Civil

Filmé par votre voisin ? Ce que dit la justice sur les caméras intrusives

Jordan Alvarez
Editeur
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Caméras braquées sur le voisinage : à partir de quand cela devient-il illégal ?

Lorsqu’un système de vidéosurveillance est orienté vers la propriété d’un voisin ou un chemin partagé, cela peut-il constituer un trouble manifestement illicite justifiant une action en justice ? La Cour de cassation a récemment répondu par l'affirmative, renforçant ainsi les droits des justiciables face aux intrusions technologiques.

Une affaire de voisinage… et de caméras

Dans cette affaire jugée le 10 avril 2025, plusieurs propriétaires indivis d’un terrain reprochaient à leur voisin d’avoir empiété sur leur propriété en construisant un mur, mais aussi d’avoir installé une caméra de surveillance orientée vers un chemin de passage attenant à leur fonds.

Considérant que cette caméra surplombait leur parcelle et captait des images de personnes y circulant, ils ont saisi le juge des référés pour faire ordonner son retrait immédiat.

En appel, les juges avaient rejeté la demande de retrait de la caméra. Leur argument ? Selon eux, le dispositif ne filmait que le chemin d’accès commun, partagé par plusieurs voisins, et il n’était pas démontré qu’il y avait atteinte directe à la vie privée des demandeurs. Autrement dit, faute de preuve d’un dommage immédiat ou d’un usage abusif, la demande était jugée infondée.

Mais cette interprétation a été corrigée par la Cour de cassation.

La position de la Cour de cassation : un trouble manifestement illicite

La haute juridiction rappelle un principe fondamental du droit civil : dès lors qu’un dispositif permet de capter des images de personnes circulant sur un espace non exclusivement privatif, et surtout en bordure ou à l’intérieur d’une propriété voisine, cela suffit à caractériser un trouble manifestement illicite.

Autrement dit, il n’est pas nécessaire de démontrer une atteinte effective à la vie privée, ni même un usage détourné des images, pour agir. Le simple fait de pouvoir filmer, sans autorisation et sans respect du droit des tiers, est déjà une atteinte manifeste au droit de jouissance paisible du bien d’autrui.

En conséquence, la Cour casse l’arrêt d’appel et rappelle que les juridictions doivent tirer les conséquences légales de leurs propres constats. Filmer les abords d’un terrain d’autrui sans base légale constitue un trouble à faire cesser.

Que faut-il retenir en tant que particulier ?

Cette décision a des implications concrètes pour tout propriétaire ou occupant :

  • Installer une caméra chez soi n’autorise pas à filmer les voies partagées ou les abords de la propriété voisine, même partiellement.
  • Si vous êtes filmé sans votre accord par un dispositif qui déborde sur votre espace (par exemple : entrée, jardin, chemin d’accès commun), vous pouvez agir rapidement en référé, sans attendre une procédure longue.
  • L’atteinte à la vie privée n’a pas à être prouvée en détail : le trouble réside dans la possibilité même d’être capté à son insu.

Quels recours en cas de vidéosurveillance intrusive ?

Vous avez plusieurs leviers juridiques :

  1. La procédure en référé : elle permet d’obtenir en urgence le retrait ou le réajustement du système de vidéosurveillance, sans attendre un jugement définitif.
  2. L’article 9 du Code civil sur le respect de la vie privée peut également être mobilisé.
  3. La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) peut être saisie si le dispositif n’est pas conforme à la législation sur la protection des données personnelles.

Enfin, cette affaire montre aussi que les droits des voisins ne sont pas limités à la propriété physique : les images, les bruits, les odeurs peuvent aussi constituer des troubles anormaux de voisinage.

Conclusion

La justice confirme que la surveillance abusive ou mal orientée ne peut pas être tolérée, même sur un simple chemin d’accès. En tant que justiciable, vous avez le droit de vous protéger contre toute captation non autorisée sur votre propriété ou ses abords immédiats. Cette affaire montre l’importance de faire valoir ses droits rapidement, dès lors que le trouble est avéré.

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