Travail

Fortes chaleurs : ce que la loi impose désormais aux employeurs

Jordan Alvarez
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Nouveau décret : la gestion du risque chaleur en entreprise

Les vagues de chaleur, amplifiées par le dérèglement climatique, soulèvent aujourd’hui des enjeux majeurs en matière de santé au travail. Chaque été, les entreprises françaises doivent affronter une problématique concrète : comment protéger efficacement leurs salariés face aux risques liés aux fortes chaleurs ? La question n’est plus simplement pratique, elle est désormais juridique. Depuis le 1er juillet 2025, un nouveau cadre réglementaire issu du décret n° 2025-482 impose aux employeurs des mesures strictes et précises. Ces obligations, inscrites au code du travail, renforcent les exigences classiques de prévention en introduisant des adaptations spécifiques aux périodes de canicule, notamment dès le déclenchement des seuils jaune, orange ou rouge par Météo-France.

Le plan national canicule (PNC), systématiquement activé entre le 1er juin et le 15 septembre, s’inscrit dans cette politique de prévention renforcée. Sa déclinaison en entreprise n'est plus une option : tout employeur doit désormais anticiper les risques et adapter l’organisation du travail aux réalités climatiques. L’évaluation des risques, l’information des salariés, la mise à disposition d’eau potable, la ventilation adaptée des locaux et la réorganisation du temps de travail deviennent des impératifs juridiques.

Au cœur de cette réforme, c’est l’obligation générale de sécurité prévue à l’article L4121-1 du code du travail qui se trouve consolidée. En cas de défaillance de l’employeur, la responsabilité civile, voire pénale, peut être engagée. Le droit de retrait des salariés constitue un autre levier de protection, permettant aux travailleurs de quitter leur poste en cas de danger grave et imminent.

L’enjeu est de taille : prévenir les coups de chaleur, éviter les accidents du travail et garantir des conditions de travail respectueuses de la santé des collaborateurs, notamment dans les secteurs à risques comme le BTP ou l’agriculture. Dès lors, la conformité au droit du travail en période de canicule ne relève pas seulement d’une obligation morale : elle devient une exigence légale incontournable.

Sommaire

  1. Plan canicule en entreprise : les nouvelles obligations légales de l'employeur
  2. Chaleur au travail : le nouveau décret du 27 mai 2025
  3. Le plan national canicule : une stratégie anticipative
  4. Obligations générales de l'employeur : code du travail et santé des salariés
  5. Adapter les conditions de travail
  6. Vigilance rouge : obligations spécifiques de l'employeur
  7. Absence de seuil légal de température maximale
  8. Travailleurs en extérieur : focus sur le secteur BTP
  9. Organisation des travaux et gestion de la sous-traitance
  10. Formation et premiers secours : une obligation de sécurité renforcée
  11. FAQ

Chaleur au travail : le nouveau décret du 27 mai 2025

Depuis le 1er juillet 2025, un décret n° 2025-482 est venu renforcer les obligations de l'employeur face aux risques liés à la chaleur. Désormais intégré dans le code du travail, ce décret prévoit l’application de mesures dès le déclenchement des seuils de vigilance jaune, orange ou rouge par Météo-France (article R4463-1 du code du travail).

En application des articles R4463-3 et R4463-6 du code du travail, l’employeur doit adapter l’organisation du travail et assurer la formation ainsi que l’information des salariés sur les symptômes des coups de chaleur et les gestes à adopter. La mise en place de protocoles de secours est obligatoire, notamment pour les travailleurs isolés.

Le plan national canicule : une stratégie anticipative

Le plan national canicule (PNC), activé chaque année entre le 1er juin et le 15 septembre, vise à anticiper les pics de chaleur. Ce plan impose aux entreprises de définir des actions concrètes pour limiter les effets sanitaires et protéger les salariés vulnérables.

L'élaboration du PNC en entreprise repose notamment sur l’intégration des risques thermiques dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et, pour les structures de plus de 50 salariés, dans le programme annuel de prévention des risques professionnels (PAPRIPACT).

Obligations générales de l'employeur : code du travail et santé des salariés

Assurer la sécurité et la santé des travailleurs

L'article L4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et mentale des salariés, notamment face aux risques de températures extrêmes :

  • Actions de prévention et d’information
  • Mise à disposition d'eau potable (article R4225-2 du code du travail)
  • Ventilation adéquate des locaux (article R4222-1 du code du travail)
  • Fourniture d’équipements de protection adaptés

En cas de danger grave et imminent, l'article L4131-1 du code du travail reconnaît au salarié un droit de retrait.

Adapter les conditions de travail

Conformément au ministère du travail, l’adaptation de l’organisation implique :

  • Révision du DUERP ou du PAPRIPACT ;
  • Fourniture gratuite d'eau fraîche à proximité des postes ;
  • Rafraîchissement des locaux fermés ;
  • Information continue des salariés sur l’évolution des températures ;
  • Protection des travailleurs vulnérables.

L’aménagement des horaires, les pauses supplémentaires et le recours au télétravail peuvent également être mis en place, conformément aux recommandations du plan national canicule.

Vigilance rouge : obligations spécifiques de l'employeur

Lorsqu’une alerte rouge est déclenchée par Météo-France, l’évaluation des risques devient quotidienne. L'employeur doit :

  • Suivre l’évolution des températures ;
  • Analyser la pénibilité des tâches et la charge physique ;
  • Tenir compte de l’état de santé et de l’âge des salariés en lien avec la médecine du travail.

En cas d’impossibilité d’assurer la sécurité des salariés, il est recommandé :

  • De réduire les cadences ;
  • D’alterner les cycles travail/repos ;
  • Voire de suspendre l’activité si nécessaire.

Le télétravail peut également être instauré afin de limiter l'exposition des salariés.

Absence de seuil légal de température maximale

Le code du travail n’établit aucun seuil de température maximale. Toutefois, l’INRS recommande une vigilance particulière dès :

  • 30 °C pour un travail sédentaire ;
  • 28 °C pour un travail physique.

L’employeur doit ainsi éviter les élévations exagérées de température, conformément à l'article R4222-1 du code du travail.

Travailleurs en extérieur : focus sur le secteur BTP

Les professionnels du BTP et du secteur agricole font partie des salariés les plus exposés. Ils bénéficient désormais du chômage-intempéries en cas de canicule reconnue comme facteur d'arrêt de chantier (décret n° 2024-630 du 28 juin 2024 et articles L5424-8 et D5424-7-1 du code du travail).

Les obligations spécifiques incluent :

  • Postes aménagés et protégés contre les conditions climatiques (article R4225-1 du code du travail) ;
  • Locaux adaptés aux pauses (article R4534-142-1 du code du travail) ;
  • Minimum de 3 litres d’eau potable par jour et par salarié en l'absence d'eau courante (article R4534-143 du code du travail).

L’adaptation des équipements de protection individuelle (EPI) est également requise : vêtements clairs, respirants et adaptés à la chaleur, tout en respectant les normes de sécurité.

Organisation des travaux et gestion de la sous-traitance

Les employeurs doivent :

  • Réaménager les horaires ;
  • Alterner les tâches pour limiter l’exposition ;
  • Superviser également les entreprises sous-traitantes, soumises aux mêmes obligations.

Formation et premiers secours : une obligation de sécurité renforcée

Selon l'article R4224-15 du code du travail, la formation au secourisme devient obligatoire :

  • Dans chaque atelier avec travaux dangereux ;
  • Sur chaque chantier mobilisant au moins 20 salariés pendant plus de 15 jours.

Les locaux doivent être équipés d'un matériel de premiers secours adapté, conformément à l'article R4224-14 du code du travail.

Conclusion

La gestion des fortes chaleurs en entreprise s’impose désormais comme un véritable enjeu juridique, dicté par des normes strictes inscrites dans le code du travail. Le renforcement des obligations de l’employeur par le décret n° 2025-482, ainsi que l’intégration des épisodes de canicule dans le dispositif du chômage-intempéries, illustrent la volonté des pouvoirs publics d’encadrer rigoureusement la protection des salariés face aux risques climatiques.

L’employeur doit donc non seulement anticiper, mais aussi adapter en permanence les conditions de travail, qu’il s’agisse de mettre en place des mesures matérielles, organisationnelles ou de communication. L'absence de seuil légal de température ne diminue en rien son obligation d'assurer la sécurité et la santé des travailleurs. La vigilance est d'autant plus de mise lors des périodes d’alerte rouge, où la réévaluation quotidienne des risques devient impérative et peut justifier des aménagements significatifs, voire la suspension des activités.

Entre droit de retrait, responsabilité de l’employeur, protection des travailleurs vulnérables, et exigences particulières pour les salariés du BTP, l’adaptation au risque chaleur n’est plus un simple ajustement organisationnel : c’est une démarche juridique complète que les entreprises doivent intégrer pour répondre aux exigences actuelles du droit du travail.

FAQ :

1. L’employeur est-il tenu de mettre en place un plan canicule au sein de son entreprise ?
Oui, le plan national canicule (PNC), activé chaque année du 1er juin au 15 septembre, impose aux employeurs une démarche préventive. Selon l’article L4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé physique et mentale des salariés. Le PNC doit donc être décliné à l’échelle de l’entreprise via l'élaboration ou la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) pour les entreprises de moins de 50 salariés, ou du programme annuel de prévention des risques professionnels (PAPRIPACT) pour les structures de 50 salariés ou plus. Ce plan vise à anticiper les épisodes de canicule et à organiser la protection des travailleurs, notamment ceux identifiés comme vulnérables (personnes âgées, femmes enceintes, travailleurs isolés...).

2. Quelles mesures concrètes l’employeur doit-il appliquer face à des températures élevées ?
L'employeur doit impérativement mettre en place plusieurs dispositifs visant à limiter les risques sanitaires :

  • Mise à disposition gratuite et permanente d’eau fraîche et potable, en quantité suffisante (article R4225-2 du code du travail) ;
  • Ventilation conforme des locaux (article R4222-1), pour maintenir une température compatible avec la santé des travailleurs ;
  • Protection collective et individuelle, comprenant des équipements adaptés à la chaleur (vêtements respirants, protections solaires...) ;
  • Réorganisation du travail : aménagement des horaires, pauses prolongées et installation de zones de repos fraîches ;
  • Sensibilisation et formation des salariés sur les signes d’alerte des coups de chaleur et les gestes à adopter, en application du décret n° 2025-482.

Ces mesures doivent être évaluées et adaptées en fonction de l'intensité des températures et des recommandations émises par Météo-France.

3. Que doit faire l’employeur lors d’une alerte de vigilance rouge émise par Météo-France ?
En cas d'alerte vigilance rouge, l'employeur a l’obligation de procéder à une évaluation quotidienne des risques encourus par chaque salarié. Cette évaluation prend en compte :

  • La nature des tâches (travail physique, extérieur...) ;
  • Les conditions météorologiques et leur évolution dans la journée ;
  • L’état de santé des travailleurs et les recommandations du service de santé au travail.

En fonction de cette évaluation, l'employeur doit adapter :

  • La charge et l’intensité du travail ;
  • Les horaires (décalage des heures de travail, travail plus tôt ou plus tard dans la journée) ;
  • Les pauses et les temps de récupération ;
  • L'arrêt temporaire des travaux lorsque les conditions deviennent incompatibles avec la sécurité des travailleurs.

L’ensemble de ces mesures vise à respecter les obligations imposées par les articles R4463-1 à R4463-6 du code du travail, renforcées par le décret du 27 mai 2025.

4. La loi prévoit-elle une température maximale au-delà de laquelle le travail doit être suspendu ?
Non, la législation française ne fixe aucun seuil légal strict de température maximale au travail. Le code du travail se limite à l’obligation générale de veiller à éviter « les élévations exagérées de température » (article R4222-1). Toutefois, l’INRS recommande de prendre des mesures préventives dès :

  • 30 °C pour les activités de type sédentaire (bureaux, guichets…) ;
  • 28 °C pour les postes impliquant un effort physique.

En l'absence de dispositions réglementaires chiffrées, c'est donc sur l'analyse des risques et la vigilance de l'employeur que repose l’adoption des mesures adéquates.

5. Les salariés travaillant en extérieur, notamment dans le BTP, peuvent-ils bénéficier du chômage-intempéries en période de canicule ?
Oui. Depuis le décret n° 2024-630 du 28 juin 2024, les épisodes de canicule sont officiellement intégrés au dispositif du chômage-intempéries applicable dans le secteur du BTP et des travaux agricoles. Lorsque la continuité de l’activité devient impossible sans mettre en danger les travailleurs, l’employeur peut :

  • Décider de l’arrêt du chantier ou des travaux extérieurs ;
  • Placer les salariés concernés en arrêt de travail indemnisé ;
  • Obtenir le remboursement des indemnités via la caisse nationale de surcompensation, conformément aux articles L5424-8 et D5424-7-1 du code du travail.

En complément, l'employeur reste tenu de fournir au minimum 3 litres d'eau potable et fraîche par jour et par travailleur (article R4534-143 du code du travail) et d'assurer des équipements de protection adaptés (vêtements clairs, respirants, etc.). L’aménagement des horaires et la rotation des tâches restent également fortement recommandés pour limiter l’exposition prolongée à des températures extrêmes.

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