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Filiation après décès : comment remettre en cause un acte de notoriété ?

Jordan Alvarez
Editeur
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Peut-on contester un acte de notoriété en matière de filiation ? La Cour de cassation répond

Une reconnaissance de filiation sans audience… mais pas sans limite

Une femme, déclarée à l’état civil comme née de deux époux, obtient d’un juge d’instance un acte de notoriété constatant sa possession d’état d’enfant à l’égard d’un homme décédé récemment. Cette reconnaissance, délivrée sans audience ni débat contradictoire, entraîne une modification en marge de son acte de naissance. Le ministère public, saisi, en ordonne l’inscription.

Cette situation, fréquente dans les dossiers de filiation tardive ou de reconnaissance posthume, peut avoir des répercussions significatives : droits successoraux, perception de pensions, modification des actes d’état civil.

Or, le fils du défunt conteste cette nouvelle filiation et saisit le tribunal judiciaire afin d’en obtenir l’annulation, ou à défaut l’inopposabilité à son égard. Il se heurte à un refus : la cour d’appel considère que l’acte de notoriété n’est pas susceptible de recours. Pourtant, la Cour de cassation annule cette décision dans un arrêt du 2 juillet 2025 (n° 24-11.220).

Un acte non juridictionnel, mais juridiquement contestable

L’acte de notoriété est délivré par un juge d’instance, mais il ne s’agit pas d’une décision de justice au sens technique. Il n’est donc pas possible d’interjeter appel ou de former un pourvoi contre sa délivrance ou son refus. C’est ce que rappelle l’article 317 du Code civil dans sa version antérieure à la réforme de 2019, applicable en l’espèce.

Toutefois, cela ne signifie pas que cet acte est à l’abri de toute contestation. En effet, l’article 317 prohibe uniquement les voies de recours contre l’acte de délivrance, mais il n’interdit pas à un tiers, notamment un héritier, d’intenter une action contentieuse fondée sur l’article 320 du Code civil, pour en contester la validité ou les effets.

La Cour de cassation rappelle que lorsqu’un juge est saisi non d’un recours, mais d’une action en annulation ou en inopposabilité de l’acte, il doit statuer. Refuser d’examiner une telle action en se retranchant derrière l’absence de voie de recours constitue une erreur de droit.

Quelle portée pour les justiciables ?

Cette décision présente un intérêt pratique majeur. Elle montre qu’un acte de notoriété constatant une possession d’état – même régulièrement délivré – n’a pas force de vérité incontestable. Il est possible, pour un tiers concerné, de saisir le tribunal pour en vérifier la conformité à la réalité, en contestant notamment :

  • L’existence réelle d’une possession d’état ;
  • La constance, la publicité ou la reconnaissance du lien social de filiation ;
  • Ou encore l’authenticité des éléments ayant permis la délivrance de l’acte.

En d’autres termes, l’acte de notoriété n’a pas d’autorité de chose jugée, et ne clôt pas la discussion sur la filiation. Il peut être annulé, ou jugé inopposable à certaines personnes, notamment en cas de contestation sérieuse ou de fraude.

Une protection des droits des héritiers et des tiers

Cet arrêt vient rétablir un équilibre essentiel : faciliter les démarches de reconnaissance de filiation pour ceux qui en sont privés, sans pour autant empêcher les personnes potentiellement lésées de faire valoir leurs droits. Il souligne également que l’absence de recours formel ne doit pas être confondue avec l’irrecevabilité de toute contestation.

La voie contentieuse demeure ouverte, ce qui est crucial dans des affaires impliquant des droits successoraux, des liens familiaux ou des intérêts patrimoniaux.

FAQ – Contestation d’un acte de notoriété en matière de filiation

Peut-on faire appel d’un acte de notoriété établissant une filiation ?

Non. L’acte de notoriété délivré par un juge d’instance n’est pas une décision juridictionnelle. Il ne peut donc pas faire l’objet d’un appel, d’un pourvoi en cassation ou d’un recours gracieux classique. C’est une procédure non contradictoire, instruite sans débat, à partir des pièces fournies par le demandeur.

Que peut faire une personne opposée à la filiation ainsi constatée ?

Elle peut engager une action en justice pour contester l’acte. Cette contestation peut porter :

  • sur la validité de la possession d’état invoquée (ex. : absence de relations continues avec le défunt) ;
  • ou sur l’inopposabilité de l’acte à son égard, si la personne démontre qu’elle n’a jamais reconnu cette filiation ni été associée à cette démarche.

Quelle est la différence entre l’absence de recours et une action contentieuse ?

Le recours vise à faire réformer ou annuler une décision dans le cadre même de la procédure qui l’a produite (ex. : appel contre un jugement). En revanche, une action contentieuse est une nouvelle instance, qui peut contester les effets d’un acte ou les droits qui en découlent. Dans le cas d’un acte de notoriété, la voie contentieuse reste possible même si aucun recours direct n’est prévu.

Quelle base juridique invoquer pour contester un acte de notoriété en filiation ?

L’action doit être fondée sur l’article 320 du Code civil, qui permet de contester une filiation établie, dans les délais prévus, dès lors que la preuve contraire peut être rapportée. Il est aussi possible de contester la réalité de la possession d’état ayant servi de fondement à l’acte.

L’inscription de la filiation en marge de l’acte de naissance est-elle définitive ?

Non. Cette mention peut être supprimée si l’acte de notoriété est annulé ou déclaré inopposable. La modification d’un acte d’état civil par simple inscription ne donne pas automatiquement une filiation irrévocable si elle est entachée d’erreur ou de fraude.

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