Dans le paysage économique français, la fermeture administrative représente une mesure redoutée des commerçants, pouvant mettre en péril l’équilibre financier et la pérennité d’une entreprise.
Loin d’être une sanction pénale, cette décision émanant du préfet ou du préfet de police s’inscrit dans le cadre des pouvoirs de police administrative, visant essentiellement à garantir le respect de l'ordre public, de la santé, de la moralité ou encore de la tranquillité publique. Elle intervient également lorsque des infractions aux règles sanitaires ou commerciales sont constatées au sein de l’établissement concerné.
Pour autant, cette mesure n’est pas arbitraire : elle obéit à un cadre juridique strict, défini par des textes tels que le Code des relations entre le public et l'administration et le Code de la santé publique. Avant de pouvoir fermer un commerce, l'administration est en principe tenue de respecter le principe du contradictoire, pilier des droits de la défense dans toute procédure administrative.
Mais dans la pratique, de nombreux commerçants ignorent les leviers juridiques permettant de contester la décision ou d’en limiter les effets. L’accompagnement par un avocat spécialisé devient alors essentiel, tant pour faire valoir ses arguments avant la décision, que pour saisir le juge administratif en cas de fermeture prononcée.
L’objectif de cet article est donc de clarifier le régime juridique applicable à la fermeture administrative, en précisant la procédure à respecter, les motifs susceptibles de justifier la mesure, les durées possibles, ainsi que les moyens de défense envisageables pour les exploitants concernés.
L’arrêté de fermeture administrative est une mesure édictée par le préfet (ou le préfet de police à Paris), ordonnant la fermeture temporaire ou définitive d'un établissement commercial. Il s'agit d'une mesure de police administrative, et non d'une sanction judiciaire : aucun passage devant le juge n'est requis pour qu'elle soit prononcée.
Cette procédure s'appuie notamment sur les articles L3332-15 et L3332-16 du Code de la santé publique, qui prévoient les fondements et les durées applicables selon le motif de fermeture. Le Code des relations entre le public et l'administration (articles L121-2 et L122-1) encadre quant à lui le respect des droits de la défense.
Avant toute décision, le préfet doit respecter une procédure contradictoire, conformément à l'article L122-1 du Code des relations entre le public et l'administration. Cette procédure implique :
Le délai de réponse laissé à l’exploitant doit être raisonnable. En pratique, 15 jours sont généralement considérés comme adéquats pour garantir l'effectivité des droits de la défense. Un délai plus court pourrait entraîner la censure de l’arrêté par le juge administratif, sauf exceptions.
Il est vivement recommandé au commerçant de se faire assister par un avocat dès la réception de la première lettre d’information : cette intervention peut permettre de limiter ou d'éviter la mesure de fermeture.
En application de l'article L121-2 du Code des relations entre le public et l'administration, la procédure contradictoire peut être écartée :
Le préfet peut fonder la fermeture administrative sur plusieurs situations :
Le ministre de l’Intérieur peut également ordonner une fermeture pour une durée allant jusqu’à 1 an (article L3332-16 du Code de la santé publique), en déduisant la période déjà fixée par le préfet.
En matière de santé publique, le préfet peut ordonner une fermeture immédiate si des manquements sanitaires (présence de nuisibles, absence de formation à l’hygiène…) exposent les clients à un danger. Dans ce cas, le local ne pourra rouvrir qu’une fois les travaux de mise en conformité achevés (article 1331-22 du Code de la santé publique).
Lorsque la fermeture administrative est motivée par des manquements sanitaires ou des infractions d’hygiène, il revient en principe à l’exploitant du commerce d’effectuer les travaux nécessaires pour lever la mesure préfectorale et permettre la réouverture de son établissement. Toutefois, la répartition des responsabilités peut s’avérer plus complexe, en fonction de la nature des défauts constatés et des stipulations du bail commercial.
En effet, si le local loué s’avère inadapté à l’activité prévue au bail (par exemple absence de conduit d’extraction pour une activité de restauration), le locataire commerçant dispose d’un recours contre son bailleur. Ce dernier est en effet tenu par une obligation de délivrance conforme prévue à l’article 1719 du Code civil, lui imposant de fournir un local permettant l’exploitation normale prévue contractuellement.
Ainsi, lorsque le local initialement livré par le bailleur ne respecte pas les normes d’hygiène ou de sécurité nécessaires à l’activité prévue, les travaux de remise aux normes peuvent être imputés au bailleur. Le locataire peut :
Cette analyse est confirmée par la jurisprudence. Par exemple, dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (10 avril 2019, n° 17/11987), un loueur de fonds a été condamné à rembourser les frais de travaux supportés par un locataire-gérant. Le local, affecté à une activité de restauration, n’était pas conforme aux règles d’hygiène du fait de sa conception même. Le défaut relevait donc de la responsabilité du bailleur, et non de celle de l’exploitant.
Il est donc essentiel pour le commerçant confronté à une fermeture administrative motivée par un problème d’hygiène ou de sécurité de vérifier :
Une analyse juridique rigoureuse permettra ainsi de déterminer qui doit supporter la charge financière des travaux exigés par la préfecture.
Certains types d’établissements sont plus fréquemment exposés à la fermeture administrative, en raison de la nature même de leur activité ou de leur clientèle. Les établissements recevant du public sont ainsi dans le viseur des préfectures, notamment :
La survenue d’actes de violence dans ou à proximité immédiate de l’établissement – impliquant des clients, le personnel ou même les exploitants eux-mêmes – est également un motif fréquent de fermeture. Le préfet, garant de l'ordre public, peut justifier la mesure par le trouble manifeste causé à la tranquillité publique.
Il est donc indispensable pour les gestionnaires de ces établissements de maîtriser leurs obligations réglementaires, de former leur personnel, et de veiller à la sécurité des lieux. Toute négligence peut non seulement porter atteinte à la réputation du commerce, mais également entraîner une perte sèche d'exploitation liée à la fermeture administrative.
En pratique, ces fermetures constituent une véritable menace économique pour les professionnels concernés. Le recours à un avocat spécialisé en droit public et en droit commercial devient souvent une nécessité stratégique pour défendre efficacement les intérêts du commerçant.
Face à un arrêté de fermeture administrative, le commerçant dispose d’un arsenal juridique qu’il convient d’activer méthodiquement et sans délai. La première étape est de surveiller scrupuleusement le respect de la procédure contradictoire par l’autorité préfectorale. Toute irrégularité procédurale, notamment un délai insuffisant laissé pour présenter ses observations, peut constituer un moyen solide de contestation devant le juge administratif.
Sur le fond, il sera nécessaire d’analyser la proportionnalité de la mesure au regard des faits reprochés et des risques allégués pour l’ordre public ou la santé. Un avocat pourra également intervenir en urgence pour engager un référé-suspension ou un référé-liberté, permettant ainsi d'obtenir la suspension provisoire de l’arrêté dans les cas les plus graves.
En matière de travaux de conformité, notamment lorsque des manquements sanitaires sont constatés, une analyse des responsabilités entre bailleur et locataire est primordiale. L'obligation de délivrance du bailleur pourrait permettre au commerçant d'obtenir la prise en charge des coûts des travaux nécessaires à la réouverture.
La vigilance et la réactivité juridique sont ainsi les deux clés pour espérer maintenir ou restaurer l’activité commerciale, souvent indispensable à la survie économique de l’entreprise concernée.
La fermeture administrative est prononcée lorsque le préfet constate des faits graves mettant en cause la sécurité, la santé ou l’ordre public. Concrètement, plusieurs situations peuvent justifier cette mesure :
Selon la gravité des manquements, la fermeture peut être prononcée pour une durée maximale de 6 mois (article L3332-15 du Code de la santé publique) voire 1 an si le ministre de l’Intérieur intervient (article L3332-16).
Le préfet est tenu de respecter une procédure contradictoire, conformément à l'article L122-1 du Code des relations entre le public et l'administration :
Cette étape est primordiale pour garantir les droits de la défense du commerçant. Une procédure bâclée (délai trop court, absence d’information complète) peut permettre une annulation de l'arrêté par le juge administratif. Toutefois, en cas d'urgence, cette procédure peut être écartée (article L121-2).
Il est fortement conseillé au commerçant de solliciter un avocat dès la notification, afin de préparer une défense argumentée.
Le commerçant peut contester la fermeture en saisissant le tribunal administratif :
Le juge administratif examinera notamment si la proportionnalité de la mesure est respectée au regard des risques invoqués.
Lorsque la fermeture est motivée par des manquements sanitaires ou des travaux de conformité non réalisés, l’exploitant du commerce est en principe responsable de la réalisation des travaux.
Cependant, dans certains cas, le bailleur peut être tenu de prendre en charge les frais :
La jurisprudence rappelle que le bailleur ne peut se décharger de cette obligation. Ainsi, la Cour d’appel de Paris (arrêt du 10 avril 2019, n° 17/11987) a condamné un bailleur à rembourser à son locataire les frais de travaux exigés pour répondre aux normes d'hygiène non respectées par le local initial.
Il est donc important de bien analyser le contrat de bail avant d’engager des dépenses.
En principe, la procédure contradictoire est obligatoire. Cependant, trois exceptions existent (article L121-2 du Code des relations entre le public et l'administration) :
Dans tous les cas, le préfet doit motiver sa décision et démontrer que l’urgence ou la gravité de la situation justifie l’écartement des droits de la défense. Cette motivation peut être contestée devant le juge administratif en cas d’abus.