L’encadrement des frais bancaires prélevés lors d’une succession est désormais inscrit dans la loi. Un texte publié en mai 2025 vise à protéger les héritiers contre des pratiques tarifaires jugées opaques, voire excessives. Zoom sur les enjeux de cette réforme, son contenu et son impact attendu sur les familles endeuillées.
Lorsque survient un décès, les proches du défunt doivent accomplir une multitude de démarches administratives et juridiques, notamment pour le règlement de la succession. Parmi celles-ci, les relations avec la banque du défunt s’avèrent souvent complexes et coûteuses. Les établissements bancaires sont alors amenés à procéder à des opérations techniques : blocage des comptes, désolidarisation des comptes joints, transfert des fonds selon les instructions du notaire, mise à disposition d’un relevé détaillé, etc.
Ces prestations donnent lieu à une facturation variable, sans réel encadrement. Chaque établissement applique ses propres grilles tarifaires, avec des écarts considérables d’une banque à l’autre. Certaines facturations peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros, sans que les héritiers aient de visibilité sur leur justification ni sur les modalités de calcul. Ce flou tarifaire est d’autant plus critiqué qu’il intervient à un moment délicat, où les familles sont souvent psychologiquement fragiles et peu informées de leurs droits.
Face à ces constats, la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025, entrée en vigueur avec sa publication au Journal officiel du 14 mai 2025, vient poser des limites claires. Elle consacre pour la première fois dans le droit positif français des principes de gratuité et de proportionnalité des frais bancaires dans le cadre des successions.
Cette initiative vise une double finalité :
Concrètement, la loi crée trois cas de figure dans lesquels aucun frais ne peut être facturé par la banque du défunt sur ses comptes ou produits d’épargne.
La première situation concerne les cas où un héritier est en mesure de justifier rapidement sa qualité successorale, notamment via un acte de notoriété établi par notaire, ou une attestation d’héritier conforme à l’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier.
Dès lors que la succession ne présente pas de complexité particulière — c’est-à-dire, en l’absence de litiges entre héritiers, de crédit immobilier en cours, de comptes professionnels ou de sûretés — les opérations courantes de clôture de comptes et de transfert de soldes doivent être gratuites.
Ce principe entend éviter aux familles des frais injustifiés pour des tâches souvent automatisées, sans réel surcoût pour la banque.
La seconde situation visée est celle des petites successions. Lorsque l’ensemble des avoirs bancaires du défunt — comptes de dépôt, livrets, placements réglementés — n’excède pas 5 000 euros, les banques n’ont plus le droit de facturer de frais de succession.
Cette mesure vise à protéger les foyers modestes, pour qui des frais de quelques centaines d’euros peuvent représenter une part significative de l’héritage. C’est aussi une manière de préserver la dignité des ayants droit, dans des cas où le patrimoine transmis est peu important.
Enfin, la loi prévoit un exonération automatique des frais lorsque le défunt est mineur au moment du décès. Ce cas, bien que rare, est particulièrement sensible. Le législateur a souhaité éviter d’ajouter une charge financière à la douleur morale des parents ou des tuteurs concernés.
Au-delà des cas de gratuité, la loi introduit un principe plus large de proportionnalité et de transparence. Un décret d’application est prévu pour déterminer les règles de calcul des frais bancaires liés aux successions.
Ce décret devra établir des critères objectifs, permettant de s’assurer que les montants facturés par les banques correspondent aux coûts réellement supportés. Fini les facturations forfaitaires opaques : les établissements devront démontrer que les frais appliqués sont justifiés par des opérations concrètes.
L’administration veillera également à ce que les consommateurs soient mieux informés. Les brochures tarifaires devront distinguer clairement les frais liés aux successions, et les banques auront l’obligation d’annoncer les coûts prévisionnels aux héritiers dès les premiers échanges.
Pour permettre aux établissements de crédit de réviser leurs systèmes informatiques, leurs processus internes et leur communication, la loi fixe un délai de six mois à compter de sa promulgation avant son application.
Cela signifie que les dispositions ne seront pleinement effectives qu’à l’automne 2025, probablement en novembre. D’ici là, les banques sont tenues de se mettre en conformité, sous peine de sanctions potentielles en cas de pratiques non alignées avec la nouvelle réglementation.
La publication de cette loi a été largement saluée par les associations de défense des consommateurs, qui réclamaient depuis longtemps une telle régulation. L’Union nationale des associations familiales (UNAF), UFC-Que Choisir ou encore 60 Millions de consommateurs ont souligné le caractère équitable et pragmatique du texte.
Pour elles, cette réforme vient combler un vide juridique, en restaurer un équilibre entre la puissance des institutions financières et la fragilité des familles confrontées au deuil.
En parallèle, elles appellent à une vigilance accrue sur l’effectivité du décret à venir, afin que les principes posés par la loi se traduisent concrètement dans les pratiques tarifaires des établissements bancaires.