Dans la gestion quotidienne d’une équipe, un manager peut être confronté à des situations délicates où le comportement ou la performance d’un salarié s’écarte des attentes légitimes de l’entreprise. Qu’il s’agisse de fautes techniques répétées, de tensions relationnelles au sein de l’équipe ou encore d’un refus d’appliquer des consignes, ces comportements perturbent le fonctionnement collectif et fragilisent la dynamique de travail. Face à ce type de difficultés, la réaction ne peut pas se limiter à l’inaction ou à la sanction immédiate : il existe une voie intermédiaire, celle de l’entretien de recadrage.
Cet outil managérial, bien que non prévu expressément par le Code du travail, constitue un instrument essentiel pour rétablir une relation professionnelle constructive. Il permet à l’employeur ou au supérieur hiérarchique de rappeler au salarié ses obligations contractuelles, mais aussi de l’informer des conséquences possibles en cas de persistance du manquement. Loin d’être un simple rappel à l’ordre, l’entretien de recadrage a pour ambition d’instaurer un dialogue clair et respectueux, afin d’éviter l’engrenage d’une procédure disciplinaire plus lourde.
Au-delà de l’aspect purement juridique, cet entretien s’inscrit dans une logique de prévention et de gestion des ressources humaines. En mettant cartes sur table, le manager expose les faits, écoute le salarié et fixe des objectifs de progrès. Cette démarche concilie la protection des intérêts de l’entreprise avec la préservation de la relation de confiance nécessaire à toute collaboration professionnelle.
L’entretien de recadrage est un échange entre un salarié et son supérieur hiérarchique visant à rappeler les règles de fonctionnement de l’entreprise lorsqu’un comportement ou une attitude ne respecte pas le cadre professionnel. Il ne constitue pas une procédure disciplinaire au sens du Code du travail, mais il peut en être le préalable si aucune amélioration n’est constatée.
Cet entretien s’impose notamment lorsque le salarié :
Le recours au recadrage intervient généralement après des remarques orales ou écrites restées sans effet. Il s’agit d’un outil managérial préventif qui permet d’éviter d’enclencher trop rapidement une procédure disciplinaire prévue par les articles L1331-1 et suivants du Code du travail.
L’entretien poursuit plusieurs finalités complémentaires :
Il s’agit donc d’un outil de management bienveillant mais ferme, permettant de maintenir la relation de confiance tout en préservant l’intérêt de l’entreprise.
Contrairement à l’entretien préalable à sanction prévu par l’article L1332-2 du Code du travail, le recadrage n’obéit à aucun formalisme légal. Toutefois, certaines précautions doivent être respectées :
Le caractère informel ne dispense pas l’employeur de la rigueur nécessaire : en cas de contentieux, l’entretien de recadrage pourra être évoqué comme un élément du suivi managérial.
Le manager doit exposer objectivement les faits reprochés, en se fondant sur des éléments concrets (dates, situations précises, témoignages éventuels). Cela évite toute contestation et permet d’asseoir la légitimité du recadrage.
Conformément au principe du respect du contradictoire issu de la jurisprudence prud’homale, le salarié doit pouvoir s’exprimer, expliquer ses difficultés ou contester les reproches formulés. Cet échange constitue le cœur de l’entretien.
Le supérieur hiérarchique doit rappeler :
Il est recommandé de formaliser un plan d’action à court et moyen terme : délais de correction, comportements attendus, points de suivi. Cette démarche responsabilise le salarié et démontre la volonté de l’employeur de privilégier la coopération.
Même si l’entretien est informel, il peut être opportun de rédiger un compte rendu écrit afin de conserver une trace de l’échange. Ce document interne permettra, en cas de persistance des difficultés, de justifier l’ouverture d’une procédure disciplinaire.
Le suivi peut se matérialiser par :
L’entretien de recadrage se situe à la frontière entre l’outil de management et l’instrument juridique préventif. En offrant au salarié la possibilité de comprendre les reproches qui lui sont adressés, de s’expliquer et de corriger sa trajectoire professionnelle, il contribue à maintenir un climat social serein et une meilleure cohésion au sein de l’équipe.
Pour l’employeur, il constitue également un moyen de sécuriser sa démarche disciplinaire : en cas de persistance des difficultés, la tenue d’un entretien de recadrage pourra démontrer que des mesures proportionnées et préalables ont été tentées avant d’envisager une sanction plus sévère.
Mener un recadrage exige donc une approche équilibrée : fermeté dans le rappel des règles mais aussi ouverture au dialogue pour identifier d’éventuels besoins en formation, en accompagnement ou en organisation du travail. Lorsqu’il est conduit avec rigueur et bienveillance, cet entretien devient un levier puissant pour restaurer la performance collective et renforcer la confiance réciproque entre l’entreprise et ses salariés.
Souvent redouté par les managers comme par les collaborateurs, l’entretien de recadrage doit au contraire être perçu comme une opportunité de clarification et de progrès. Bien mené, il peut transformer une difficulté en tremplin, et ainsi contribuer à la continuité de la relation contractuelle dans le respect des règles juridiques et des exigences humaines du monde du travail.
1. Quelle est la différence entre un entretien de recadrage et un entretien disciplinaire ?
Un entretien de recadrage est un échange informel entre le salarié et son manager, qui vise à rappeler les règles de fonctionnement de l’entreprise et à prévenir la répétition de comportements inadaptés. Il n’est pas prévu par la loi, n’entraîne pas de sanction directe et relève de la gestion managériale.
À l’inverse, l’entretien disciplinaire est strictement encadré par le Code du travail (articles L1332-1 et suivants). L’employeur doit convoquer le salarié par lettre recommandée ou remise en main propre, respecter un délai minimum de cinq jours ouvrables avant l’entretien, et permettre au salarié de se faire assister. Cet entretien peut conduire à des sanctions formelles telles que l’avertissement, la mise à pied disciplinaire ou le licenciement.
Exemple : un retard occasionnel peut faire l’objet d’un recadrage, tandis que des retards répétés malgré plusieurs avertissements relèvent d’une procédure disciplinaire.
2. L’employeur doit-il convoquer par écrit un salarié pour un entretien de recadrage ?
Aucun formalisme écrit n’est exigé par la loi pour convoquer un salarié à un recadrage. Une demande verbale ou un message électronique suffit, car il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire au sens de l’article L1331-1 du Code du travail.
Toutefois, il est conseillé d’être clair dans la convocation afin que le salarié comprenne la nature sérieuse de l’entretien. Certains employeurs rédigent un compte rendu écrit après l’échange pour garder une preuve de l’action managériale, utile en cas de contentieux ultérieur.
Exemple : un simple mail du manager indiquant « Je souhaite échanger avec vous demain à 14h sur certains points à améliorer dans votre organisation » est suffisant.
3. Quels comportements peuvent justifier un entretien de recadrage ?
Le recadrage s’impose lorsque le salarié adopte un comportement ou commet des erreurs perturbant l’activité, sans pour autant justifier immédiatement une sanction. Il peut s’agir :
4. Peut-on sanctionner directement un salarié sans entretien de recadrage ?
Oui, l’employeur dispose du pouvoir disciplinaire (article L1331-1 du Code du travail) et peut directement engager une procédure disciplinaire sans passer par un recadrage préalable. Toutefois, le recadrage est souvent perçu comme une mesure de bonne gestion car il démontre que l’employeur a tenté de résoudre la difficulté par le dialogue avant de sanctionner.
En cas de litige devant le conseil de prud’hommes, le juge appréciera la proportionnalité de la sanction. Le fait d’avoir tenté un recadrage au préalable pourra être interprété comme une démarche loyale et proportionnée.
Exemple : en cas de faute grave telle qu’un vol ou une violence verbale grave, l’employeur peut sanctionner immédiatement sans recadrage. Mais pour des manquements moins graves (retards, erreurs de méthode), un recadrage est recommandé.
5. Quels sont les risques pour l’employeur en cas de recadrage mal conduit ?
Un recadrage mal géré peut générer plusieurs risques juridiques :
Pour limiter ces risques, le recadrage doit rester factuel, précis et respectueux. Le manager doit garder une posture professionnelle, écouter le salarié et éviter tout jugement de valeur.
Exemple : un manager qui critique la personnalité du salarié au lieu de se concentrer sur ses comportements professionnels peut être accusé de dépassement de ses prérogatives et exposer l’entreprise à un contentieux.