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Fortes chaleurs : comment faire valoir vos droits au travail

Jordan Alvarez
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Droit de retrait et fortes températures : que dit la loi ?

Face aux vagues de chaleur extrême qui deviennent de plus en plus fréquentes, les conditions de travail soulèvent des enjeux juridiques essentiels pour préserver la santé et la sécurité des salariés.

En France, la protection des travailleurs exposés aux fortes températures repose sur un ensemble de dispositions légales inscrites dans le Code du travail, qui définissent à la fois les obligations de l’employeur, les droits du salarié et les mécanismes de prévention adaptés.

Comprendre ces règles est indispensable pour chaque salarié, qu’il travaille en intérieur ou en extérieur, afin d’exercer pleinement ses droits, anticiper les risques et dialoguer efficacement avec son employeur.

Sur defendstesdroits.fr, nous vous expliquons ce que la loi prévoit et comment l’appliquer concrètement lorsque la température grimpe au bureau, sur un chantier ou dans tout autre lieu de travail.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Les obligations générales de l’employeur en période de chaleur
  3. Ventilation et régulation de la température des locaux
  4. Eau potable et boissons fraîches à disposition
  5. Protection des travailleurs en extérieur
  6. Le droit de retrait en cas de fortes chaleurs
  7. Aménagement des horaires et pauses supplémentaires
  8. Existe-t-il une température maximale autorisée pour travailler
  9. Tenue vestimentaire et chaleur : des limites fixées par l’employeur
  10. Le rôle de l’inspection du travail et des représentants du personnel
  11. FAQ

Les obligations générales de l’employeur en période de chaleur

Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de ses salariés. Cette obligation générale implique une évaluation des risques et une adaptation des mesures de prévention dès lors qu’un changement de circonstances, comme une vague de chaleur, survient (article L. 4121-2).

L’insuffisance de précautions engage la responsabilité de l’employeur, notamment au titre de la faute inexcusable en cas d’accident du travail lié à la chaleur Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-11.793..

Ventilation et régulation de la température des locaux

Même si aucune obligation légale n’impose la mise en place d’une climatisation, le Code du travail prévoit des dispositions claires pour limiter toute élévation excessive de la température à l’intérieur des locaux fermés. L’article R. 4222-1 précise que l’air doit être renouvelé pour garantir un environnement sain et éviter une accumulation de chaleur qui pourrait nuire à la santé des salariés.

À ce titre, l’employeur doit veiller au bon état de fonctionnement des dispositifs de ventilation mécanique ou naturelle : ouverture des fenêtres, systèmes d’aération, extracteurs d’air… Ces équipements doivent être adaptés à la surface des locaux, au nombre de salariés présents et à la nature des activités exercées.

Un manquement à cette obligation peut engager la responsabilité de l’employeur, notamment si un défaut de ventilation entraîne un accident du travail ou une dégradation de l’état de santé d’un salarié.

L’inspection du travail peut exiger des mesures correctives immédiates en cas de non-conformité. Pour éviter tout risque, l’employeur est donc tenu d’anticiper et de contrôler régulièrement l’efficacité des installations, en particulier lors des périodes de fortes chaleurs.

Eau potable et boissons fraîches à disposition

L’article R. 4225-2 du Code du travail impose à tout employeur de mettre à disposition de ses salariés une eau potable et fraîche, facilement accessible et en quantité suffisante pour couvrir les besoins quotidiens.

Cette règle de base, souvent méconnue, est pourtant un droit essentiel pour prévenir les risques de déshydratation, en particulier lors de périodes de forte chaleur.

Lorsque les conditions de travail nécessitent une hydratation fréquente — par exemple en cas de travail physique intense, de port d’équipements lourds ou d’exposition prolongée à la chaleur — l’article R. 4225-3 précise que l’employeur doit fournir gratuitement une boisson non alcoolisée.

Cette obligation vise à garantir que chaque salarié puisse se désaltérer à tout moment sans contrainte, limitant ainsi les risques de malaise ou de coup de chaleur.

Pour les salariés travaillant en plein air, notamment dans le BTP, la réglementation est encore plus stricte : l’article R. 4534-143 prévoit que l’employeur doit fournir au moins 3 litres d’eau potable par jour et par travailleur.

Ce volume minimum est impératif et ne peut être réduit sous aucun prétexte. L’eau doit être facilement accessible, renouvelée régulièrement et maintenue à une température adéquate pour rester consommable.

En cas de non-respect, l’employeur engage sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité et peut être sanctionné par l’inspection du travail, voire poursuivi devant les juridictions compétentes si un incident survient.

Protection des travailleurs en extérieur

L’article R. 4225-1 dispose que les postes de travail extérieurs doivent être aménagés pour protéger les salariés des conditions climatiques extrêmes. En pratique, cela peut se traduire par :

  • l’installation d’abris,
  • la mise en place de zones ombragées,
  • voire l’accès à des espaces climatisés mobiles.

Ces mesures sont cumulatives et doivent être adaptées en fonction de la nature du travail et de la durée d’exposition.

Le droit de retrait en cas de fortes chaleurs

Le droit de retrait est prévu par l’article L. 4131-1 du Code du travail. Le salarié peut quitter son poste s’il a un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent pour sa santé.

Les fortes chaleurs peuvent être reconnues comme un tel danger, notamment en cas de signes de déshydratation, de malaises, ou de risque d’hyperthermie.

Aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être appliquée au salarié qui exerce son droit de retrait de bonne foi. Il est cependant tenu d’informer l’employeur sans délai, idéalement par écrit pour des raisons de preuve (Cass. soc., 16 février 1994, n° 90-45.104).

Aménagement des horaires et pauses supplémentaires

Le Code du travail n’impose pas expressément l’adaptation des horaires en cas de canicule. Cependant, l’article L. 4121-1 implique une obligation de prévention, ce qui ouvre la voie à des ajustements tels que :

  • le décalage des horaires pour privilégier les périodes les plus fraîches (matin ou soirée),
  • l’allongement des pauses pour limiter le temps d’exposition,
  • le recours au télétravail, lorsque cela est techniquement possible.

Bien que ces mesures soient principalement issues de recommandations de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), elles s’inscrivent pleinement dans l’esprit du droit de la prévention au travail.

Existe-t-il une température maximale légale ?

Contrairement à d’autres pays européens, la France ne fixe aucune température maximale précise pour travailler dans le Code du travail. Cela ne signifie pas pour autant qu’un employeur puisse ignorer les conditions climatiques extrêmes : la jurisprudence et la doctrine considèrent que c’est la notion de mise en danger qui prime.

Si la température ambiante atteint un seuil où elle compromet la santé ou la sécurité des salariés (déshydratation, malaise, coup de chaleur), l’employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour réduire le risque : renforcer la ventilation, adapter l’organisation du travail, prévoir des pauses supplémentaires, distribuer de l’eau fraîche et aménager les postes de travail.

À défaut de mesures suffisantes, le salarié est en droit d’exercer son droit de retrait (article L. 4131-1 du Code du travail) s’il estime faire face à un danger grave et imminent.

Il peut également saisir l’inspection du travail, qui dispose d’un pouvoir de contrôle et peut contraindre l’employeur à se conformer à ses obligations de prévention. Dans les faits, l’absence de seuil chiffré impose une appréciation au cas par cas, en tenant compte de la nature des tâches, de l’environnement de travail et de l’état de santé du salarié.

Tenue vestimentaire et chaleur : des limites fixées par l’employeur

Même en cas de fortes chaleurs, la liberté de se vêtir sur le lieu de travail reste strictement encadrée par le pouvoir de direction de l’employeur. En effet, celui-ci peut imposer une tenue vestimentaire adaptée aux exigences de sécurité (port d’équipements de protection individuelle pour prévenir tout risque professionnel) mais aussi conforme à l’image de l’entreprise et à ses relations commerciales avec la clientèle ou les partenaires.

Ainsi, le port d’un short, de vêtements trop légers ou trop décontractés peut être interdit, même lors d’une canicule, si cela nuit à l’image de marque ou compromet la sécurité.

Toute entorse à ces règles peut entraîner une sanction disciplinaire (Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-43.988), voire un licenciement pour faute en cas de refus répété.

Il est donc fortement recommandé aux salariés de vérifier le règlement intérieur ou de demander l’autorisation préalable de leur employeur avant d’adopter une tenue plus légère.

En cas de contestation, le salarié peut saisir les délégués du personnel ou le CSE, qui pourront rappeler à l’employeur qu’une restriction vestimentaire doit être justifiée et proportionnée au regard de la nature du poste et des risques encourus.

Le rôle de l’inspection du travail et des représentants du personnel

Les représentants du personnel, et notamment les membres du CSE (Comité Social et Économique), occupent une place centrale pour veiller au respect des obligations en matière de santé et de sécurité au travail, surtout lors de périodes de chaleur extrême.

En vertu de l’article L. 2312-5 du Code du travail, ils peuvent alerter l’employeur sur tout risque grave constaté ou toute situation de non-conformité, comme l’absence de mesures pour limiter l’exposition à la chaleur.

Lorsque l’employeur reste inactif malgré l’alerte, le CSE peut saisir l’inspection du travail, autorité de contrôle disposant de pouvoirs de constatation, de mise en demeure et, au besoin, de sanction (article L. 8112-1).

L’inspection du travail peut ainsi exiger la mise en place de ventilation, la fourniture d’eau potable, ou l’aménagement des horaires pour garantir la sécurité des salariés. Le salarié qui constate un manquement peut aussi s’adresser directement à l’inspecteur du travail, qui interviendra pour faire appliquer la réglementation, tout en préservant l’anonymat du plaignant si nécessaire.

Conclusion

En définitive, la gestion de la chaleur au travail ne peut être laissée au seul bon vouloir de l’employeur : elle relève d’un cadre légal précis, structuré par le Code du travail et consolidé par la jurisprudence.

Du respect des normes de ventilation à l’accès à une hydratation suffisante, en passant par la possibilité d’adapter les horaires ou d’exercer son droit de retrait, chaque mesure contribue à garantir la sécurité physique du salarié.

Il appartient donc à chacun d’être informé, de faire valoir ses droits et, le cas échéant, de se tourner vers l’inspection du travail ou le CSE pour faire respecter ses garanties, tout en se tenant informé grâce aux ressources mises à disposition sur defendstesdroits.fr.

FAQ

1️⃣ Quelles obligations l’employeur doit-il respecter en cas de forte chaleur au travail ?
En cas de températures élevées, l’employeur doit impérativement protéger la santé et la sécurité de ses salariés, conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail. Cela implique de renouveler l’air dans les locaux (article R. 4222-1), de mettre à disposition de l’eau potable et fraîche (article R. 4225-2) et, pour certaines activités comme le BTP, de fournir au moins 3 litres d’eau par jour par travailleur (article R. 4534-143). L’employeur doit aussi adapter l’organisation du travail : aménager les horaires, prévoir des pauses supplémentaires ou recourir au télétravail lorsque c’est possible. Ces mesures ne sont pas de simples recommandations, elles découlent de l’obligation générale de sécurité. Si elles ne sont pas respectées, l’employeur peut engager sa responsabilité civile et, en cas d’accident, être poursuivi pour faute inexcusable.

2️⃣ Le salarié peut-il refuser de travailler en cas de canicule ?
Oui. Si la chaleur expose le salarié à un danger grave et imminent pour sa santé, il peut exercer son droit de retrait, prévu à l’article L. 4131-1 du Code du travail. Il doit toutefois avoir un motif raisonnable : déshydratation, malaise ou tout risque avéré pour sa santé. Le salarié doit informer immédiatement l’employeur ou son supérieur hiérarchique, de préférence par écrit (email, lettre remise en main propre ou courrier recommandé). Pendant l’exercice du droit de retrait, aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prononcée (article L. 4131-3). L’employeur ne peut pas obliger le salarié à reprendre son poste tant que le risque persiste.

3️⃣ Existe-t-il une température maximale autorisée pour travailler ?
En France, le Code du travail ne fixe pas de température maximale précise, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne. La loi repose sur le principe de prévention des risques : si la température ambiante est de nature à compromettre la santé du salarié, l’employeur doit adapter les conditions de travail. À défaut, le salarié peut faire valoir son droit de retrait. La jurisprudence retient que l’absence de mesures adaptées (absence de ventilation, pas d’aménagement des horaires, pas d’accès à de l’eau) peut constituer un manquement grave à l’obligation de sécurité. L’inspection du travail peut être saisie pour constater toute infraction et exiger des mesures immédiates.

4️⃣ Quelles solutions concrètes l’employeur doit-il mettre en place pour limiter la chaleur ?
Pour prévenir les risques liés à la chaleur, l’employeur peut et doit mettre en place plusieurs mesures concrètes :

  • Installer ou entretenir un système de ventilation efficace pour limiter l’élévation de la température.
  • Aménager les horaires pour éviter les heures les plus chaudes (travail tôt le matin ou plus tard le soir).
  • Augmenter la durée des pauses, notamment le midi.
  • Installer des zones ombragées ou des abris pour les salariés travaillant en extérieur.
  • Fournir des boissons fraîches en quantité suffisante.
  • Mettre à disposition, si besoin, des espaces climatisés mobiles pour les pauses.
    Ces actions doivent être adaptées à la situation et régulièrement évaluées pour rester efficaces.

5️⃣ Que faire si l’employeur ne respecte pas ses obligations en cas de forte chaleur ?
Si un employeur néglige ses obligations légales, le salarié peut d’abord en parler au CSE (Comité Social et Économique) ou à ses représentants du personnel. En l’absence de réaction, le salarié peut saisir l’inspection du travail, qui pourra procéder à un contrôle et ordonner des mesures correctives. En cas d’accident lié à un manquement aux règles de sécurité, le salarié peut engager une action pour obtenir une reconnaissance de faute inexcusable devant le pôle social du tribunal judiciaire. Il est fortement recommandé de conserver toute preuve (emails, attestations, constats médicaux) pour appuyer une démarche contentieuse. Sur defendstesdroits.fr, vous trouverez modèles de lettres, conseils pratiques et ressources pour défendre vos droits efficacement.

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