L’expulsion d’un locataire ne peut résulter d’un simple souhait du propriétaire : elle obéit à une procédure strictement encadrée par la loi, marquée par des délais successifs visant à protéger les droits des parties.
En effet, le droit au logement, reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle, impose un encadrement rigoureux des procédures d’éviction, notamment à travers la trêve hivernale ou les délais de grâce accordés par le juge.
Le bailleur, confronté à des impayés de loyers ou à un comportement fautif du locataire, devra suivre une série d'étapes juridiques imposées par les textes pour espérer aboutir à une expulsion effective.
Il est donc essentiel de bien comprendre les différentes phases du processus, les délais qui les régissent et les exceptions applicables, pour agir en conformité avec les règles en vigueur.
Dès le premier impayé de loyer, le bailleur peut engager une démarche qui marque le début du processus. En vertu de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur est fondé à faire délivrer par huissier un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au contrat de bail.
Ce commandement donne au locataire un délai de deux mois pour régler la dette locative. À défaut de paiement dans ce délai, la clause résolutoire est acquise, sauf si le juge en décide autrement.
Si le locataire ne régularise pas la situation, le propriétaire peut saisir le tribunal judiciaire pour faire constater la résiliation du bail et solliciter l’expulsion. Cette saisine peut se faire au fond ou en référé (procédure d’urgence) si les circonstances le justifient.
Le juge statue sur la résiliation du bail et, le cas échéant, ordonne l’expulsion. Le locataire dispose d’un délai d’un mois pour faire appel de la décision à compter de sa signification (article 538 du Code de procédure civile).
Une fois la décision d’expulsion devenue exécutoire, l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution impose au bailleur de faire délivrer par huissier un commandement de quitter les lieux. Ce commandement ouvre un nouveau délai de deux mois laissé au locataire pour organiser son départ.
Ce délai peut être suspendu ou prorogé dans certaines conditions (demande de délais supplémentaires, trêve hivernale…).
Lorsque le locataire refuse de quitter les lieux à l’expiration du délai légal de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux, l’huissier de justice peut solliciter le concours de la force publique afin de procéder à l’expulsion.
Cette étape marque l’ultime recours de la procédure : elle permet d’exécuter matériellement la décision de justice si le locataire se maintient dans le logement sans droit ni titre.
La demande de concours est adressée au préfet, représentant de l’État, qui évalue notamment les conditions de sécurité et d’ordre public entourant l’intervention. En vertu de l’article L. 153-1 du Code des relations entre le public et l’administration, l’administration dispose d’un délai maximal de deux mois pour répondre à cette demande.
Trois issues sont possibles :
Il est essentiel de souligner que l’intervention de la force publique ne peut avoir lieu durant la trêve hivernale, sauf exceptions prévues par la loi. Cette demande constitue donc une étape déterminante dans l’aboutissement d’une expulsion, mais elle demeure soumise à une appréciation administrative parfois lente ou défavorable au propriétaire.
Le juge de l’exécution ou le juge des référés dispose d’un pouvoir d’appréciation important pour accorder un sursis à l’expulsion. Conformément à l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, il peut octroyer au locataire des délais de grâce allant de deux mois à un an, avec la possibilité de renouvellement dans certaines conditions.
Ces délais permettent au locataire de rechercher un relogement, de préparer son départ, ou d’organiser sa défense, sans être expulsé de manière immédiate.
Le juge fonde sa décision sur une analyse concrète et individualisée de la situation des deux parties. Plusieurs critères sont systématiquement pris en compte :
Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 relative à l’accélération et à la simplification de l’action publique (dite loi ASAP), les délais pouvaient atteindre jusqu’à trois ans dans certains cas. Depuis cette réforme, la durée maximale est désormais d’un an, sauf circonstances exceptionnelles appréciées souverainement par le juge.
Ce mécanisme permet de réconcilier la nécessité de faire respecter les droits du propriétaire avec l’exigence d’une protection minimale du droit au logement pour les occupants en difficulté.
La trêve hivernale constitue un dispositif protecteur du droit au logement, prévu par l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution. Elle interdit toute mesure d’expulsion entre le 1er novembre et le 31 mars inclus, même si une décision de justice définitive et exécutoire a été rendue en faveur du bailleur.
Durant cette période, aucun huissier de justice ne peut procéder à l’éviction physique d’un locataire, même avec le concours de la force publique.
L’objectif est de prévenir les expulsions pendant les mois les plus froids, période où les personnes délogées seraient particulièrement exposées à des conditions de vie dégradantes, voire dangereuses.
Cependant, cette interdiction n’est pas absolue. Elle ne s’applique pas dans certaines situations exceptionnelles, définies par la loi et la jurisprudence :
La trêve hivernale suspend donc l’exécution forcée d’une expulsion, mais ne suspend pas la procédure judiciaire en elle-même. Le bailleur peut continuer à engager ou à poursuivre les démarches en justice durant cette période.
La procédure d’expulsion locative, bien que permise par la loi, s’inscrit dans une logique de proportionnalité et de protection de l’occupant, même en cas de manquement grave comme un défaut de paiement.
Les nombreux délais légaux, les possibilités de recours, les demandes de délais supplémentaires, et la trêve hivernale démontrent la volonté du législateur de ne pas sacrifier la stabilité résidentielle sur l’autel de la sanction contractuelle.
Pour le bailleur, il est indispensable de maîtriser cette temporalité procédurale, car tout manquement ou précipitation peut entraîner la nullité de la procédure. En cas de doute, une assistance juridique spécialisée via defendstesdroits.fr permet d’évaluer les risques et de sécuriser la démarche contentieuse.
La procédure d’expulsion d’un locataire pour loyer impayé ne peut débuter immédiatement après un incident de paiement. Le propriétaire doit d’abord faire délivrer par huissier un commandement de payer, conformément à l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Ce commandement donne au locataire un délai légal de deux mois pour régulariser sa dette. Ce n’est qu’après ce délai, en l’absence de paiement, que le bailleur peut saisir le tribunal judiciaire pour demander la résiliation du bail et l’expulsion. S’ensuivent d’autres délais : ceux liés à la convocation en justice, à la décision rendue, puis à l’exécution de l’expulsion. En moyenne, l’ensemble de la procédure peut s’étendre sur une durée d’un an.
Non, la trêve hivernale, fixée par l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, interdit toute expulsion entre le 1er novembre et le 31 mars, même si une décision judiciaire a ordonné l’expulsion. Toutefois, cette interdiction ne concerne pas tous les cas. Par exemple, un squatteur peut être expulsé pendant la trêve sur décision du juge, tout comme un conjoint violent sur décision du juge aux affaires familiales. De même, l’occupant d’un logement frappé d’un arrêté de péril ou un étudiant ayant quitté une résidence universitaire ne sont pas protégés. En dehors de ces exceptions, l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’issue de la période de trêve.
Le juge joue un rôle central dans l’appréciation des délais accordés au locataire pour quitter les lieux. En vertu de l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, il peut accorder des délais de grâce allant de deux mois à un an, renouvelables, si le relogement du locataire ne peut s’effectuer dans des conditions normales. Le juge fonde sa décision sur une analyse globale des situations du bailleur et du locataire : état de santé, âge, charges familiales, bonne foi, démarches de relogement, etc. Il peut également intervenir après l’ordonnance d’expulsion ou après la délivrance du commandement de quitter les lieux, selon les circonstances.
Une fois la décision d’expulsion prononcée et devenue exécutoire, un commandement de quitter les lieux est délivré par huissier au locataire. Ce document ouvre un délai légal de deux mois, durant lequel le locataire peut organiser son départ. Si ce dernier refuse de quitter les lieux à l’issue de ce délai, l’huissier pourra demander le concours de la force publique, mais l’administration dispose elle-même d’un délai de deux mois pour répondre. Ainsi, même après une décision d’expulsion, le processus ne peut pas être immédiat, car il est encadré par des délais successifs garantissant une exécution respectueuse des droits du locataire.
Non, le propriétaire ne peut pas unilatéralement accélérer la procédure. Tous les délais sont strictement encadrés par la loi et visent à équilibrer les droits du bailleur et du locataire. Le seul moyen de réduire certains délais est de saisir le tribunal en référé, dans des situations où l’urgence est manifeste (par exemple, en cas de troubles graves causés par le locataire). Toutefois, même dans ce cas, le juge reste souverain dans l’appréciation du fondement de la demande et des délais à accorder. Par ailleurs, la demande de concours de la force publique ne peut être anticipée et dépend des délais de réponse de l’administration préfectorale. Il est donc impossible de court-circuiter le calendrier légal de l’expulsion.