Pénal

Fermeture administrative : solutions juridiques pour commerçants

Francois Hagege
Fondateur
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Défendre son commerce face à un arrêté préfectoral de fermeture

Dans le paysage économique français, la fermeture administrative représente une mesure redoutée des commerçants, pouvant mettre en péril l’équilibre financier et la pérennité d’une entreprise.

Loin d’être une sanction pénale, cette décision émanant du préfet ou du préfet de police s’inscrit dans le cadre des pouvoirs de police administrative, visant essentiellement à garantir le respect de l'ordre public, de la santé, de la moralité ou encore de la tranquillité publique. Elle intervient également lorsque des infractions aux règles sanitaires ou commerciales sont constatées au sein de l’établissement concerné.

Pour autant, cette mesure n’est pas arbitraire : elle obéit à un cadre juridique strict, défini par des textes tels que le Code des relations entre le public et l'administration et le Code de la santé publique. Avant de pouvoir fermer un commerce, l'administration est en principe tenue de respecter le principe du contradictoire, pilier des droits de la défense dans toute procédure administrative.

Mais dans la pratique, de nombreux commerçants ignorent les leviers juridiques permettant de contester la décision ou d’en limiter les effets. L’accompagnement par un avocat spécialisé devient alors essentiel, tant pour faire valoir ses arguments avant la décision, que pour saisir le juge administratif en cas de fermeture prononcée.

L’objectif de cet article est donc de clarifier le régime juridique applicable à la fermeture administrative, en précisant la procédure à respecter, les motifs susceptibles de justifier la mesure, les durées possibles, ainsi que les moyens de défense envisageables pour les exploitants concernés.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition de la fermeture administrative
  3. Obligation de respecter la procédure contradictoire
  4. Exceptions à la procédure contradictoire
  5. Fondements juridiques de la mesure
  6. Obligations du bailleur et du locataire face aux travaux exigés
  7. Risques spécifiques pour certains types d'établissements
  8. Conclusion
  9. FAQ

Définition de la fermeture administrative

L’arrêté de fermeture administrative est une mesure édictée par le préfet (ou le préfet de police à Paris), ordonnant la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement commercial. Il s'agit d'une mesure de police administrative, et non d'une sanction judiciaire : aucun passage devant le juge n'est requis pour qu'elle soit prononcée.

Cette procédure s'appuie notamment sur les articles L3332-15 et L3332-16 du Code de la santé publique, qui prévoient les fondements et les durées applicables selon le motif de fermeture. Le Code des relations entre le public et l'administration (articles L121-2 et L122-1) encadre quant à lui le respect des droits de la défense.

Obligation de respecter la procédure contradictoire

Avant toute décision, le préfet doit respecter une procédure contradictoire, conformément à l'article L122-1 du Code des relations entre le public et l'administration. Cette procédure implique :

  • Notification des motifs justifiant la mesure envisagée ;
  • Invitation formelle à présenter des observations écrites et/ou orales, dans un délai suffisant.

Le délai de réponse laissé à l’exploitant doit être raisonnable. En pratique, 15 jours sont généralement considérés comme adéquats pour garantir l'effectivité des droits de la défense. Un délai plus court pourrait entraîner la censure de l’arrêté par le juge administratif, sauf exceptions.

Il est vivement recommandé au commerçant de se faire assister par un avocat dès la réception de la première lettre d’information : cette intervention peut permettre de limiter ou d'éviter la mesure de fermeture.

Exceptions à la procédure contradictoire

En application de l'article L121-2 du Code des relations entre le public et l'administration, la procédure contradictoire peut être écartée :

  • En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ;
  • Si la procédure mettrait en péril l’ordre public ou les relations internationales ;
  • Lorsque la loi prévoit une procédure particulière.

Fondements juridiques de la mesure

Le préfet peut fonder la fermeture administrative sur plusieurs situations :

  1. Infractions aux lois régissant l’activité commerciale : fermeture pour 6 mois maximum, après avertissement préalable (article L3332-15 du Code de la santé publique) ;
  2. Atteinte à l’ordre public, à la santé, à la moralité ou à la tranquillité publique : fermeture pour 2 mois maximum ;
  3. Infractions pénales commises dans l’établissement ou en lien avec son activité : fermeture pouvant aller jusqu’à 6 mois, avec annulation automatique du permis d’exploitation.

Le ministre de l’Intérieur peut également ordonner une fermeture pour une durée allant jusqu’à 1 an (article L3332-16 du Code de la santé publique), en déduisant la période déjà fixée par le préfet.

En matière de santé publique, le préfet peut ordonner une fermeture immédiate si des manquements sanitaires (présence de nuisibles, absence de formation à l’hygiène…) exposent les clients à un danger. Dans ce cas, le local ne pourra rouvrir qu’une fois les travaux de mise en conformité achevés (article 1331-22 du Code de la santé publique).

Obligations du bailleur et du locataire face aux travaux exigés

Lorsque la fermeture administrative est motivée par des manquements sanitaires ou des infractions d’hygiène, il revient en principe à l’exploitant du commerce d’effectuer les travaux nécessaires pour lever la mesure préfectorale et permettre la réouverture de son établissement. Toutefois, la répartition des responsabilités peut s’avérer plus complexe, en fonction de la nature des défauts constatés et des stipulations du bail commercial.

En effet, si le local loué s’avère inadapté à l’activité prévue au bail (par exemple absence de conduit d’extraction pour une activité de restauration), le locataire commerçant dispose d’un recours contre son bailleur. Ce dernier est en effet tenu par une obligation de délivrance conforme prévue à l’article 1719 du Code civil, lui imposant de fournir un local permettant l’exploitation normale prévue contractuellement.

Ainsi, lorsque le local initialement livré par le bailleur ne respecte pas les normes d’hygiène ou de sécurité nécessaires à l’activité prévue, les travaux de remise aux normes peuvent être imputés au bailleur. Le locataire peut :

  • Faire exécuter les travaux à ses frais dans un premier temps, pour éviter la prolongation de la fermeture ;
  • Réclamer ensuite le remboursement de ces travaux auprès du bailleur, sur la base de l’obligation de délivrance.

Cette analyse est confirmée par la jurisprudence. Par exemple, dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (10 avril 2019, n° 17/11987), un loueur de fonds a été condamné à rembourser les frais de travaux supportés par un locataire-gérant. Le local, affecté à une activité de restauration, n’était pas conforme aux règles d’hygiène du fait de sa conception même. Le défaut relevait donc de la responsabilité du bailleur, et non de celle de l’exploitant.

Il est donc essentiel pour le commerçant confronté à une fermeture administrative motivée par un problème d’hygiène ou de sécurité de vérifier :

  • La conformité du local au regard de son activité ;
  • Les clauses précises de son bail commercial ;
  • L’origine des manquements reprochés.

Une analyse juridique rigoureuse permettra ainsi de déterminer qui doit supporter la charge financière des travaux exigés par la préfecture.

Risques spécifiques pour certains types d'établissements

Certains types d’établissements sont plus fréquemment exposés à la fermeture administrative, en raison de la nature même de leur activité ou de leur clientèle. Les établissements recevant du public sont ainsi dans le viseur des préfectures, notamment :

  • Les bars et discothèques, souvent concernés par des rixes, des troubles à l'ordre public, ou des problèmes liés à l’alcoolisation excessive de la clientèle ;
  • Les hôtels, susceptibles de se voir reprocher des conditions de logement indécentes ou des infractions liées à la sécurité incendie ;
  • Les restaurants, régulièrement sanctionnés pour manquements aux règles d’hygiène alimentaire : stockage défectueux des denrées, absence de traçabilité, non-respect des dates limites de consommation, ou locaux insalubres.

La survenue d’actes de violence dans ou à proximité immédiate de l’établissement – impliquant des clients, le personnel ou même les exploitants eux-mêmes – est également un motif fréquent de fermeture. Le préfet, garant de l'ordre public, peut justifier la mesure par le trouble manifeste causé à la tranquillité publique.

Il est donc indispensable pour les gestionnaires de ces établissements de maîtriser leurs obligations réglementaires, de former leur personnel, et de veiller à la sécurité des lieux. Toute négligence peut non seulement porter atteinte à la réputation du commerce, mais également entraîner une perte sèche d'exploitation liée à la fermeture administrative.

En pratique, ces fermetures constituent une véritable menace économique pour les professionnels concernés. Le recours à un avocat spécialisé en droit public et en droit commercial devient souvent une nécessité stratégique pour défendre efficacement les intérêts du commerçant.

Conclusion

Face à un arrêté de fermeture administrative, le commerçant dispose d’un arsenal juridique qu’il convient d’activer méthodiquement et sans délai. La première étape est de surveiller scrupuleusement le respect de la procédure contradictoire par l’autorité préfectorale. Toute irrégularité procédurale, notamment un délai insuffisant laissé pour présenter ses observations, peut constituer un moyen solide de contestation devant le juge administratif.

Sur le fond, il sera nécessaire d’analyser la proportionnalité de la mesure au regard des faits reprochés et des risques allégués pour l’ordre public ou la santé. Un avocat pourra également intervenir en urgence pour engager un référé-suspension ou un référé-liberté, permettant ainsi d'obtenir la suspension provisoire de l’arrêté dans les cas les plus graves.

En matière de travaux de conformité, notamment lorsque des manquements sanitaires sont constatés, une analyse des responsabilités entre bailleur et locataire est primordiale. L'obligation de délivrance du bailleur pourrait permettre au commerçant d'obtenir la prise en charge des coûts des travaux nécessaires à la réouverture.

La vigilance et la réactivité juridique sont ainsi les deux clés pour espérer maintenir ou restaurer l’activité commerciale, souvent indispensable à la survie économique de l’entreprise concernée.

FAQ

1. Quelles situations peuvent entraîner la fermeture administrative d'un commerce ?

La fermeture administrative est prononcée lorsque le préfet constate des faits graves mettant en cause la sécurité, la santé ou l’ordre public. Concrètement, plusieurs situations peuvent justifier cette mesure :

  • La commission d’infractions pénales dans l’établissement ou en lien avec son activité, telles que des violences, des trafics ou d’autres délits graves.
  • Des troubles à l’ordre public, comme des rixes régulières entre clients ou des nuisances sonores récurrentes.
  • Le non-respect des normes sanitaires ou d’hygiène : présence de nuisibles, défaut de formation du personnel à l’hygiène alimentaire, absence d’installation obligatoire (conduit d’extraction dans une cuisine par exemple).
  • Le non-respect de dispositions réglementaires encadrant l’activité, telles que la vente d’alcool sans autorisation.
  • Les conditions de logement indécentes dans le cas d’hôtels.

Selon la gravité des manquements, la fermeture peut être prononcée pour une durée maximale de 6 mois (article L3332-15 du Code de la santé publique) voire 1 an si le ministre de l’Intérieur intervient (article L3332-16).

2. Quelle procédure l'administration doit-elle suivre avant de fermer un commerce ?

Le préfet est tenu de respecter une procédure contradictoire, conformément à l'article L122-1 du Code des relations entre le public et l'administration :

  • Envoi d’une notification écrite au commerçant détaillant les motifs justifiant la fermeture envisagée.
  • Fixation d'un délai raisonnable (généralement 15 jours) pour permettre à l’exploitant de présenter des observations écrites ou orales.
  • Analyse des arguments avant de statuer.

Cette étape est primordiale pour garantir les droits de la défense du commerçant. Une procédure bâclée (délai trop court, absence d’information complète) peut permettre une annulation de l'arrêté par le juge administratif. Toutefois, en cas d'urgence, cette procédure peut être écartée (article L121-2).

Il est fortement conseillé au commerçant de solliciter un avocat dès la notification, afin de préparer une défense argumentée.

3. Quels recours sont envisageables contre un arrêté de fermeture administrative ?

Le commerçant peut contester la fermeture en saisissant le tribunal administratif :

  • Un recours pour excès de pouvoir permet de demander l’annulation de l’arrêté sur le fond (irrégularité procédurale, disproportion de la mesure…).
  • Un référé-suspension (article L521-1 du Code de justice administrative) peut suspendre temporairement la décision préfectorale si l’urgence et un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté sont établis.
  • En cas d'atteinte grave et immédiate aux libertés fondamentales (droit d’entreprendre, liberté du commerce), un référé-liberté (article L521-2) peut être sollicité pour obtenir une suspension sous 48 heures.

Le juge administratif examinera notamment si la proportionnalité de la mesure est respectée au regard des risques invoqués.

4. Qui doit financer les travaux imposés par l’administration pour rouvrir un commerce ?

Lorsque la fermeture est motivée par des manquements sanitaires ou des travaux de conformité non réalisés, l’exploitant du commerce est en principe responsable de la réalisation des travaux.

Cependant, dans certains cas, le bailleur peut être tenu de prendre en charge les frais :

  • Si le local loué était non conforme à sa destination contractuelle dès le départ (par exemple, absence d’équipements indispensables à une activité de restauration).
  • Sur la base de son obligation de délivrance conforme prévue aux articles 1719 et suivants du Code civil.

La jurisprudence rappelle que le bailleur ne peut se décharger de cette obligation. Ainsi, la Cour d’appel de Paris (arrêt du 10 avril 2019, n° 17/11987) a condamné un bailleur à rembourser à son locataire les frais de travaux exigés pour répondre aux normes d'hygiène non respectées par le local initial.

Il est donc important de bien analyser le contrat de bail avant d’engager des dépenses.

5. Dans quels cas le préfet peut-il fermer un commerce sans respecter la procédure contradictoire ?

En principe, la procédure contradictoire est obligatoire. Cependant, trois exceptions existent (article L121-2 du Code des relations entre le public et l'administration) :

  • Situation d’urgence absolue : présence immédiate d'un risque grave pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publique (exemple : intoxication alimentaire dans un restaurant).
  • Circonstances exceptionnelles : événement imprévu rendant impossible la procédure préalable sans compromettre la sécurité (exemple : troubles graves déclenchés par l'activité du commerce).
  • Si la procédure contradictoire spécifique prévue par un texte législatif particulier exclut cette formalité.

Dans tous les cas, le préfet doit motiver sa décision et démontrer que l’urgence ou la gravité de la situation justifie l’écartement des droits de la défense. Cette motivation peut être contestée devant le juge administratif en cas d’abus.

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