabilité financière des structures.

Chaque employeur doit trouver un équilibre entre compétitivité et justice salariale, en s’appuyant sur les cadres légaux existants et sur le dialogue social.

Conclusion

Face à une inflation persistante, l’entreprise devient un acteur déterminant de la protection du pouvoir d’achat sans renoncer à sa pérennité économique. Les leviers analysés au fil de l’article dessinent une feuille de route cohérente et juridiquement sécurisée : ajustements de rémunération (revalorisations ciblées, 13ᵉ mois, primes mensuelles), partage de la valeur (intéressement et participation, article L3312-1 du Code du travail, suppléments prévus à l’article L3314-9), primes exonérées lorsque les conditions sont réunies, et optimisation des frais de déplacement via le forfait mobilités durables ( article L3261-3-1 ) et la prise en charge à 50 % des abonnements ( article R3261-1 ), portée à un plafond d’exonération renforcé par la loi de finances 2025. Ces instruments, combinés à une politique de temps de travail intelligente — télétravail ( articles L1222-9 et s. ), réflexion sur l’aménagement de la semaine — offrent une réponse immédiate et lisible aux tensions budgétaires vécues par les salariés.

Cette stratégie doit toutefois s’appuyer sur des règles cardinales. D’abord, bannir toute indexation automatique des salaires sur l’inflation (interdiction posée par l’article L112-2 du Code monétaire et financier), et privilégier des mécanismes négociés, proportionnés au modèle économique et aux marges sectorielles. Ensuite, sécuriser la conformité sociale et fiscale des dispositifs : affectation sur PEE/PER Collectif lorsque pertinent, respect des plafonds d’exonération, et traçabilité sur le bulletin de paie (mentions obligatoires exigées par les textes réglementaires). Enfin, ancrer chaque mesure dans le dialogue social : information-consultation du CSE sur les projets impactant l’organisation et la rémunération, mobilisation du budget des activités sociales et culturelles ( article L2315-61 ) pour déployer chèques-vacances, cartes-cadeaux et aides ciblées qui complètent utilement le salaire.

Au plan managérial, l’enjeu n’est pas seulement de « compenser des prix » mais de stabiliser les équipes, de prévenir les risques psychosociaux associés au stress financier, et de soutenir l’attractivité dans un marché de l’emploi contraint. Une revalorisation collective centrée sur les bas salaires, l’annualisation ou la mensualisation des primes, ou encore un calibrage fin de la PPV selon les catégories professionnelles peuvent réduire les inégalités internes et accroître la lisibilité de la politique salariale. En parallèle, l’essor d’une mobilité durable (FMD, titres-mobilité, covoiturage organisé) et d’un télétravail indemnisé de façon équitable allège concrètement le reste à charge des ménages tout en améliorant la qualité de vie au travail.

Sur le terrain juridique, la sécurité des dispositifs repose sur trois réflexes : (i) choisir l’outil adapté à l’objectif (récurrent vs. exceptionnel ; individuel vs. collectif) ; (ii) documenter la base légale et conventionnelle (accord d’entreprise, décision unilatérale motivée, respect des minima SMICarticle L3231-2 — et des minimas conventionnels) ; (iii) évaluer l’impact budgétaire et social avant déploiement (projection des charges, contrôle des effets de seuil, soutenabilité). C’est à ce prix que l’entreprise conjugue équité salariale, compétitivité et conformité.

En définitive, l’inflation révèle la nécessité d’un mix de solutions : un socle salarial clair et soutenable, des primes encadrées et ciblées, un partage de la valeur aligné sur la performance, des avantages sociaux pilotés par le CSE, et des aménagements organisationnels au service du quotidien des salariés. En orchestrant ces leviers dans le respect du droit positifCode du travail (L3312-1 et s., L1222-9 et s., L3261-3-1, R3261-1, L2315-61), Code monétaire et financier (L112-2) — l’employeur peut protéger le pouvoir d’achat, solidifier le contrat social interne et soutenir la performance durable de l’entreprise. Sur defendstesdroits.fr, nous accompagnons pas à pas les directions et les représentants du personnel pour choisir, paramétrer et sécuriser ces dispositifs, au plus près des textes et des réalités économiques.

FAQ

1. Comment une entreprise peut-elle préserver le pouvoir d’achat de ses salariés face à l’inflation ?

Les entreprises disposent de plusieurs leviers légaux pour soutenir leurs salariés.
Elles peuvent procéder à des augmentations ciblées de salaires, instaurer un 13ᵉ mois, mensualiser certaines primes exceptionnelles ou renforcer la part variable de la rémunération.
Elles peuvent également mettre en place des dispositifs collectifs comme la prime de partage de la valeur (PPV) ou des accords d’intéressement et de participation prévus par les articles L3312-1 et suivants du Code du travail.
Ces solutions permettent de redistribuer les bénéfices sans alourdir durablement la masse salariale, tout en renforçant la motivation et la fidélité des équipes.

2. Les salaires peuvent-ils être indexés directement sur le niveau d’inflation ?

Non. L’indexation automatique des salaires sur l’inflation est interdite par l’article L112-2 du Code monétaire et financier, afin d’éviter une spirale inflationniste.
Seul le SMIC bénéficie d’une revalorisation légale automatique lorsqu’un certain seuil d’augmentation des prix est atteint.
Les employeurs peuvent toutefois procéder à des négociations collectives annuelles obligatoires (NAO), pour adapter les salaires à l’évolution du coût de la vie.
Cette approche concertée permet de garantir un équilibre entre équité salariale et stabilité financière pour l’entreprise.

3. Quels avantages fiscaux les entreprises peuvent-elles utiliser pour soutenir le pouvoir d’achat ?

Plusieurs dispositifs permettent de soutenir les salariés tout en bénéficiant d’exonérations fiscales.
Parmi eux :

  • la prime de partage de la valeur (PPV), exonérée d’impôts et de cotisations sociales sous certaines conditions ;
  • les suppléments d’intéressement et de participation, qui échappent aux charges patronales ;
  • le forfait mobilités durables (FMD), prévu par l’article L3261-3-1 du Code du travail, qui couvre les frais de déplacement domicile-travail en vélo, covoiturage ou transport en commun ;
  • la prise en charge à 50 % minimum des abonnements de transport public (article R3261-1 du Code du travail), pouvant atteindre 75 % pour être exonérée.
    Ces outils permettent d’améliorer le revenu net des salariés sans impacter excessivement le coût global pour l’entreprise.

4. Comment le Comité social et économique (CSE) contribue-t-il à améliorer le pouvoir d’achat ?

Le CSE, obligatoire dès 11 salariés, dispose d’un budget pour les activités sociales et culturelles (ASC) défini par l’article L2315-61 du Code du travail.
Il peut proposer divers avantages financiers : chèques-vacances, cartes-cadeaux, bons d’achat, réductions culturelles ou aides à la garde d’enfants.
Ces prestations, exonérées de cotisations sociales lorsqu’elles respectent les plafonds fixés par l’Urssaf, représentent un soutien direct au budget des ménages.
Le CSE agit ainsi comme un complément au dispositif salarial et un levier d’amélioration du bien-être au travail, contribuant à la fidélisation des collaborateurs.

5. En quoi le télétravail et la semaine de 4 jours peuvent-ils aider à compenser l’inflation ?

Le télétravail, encadré par les articles L1222-9 et suivants du Code du travail, réduit les frais de transport, de carburant et de restauration supportés par les salariés.
Les entreprises peuvent verser une indemnité forfaitaire exonérée de charges pour couvrir les dépenses professionnelles liées à cette organisation.
De son côté, la semaine de 4 jours permet de limiter les déplacements et d’améliorer la qualité de vie tout en maintenant la productivité.
Ces deux formes d’aménagement du temps de travail constituent des réponses structurelles à la perte de pouvoir d’achat, conciliant économie, écologie et bien-être des salariés.

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